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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1031 - avril 2003 > L’irrésistible hégémonie du consommateur

 

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Avant de songer à leur véritable distribution, G-H Brissé se penche sur la REdistribution actuelle des richesses. Il s’aperçoit alors que partout, dans tous les domaines économiques et sociaux, des réformes énormes et fondamentales s’imposent. Mais sont elles possibles dans le système capitaliste ?

L’irrésistible hégémonie du consommateur

par G.-H. BRISSÉ
avril 2003

Les adaptations nécessaires doivent s’enraciner dans une politique de réformes adéquates, conformes à la définition d’un statut public de la personne, en termes de droits mais aussi de devoirs.

Si nous considérons, entre cent, ces réformes toujours annoncées mais reportées par les gouvernements successifs aux calendes grecques, celle concernant une fiscalité devenue extrêmement pesante, paralysante, donc aberrante, nous concerne tous, en tant que citoyens ou collectivités.

D’exemptions en exonérations successives, l’impôt sur le revenu des ménages ne concerne plus que la moitié des contribuables. Son instauration remonte au début du XXème siècle, à une époque où les producteurs salariés constituaient les gros bataillons de la population active. Ce n’est plus le cas à présent. Plus de cinq millions de contribuables soumis à cette imposition sont des agents des services publics, c’est-à-dire l’État et les collectivités territoriales. Imagine-t-on une entreprise privée contraignant ses salariés à lui reverser annuellement, une part des salaires qu’elle lui a versés, avec tous les frais induits, de paperasserie, de recouvrement, de contrôle ? L’État est le premier patron de France. La suppression progressive de l’impôt sur le revenu, tel qu’il est conçu actuellement et qui représente à peine 18 % des recettes fiscales globales, devrait être envisagée sur la période d’une législature. Les citoyens y gagneraient largement en réduction des frais généraux, en diminution des tracasseries administratives et en augmentation de leur pouvoir d’achat.

Il est curieux d’observer que tous les gouvernements successifs nous annoncent une réduction de l’impôt sur le revenu, ce qui apparaît comme une mesure profondément injuste, en ce sens qu’elle ne concerne qu’une moitié des contribuables soumis à l’impôt, censés être les plus nantis. Ces derniers, du reste, ne sont pas dupes quant au caractère purement démagogique de telles mesures, dès lors qu’ils s’aperçoivent très vite qu’ils sont soumis parallèlement à d’autres majorations (foncier, impôts locaux, CSG, etc.) sans compter une hausse des prix de 8 % (selon le CREDOC) sur dix-huit mois largement consécutive à la mise en place de l’euro.

La taxe à la valeur ajoutée (TVA) concerne par contre tous les individus, de la naissance à la mort, en leur qualité de consommateurs. Elle se situe au centre d’un débat qui l’entache d’injustice au regard de certains analystes. Le plus pauvre y est assujetti au même titre que le possédant. Rien ne s’oppose, toutefois (hormis des directives européennes toujours modifiables) à ce qu’elle soit davantage modulée : taux réduit sur les denrées ou services de première nécessité et de grande consommation, pourcentage accru, à hauteur de 30 à 40 %, sur les produits ou services de demi-luxe ou de luxe - hormis ceux destinés à l’exportation [*]. En règle générale, il conviendrait d’encourager une taxation minorée en faveur des produits faisant peu appel à l’importation. Ainsi conçue et corrigée, la TVA répondrait mieux à des critères de justice sociale.

Autre particularité de l’aspect aberrant de notre système fiscal : d’un côté, on s’acharne à lutter contre le chômage, à susciter la création d’emplois et, pour ce faire, on met sur les rails de coûteux et très décevants plans pour l’emploi avec, à l’appui, des subventions considérables allouées par l’État aux entreprises. Et puis l’on s’aperçoit que le taux de chômage continue à grimper, que les entreprises ne renoncent pas pour autant à délocaliser leurs activités en des lieux plus propices et à procéder à des licenciements massifs…

Favoriser les créations d’emplois doit passer par la préoccupation première de dépénaliser le travail. Et supprimer les charges sociales et fiscales pesant sur les salaires, c’est aussi rendre beaucoup moins attrayant le travail clandestin, sous réserve d’un strict respect des lois sociales en vigueur.

La contribution sociale généralisée (CSG) œuvre dans le sens de la simplification et d’une meilleure justice de répartition, dans la mesure où elle intégrerait in fine la globalité des cotisations sociales, avec toutefois, une exigence de mise en œuvre d’un taux dégressif concernant les bas revenus et les retraités [*].

