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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1065 - mai 2006 > Question de choix, question de volonté...

 

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Tribune libre des lecteurs

La hausse du prix du pétrole pose (enfin !) la question des énergies renouvelables ...

En 2002 (GR 1024), Jacques Hamon avait fait le tour des perspectives qu’offrent pour demain ces diverses énergies, en s’appuyant sur les conclusions de l’Office Parlementaire de l’Évaluation des choix scientifiques et technologiques. Et Jean-François Amaury avait complété cette étude (GR 1025) par des précisions concernant en particulier l’énergie éolienne, et son propos avait amené ces deux auteurs à comparer (GR 1031) rendement (aspect technique) et rentabilité (possibilité d’en tirer un bénéfice financier dans le système économique actuel) des éoliennes.

Quatre ans après, dans notre dernier numéro (GR 1064), Jacques Hamon faisait le point sur ce type d’énergie dans un article, écrit pour la revue Ingénieurs de la Vie [*] et assorti de toute une bibliographie que nous n’avons pas reproduite.

Plusieurs lecteurs ont montré par leur courrier à propos de cet article qu’ils ne raisonnaient pas exactement comme des Ingénieurs bien intégrés. Ce qui prolonge le débat sur les énergies par celui sur la consommation.

Jean-François Amaury réagit ici non seulement en écologiste qui apporte le fruit de son expérience personnelle, mais aussi en distributiste, et qui pourquoi :

Question de choix, question de volonté...

par J.-F. AMAURY
31 mai 2006

Si les biocarburants sont des « nouvelles » énergies renouvelables, le solaire et l’éolien en sont de très vieilles. Depuis des temps très anciens, l’homme les utilise principalement en ce qui concerne le séchage, que ce soit des plantes fourragères, du linge domestique, des fruits ou des céréales. S’il y a aujourd’hui des récolteurs de maïs qui gaspillent de grandes quantités de fioul pour sécher leurs grains, il en reste encore qui stockent les pommes de maïs en cages (cribs) et qui ne les battent qu’au printemps suivant. Ils passent peut-être pour des ringards, mais ils se conduisent un peu moins en prédateurs de la planète que leurs congénères (si on ne parle pas de l’irrigation, car sinon cette culture se classe peu loin derrière les golfs en matière de prédation !).

Inutile de revenir sur la longue et riche histoire des moulins à vent qui, s’ils sont délaissés en France, bénéficient d’un engouement nullement passager aux Pays-Bas. Rappelons qu’en effet dans ce pays, certains moulins de drainage appartiennent à l’État (ou aux provinces) et sont confiés à des fonctionnaires qui ont l’obligation de les mettre en œuvre quand les pompes à moteurs électriques ou thermiques ne suffisent plus. La liste serait longue de toutes les fonctions autrefois affectées à ces mécanismes ingénieux, rustiques, et durables. Leur durée de vie ne se compte pas en décennies mais en siècles. Pour ce qui est du potentiel de production des biocarburants, il convient de préciser desquels on parle. Colza et tournesol pourraient être cultivés sur les jachères subventionnées, et aussi sur les jachères circonstancielles.

Il faut savoir que dans les années 70, le génial Jean Pain, aujourd’hui décédé, avait mis au point une méthode de compostage des résidus végétaux de débroussaillage dont il tirait plusieurs avantages :

1 - un compost excellent pour les cultures,

2 - un dégagement de chaleur qu’il récupérait pour chauffer serres et autres locaux,

3 - un dégagement de gaz (méthanisation) qu’il utilisait pour alimenter les moteurs thermiques de son tracteur et de sa camionnette,

4 - un débroussaillage méthodique et régulier des sous-bois, rempart incontestable contre les feux de forêts.

Exigeante en travail manuel, cette méthode aurait pu être mécanisée (grâce au tracteur alimenté au méthane par exemple). Mais en partageant ce travail entre tous les inactifs... (- le coût des salaires ?- et les Canadair, ils ne coûtent rien ?) Vu les surfaces boisées, vu que les bûcherons brûlent toujours sur place les broussailles, pour rien, cette forme de biocarburant doit représenter un sérieux réservoir d’énergie renouvelable. À vos calculettes, Messieurs les ingénieurs !

Les quantités astronomiques de déjections animales qui polluent actuellement les nappes phréatiques pourraient sans problème être valorisées par méthanisation pour finir en engrais. Là encore, c’est une question de volonté. On peut sans prendre de risque, prévoir que lorsqu’il n’y aura plus de carburants fossiles et que le nucléaire aura enfin été abandonné, les lobbies du pétrole et du nucléaire s’approprieront d’une manière ou d’une autre le fumier animal comme ils s’approprient les éoliennes, et comme leurs copains du lobby de l’eau se sont approprié la distribution de cet élément naturel, autrefois servi par les communes, et encore avant, directement dans les puits particuliers.

Le solaire maintenant. Alors que dans les années 70, les capitalistes et les nucléocrates ridiculisaient les partisans du solaire et de l’éolien, ils récupèrent aujourd’hui l’exploitation de ces énergies, dans le seul but d’en tirer de juteux profits. Tout ça ne réfléchit pas beaucoup, et s’ils se gargarisent avec le mot “innovation”, ils ne l’appliquent guère.

