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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 4 - 1er au 15 décembre 1935 > Economie dirigée

 

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Economie dirigée

par C. SPAMPINATO
1er décembre 1935

(Suite et fin [1])

Mais ne voient-ils pas qu’il n’en est pas autrement aujourd’hui ?

Qu’ils essaient donc d’installer une industrie dans un pays où déjà beaucoup d’autres industriels exercent dans la même branche. Ou bien ils ne pourront pas écouler leurs produits, ou bien ils nuiront à leurs concurrents en faisant des conditions telles qu’ils se ruineront en peu de temps en ruinant les autres.

Car il est désormais démontré que la solidarité naturelle et l’interdépendance de tous les individus ne sont plus de vains mots. Aussi, chaque individu a besoin d’être soumis économiquement à un plan directeur d’ensemble, et, au lieu d’être sporadique, indépendante, brouillonne, anarchique, l’activité productrice des citoyens doit être dirigée dans le sens de l’intérêt général et non dans celui d’une classe oligarchique.

Au point critique où le monde est arrivé, il faut se garder des formules toutes faites : il faut comprendre et comparer sévèrement, objectivement et en toute indépendance les différentes thèses mises en concours, et agir ensuite immédiatement, en pleine connaissance des causes et des effets.

Un de mes collègues me rapportait dernièrement la réplique de Le Corbusier à un confrère qui, ayant lu un reportage sur l’U.R.S.S. d’un quelconque journaliste, lui affirmait :

- Quel drôle de régime que celui où tout le monde est contraint de manger à la même heure !

Et Le Corbusier de lui répondre :

- Voulez-vous me dire à quelle besogne est occupée la majorité des Français entre 11 heures et demie et une heure et demie de l’après-midi ?

Toutes les assertions des détracteurs de l’Economie dirigée peuvent être mises au point à peu près sur ce même thème ; même celle des âpres défenseurs du profit.

Ne voient-ils pas, en effet, ceux-là, que l’abondance de nos jours l’a à jamais détruit, ce profit auquel ils tiennent tant ; et que ce n’est qu’en ayant recours à l’Etat, donc à l’économie dirigée - mais mal dirigée - qu’ils peuvent tenter de le ressusciter éphémèrement ?

Que l’économie libre, avec le jeu de la concurrence, ait eu son utilité à l’époque où il y avait insuffisance de produits, cela peut paraître incontestable ; le bénéfice étant l’aiguillon le plus vif pour stimuler l’imagination, l’invention, la création.

Mais aujourd’hui, où il y a pléthore de produits, où l’abondance peut croître en même temps que le chômage, il est absolument indispensable que l’Etat intervienne, régisse, réglemente, ordonne suivant les lignes d’un grand plan d’économie dirigée.

Et puis, à l’heure qu’il est, il n’y a plus à choisié ; les événements se précipitent, le chômage croît chaque jour dans d’énormes proportions, malgré les chiffres dégressifs que l’on publie, et la patience des hommes finit par se lasser.

Quelques grèves déjà commencent, et ce ne sont plus les grèves d’autrefois ; celles que l’on faisait pour demander, non pas l’indispensable, mais une amélioration du bien-être.

Aujourd’hui, les revendications sont autrement plus sérieuses. Le jour où la grève éclatera, il y aura dans la rue des hommes affamés, prêts à faire bon marché de leur vie sordide et peu respectueux de celle des autres. Ils lutteront pour arracher leurs enfants à la misère et à la sous-alimentation qui les affaiblissent. Ils penseront qu’ils n’ont pu leur donner ni feu ni médicament cet hiver et ils les auront constamment présents à l’esprit, tremblants dans leurs haillons.

Le jour où ces malheureux, n’ayant plus rien à perdre et ayant déjà fait le sacrifice de leur vie, se trouveront dans la rue en face d’autres hommes chargés de maintenir l’ordre parce que cette fonction leur est dévolue dans la société, alors il sera trop tard. Et le sacrifice des chères petites habitudes auxquelles certains se cramponnent aujourd’hui comme à un gentil bibelot, sera désormais vain.

Les frères ne se reconnaîtront plus, et ce sera peut-être la fin d’une civilisation.

(Comprendre ou Périr.)

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[1] L’abondance des matières nous a obligé à remettre à ce numéro la publication de la suite des articles de nos camarades Labaume et Spampinato. Nous nous en excusons auprès d’eux et auprès des lecteurs. L’abondance règne...

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