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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1055 - juin 2005 > Construire l’avenir

 

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ÉDITORIAL

Construire l’avenir

par M.-L. DUBOIN
juin 2005

Quel que soit le résultat du référendum du 29 mai, qui n’a pas eu lieu alors que nous écrivons ces lignes, il en restera au moins quelque chose de très positif : la démonstration, grâce à tous les débats qu’il a suscités, que les Français sont capables de réflexion, qu’ils n’entendent pas être soumis à ce que décident en leur nom les professionnels de la politique, avec ceux que ces derniers ont cooptés pour écrire leur projet. Pour reprendre une expression venue, jadis, de très haut, ls ne sont pas que des veaux …

Mais si cette manifestation d’une prise de conscience se traduit par un refus du traité dit constitutionnel, que ceux qui l’ont tant défendu, et par tant de moyens, et pas toujours trés honnêtes ni bien respectueux de l’opinion adverse, ne viennent pas demain raconter que si l’Union européenne est en perte de vitesse au point de vue économique, c’est parce que le traité a été rejeté. Car c’est le 24 mai que l’Organisation de coopération et de développement économique (l’OCDE) a publié ses Perspectives économiques. Et elles ne correspondent pas du tout aux effets que devait avoir la politique économique préconisée par les traités précédents et reprise dans sa partie III pour être constitutionnalisée. Le constat de l’économiste en chef de l’OCDE, J-P Cotis, est clair : « Contrairement aux attentes, le scénario de reprise partagée ne s’est pas matérialisé ». Alors que l’activité a « rebondi » au Japon [1], il constate qu’en Europe « la reprise manque cruellement à l’appel » et poursuit sans ambiguïté : « avec le recul, il apparaît de plus en plus clairement que les explications de circonstance (guerre en Irak, chocs pétroliers, fluctuations des changes…) ne suffisent pas à expliquer la succession de reprises avortées en Europe ». Le résultat est annoncé : les perspectives de croissance pour 2005, qui sont chiffrées à 2,6% pour l’ensemble des autres pays de l’OCDE, dont 3,6% pour les États-Unis et 1,5% pour le Japon, sont incertaines et faibles pour la zone euro, 1,2%, même pas la moitié de la moyenne. L’économie néerlandaise s’effondre alors que sa croissance était supérieure à la moyenne européenne dans les années 1990. En Allemagne, les exportations ont beau être excédentaires, il n’empêche que les rentrées fiscales sont tellement en baisse que le pacte de stabilité ne sera pas tenu. Au Portugal non plus, où le ministre des finances s’étonne : « la situation budgétaire est plus difficile qu’attendu » ! En Italie non plus, où la récession sévit, et contre laquelle la Commission européenne va lancer en juin une procédure « en déficit excessif ».

La politique des restrictions sociales imposées partout, sous prétexte de soutenir cette fameuse compétitivité des entreprises qui est l’âme des traités de l’UE, est donc loin d’avoir entraîné la croissance tant attendue. Et comme c’est celle-ci qui devait provoquer la décroissance du chômage, il n’y a pas non plus d’illusion à se faire côté emplois.

Cet échec si évident de la politique de compétitivité ne peut que provoquer le mécontentement des électeurs quand ils peuvent s’exprimer. Ceux qui, en Europe, n’ont pas pu se prononcer sur les traités, le manifestent dès qu’il y a élection, ce qui vient de se traduire par une véritable débâcle électorale pour le Chancelier Schröder, après celle de Berlusconi.

Nos entreprises sont-elles pour autant renforcées dans leur compétitivité ? Non ! Les voila en effet, qui s’effraient d’avoir à se défendre contre l’invasion du marché mondial des textiles par la Chine… Alors que ce pays ne fait que jouer le même jeu, en tirant parti de sa main d’oeuvre mal payée sur un marché que l’Organisation mondiale du commerce, comme le traité constitutionnel pour l’Union européenne, veut par principe “libre et non faussé” donc sans droits de douane qui aideraient les plus faibles !

Et tout en continuant de miser sur cette compétitivité, presque personne ne s’inquiète de ses ravages sur les pays exploités à qui le FMI et la Banque mondiale imposent, depuis plus d’un quart de siècle, de tout sacrifier à l’exportation sur le marché mondial. Il faut le courage admirable d’une association comme le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers monde (le CADTM) pour continuer à les dénoncer [2].

La leçon de tous ces constats est l’impérieuse nécessité de renoncer à cette façon d’organiser l’économie. La volonté de l’élever au rang d’institution quasi inamovible dans l’Union européenne vient enfin de soulever des réticences. Mais il faut aller plus loin. En inventer d’urgence une autre, conçue celle-ci pour que les besoins les plus élémentaires de tous puissent être satisfaits, dans un monde qui en a la capacité, sans plus saccager inconsidérément la planète, ni compromettre l’avenir de l’humanité.

Heureusement, la société civile commence à se mobiliser. De très nombreuses associations se forment, s’activent, tentent des expériences et les confrontent. C’est d’elles qu’on peut espérer le salut, et il faut y participer. Nous ne sommes plus seuls. C’est partout dans le monde que l’utopie est enfin à l’ordre du jour et devient sujet de réflexions et d’essais. On en trouvera dans ce numéro encore une preuve : le témoignage qui nous vient du Mexique à propos de ce qui s’élabore et se tente en Amérique du sud.

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[1] qui, que l’on sache, n’a pas encoredemandé son intégration à l’Union européenne !

[2] Lire absolument, à ce propos, leur dernier ouvrage Les tsunamis de la dette, analysé ci-après.

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