Quant aux impôts locaux, leur assiette mériterait d’être réévaluée en fonction des revenus des ménages, et, par une péréquation inter-communale, dans le cadre des collectivités locales dites de pays. Certaines réalisations, qui ne concernent qu’un public restreint, seraient plus judicieusement financées par le biais du secteur associatif, par les usagers eux-mêmes, à l’exclusion de ceux qui ne sont pas concernés.

Enfin, d’autres pistes exigeraient, en matière de fiscalité, une exploration plus affinée : la taxation des bénéfices des entreprises non-réinvestis dans la production ou la formation, après déduction de la part d’auto-financement ; la pollutaxe, frappant plus lourdement les activités polluantes ; l’impôt sur l’énergie, concernant les collectivités publiques et privées, incitées de la sorte à réaliser des économies d’énergie...

Mais nous demeurons persuadés que le recouvrement des finances publiques par un prélèvement automatique “à la source” sur les mouvements de fonds bancaires (selon un pourcentage variant de 0,1 à 1% selon leur montant) constituerait le moyen le plus rationnel, le plus juste et le plus valorisant en termes de coûts, d’assurer le financement des collectivités publiques.

Pour une redistribution plus harmonieuse des biens et des services

Quand la richesse produite est source d’incompressibles gaspillages, que sa juste répartition (y compris à travers la politique fiscale) fait défaut, que les structures ainsi déployées n’engendrent que pénuries, famines, grande pauvreté croissante, surendettement généralisé, inégalités sociales criantes, chômage massif, précarité des revenus et de l’emploi, mendicité sous forme d’indigence, exclusion sociale, l’évidence d’une catastrophe annoncée commande, dans l’urgence, de changer de cap.

Une redistribution plus harmonieuse des biens et des services par le biais du revenu garanti, qui introduit un droit à la subsistance pour tous, constitue à terme, un avantage appréciable pour la collectivité publique : l’État récupère des recettes fiscales accrues avec la TVA ; et l’on peut attendre de ce dispositif un meilleur bien-être de la population tout entière, une diminution sensible des dépenses de santé, de sécurité, de l’usage des drogues et autres stupéfiants.

Quel risque ? — Aucun ! Cette mesure à vocation universelle est à la portée d’un seul État, et personne, ni les établissements bancaires, ni les organisations financières internationales, ni la Commission Européenne, ne pourrait la remettre en cause.

Quant aux gisements d’activités, ils existent bien ; ils ne demandent qu’à se libérer et à s’exprimer. À condition, encore une fois, de dépénaliser “le travail” par une réforme fiscale adéquate.

Un changement social objectivé et programmé s’avère indispensable pour résoudre les problèmes qui se posent à notre société. La “logique” qui préside à l’organisation des marchés financiers a, l’expérience l’a amplement prouvé, un effet éminemment destructeur en termes sociaux et culturels. Et l’on ne peut que constater l’incapacité des États et des collectivités publiques à s’opposer aux forces du marché et à maîtriser les nuisances très négatives qu’elles engendrent. Quant à la croissance prônée comme panacée par la plupart des économistes, elle tend à supprimer beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en crée. Une politique de résorption du chômage, de la flexibilité et de la précarité de l’emploi ne peut se réduire au taux de croissance.

La croissance constitue certes l’un des baromètres de la richesse produite. Il est possible de multiplier à l’infini les capacités de production, d’échange, de communication. Mais à quoi sert-il de produire toujours plus si les richesses sont mal réparties ou vouées au gaspillage ? L’objectif d’une entreprise est de produire pour vendre au meilleur prix et en tirer un bénéfice. Mais qu’advient-il si ce profit s’évade vers la spéculation stérile et improductive, et si la grande masse des consommateurs ne dispose pas d’un pouvoir d’achat suffisant ?

Le XXIème siècle consacrera l’hégémonie du consommateur, au sens le plus large, citoyen et le plus noble du terme : consommateurs de biens, de services, de loisirs, de culture, de spiritualité. Nous sommes tous des consommateurs, de la naissance à la mort, alors que les producteurs, en particulier salariés, verront leurs effectifs continuer à fondre comme neige au soleil.

Il convient donc de réorienter les politiques et le syndicalisme militant à l’aune de cette évolution. Il s’avère urgent, pour surmonter l’universelle désespérance, d’assurer à chacun un revenu garanti, un statut et une reconnaissance sociale, pour une activité digne, valorisante et volontairement assumée.

Et pour ce faire, la personne humaine devra être replacée au point sensible du tissu social.

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[*] QDLR Pourquoi ?

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