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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 654 - décembre 1968 > Compte-rendu de l’assemblée annuelle du M.F.A.

 

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Compte-rendu de l’assemblée annuelle du M.F.A.

(17 novembre 1968)
par SPECTATOR
décembre 1968

La séance du matin s’est ouverte à 10 h. 30 au Siège Social, sous la présidence de Jacques Duboin, Président du M.F.A. Il donne tout de suite la parole à E. Pilard pour la lecture de son rapport sur l’activité de notre association et l’évolution de sa trésorerie, au cours de l’exercice écoulé. Cet exposé très complet est adopté à l’unanimité. Après avoir remercié E. Pilard, le Président parle des mois qui suivirent la clôture de l’exercice. Notre activité s’est ressentie des désordres de mai et de juin. Le numéro de mai de la Grande Relève parvint aux abonnés avec un mois de retard, ce qui lui enlevait toute signification ; celui de juin fut entièrement composé mais ne pouvait être tiré qu’avec un nouveau retard. Cependant certains de nos camarades ne restèrent pas inactifs ni à la Sorbonne, ni à la Halle - aux - Vins. Ils rendront compte de leur action dans la séance de cet après- midi. Un fait évident, c’est que les cotisations et les abonnements furent difficiles à faire rentrer. Cependant, d’une façon générale, si le M.F.A. a perdu des adhérents pour des raisons diverses, décès, âge, découragement, etc ; il en a recruté de nouveaux, ce qui prouve que nos théories font maintenant de rapides progrès, car nous n’avions pu organiser que peu de conférences publiques et contradictoires. Ainsi des adhésions nous arrivent de l’étranger, en particulier de Barcelone. Des hommes politiques en renom s’intéressent à notre action. De grands quotidiens n’observent plus le complet silence en ce qui concerne nos thèses. En terminant, le Président rappelle à nos camarades que notre siège social a un loyer trop lourd pour nous (720.000 anc. F par an) , et qu’il y a lieu d’en découvrir un autre. La séance fut levée à midi. Elle fut reprise à 14 heures 30 devant une assistance beaucoup plus nombreuse que l’année dernière.

Lecture est donnée d’une lettre de Madame Raymonde Curie retenue chez elle par l’opération chirurgicale que vient de subir son mari. Nos camarades sont unanimes pour souhaiter la prompte convalescence de M. le Professeur Curie, et la réapparition aussi rapide de la signature de Madame Curie dans la Grande Relève.

Lecture est donnée de plusieurs voeux émanant de camarades absents, en particulier de ceux de notre camarade Delignac au nom de notre section de Bordeaux.

Le Président lit ensuite la lettre de notre ami Georges Meyers, au nom du Mouvement Belge pour l’Abondance. ’L’activité de nos camarades wallons ne ralentit pas. Ils distribuent des milliers de circulaires dénonçant la misère dans l’abondance, pour réclamer la priorité des pensions des vieux travailleurs, etc. Ils ont fait imprimer le texte de notre disque de propagande dont ils, espèrent vendre un bon nombre, car ils le considèrent comme un excellent moyen de diffusion. Dans la lettre, Georges Meyers ajoute encore : « La lettre du Général Lasserre à votre Premier Ministre a dû faire une grande impression auprès des lecteurs de la Grande Relève ; il est bien regrettable que, jusqu’à présent, le Mouvement Belge pour l’Abondance n’ait pas un personnage qualifié qui puisse en faire autant au chef actuel de notre gouvernement, ancien professeur à l’Université Catholique de Louvain, et collègue du fameux économiste Baudhuin. Nous allons donner connaissance de la lettre du Général Lasserre à nos partis politiques et à nos mouvements sociaux. » La lettre de nos amis belges fut très applaudie et provoqua peu après le petit incident que voici : le Président faisant précisément allusion à la belle lettre du Général Lasserre, en rappelant qu’il avait également écrit, dans le même sens, au Chef de l’Etat et à plusieurs membres du gouvernement, estime que ses interventions nous sont fort précieuses, et que nous ne tarderions peut-être pas longtemps à nous en apercevoir. En conséquence il demande à l’auditoire de voter, à mains levées, des remerciements bien sincères au Général : tous les bras se dressent d’un même élan - Epreuve contraire ! - Dans un silence complet, une main finit par se lever, mais ce n’est pas pour protester mais pour remercier ! Alors les applaudissements redoublent puisqu’on comprend que le Général est présent. Il est venu assister à notre assemblée annuelle dans le plus strict incognito.

Sur la proposition du Président, l’Assemblée est encore unanime pour féliciter Jules Leclerc pour le disque de propagande qu’il a conçu et réalisé. Elle le félicite aussi d’avoir créé le groupe des Compagnons de l’Abondance dont la générosité permet au M.F.A. d’affronter sans encombre les échéances difficiles.

