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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 647 - mars 1968 > A l’ouest du nouveau

 

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A l’ouest du nouveau

par P. MONTREUX
mars 1968

Les Etat-Unis sont engagés dans une guerre interminable et meurtrière au Vietnam et ne semblent pas vouloir tenir compte de la malheureuse campagne de la France, qui a pris fin après le désastre de Dien-Bien Phu.

Il est bien certain que les Etats-Unis disposent de puissants moyens pour mener une guerre, à la condition que celle-ci ait lieu en rase campagne. Ses adversaires le savent et ne tentent pas de livrer une bataille rangée ; ils se contentent de coups de main, d’embusquades ; finalement, ils ont déclenché une bataille de rues dans les principales villes du Sud- Vietnam, mettant l’armée américaine en mauvaise posture. Celle-ci semble avoir perdu l’initiative et sur bien des points, elle doit se contenter de résister avec plus ou moins de succès.

Dans le monde entier, des voix s’élèvent pour demander la fin de cette guerre, dont l’objet reste obscur pour beaucoup d’honnêtes gens. Le président Johnson déclare à chaque instant qu’il désire la paix - mais - avant d’entamer des négociations, exige de l’adversaire une attitude de soumission qui, jusqu’à présent, n’a pas été prise en considération par Hanoï.

On ne voit pas ce que pourrait donner l’écrasement du Vietcong et du Nord-Vietnam. On nous dit que c’est une condition nécessaire pour empêcher l’expansion du communisme dans cette région. Nous ne voyons pas non plus comment les Etats-Unis seront capables de freiner Mao Tsé Toung, pas plus qu’ils n’ont pu empêcher l’U.R.S.S. de continuer l’équipement d’un territoire immense en dehors des méthodes capitalistes.

Alors, ne vaudrait-il pas mieux arrêter cette guerre ignoble, où le plus puissant des adversaires tente d’abattre la résistance d’un petit peuple par des méthodes qui ressemblent étrangement à la dératisation ?

Il vient de paraître, aux Etats-Unis, un livre de Robert Sherril, sous le titre . « Le Président provisoire ». Sherril est un journaliste qui, après avoir assuré la rédaction régionale de la revue « Time », au Texas, est devenu correspondant de nombreux journaux. Il a suivi de près la vie politique aux EtatsUnis et notamment la vie et l’action du Président Johnson, qu’il considère comme un homme particulièrement rusé et astucieux, et qui a peut-être été élu président en 1964 à la suite d’une négligence !

Il estime - et avec lui, de nombreux Américains - qu’il est avant tout un opportuniste, ayant plus d’ambition que de sens politique.

Un autre journaliste, Stan Cohen, a écrit dans le journal « The East Village Other », que Johnson est probablement un cas exceptionnel dans l’histoire de la présidence des U.S.A. On ne peut ajoute-t-il, imaginer quelque chose d’assez bas qu’il ne soit capable d’accomplir, ni paroles aussi fausses qu’il ne soit capable de prononcer. C’est une orgie croissante d’hypocrisies et de mesquineries qu’il a pu imaginer pour concentrer en sa personne, les pires éléments que l’on puisse rencontrer. Il est capable d’éprouver de la colère, mais non de la passion ; il est dévot, sans être vraiment religieux ; rude, sans être courageux ; sincère, sans honnêteté et vaniteux, mais sans orgueil.

De son côté, le journal « The Christian Century » déclare que Johnson est moins franc que Roosevelt et moins honnête que Kennedy... cet homme qui fait preuve de manies épouvantables et étale une tristesse pathétique peut, en une seule phrase, pulvériser sauvagement quiconque et envoyer, en un moment de crise, de jeunes Américains à la mort au Vietnam... jamais un président n’a tenté avec autant de désinvolture de se montrer sous un jour favorable avant les élections, pour être élu, mais aucun président, en même temps, n’a montré en public un tel manque de respect et provoqué une telle antipathie...

Et cela continue sur ce ton pendant des pages entières.

