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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 4 - 1er au 15 décembre 1935 > Premières plaintes contre le machinisme

 

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Premières plaintes contre le machinisme

par L. LABAUME
1er décembre 1935

(Suite et fin [1])

Puis arrive l’ère des grandes réalisations. En 1800, Jacquard construit son nouveau métier à tisser. Outre que cet outil permet de fabriquer des articles impossibles à produire dans les anciennes mécaniques, il supprime 3 ouvriers et 2 ouvrières. On conçoit le ressentiment des ouvriers de Lyon. La résistance populaire n’empêche pas, cependant, la vulgarisation du nouvel outillage, puisque, à Lyon seulement, il y avait 12.000 métiers en 1815 et 30.000 en 1834.

Au cours du XIXe siècle, les plaintes vont aller s’accélérant. Déjà, en 1827, la Mull-Jenny, avec un homme et un enfant, faisait le travail de 100 à 200 fileuses. La peigneuse nouvellement créée produisait l’effet de 5 peignoirs à main. Les machines-outils font leur apparition dans l’industrie métallurgique et commencent à libérer des travailleurs. Les manifestations populaires sont déjà nombreuses et rempliraient plusieurs volumes. En 1816, nous trouvons la pétition des cordonniers demandant au gouvernement d’interdire la fabrication mécanique des chaussures. En 1821, eut lieu à Lodève une coalition contre un drapier qui avait installé une tondeuse mécanique. Manifestation à Bordeaux, en 1864, provoquée par la création du chemin de fer qui devait relier la gare au port.

Durant le XIXe siècle, nombreux furent les économistes qui étudièrent la question, exposèrent leur point de vue, mais, hélas d’une manière stérile, c’est-à-dire sans proposer de solutions acceptables. Les différentes tendances sont assez bien personnifiées par les trois noms de Sismondi, J.-B. Say et Bastiat.

D’après Sismondi, il convient avant tout de s’opposer à la progression, à l’envahissement de la technique, car enfin, déclare-t-il, les produits sont faits pour les hommes et non les hommes pour les produits. Pour conserver le salaire des ouvriers, il ne trouve rien de mieux que de briser les machines. Suivant son expression, il préfère « un pays peuplé de citoyens à un pays peuplé de machines à vapeur ». Il est permis de se demander si ses écrits ne continuent pas à inspirer tels de nos grands hommes, même anciens Présidents du Conseil.

Jean-Baptiste Say pourrait être classé dans un groupe particulier, qui serait celui des optimistes. Cet économiste estime que le capital destiné au salaires s’accroît plus souvent qu’il ne diminue. Le personnel, libéré par un outillage nouveau, doit forcément pouvoir s’occuper ailleurs, puisque, grâce au progrès, il naît quotidiennement de nouvelles industries. D’ailleurs, fait-il observer, la machine, au lieu d’abaisser l’ouvrier, élève au contraire sa dignité. Ne nous étonnons donc pas si Jacques Duboin lui réserve une place à part dans sa caricaturale « Sainte Economie ».

Pour Bastiat, pourtant bien timoré quant aux conséquences qu’il pourrait en tirer, le problème du machinisme ne fait que se poser « Malédiction sur les machines, ce ne peut être que le cri du préjugé vulgaire, déclare-t-il, car maudire les machines c’est maudire l’esprit humain. »

Certains pouvaient encore railler en 1850 les penseurs d’élever ces plaintes à la hauteur d’une théorie économique. Après 1900, ce n’est vraiment plus admissible. La déflagration de l’énergie transforme aujourd’hui d’une manière radicale et, semble-t-il, définitive les conditions d’existence des travailleurs.

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[1] L’abondance des matières nous a obligé à remettre à ce numéro la publication de la suite des articles de nos camarades Labaume et Spampinato. Nous nous en excusons auprès d’eux et auprès des lecteurs. L’abondance règne...

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