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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1040 - février 2004 > Qui fait l’argent nouveau ?

 

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Dans notre dossier sur la monnaie (GR 1027-1035,1038), nous avons expliqué (GR 1028) de quelle façon les banques créent la monnaie ex-nihilo. Mais Renaud Laillier a souhaité reprendre cet exposé, en s’inspirant de Louis Even (1885-1974), auteur de “Pour règler le problème de la pauvreté”, et créateur du mouvement créditiste ultracatholique, qui défend le “dividende social” (présenté dans GR 1035, page 8).

Qui fait l’argent nouveau ?

par R. LAILLIER
février 2004

Il y a beaucoup de bonnes choses au pays, mais …qu’est-ce qui manque, à part du pouvoir d’achat, pour faire passer les produits des magasins aux maisons ? Où commence l’argent qui nous manque pour avoir les biens qui ne manquent pas ?

La première idée qu’on entretient, sans trop s’en rendre compte, c’est qu’il y a une quantité stable d’argent, et qu’on ne peut pas changer ça : comme si c’était le soleil ou la pluie, ou la température. Idée fausse : s’il y a de l’argent, c’est qu’il est fait quelque part. S’il n’y en a pas plus, c’est que ceux qui le font n’en font pas plus.

Deuxième idée : quand on se pose la question, on pense que c’est le gouvernement qui fait l’argent. C’est encore faux. Le gouvernement aujourd’hui ne fait pas l’argent et se plaint continuellement de ne pas en avoir. S’il en faisait, il ne se croiserait pas les bras dix ans en face du manque d’argent. Et on n’aurait pas, par exemple en France, une dette nationale frisant les 60% du PNB et que les services fiscaux se chargent de nous faire rembourser à des banques privées que sont les banques commerciales dont le but est de faire des bénéfices !…

Et qui en font ! En 2003, la presse financière s’extasie devant les profits, 30% et plus des banques d’affaires. […]

Deux sortes d’argent

L’argent, c’est tout ce qui sert à payer, à acheter ; tout ce qui est accepté par tout le monde dans un pays en échange de choses ou de services.

Actuellement, on a deux sortes d’argent dans la plupart des pays : de l’argent de poche, fait en métal et en papier ; et de l’argent de livre ou d’ordinateur, fait en chiffres. L’argent de poche est le moins important ; l’argent des livres est le plus important. L’argent de livre (ou sur ordinateur), c’est le compte en banque. Toutes les affaires marchent par des comptes de banques. L’argent de poche circule ou s’arrête selon la marche des affaires. Mais les affaires ne dépendent pas de l’argent de poche, ou si peu ; elles sont activées par les comptes de banque des millieux d’affaires.

Avec un compte en banque, on paie et on achète sans se servir d’argent de métal ou de papier. On achète, par exemple avec la carte bancaire, avec des chiffres.

Supposons que j’ai un compte en banque de 50.000 $. J’achète une voiture de 20.000 $. Je paie par un chèque. Le marchand endosse et dépose le chèque à sa banque. Le banquier touche deux comptes : d’abord celui du marchand, qu’il augmente de 20.000 $ ; puis le mien, qu’il diminue de 20.000 $. Le marchand avait, par exemple, 500.000 $ ; il a maintenant 520.000 $ écrit dans son compte en banque. Moi, j’avais 50.000 $, il y a maintenant 30.000 $ écrit dans mon compte en banque.

L’argent de papier n’a pas bougé pour cela dans le pays. J’ai passé des chiffres au marchand. J’ai payé avec des chiffres. Plus des neuf dixièmes des affaires se règlent comme cela. C’est de l’argent de chiffres qui est l’argent moderne ; c’est le plus abondant, le plus noble, celui qui donne des ailes à l’autre, le plus sûr, celui qui est le plus difficile à voler.

Épargne et emprunt

L’argent de chiffre, comme l’autre, a un commencement. Puisque l’argent de chiffres est un compte en banque, il commence lorsqu’un compte en banque commence, sans que l’argent diminue nulle part, ni dans un autre compte en banque ni dans aucune poche. On fait, ou on grossit, un compte en banque de deux manières : l’épargne et l’emprunt. Il y a d’autres sous-manières, mais elles peuvent se classer sous l’emprunt.

