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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1036 - octobre 2003 > La pub à l’école ? Bas les pattes !

 

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Le billet de Paul

Citant des organismes patronaux prétendant imposer à l’éducation leurs propres objectifs : « Le monde de l’éducation ne semble pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie...L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique », le politologue Paul Ariès, professeur à Lyon-II, dans la rubrique “Rebonds” de Libération du 8 septembre, vient de s’exprimer à nouveau sur les dangers de la pub à l’école. Il met de son côté en garde contre leur intrusion par le biais de la manne publicitaire :« Le développement de la publicité à l’école est pourtant une abomination. Elle laisse croire aux enfants que le bonheur serait dans la consommation... Les écoles américaines récoltent 750 millions de dollars par an via la pub. Mais à quel prix ? Des élèves de 11 à 17 ans ont l’obligation de regarder, pendant au moins 90% des jours scolaires, un journal télévisé de dix minutes comprenant deux minutes de pub... Des établissements imposent le port de tee-shirts publicitaires... Domino Pizza distribue gratuitement des manuels scolaires, mais proportionnellement au nombre de pizzas commandées le midi à la cantine. Les écoles signent des contrats d’exclusivité avec les géants du soda prévoyant des objectifs de vente... et un minimum de distributeurs dans les couloirs de l’école. Les instituteurs qui acceptent de couvrir leur voiture avec des autocollants publicitaires reçoivent de l’argent... Les élèves sont également “loués” à des sociétés spécialisées qui étudient leur comportement d’achat et les utilisent comme précurseurs de tendance... »

Et au vu du triste exemple américain, Paul Ariès conclut en nous adjurant de faire abroger au plus vite la dangereuse circulaire du 28 mars 2001.

Voici le résumé de l’essentiel de ses propos :

La pub à l’école ? Bas les pattes !

par P. VINCENT
octobre 2003

« Les campagnes de publicité pour les dentifrices ont davantage évité de caries que les cours d’hygiène à l’école. Elles devraient être remboursées par la Sécurité sociale ! » Cette boutade provocatrice, venant de Jacques Séguéla, n’étonnera personne. Elle ne fait que traduire la prétention des publicitaires à s’implanter sur le territoire scolaire, à y imposer leurs marques, leurs repères, leurs rituels. Mais l’esprit de l’école s’oppose à celui de la “pub”. Le rôle de l’école est en effet de privilégier la recherche du sens, le goût de l’effort, la primauté du temps long, l’importance de la transmission du savoir, la primauté de la culture sur le paraître, la compétence plutôt que le casting. L’école doit être le lieu pour apprendre aux enfants à exercer leur capacité de jugement, alors que les publicitaires voudraient déjà ancrer chez eux des comportements de consommateurs dociles.

La France compte 12 millions d’enfants scolarisés, dont le pouvoir de prescription est estimé à plus de 100 milliards d’euros, même si le pouvoir d’achat personnel des 4-17 ans n’est que de 4 milliards d’euros, ce qui n’est déjà pas négligeable.

L’interdiction de la publicité à l’école existe depuis 1936 et a été maintes fois confirmée. En 1993, un inspecteur a même été condamné pour avoir « méconnu le principe de neutralité scolaire » en faveur du Crédit Agricole. Jack Lang a hélas publié le 28 mars 2001 une circulaire assouplissant ce principe. Il y est dit que « les établissements scolaires sont libres de s’associer à une action de partenariat » par laquelle une entreprise fournit des « documents qui seront remis aux élèves » et « peut être autorisée à signaler son intervention comme partenaire. Elle pourra ainsi faire apparaître discrètement sa marque sur ces documents ». Cette circulaire se présente bien sûr comme un « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » (sic). Mais son auteur en a lui-même donné une interprétation dangereuse en permettant que soit associée la marque de vêtements Morgan à une campagne contre la violence à l’école. L’emprise publicitaire sur les esprits ne risque-t-elle pas de sécréter d’autres violences ? Ce n’est pas par hasard que le racket concerne des produits de marque. Si nos anciens ont banni la religion de l’école, il nous appartient aujourd’hui d’en chasser les marchands. Pas de “dealers” de marques à proximité des écoles, et pas de pub à l’intérieur !

Par ailleurs, dans un commentaire du Monde sur l’émission de Canal+ du mardi 26 août intitulée “Fast food : une fabrique d’obèses”, on voit où en sont arrivés les États-Unis : Le lycée américain Montgomery-Blair touche 80.000 dollars par an de Pepsi pour avoir l’exclusivité des distributeurs de boissons de cet établissement ; dans une autre école, les élèves apprennent à lire en déchiffrant la pub de Mac Do et de Pepsi sur des programmes informatiques qu’ils subventionnent ; les lauréats d’une opération au niveau fédéral pour la promotion de la lecture, sponsorisée par Pizza Hut, se voient récompensés par des pizzas. Concernant les mauvaises habitudes nutritionnelles qu’engendrent de telles pratiques, une enseignante répond : « Moi je préfère un enfant qui aime lire. La santé, on verra plus tard. »

Je concéderai à Jacques Séguéla que la publicité peut inciter à se brosser les dents, mais c’est aussi de sa responsabilité si celles-ci sont gâtées par les sucreries ou jaunies par la nicotine. Mercenaire au service d’intérêts particuliers, elle n’a que faire de l’intérêt général. Vu qu’elle exerce déjà sa dictature sur la télévision, il est vital d’en préserver au moins l’école. Car le gavage publicitaire ne produit pas seulement des obèses. Il est loin le temps où chez nous le candidat à une chaîne de télévision se voulait être « le mieux disant culturel. » Et quand le consommateur peut être abusé par un matraquage commercial lui dictant ce qu’il doit voir, lire ou écouter, limitant et orientant ses choix et anesthésiant son sens critique, comment le citoyen ne pourrait-il l’être par la propagande politique sortie des mêmes officines ? Jacques Séguéla, ce bon apôtre, est d’ailleurs le meilleur exemple du spécialiste en communication jouant sur les deux tableaux.

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