Il est alors procédé à l’élection des membres du Comité Directeur pour l’exercice 1969. Sur la proposition du Président sont élus, à Paris, les camarades Blanchet, Buguet, Hervé, Gouinguenet, Leclerc, Loriant, Lucas, Mathieu, Pasch, Pilard, Rousseau, Steydlé, Varnas.

En province et à l’étranger, les camarades Godeau (Saint-Nazaire), Lepage (Vic-sur-Bigorre), Mustel (Rouen), Pastor (Marseille), Vexliard (Ankara).

A l’unanimité, il est encore décidé que notre exercice actuel sera prolongé jusqu’au 31 décembre 1969, de manière à ce que, dorénavant, nos exercices iront du 1er janvier au 31 décembre, comme c’est d’ordinaire l’usage.

Des camarades proposent de changer notre sigle, car il ne fait pas allusion à la Distribution. Le Président fait remarquer que nous avons mis 32 ans à faire connaître le sens des lettres M.F.A. pourquoi perdre cet avantage ? Il propose d’ajouter les lettres D et E, de façon à lire M.F.A.D.E., ce qui signifierait Mouvement Français pour l’Abondance et l’Economie Distributive. Le Comité Directeur est chargé de prendre une décision.

La discussion générale débute alors par un rapport de Gouinguenet sur l’activité de nos G.S.E.D. Leur rôle, explique-t-il, est d’agir sur les travailleurs, donc sur les syndicats ouvriers, car ils prennent aujourd’hui une part grandissante dans la gestion de nos entreprises. Nous formons donc de petits groupes, articulés entre eux comme dans les fédérations syndicales. A la tête de nos groupes, nous avons créé une Fédération Nationale des G.S.E.D. Rattachée au M.F.A., elle édite une circulaire intérieure à l’usage de nos groupes. Nous avons organisé quelques réunions publiques et tenons un Congrès annuel. Le dernier, celui des 4 et 5 mai fut tenu à Amboise où, il y a 4 ans, nous avions élaboré notre charte (et notre camarade en distribue des exemplaires dans l’auditoire) . En somme nous nous proposons de réaliser la transformation sociale aux moindres frais, étant intimement convaincus que les syndicats de travailleurs y joueront le rôle principal. Au cours des événements de mai-juin, les G.S.E.D. se placèrent aux côtés des « groupuscules », en s’efforçant d’expliquer aux étudiants qu’il ne suffisait pas de détruire la Société actuelle, mais qu’il fallait encore savoir comment la remplacer. Or, ce ne peut être que par l’Economie distributive.

Notre camarade Hervé intervient pour préciser l’action des G.S.E.D. au sein des facultés, des entreprises en chômage, des syndicats d’étudiants et d’enseignants. Que notre action ait toujours porté des fruits est douteux, mais beaucoup de bon grain a été semé, n’est-ce pas l’essentiel ?

Notre camarade Vernière rappelle, en quelques mots, que le groupement J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) ne doit pas être négligé. Il réclame une société basée non sur le profit mais sur la personne.

C’est au tour de notre camarade Loriant de faire part de sa manière de voir. A ses yeux, les centrales ouvrières sont allées, en mai-juin, plus loin qu’elles ne le désiraient, car, au début, elles furent hostiles aux étudiants. C’est qu’elles sont peu révolutionnaires. Au contraire, les camarades G.S.E.D. utilisèrent toutes les tribunes à leur portée : Sorbonne, Censier, Halle-aux-Vins, Facultés des sciences, des lettres, de médecine. Ils intervinrent à Saint-Nazaire, à Marseille, bref partout où il y avait à se battre. Il est décevant, dit-il, que ceux qui ont vécu les événements au service de nos idées, n’ont été pratiquement que nos camarades des G.S.E.D. Il propose donc de créer un groupement nouveau du type des G.S.E.D. (sic).

Il est visible que, pour notre camarade, tous les abondancistes qui ne font pas partie des G.S.E.D. ne quittent jamais leurs pantoufles. Merci pour eux.

Il termine par une formule : « la propagande de bouche à oreille est le militantisme à la papa ! » On se demande comment la propagande parlée pourrait se faire autrement. Quand Loriant catéchisait les étudiants, n’était-ce donc pas de sa bouche que sortaient les arguments que l’étudiant entendait grâce à ses oreilles ?

Outre la propagande parlée qui s’adresse à l’ouïe, il existe la propagande écrite qui s’adresse à la vue : livres, articles, images, etc, et la télévision réussit à s’adresser en même temps aux oreilles et aux yeux ; malheureusement le M.F.A. n’a pas accès à la télévision...