Le compte d’épargne est une transformation d’argent. Je porte de l’argent de poche au banquier ; il augmente mon compte d’autant. Je n’ai plus l’argent de poche, j’ai de l’argent de chiffre à ma disposition. Je peux réobtenir de l’argent de poche, mais en diminuant mon argent de chiffres d’autant. Simple transformation.

Mais nous cherchons ici à savoir où commence l’argent. Le compte d’épargne, simple transformation, ne nous intéresse donc pas pour le moment. Le compte d’emprunt est le compte avancé par le banquier à un emprunteur. Je veux agrandir mon atelier ou mon usine. Il ne me manque que de l’argent. Je vais à une banque et j’emprunte 100.000 $ sur garantie. Le banquier me fait signer les garanties, la promesse de rembourser avec intérêts. Puis il me prête 100.000 $. Le banquier va donc m’avancer un compte de 100.000 $ comme si je les avais apportés à la banque… Est-ce un compte d’épargne, fait par moi ? Non, c’est un compte d’emprunt bâti par le banquier lui-même, pour moi.

Qui fait l’argent nouveau ? Le banquier !

Questionnons le banquier :

— Monsieur le banquier, avez-vous moins d’argent dans votre tiroir après m’avoir prêté 100.000 $ ?
— Mon tiroir n’est pas touché.
— Les comptes des autres ont-ils diminué ?
— Ils sont exactement les mêmes.
— Qu’est-ce qui a diminué dans la banque ?
— Rien n’a diminué.
— Pourtant mon compte en banque a augmenté. D’où vient cet argent que vous me prêtez ?
— Il vient de nulle part.
— Où était-il quand je suis entré à la banque ?
— Il n’existait pas.
— Et maintenant qu’il est dans mon compte, il existe. Alors, il vient de venir au monde ?
— Certainement.
— Qui l’a mis au monde, et comment ?
— C’est moi, avec ma plume (alias ordinateur) et une goutte d’encre, lorsque j’ai écrit 100.000 $ à votre crédit, à votre demande.
— Alors, vous faites l’argent ?
— La banque fait l’argent de chiffres, l’argent moderne, qui fait marcher l’autre en faisant marcher les affaires.

Le banquier fabrique l’argent, l’argent de chiffres, lorsqu’il prête des comptes aux emprunteurs, particuliers, entreprises ou gouvernements. Lorsque je sors de la banque, il y a dans le pays, dans le monde, une nouvelle base de chèques qui n’y était pas auparavant. Le total des comptes de banques du pays et du monde est augmenté de 100.000 $. Avec cet argent nouveau, je paie des ouvriers, des fournisseurs, du matériel, des machines, j’érige ma manufacture, mon atelier, mon usine.

Le destructeur d’argent

Le banquier, et le banquier seul, fait cette sorte d’argent : l’argent d’écriture, l’argent dont dépend la marche des affaires. Mais il ne donne pas l’argent qu’il fait. Il le prête. Il le prête pour un certain temps, après quoi il faut le lui rapporter. Il faut rembourser. Le banquier réclame de l’intérêt sur cet argent qu’il fait.

Dans mon cas, il est probable qu’il va me demander immédiatement 10.000 $ d’intérêt. Il va les retenir sur le prêt, et je sortirai de la banque avec un compte net de 90.000 $, ayant signé la promesse de rapporter 100.000 $ dans un an. En construisant mon usine, je vais payer des hommes et des choses, et vider sur le pays, sur le monde, mon compte en banque de 90.000 $.

Mais d’ici un an, il faut que je fasse des profits, que je vende plus cher que je paie, de façon à pouvoir, avec mes ventes, me bâtir un autre compte en banque d’au moins 100.000 $.

Au bout de l’année, je vais rembourser, en tirant un chèque sur mon compte accumulé de 100.000 $. Le banquier va me débiter de 100.000 $, donc m’enlever ces 100.000 $ que j’ai retirés du pays, du monde, et il ne les mettra sur le compte de personne. Personne ne pourra plus tirer de chèque sur ces 100.000 $.

C’est de l’argent mort.[…]

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