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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1046 - août-septembre 2004 > Quand Ulysse réfléchit

 

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LECTURE

Quand Ulysse réfléchit

par M.-L. DUBOIN
août 2004

Le club Ulysse réunit des « économistes et des observateurs de la vie politique, économique et sociale » pour « éclairer et enrichir les débats sur les grandes échéances électorales ». Docteur en droit et en histoire économique et sociale, chargé de recherche économique à la CFTC, Philippe Arondel en fait partie et il nous a adressé l’ouvrage intitulé La pauvreté est-elle soluble dans le libéralisme ? qu’il vient de publier aux éditions Belin, dans le cadre de ce club.

Fort bien documenté, s’appuyant sur des faits irréfutables, cet ouvrage analyse la politique menée par la majorité issue du “psychodrame du 21 avril 2002” : Elle consiste, dit-il, à graver dans le marbre de la loi des normes salariales au rabais, reformulées sous la dictée du marché et au nom d’une prétendue urgence “érigée en dogme”. Le comble est que ce « putsch contre le droit du travail », selon le terme employé par l’auteur, a été présenté comme destiné à aider à la création d’emplois  ! Philippe Arondel semble donc très indulgent lorsqu’il se demande s’il y a « vraiment lieu de suspecter notre Premier ministre d’user d’une rhétorique perverse, voire d’un scandaleux double langage, lorsqu’il martelait, le 3 jullet 2002, dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale  : « Les baisses de charge constituent la clé de voûte de notre stratégie. Ce n’est pas de l’idéologie, mais tout simplement ça marche, ça crée des emplois. Et c’est pour ça qu’il faut le faire… C’est pour ça qu’il faut alléger les charges ».

Effectivement, depuis 1992, les gouvernements ont été unanimes pour favoriser la modération et la flexibilité des salaires, pour aider le développement de l’emploi temporaire ou à temps partiel et pour réduire les cotisations patronales comme “peau de chagrin”. L’auteur ne peut que déplorer l’échec de cette politique : la proportion des bas salaires a beaucoup augmenté, et la pauvreté encore plus.

S’il exprime ce constat en termes réservés et prudents : « Sauf à se laiser bercer de rêves illusoires, il paraît difficile d’imaginer que l’on puisse planifier le moindre recul de la pauvreté sans que le mode de fonctionnement et d’allocation de la ressource humaine dans l’entreprise ne soit, sinon bouleversé de fond en comble, du moins révisé de façon drastique », notre économiste qui « refuse toute crispation de type néo-gauchiste » ( ?) n’en est que plus éloquent auprès d’un certain public, celui qui, n’ayant pas directement été victime de cette politique, a besoin de ce style policé pour, peut-être, commencer à se poser quelques questions à propos de « mythes qui ont la vie dure »…

Il n’empêche que la conclusion de cette étude rejoint presque celle d’André Gorz dans son dernier livre “L’immatériel” (analysé dans GR 1030, p.5). La politique actuelle y est en effet décrite comme menant à « une séparation de corps avec notre histoire » en ces termes : « on se plaît, avec plus ou moins de précaution, à esquisser les grandes lignes de force d’une société - ou plutôt d’une anti société – où l’homme, libéré du lien de subordination salariale traditionnel, deviendrait le capitaliste de lui-même, le vendeur de son portefeuille de compétences et de savoir-être dans un espace économique uniquement piloté par la loi d’airain de la concurrence sauvage ».

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