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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1058 - octobre 2005 > 70 ans de lutte

 

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ÉDITORIAL

70 ans de lutte

par M.-L. DUBOIN
octobre 2005

C’est en 1933, alors que la grande crise née en 1929 aux États-Unis frappe durement la France, que Jacques Duboin, entouré de quelques amis, fonde ce qu’on appelle alors une ligue (on dirait aujourd’hui une association ou un mouvement), la “LIGUE POUR LE DROIT AU TRAVAIL ET LE PROGRÈS SOCIAL” qui publie sous forme d’affiche un bimensuel intitule ?Le droit au travail. Nous en reproduisons le premier numéro ci-contre.

Pour donner une plus grande audience à cette ligue, Jacques Duboin crée en octobre 1935 La Grande Relève des hommes par la science, reprenant ce titre à un livre qu’il vient de publier. Il y pose les premières pierres de ce qui va devenir sa proposition d’économie distributive. La GRpasse l’actualité au fil de sa critique.

Les collaborateurs de Jacques Duboin viennent des horizons les plus divers : le physicien PAUL LANGEVIN, l’agronome RENÉ DUMONT, l’architecte LE CORBUSIER, le biologiste JEAN ROSTAND, le professeur d’économie ÉTIENNE ANTONELLI, les ingénieurs JEAN MAILLOT et LUCIEN PERRUCHE, le chroniqueur scientifique ALBERT DUCROCQ, le cinéaste ANDRÉ HUNEBELLE, le comédien ROBERT MANUEL et tant d’autres. Chacun apporte son point de vue, son témoignage et ses arguments, à l’appui de la thèse.

Quand on reprend la collection de soixante-dix années (moins les quatre de guerre) du journal, on est frappé de voir à quel point ces textes anciens sont restés d’actualité. En relisant les éditoriaux des premiers numéros, on est obligé de constater, hélas, qu’il y a d‘inquiétantes ressemblances entre les années qui ont précédé la guerre 39-45 et la période que nous vivons : crises sociales, économiques et morales, xénophobie, manifestation d’idéologies fascistes, exacerbation des nationalismes ...

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Dès sa création La Grande Relève explique que la crise est la première manifestation du fait que, grâce aux machines, la capacité de production dépasse la capacité d’achat dans un système capitaliste. Ce système économique étant basé sur la rareté qui fait le profit, l’abondance devient l’ennemi numéro un. Alors, dans tous les pays développés, on s’efforce de détruire des biens et de freiner la production qui n’a pas acheteur solvable. Et on aboutit à ce scandale de la misère dans l’abondanceque dénonce sans relâche la GR. Elle explique pourquoi les pays industrialisés adoptent alors une politique d’armements, et pourquoi, lorsqu’ils ne peuvent plus faire les profits qu’ils attendent, les milieux économiques et financiers ont besoin des dictatures pour perpétuer, fut-ce sous couvert de nationalisme, le vieil ordre économique.

1939. Jacques Duboin avait vu juste. La guerre éclate, qui supprime les chômeurs en même temps que l’abondance, mais seulement pour quelques années. La GR cesse de paraître, interdite sous l’occupation allemande.

Juin 1945. En Europe la guerre est terminée, la GR reparaît. Dans son premier éditorial Jacques Duboin explique que, malgré les apparences, l’abondance est toujours potentiellement présente, et donc que la “crise” va réapparaître !

Les “Trente Glorieuses”. Les reconstructions d’après-guerre et la modernisation des équipements apportant une trève au chômage, on pourrait croire que l’audience du mouvement en est diminuée. Or c’est tout le contraire, la GRdevient même hebdomadaire dans la décennie 1950. Jamais les conférences de J. Duboin n’ont connu tant de succès.

1973-2005. La “crise” réapparaît en effet, comme il l’avait prévu : avec de nouvelles techniques, se développe une production qui a encore moins besoin de main d’œuvre. Les méthodes changent, pas le principe : au lieu de détruire des vivres la Commission Européenne paie les agriculteurs pour mettre leurs terres en jachère. On produit du superflu pour ceux qui peuvent l’acheter. On travaille à flux tendus. La redistribution ne parvient pas à réintégrer ceux que le système exclut. Les guerres se font par nations interposées... mais n’en sont que plus violentes.

Jacques Duboin meurt avant de voir le capitalisme transformer l’abondance qu’il voulait raisonnablement partagée, en ce productivisme qui soumet aujourd’hui toute l’économie mondiale au profit de quelques uns, au mépris des autres et met en outre l’avenir de tous gravement en danger. Ceux qui ont “repris son flambeau” ont donc effectué “la relève” au journal en adaptant sa critique au néocapitalisme et à l’idéologie qui l’impose au monde, en même temps qu’ils approfondissaient ses propositions pour que l’économie soit enfin démocratiquement gérée. C’est ainsi que la GRa dénoncé la politique menée par l’Administration américaine et la course aux derniers gisements de pétrole, qu’elle s’est associée aux groupes citoyens de réflexion sur l’OMC, sur les entretiens de Davos, sur l’AGCS, sur le rôle du FMI et la dette du Tiers monde, qu’elle a dénoncé l’intention cachée des “réformes” des retraites, de la sécurité sociale, de l’enseignement et de la recherche et qu’elle a pris parti contre l’orientation néolibérale du projet de constitution pour l’Union Européenne.

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En prenant l’initiative de diffuser la Grande Relèveautour d’eux, beaucoup d’abonnés prouvent qu’ils apprécient que la tâche de réflexion et d’information assignée par son fondateur, ait été ainsi poursuivie sans relâche pendant 70 ans. Malheureusement cela ne suffit pas.

Il faudrait beaucoup plus de collaborations et d’initiatives courageuses, et de la part de tous les lecteurs, pour amener le public à aller au fond des choses. Pour lui faire enfin comprendre les raisons profondes du chômage, de la misère, et de la dégradation de l’environnement, pour lui faire voir que les moyens d’en sortir existent. Alors que les grands médias, encourageant savamment sa passivité, s’obstinent à ne pas les aborder.

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