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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1032 - mai 2003 > Nos gouvernants ont beaucoup d’idées,... c’est ce qui leur permet d’en changer souvent...

 

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Actualité

Nos gouvernants ont beaucoup d’idées,... c’est ce qui leur permet d’en changer souvent...

par P. VINCENT
mai 2003

« Alain Lambert en appelle à la cagnotte des Français. » Tel était le titre, dans Libération du 13 mars, d’un article rapportant les propos tenus la veille par le Ministre délégué au Budget, à l’adresse des “ménages qui ont un peu le moral qui faiblit” : « Continuez à consommer. Vous avez un taux d’épargne très élevé, donc un pouvoir d’achat non négligeable. La consommation, c’est la meilleure garantie pour votre propre emploi. » Pour relancer une économie considérée en péril, l’idée est de mobiliser les consommateurs. Le schéma que l’on m’avait enseigné autrefois était le suivant : « Vous travaillez beaucoup, vous consommez avec modération, et vous mettez de côté ce que vous pouvez pour vos vieux jours. »

Il n’y a d’ailleurs pas si longtemps, ce même gouvernement auquel appartient A.Lambert prévenait que nos retraites par répartition allaient bientôt devenir insuffisantes et voulait nous doter en complément d’un système de retraites par capitalisation, d’où, bien sûr, de nouvelles cotisations qui réduiraient le pouvoir d’achat, mais permettraient à tous les salariés de se constituer une cagnotte. C’est ce que faisaient déjà de façon intuitive ceux qui arrivaient à ne pas dépenser tout ce qu’ils gagnent, ou ceux qui ne parvenaient pas à le dépenser. Et voilà qu’on nous dit maintenant : « Attention, vous épargnez trop ! Cela risque de se retourner contre vous. Il faut consommer plus si vous voulez sauver vos emplois ». En fait on voudrait surtout nous faire travailler davantage. Mais s’il est clair qu’on n’ose plus nous reparler des fonds de pension après ce qui leur est arrivé en Amérique [1], on se demande pourquoi s’en prendre tout d’un coup aux cagnottes qui auraient survécu au désastre boursier ? Et menacer de façon récurrente d’une nouvelle baisse des taux d’intérêt ceux qui plus prudemment ont mis leurs économies à la Caisse d’Epargne, en prétextant qu’il n’y aurait presque plus d’inflation, ce qui risque malheureusement de ne pas durer. Or on sait d’expérience qu’on se soucie beaucoup moins de réajuster ces taux d’intérêt lorsque l’inflation augmente.

Concernant ces questions, selon le responsable que l’on écoute, A. Lambert, F. Mer , ou J.-P. Raffarin, à moins qu’il ne soit lui-même encore contredit par J. Chirac, et selon la date et l’endroit où ces gens s’expriment, tout et son contraire (comme le choix d’épargner ou de consommer), peut devenir successivement, voire simultanément, un objectif prioritaire. On ne sait plus où l’on nous mène. La récession, heureusement, ne menace donc pas tous les secteurs !

Il n’est pas besoin de générer davantage de blessés et de malades pour faire vivre les professions médicales, ou de délinquants pour occuper policiers et gendarmes, magistrats, avocats et gardiens de prison. De ce côté-là, il y a un consensus au gouvernement pour voir la consommation baisser. Mais certains dans la majorité gouvernementale ont des idées allant en sens contraire, tel C. Estrosi qui propose qu’automobilistes et motards puissent rouler sur autoroute à 150 km/h, ou J.-P. Soisson qui s’oppose à l’abaissement du taux d’alcoolémie autorisé, au motif qu’aucune voiture ne pourrait plus alors circuler chez lui en Bourgogne.

À propos de nos prisons, avec leurs 57.600 détenus pour 47.000 places, et très inégalement répartis (record battu par Perpignan : 361 détenus pour 122 places), Philippe Bouvard écrivait méchamment dans France-Soir que les nombreuses évasions auxquelles on assistait actuellement étaient peut-être la solution que l’on avait trouvée au problème. En réalité, le gouvernement compte faire construire plusieurs importantes prisons, mais comme cela demandera un certain délai, il a voulu pouvoir tout de suite faire état de quelques réalisations expérimentales, même de moindre envergure. À Saint-Denis-le-Thiboult (76) il a décidé d’aménager un vieux château en centre de rééducation fermé pour jeunes délinquants. Des contingents de 8 adolescents y effectueront des stages, pour lesquels il est prévu un personnel à plein temps de 27 personnes, personnel pénitentiaire s’entend, car comme il s’agit d’un château résidentiel et non d’un château-fort, peut-être y faudra-t-il aussi du personnel domestique. À Sainte-Eulalie (33) ce n’est qu’une maison bourgeoise du 19ème siècle qui a été achetée à cet effet, mais le ratio est le même : 27 adultes pour s’occuper de 8 jeunes de 13 à 16 ans. Cela paraît tellement merveilleux qu’on se demande s’il ne faudra pas instituer un concours d’entrée. D’autant qu’avec les milliers de postes de surveillants et éducateurs supprimés dans les collèges et lycées, parce que là il a été décidé de faire des économies, la délinquance précoce risque d’y proliférer.

On peut naturellement déplorer ces contradictions et ces incohérences. Mais vu ce qui se passe ailleurs, soyons indulgents pour un gouvernement qui, dans un domaine plus immédiatement vital, n’a par contre pas cafouillé sur ses objectifs de paix comme d’autres ont cafouillé sur leurs prétendus buts de guerre.

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[1] et alors qu’on apprenait encore récemment que ceux gérés par les Suisses accusaient pour 2002 des pertes équivalentes à 27 milliards d’euros Le Canard Enchaîné, 12 mars 2003.

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