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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 651 - septembre 1968 > Une structure nouvelle à créer d’urgence : l’allocation complémentaire des salaires

 

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Une structure nouvelle à créer d’urgence : l’allocation complémentaire des salaires

par M. DIEUDONNÉ
septembre 1968

L’expérience montre que toute augmentation de salaires est toujours suivie d’une augmentation de prix. Tout le monde en connaît la raison : les salaires et leur augmentation entrent dans la composition des prix, ce qui rend illusoire toute augmentation générale des salaires.

Il n’en serait plus ainsi si l’augmentation des salaires était remplacée par l’attribution d’une allocation complémentaire des salaires. Cette dernière serait versée par l’Etat aux intéressés et, par conséquent, n’entrerait pas dans la composition des prix. L’augmentation du pouvoir d’achat des salariés serait effective.

- D’accord, mais où trouver l’argent nécessaire au financement de cette opération ?

- C’est ce que nous allons rechercher. Pour commencer, rappelons que si nous acceptons de l’argent en échange de notre travail, c’est parce que nous savons que nous pourrons l’échanger contre des marchandises et des services. S’il n’y avait plus de marchandises en vente, la monnaie ne serait plus que des morceaux de papier sans aucune utilité. Les marchandises mises en vente constituent donc une garantie de la monnaie - elles sont même sa seule garantie [1]. La monnaie n’est pas autre chose que la contre-partie des marchandises mises en vente.

Rappelons aussi que le problème économique essentiel n’est plus désormais de produire, mais de vendre. C’est pour vendre plus que toutes les firmes font tant de publicité. C’est pour vendre plus que les commerçants consentent des rabais aux acheteurs hésitants et qu’ils organisent des quinzaines commerciales, des braderies, des soldes, des foires- expositions, etc. Bref, l’énorme production moderne s’écoule difficilement. Au fur et à mesure du développement des progrès techniques, de l’abondance et dé l’automatisme, vendre devient de plus en plus difficile. Tous les magasins de détail, de demi-gros et de gros regorgent de marchandises et il suffirait d’une simple commande téléphonique pour en doubler, tripler ou décupler le stock. Notre appareil productif ne tourne qu’à 80 % de sa capacité, car on ne produit que ce que l’on espère vendre, et non tout ce que l’on pourrait produire si les ventes étaient suffisantes.

Rappelons enfin que si toutes les marchandises ne se vendent pas, ce n’est pas parce que tous les besoins sont satisfaits - nous en sommes loin, hélas !... - mais parce que des multitudes humaines n’ont pas assez d’argent pour se les procurer. N’est-ce pas insensé que la société ne puisse consommer tout ce qu’elle peut produire faute de bouts de papier coloriés ?

En conséquence des faits rappelés ci-dessus, une allocation complémentaire des salaires serait financée par, l’augmentation du volume monétaire [2] dont la contre-partie en marchandises est d’ores et déjà assurée par les stocks existant dans tous les magasins et surtout par l’ensemble des moyens de production, d’une capacité fantastique... et toujours accrue !...

Cette augmentation effective du pouvoir d’achat des salariés entraînerait une augmentation des ventes. Or, à notre époque de production abondante croissante, plus les commerçants vendent, plus ils passent de commandes à leurs fournisseurs. En d’autres termes, l’augmentation de la consommation provoque l’augmentation de la production et de la capacité des moyens de production... ce qui permettrait une nouvelle augmentation du volume monétaire [3] à distribuer aux salariés, aux retraités, aux vieillards, aux étudiants, aux chômeurs, etc sous forme d’augmentation d’allocations et indemnités diverses accordées par l’Etat.

Au rythme vertigineux de l’accélération donnée actuellement au progrès technique et à la production de plus en plus mécanique et automatique, l’augmentation conséquente du volume de ces allocations et indemnités nous conduirait rapidement, dans l’ordre, la prospérité et la concorde sociale, vers une économie humaine adaptée au progrès technique, c’est-à-dire vers une économie distributive dans laquelle tous les individus recevraient un revenu social de leur naissance à leur mort.

L’heure du choix décisif ne peut plus être différée, ou d’illusoires augmentations de salaires dans le développement de la confusion sociale et de la violence, ou l’augmentation effective du pouvoir d’achat, grâce à l’allocation complémentaire des salaires et des revenus insuffisants, dans le progrès social, l’ordre et la paix.

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[1] Contrairement à une croyance très largement répandue, le stock d’or actuellement détenu par la Banque de France ne sert pas du tout de garantie à notre monnaie. En effet, il a afflué dans les caves de l’Institut d’émission grâce à l’excédent de notre balance des paiements internationaux au cours des dernières années. Il va maintenant reprendre le chemin de l’étranger pour combler le déficit de notre balance !...

[2] Le développement de l’économie impose à la société d’augmenter continuellement le volume de la monnaie. D’après le Bulletins Mensuels de la Statistique, édités par l’INSEE, le volume monétaire était de 6.585 milliards d’anciens francs en décembre 1956 et de 19.953 milliards en décembre 1967, soit une augmentation du volume monétaire de 13.368 milliards en 11 ans !... Ci-dessous la quantité de monnaie nouvelle émise au cours de chacune des années de cette période :

1957 :567milliards d’AF
1958 :459"
1959 :866"
1960 :1.245"
1961 :1.341"
1962 :2.007"
1963 :1.906"
1964 :1.216"
1965 :1.490"
1966 :1.390"
1967 :881"
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Total :13.368"

L’augmentation du volume monétaire n’entraîne pas d’augmentation des prix tant qu’il y a suffisamment de marchandises à vendre en contrepartie. II y a augmentation de prix et inflation dans le cas contraire... ce qui est loin d’être actuellement le cas avec les gigantesques possibilités de production moderne, toujours accrues avec l’accélération des progrès techniques !... Si les prix continuent à augmenter, c’est en conséquence de l’augmentation des éléments entrant clans la composition des prix : augmentation des impôts (de la TVA par exemple), des charges, du volume des intérêts de dettes, des salaires, du prix des matières à transformer, du prix des matières premières et des marchandises importées, par suite d’une dévaluation monétaire, etc.

[3] Cette incessante augmentation du volume monétaire derme le vertige à certains, mais elle n’est pourtant que l’indispensable contre-partie de l’augmentation continue de la capacité de production. C’est ce que ne veulent pas comprendre les hallucinés de l’inflation, économistes distingués, (« experts » financiers, diplômés de l’ENA, inspecteurs des finances et autres professeurs d’économie politique. Ces retardataires dangereux raisonnent comme leurs maîtres de l’époque de la machine à vapeur, alors que nous traversons en trombe l’ère de l’automation ! Au terme de la mise en oeuvre des forces productives mécaniques (agriculture) et automatiques (industrie), se trouvera l’apothéose humaniste au sein d’une économie distributive - ou bien l’apocalypse dans le chaos, annoncée dans notre pays par le premier coup de semonce relativement bénin de mai-juin, encore en cours au moment où ces lignes sont écrites (18 juin). Les événements sociaux évoluent rapidement, au rythme du progrès technique. Peut-être est-il déjà trop tard pour parvenir à l’économie distributive par le chemin d’une allocation complémentaire des salaires et des revenus insuffisants ? C’est tout de suite qu’il faudrait réaliser l’économie distributive dans le pays modernement équipés... si nos contemporains syndicalistes et politiciens, économistes et ministres n’avaient pas l’esprit en retard sur la réalité économique en marche accélérée...

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