Un chapitre concerne le pétrole, dont le Texas est l’un des grands producteurs. L’auteur signale que Thomas Buchanan, dans son livre : « Qui a tué Kennedy ? » attribue la responsabilité de l’assassinat aux multimillionnaires du pétrole, mécontents de la politique fiscale de Kennedy. Un programme radiophonique intitulé « Style de vie », patronné par les compagnies pétrolières et d’autres industries, transmis par 331 postes d’émission, accusait l’administration tyrannique de Kennedy de suivre une ligne de conduite imposée par Moscou. Le matin même de l’assassinat, l’émission avertissait les auditeurs que si Kennedy réussissait à communiser le pays, on ne leur permettrait plus la possession d’armes à feu afin que les Américains ne puissent combattre leurs oppresseurs.

Cette campagne a été menée par H. L. Hunt, un banquier, le plus puissant propagandiste de l’extrême- droite, avec l’aide d’un nommé Booth Mooney, qui fut collaborateur de Johnson pendant une demi- douzaine d’années !

Les compagnies pétrolières ont toujours appuyé Johnson, mais en revanche elles ont réussi à obtenir une nouvelle réglementation qui les avantageait exclusivement, surtout les plus importantes. Johnson, appuyé par le sénateur Kerr, propriétaire de la Kerr McGee Oil Company, aurait favorisé le vote d’un nouveau programme d’importation de pétrole qui a permis une réduction de 1,25 à 1,5 dollar par bidon. Le chiffre des importations a atteint 2,5 millions de bidons par jour, soit un bénéfice supplémentaire annuel de 900 millions de dollars - 450 milliards d’anciens francs - le prix de vente aux usagers n’ayant pas été baissé.

En ce qui concerne les dépenses militaires, les généraux du Pentagone avaient comme devise : « Crédits et bombardements » et, en 1966, ils avaient à leur disposition 100 millions de dollars, c’est-à-dire le double de ce que le Congrès avait admis pour les dépenses civiles au cours du même exercice.

Déjà, en 1965, au cours d’une conférence de presse Johnson déclarait qu’il n’avait pas besoin de l’autorisation du Congrès pour employer l’armée américaine où et comment il le désirait.

En 1958, en raison du chômage, Johnson a proposé d’accélérer la production d’armements. Celle-ci devait être favorisée dans les zones où existait un chômage substantiel, et il n’était pas question de la limiter aux besoins réels de l’armée !

Il a également appuyé certaines entreprises participant aux travaux de la NASA - construction de bases de lancement des fusées spatiales. L’une d’elles, la société Brown et Root, en raison de l’amitié ancienne entre Brown et Johnson, a obtenu le contrat ne construction de la base spatiale de Houston (Texas), alors qu’il eut été logique de la construire en Floride où se trouvent les autres installations.

Mais il fut bientôt question de convertir le Vietnam en « une plateforme de sable calciné, lisse comme la paume de la main ». Un consortium composé de quatre sociétés : la Raymond International of New York, Morris-Knudsen de Boise (Idaho), J. A. Jones, de Charlotte (N.C.) et Brown et Root, a obtenu un contrat de 900 millions de dollars à cet effet, pour des travaux à exécuter au Vietnam. Le dixième des travailleurs employés sur place - soit 4.500 - aurait appartenu au Vietcong ! Le Département d’Etat ne l’a pas démenti. Pour les bénéficiaires du contrat, cela n’avait aucune importance, les bénéfices étant aussi profitables avec le Vietcong qu’avec les autres travailleurs. Certains membres du Congrès ont estimé que le consortium avait perdu ou gaspillé - les Vietnamiens ayant dérobé une grande quantité de matériel - 125 millions de dollars.

Les compagnies de produits chimiques - nombreuses dans le voisinage de Houston - ont vendu jusqu’au milieu de 1966, pour plus de 10 millions de dollars de produits destinés à la défoliation des arbres au Vietnam - 85 % des arbres à caoutchouc ont été ainsi ravagés.

C’est sans doute ce qui permet au président Johnson de dire que les affaires n’ont jamais été aussi prospères !

Nous arrêtons les citations, car il est impossible de résumer un ouvrage aussi important et nous renvoyons les lecteurs au livre de R. Sherril, devenu un best seller aux Etats-Unis.

Nous laissons naturellement la responsabilité de telles déclarations à l’auteur du livre, mais nous pouvons tout de même nous demander duels sont les buts de guerre des U.S.A. : Ecraser l’adversaire, ou plus simplement assurer des commandes substantielles à l’industrie de guerre, dans le but de prolonger l’existence du régime capitaliste ?

Nous aurons peut-être la réponse à cette question dans un avenir prochain.

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