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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1044 - juin 2004 > La faillite, la voilà !

 

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RÉFLEXIONS

La faillite, la voilà !

par M.-L. DUBOIN
juin 2004

Le 19 mai dernier, l’ancien président de la République fêtait les 30 ans de son élection. Ce fut pour la presse l’occasion de rappeler le bilan de son septennat. Et c’est la possibilité de prendre du recul pour éclairer l’actualité.

Lorsque VGE remplaça à la tête du gouvernement Jacques Chirac par Raymond Barre, lui confiant aussi le ministère de l’économie et des finances, la situation économique était qualifiée de très mauvaise, le nombre de chômeurs frôlant le million et le taux d’inflation menaçant d’atteindre 13% pour l’année. Mais tout allait s’arranger parce que le “meilleur économiste de France” connaissait le remède : il fallait tout simplement freiner l’inflation, car il savait que si l’activité économique, et l’emploi par conséquent, étaient en perte de vitesse, c’est parce que les prix étaient plus élevés en France qu’ailleurs, ce qui rendait nos produits moins compétitifs ; il fallait donc limiter la demande pour retrouver à la fois la compétitivité, la croissance et l’emploi. Et il sut imposer les mesures d’austérité nécessaires, augmentation des impôts sur les revenus les plus élevés et sur les sociétés, augmentation des cotisations sociales et des taxes, blocage des prix, etc., et puis, bien sûr, susciter la confiance de la Bourse et le consentement des Français par de gros efforts de communication.

Ce fut pourtant un échec sur toute la ligne. Non seulement l’inflation fut bien plus élevée qu’en Allemagne, mais l’assainissement des finances, que R. Barre devait si bien faire, ne fut pas au rendez- vous, la dette de l’État passa de 8,1% du PIB en 1974 à 13,8% en 1979, le déficit de la balance commerciale bondit de 13 à 62 milliards de francs. Et le chômage augmenta de 10% en un an…

Qu’en est-il aujourd’hui de la bête noire de R.Barre, l’inflation des prix ? — Elle a été terrassée par la Banque centrale européenne, dont ce fut la priorité absolue. Mais les conséquences de cette maîtrise ne sont pas du tout celles que promettait notre Excellence en économie, car la situation est encore pire. Non seulement les finances de l’État ne sont pas “assainies” mais en plus, on nous dit qu’il faut confier les retraites à des sociétés financières privées, que la sécurité sanitaire ne peut plus être assurée car les soins coûtent trop cher, quant au chômage, c’est une véritable catastrophe humaine, il ne s’agit plus d’un seul million de chômeurs mais de près de trois millions, sans compter les “fins de droits”, les précaires, les intermittents, les temps partiels contraints et tous les “working poors” qui touchent un salaire insuffisant pour pouvoir en vivre décemment.

Qu’on cesse donc de nous raconter que le remède est dans des mesures conjoncturelles telles que baisser les impôts et augmenter des taxes, épargner moins et préparer sa propre retraite, allonger la durée du travail et consommer plus, le salut n’est ni dans la flexibilité de l’emploi, ni dans la prise de responsabilité.

Toutes les prouesses en art de la communication ne relanceront pas l’économie simplement en restaurant “la confiance”.

La faillite de l’économie est d’un tout autre ordre. Résistant à toutes ces mesures, mêmes contradictoires, c’est la disparition des emplois “rentables” qui en est la cause profonde, mais elle n’est absolument jamais regardée en face, tant par les responsables politiques que par leurs conseillers économiques, alors que ses conséquences touchent tous les domaines : il est évident, par exemple, que la gestion, même paritaire, de l’assurance sociale, bien organisée quand le nombre de chômeurs à assurer était de quelques dizaines de milliers, rencontre des difficultés inédites quand ce nombre passe à plusieurs millions [1].

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L’augmentation irrésistible du chômage vient de la “grande relève de l’homme par la science” dans tous les processus de production des biens de première nécessité. Ces biens sont produits avec de moins en moins de main d’œuvre, ce qui permet à de moins en moins d’êtres humains de vivre de leur emploi dans les secteurs dits primaire et secondaire (en gros, dans l’agriculture et l’industrie). Quant au secteur qui se développe (celui des services), les emplois très qualifiés et rentables (mais pas toujours évidemment utiles) qu’il crée, ne sont pas accessibles, loin de là, à tous les exclus des deux autres secteurs ; tandis que les emplois qui y seraient très utiles et très nécessaires (culture, enseignement, santé, aides aux plus démunis, aides à la recherche, etc.) n’y sont pas créés parce qu’ils ne sont pas “rentables” dans notre système économique.

Comme on peut le constater dans l’esprit de la constitution préparée pour l’Europe sous la direction de VGE, les tenants du libéralisme s’obstinent à faire perdurer ce système économique en cherchant à “marchandiser” ces services, ce qui revient à traiter l’être humain comme une vulgaire marchandise et pousse à une consommation aveugle et dangereuse. Alors que ce sont les fondements de ce système qu’il faut de toute urgence remettre en question, afin que tout le monde soit assuré d’avoir de quoi vivre, y compris ceux dont l’activité, bien qu’utile, n’est pas “payante”.

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[1] Un syndicaliste l’a exprimé par une phrase simple et qui résume tout : « Comment peut-on prétendre gérer et gouverner une institution dont on ne maîtrise ni les recettes ni les dépenses ? » Rappelons à ce sujet les exonérations de cotisations patronales (plusieurs milliards) décidées par le gouvernement sous prétexte d’aider à créer des emplois…

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