Réfléchissons pour eux : le chauffage solaire, même s’il est crédible, est une aberration. En effet, plus le soleil chauffe et moins on a besoin de chauffage !

Alors que plus personne aujourd’hui ne parle des frigos à absorption. Ils ne sont plus guère utilisés que pour le camping. Peu polluants par rapport aux frigos à compression (ils utilisent de l’ammoniac), ces frigos autrefois très courants chauffaient, électriquement bien sûr, de l’ammoniac qui ensuite, en se détendant, générait du froid.

On saurait très bien chauffer cet ammoniac aujourd’hui avec du soleil : nous possédons tous les composants technologiques pour le faire, seule manque la volonté. Ce n’est pas pour la climatisation, qui elle aussi est une aberration (une architecture bien pensée et adaptée aux sites peut nous en dispenser) que nous préconisons cette technique, mais pour les pays du Tiers-monde en général très ensoleillés et qui auraient besoin de frigos pour conserver leurs aliments. Alors qui sortira l’idée de son chapeau ?

« L’énergie éolienne n’a vocation qu’à produire de l’électricité. » Certes, tant qu’on ne réfléchit pas plus que pour le soleil. Mais avec l’électricité, on peut produire de l’hydrogène plus simplement et moins dangereusement qu’avec le nucléaire. Voici donc une première manière de stocker cette énergie. On peut aussi comprimer de l’air avec lequel on peut animer toutes sortes de machines, d’outils, et même de véhicules. Paris avait autrefois tout un réseau d’air comprimé paraît-il. On peut aussi élever de l’eau, monter des poids (oui, comme pour les horloges)...

Je ne vois pas pourquoi une éolienne ne pourrait pas entraîner une bétonnière, voire une petite centrale à béton, un trieur, un concasseur et toutes autres sortes d’outils à utilisation occasionnelle.

Je comprends bien que Jacques Hamon nous parle de ces énergies du point de vue capitaliste, je veux dire dans le système actuel, avec des éoliennes gigantesques imposées aux citoyens exactement comme le nucléaire, sans leur demander leur avis et sans leur en laisser le moindre contrôle. Il ne remet pas en cause le nucléaire, et il ne semble pas non plus se poser de questions sur la folie de notre société. Nos besoins en énergie sont surestimés par le mode de vie qu’on cherche à nous imposer. Un des aspects les plus visibles de ce mode de vie en prédateur, c’est l’extrême mobilité, tant des produits que des personnes. Chacun sait que dans un yaourt, il y a maintenant des milliers de kilomètres, car au lieu de consommer les produits du cru, il faut aujourd’hui que tout circule avant de revenir à son point de départ ! Il paraît que la Grande-Bretagne exporte la moitié de ses laitages, et en importe autant !

Pour les hommes, c’est pareil. Il faut absolument, pour “être moderne”, aller passer un week-end là où le tsunami a fait des siennes. Il faut trouver normal que des Lyonnais aillent chaque jour travailler à Paris alors que des Parisiens vont travailler à Lyon. Idem pour Poitiers, Nantes et Strasbourg. Le TGV, comme le téléphone portable, est une nécessité absolue. Je dirais volontiers : « Tant mieux pour eux si ce téléphone portable les rend plus heureux que ceux qui n’en ont pas »... si ces gadgets ne justifiaient pas tout un système commercial honteux (la plupart sont fabriqués par des esclaves du Tiers-monde), et des débauches de publicité.

Il faut que tout le monde vive loin de son travail ! Eh oui, ça crée des emplois, tous ces transports... !

Il me semble que les abondancistes conséquents devraient rejeter la consommation imbécile, la publicité qui va avec, se méfier de l’automobile comme de l’avion et comme de la peste.

Car il y a des outils qui sont indispensables, mais il y en a d’autres qui sont superflus.

Pour en revenir à nos éoliennes, M. Hamon doit savoir combien il en faut pour alimenter en décembre et janvier toutes ces guirlandes d’un goût discutable, que de plus en plus d’habitants pavillonnaires se croient obligés d’accrocher tout autour de leur toiture, avec des pères Noël sur des traîneaux, et qui clignotent de toutes les couleurs. Je sais bien que ce n’est pas ça qui gaspille le plus, mais les gens qui se plaignent à juste titre de la baisse de leur pouvoir d’achat, ont-ils réellement besoin d’acheter toujours plus pour ne pas paraître moins que leur voisin ?

Tout ça pour dire que les ressources en énergies renouvelables existent, qu’on doit faire travailler son imagination pour en trouver d’autres. Mais surtout, qu’on doit avoir un regard critique sur le mode de société dans lequel on vit.

Au contraire des capitalistes qui font tout pour de l’argent, de la valorisation des déchets à la dépollution, nous devons éviter de produire des déchets et de polluer. Non pas pour faire des économies, mais pour montrer qu’on la respecte, nous, la planète.

Ce qui peut différencier les abondancistes des capitalistes ? - Les premiers se considèrent comme usufruitiers de la planète qui appartient aussi aux générations futures, alors que les seconds se comportent comme ses propriétaires sans souci du lendemain.

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[*] dans son N° 474, où cette revue avait ajouté sous la photo du champ d’éoliennes de Californie :

« ce qu’il ne faut pas faire ».

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