Notre ami Pastor, dont c’est le tour de parole, est plus modeste. Il raconte qu’il fut à Marseille personnellement eu contact avec tous les groupements de jeunes, ce qui lui a permis de constater qu’ils se réclamaient tous d’idéologies différentes, et il en donne la liste. Il ajoute que lorsqu’il est possible de leur expliquer l’Economie Distributive, ils sont tous hostiles à ce qu’ils appellent, après Marcuse, la société de consommation. Il s’ensuit un dialogue animé avec quelques auditrices qui, de très bonne foi, croyaient que l’opinion de tous les jeunes était celle des quelques jeunes de leur connaissance qu’elles avaient interrogés. Joseph Pastor devrait écrire son expérience avec les groupements de jeunes sous forme d’un article pour la Grande Relève afin que ses lecteurs connussent l’étendue du problème.

Le Président résume les débats. Il estime qu’ils furent si utiles qu’il proposera au Comité directeur d’organiser d’autres réunions de ce genre chaque fois que les événements le réclameront. Il n’est pas d’avis que ces réunions soient périodiques, car elles finiraient par être moins suivies : il suffit que le cours des événements les justifie. Ceci dit, il félicite nos camarades des G.S.E.D. de leur action au cours des désordres de mai et juin, mais il leur conseille de ne pas chanter victoire trop tôt. Ils n’ont pu toucher qu’un petit nombre d’étudiants, et les étudiants ne sont qu’une toute petite fraction de la jeunesse. De plus, la propagande orale ne fait pas de miracles. Il faut d’abord que l’effervescence soit un peu décantée. Enfin, comme l’a démontré Pastor, l’Economie Distributive est loin de plaire à tous les étudiants...

Il conseille aussi à quelques camarades de ne pas se préoccuper outre mesure de la nature des mesures à prendre pour instaurer l’Economie Distributive. Ils ne sont pas au pouvoir. Ils constatent que ceux qui y sont ne cessent de prendre des mesures, souvent contradictoires, qui ne font qu’obscurcir un peu plus la situation de notre économie. Dans ces conditions, il est peu prudent de tracer un plan que personne ne nous demande. Nous connaissons le but à atteindre : il faut que les Français possèdent les moyens d’acheter ou d’utiliser tout ce qu’ils produisent. En conséquence une première mesure consisterait à créer un substantiel pouvoir d’achat à nos 12 millions d’économiquement faibles, recensés par M-P de la Gorce. On brandira le spectre de l’inflation, et nous rétorquerons que l’inflation n’est dangereuse que si la demande de marchandises est supérieure à l’offre. Or nous sommes aux antipodes de cette situation. Au contraire si les économiquement faibles ont les moyens d’acheter, ils renfloueront la trésorerie des producteurs et surtout des commerçants qui n’auront plus à réclamer constamment des crédits.

L’augmentation du pouvoir d’achat partout où il fait défaut doit être un constant souci, car notre objectif est le revenu social, mais d’autres mesures deviendront urgentes, comme par exemple la nationalisation des entreprises qui se concentrent en vue de monopoliser le marché. Bref, les circonstances devront guider notre action, rien ne permettant de prévoir les réactions d’une société en proie à une « mutation » sans précédent.

Il y a quelque temps, l’éminent Docteur Bernard expliquait, à la télévision, que la médecine avait fait plus de progrès depuis 30 ans, qu’au cours des 30 siècles précédents. Nous savons qu’il en a été de même dans toutes les sciences naturelles, la physique, la chimie, l’agronomie, etc. Comment faire saisir à nos contemporains que le domaine économique et social ne peut échapper à une transformation aussi prodigieuse ? Nous assistons à l’échec complet de l’opposition politique de ce qu’il est convenu d’appeler la gauche : elle a commis l’erreur de vivre d’espoirs et d’illusions. Elle s’est limitée à critiquer ! Mais critiquer n’est pas convaincre. Si elle veut conquérir les électeurs il faut qu’elle propose quelque chose.

A la vérité, conclut le Président, nous vivons une révolution sans précédent dans l’Histoire ; mais, comme à l’ordinaire, ceux qui la vivent ne s’en doutent même pas ; ce sont les historiens qui se chargeront de l’apprendre à leurs arrières-petits-neveux.

En fait, quel est donc le malheur qui s’est brutalement abattu sur nous ? On peut le résumer en peu de mots : « Nous produisons aujourd’hui toujours plus de richesses avec toujours moins de peine. » Il paraît que c’est l’abomination de la désolation !

Serions nous devenus fous ? C’est au contraire le résultat du labeur accumulé par toutes les générations qui nous ont précédés. Cet héritage fabuleux est échu aux hommes de la seconde moitié du XXe siècle, qui, au prix d’un dernier effort, en ont fait jaillir l’Abondance. Nous devrions donc pavoiser, illuminer, tirer les plus beaux feux d’artifice. C’est le vrai moment d’entonner en choeur l’immortel hymne à la joie !

Oui, c’est un changement complet de civilisation, pourquoi ne pas avouer que c’est même la civilisation qui commence ?

La séance fut levée à 18 heures 45.

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