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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 989 - juin 1999 > Impérialisme américain

 

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Impérialisme américain

par J.-P. MON
juin 1999

Leur énorme déficit commercial (plus de 165 milliards de dollars en 1998 ; 19,44 milliards en février dernier ; 250 milliards attendus pour l’année entière) rend les États-Unis de plus en plus agressifs, ce qui les amène à passer outre aux recommandations de l’OMC qu’ils ont pourtant portée sur les fonds baptismaux et qui, à l’usage s’est révélée bien acquise à leur idéologie ultra-libérale.

Outre le bœuf aux hormones et la banane, ils accumulent les différends commerciaux avec l’Union européenne et le Japon : sur les OGM [1], les nuisances sonores de certains avions de ligne ou les subventions à l’industrie aéronautique (ce qui ne les empêche pas, eux, de subventionner largement Boeing par le biais des crédits militaires)...

Au mépris des règles internationales, la “section 301” de la loi américaine de 1974 sur le commerce autorise les États-Unis à prendre des sanctions unilatérales contre d’autres pays en cas de différends commerciaux. Ainsi la représentante américaine pour le commerce, Mrs Barshefky, a annoncé que les États-Unis appliqueront des sanctions sur 202 millions US$ d’exportations européennes si l’Union européenne continue à refuser de lever son embargo sur les importations de viande de bœuf aux hormones. Les Américains récusent en effet les conclusions du comité vétérinaire de la Commission européenne, composé d’experts indépendants, qui soulignent les risques que fait courir aux consommateurs l’utilisation d’hormones de croissance dans l’élevage. Ils ont établi une première liste de produits susceptibles d’être taxés à l’entrée ; elle comporte notamment le roquefort, les truffes, le foie gras, les eaux minérales... L’Union européenne persiste dans son embargo, mais envisage de proposer des compensations portant sur environ 200 millions de dollars supposés correspondre au manque à gagner résultant de l’embargo pour les États-Unis [2]. Quelle étrange conception du commerce “libéral” : payer pour maintenir les bénéfices des empoisonneurs !

Mais, contribuables européens soyez rassurés, l’Union européenne n’est pas la seule cible des États-Unis : lors de la visite du Premier ministre japonais aux États-Unis, le 3 mai, Clinton a menacé le Japon de sanctions au cas où il ne réduirait pas ses exportations de certains types d’acier sur le marché américain ; Mrs Barshefky, elle, s’en est prise aux Chinois en déclarant que le déséquilibre persistant des échanges commerciaux sino-américains « n’est pas tenable » car il provoque « des tensions et frustrations croissantes aux États-Unis. »

La grande préoccupation des Américains est maintenant de faire nommer à la tête de l’OMC un directeur général à leur botte. C’est en effet lui qui dirigera (au moins en théorie) les prochaines négociations du “Millenium Round” qui doit conduire à de nouveaux abaissements, voire à la disparition des barrières douanières dans l’agriculture, les services, la réglementation des investissements et des marchés publics... l’AMI revient masqué !

Mais en attendant, tout ne se passe pas comme le voudraient les Américains et l’OMC n’a pas encore son nouveau directeur général. Le 4 mai, les discussions pour décider de la suite à donner au processus de nomination (qui durent depuis six mois) ont été ajournées sine die, un accord paraissant plus que jamais éloigné entre les partisans de l’ex-Premier ministre néo-zélandais, candidat des Américains, et le vice-Premier ministre thaïlandais, candidat des pays asiatiques. Dans cet affrontement la France et l’Union européenne ont commencé par accepter que la “police” des échanges commerciaux soit dirigée par un non-européen, puis ont complètement abandonné la partie. L’Europe est pourtant maintenant la première puissance commerciale du monde, mais elle semble paralysée devant les États-Unis. Ce qui est sûr, c’est que pour sortir de cette impasse, on ne vous demandera pas votre avis car, comme la plupart des autres organismes internationaux, l’OMC n’aime pas la démocratie : on ne vote pas, on recherche un consensus !

Mais cette fois-ci le blocage semble total avec la forte opposition qui se manifeste contre chacun des deux candidats, avec le refus d’un recours au vote et la recherche éventuelle d’un candidat extérieur. Selon le journaliste de l’AFP qui rendait compte de négociations qui avaient lieu à Genève, « le recours à un vote (un pays, une voix) soulève de nombreux problèmes pratiques mais aussi des objections de fond. Un scrutin créerait un précédent pour d’autres dossiers dans une organisation où les pays en développement, souvent protectionnistes, sont plus nombreux, même s’ils sont moins influents, que les nations industrialisées ». Cela a au moins le mérite de la clarté : il faut être pour le libre-échange... dans l’intérêt des pays du Nord ! On voit qu’on est bien loin des motivations qui avaient présidé à la création de l’OMC : règles claires et équitables, les mêmes pour tous, harmonisation des relations commerciales entre pays, préservation des intérêts du Tiers monde sans oublier les droits sociaux et même l’environnement....

No comment !

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[1] OGM = organismes génétiquement modifiés.

[2] C’est encore une idée du très libéral Sir Leon Brittan, à l’époque, vice-Président de la Commission européenne.

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