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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1060 - décembre 2005 > Ouf ??

 

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ÉDITORIAL

Ouf ??

par M.-L. DUBOIN
2 décembre 2005

L ’ordre est revenu ! La “racaille” des banlieues est en prison, deux tours de HLM “vétustes” ont été dynamitées à Mantes La Jolie, un ministre a empêché la publication d’un livre qui lui déplaisait, et les cheminots, qui “ne cherchent que des prétextes pour ne rien faire”, viennent de cesser de “prendre la population laborieuse en otage”. L’important maintenant, comme les médias nous y invitent, est de penser aux ravages que pourrait faire la grippe aviaire si des oiseaux migrateurs en transportaient le virus chez nous, s’il était alors communiqué à des animaux domestiques, et s’il pouvait alors s’attaquer à nous. À ce sujet on nous fait savoir combien toutes les précautions ont été prises, que non seulement l’institut Pasteur prépare pour le monde entier l’antivirus adéquat, mais qu’en outre des équipes de vétérinaires font partout des démonstrations d’efficacité indiscutable, avec alertes fictives et simulations d’urgence et ont mis sur pied de guerre des équipes de choc prêtes à intervenir dès la moindre alarme. Nous sommes désormais protégés des épidémies comme de la canicule ! Nous sommes bien gouvernés !

Et, en plus, le PS a su “faire la synthèse” !

Tout va très bien ? L’avenir sera radieux ?

Pourquoi se poser des questions puisque les anciens usagers des transports en commun sont satisfaits d’être devenus, sans qu’on leur demande rien, les clients d’entreprises de services au public ? Pourquoi ne pas croire, comme l’immense majorité des Français, soit que la SNCF, puisque cela a été promis-juré en haut lieu, ne sera pas privatisée, soit que tout ira encore mieux pour tout le monde quand elle le sera ?

Mais parce qu’il est dramatique que si peu de gens prennent conscience que les privatisations ne sont rien moins qu’une entreprise systématique de destruction d’un formidable patrimoine dont nous étions tous copropriétaires. Et que non seulement la politique suivie depuis vingt ans augmente les dettes la nation, mais qu’elle la mène à la faillite en la dépouillant des moyens de “se refaire” ! Nous nous sommes laissés déposséder par ceux-là même à qui nous avions confié la mission de faire fructifier notre héritage. « Leur maison brûle et ils regardent par la fenêtre ! », comme l’a si bien dit naguère... un de ces pyromanes !

Le public a d’autant plus de mal à ouvrir les yeux que la même politique est soutenue partout, et qu’elle l’est par la droite et par la gauche.

Dans ces conditions, où trouver l’objectivité nécessaire pour juger ? Pour l’y aider, nous proposons dans ce numéro le point de vue d’un philosophe, en incitant nos lecteurs à lire son œuvre, puis celui d’un expert-comptable, qui dans son dernier livre répond à des questions très simples. A-t-on idée, par exemple, de la formidable richesse dont les Français disposaient en commun à la fin des “Trente glorieuses” ? De quel énorme potentiel serions-nous tous co-propriétaires aujourd’hui si “nos responsables” avaient pris soin de nous conserver cet héritage, ou mieux, s’ils l’avaient géré “en bon père de famille” ? Il procède méthodiquement, examine tous les domaines, et débouche sur des chiffres atterrants. Puis il compare toutes nos “rentrées financières” à la dette de notre nation. Et il constate à quel point ces rentrées, alors qu’elles sont présentées comme destinées à combler nos déficits, sont loin de faire le compte. La dette publique grimpant toujours, et à toute allure, qu’est-ce qui nous attend au bout, quand nous n’aurons plus rien à vendre ? Quand nous aurons asséché toutes ces sources de rentrées, qui sont en réalité des “sorties” de vraies richesses ?

Il faut savoir ce qu’est la faillite d’un État pour ne pas avoir à le découvrir aussi brutalement que les Argentins en décembre 2001. Leur exemple est une leçon. Deux films-documentaires, “Histoire d’un saccage”et “L’argent” [1], retracent leur histoire à l’aide de bandes d’actualité, ils interviewent des témoins, expliquent le mécanisme de la crise, montrent les résultats, la détresse des survivants, leur ruine et leur colère. Le second, “L’argent”, fait en plus un parallèle avec la situation de la Turquie qui a vécu une situation semblable peu avant.

La France n’est ni l’Argentine, ni la Turquie, ni un de ces pays du Tiers monde où la corruption fait loi... Serait-elle donc à l’abri de tels drames ? Notre expert-comptable a comparé la gestion de l’Argentine au cours de la décennie 1990, avec celle de la France au cours des vingt dernières années. Et cette comparaison montre à l’évidence que nos gouvernements, de droite comme de gauche, n’ont rien à envier à l’Argentine en fait de gestion calamiteuse.

Que ceux que les chiffres rebutent, et que réfléchir fatigue continuent à regarder la “télé réalité”. Ils se ménagent une surprise.

Nous préférons insister sur le rôle de l’argent, comme nous venons de le faire au cours du colloque “Monnaies et Solidarités”, organisé minovembre autour de la Maison de Citoyenneté Mondiale de Mulhouse. Nous en reparlerons plus largement. Disons ici que nous sommes heureux d’y avoir rencontré des gens qui cherchent comment bâtir un monde plus humain en créant eux-mêmes une monnaie d’échanges.

Espérons que c’est par cet intermédiaire qu’ils organiseront la société solidaire.

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[1] d’Isaac Isatan, on peut les voir dans les cinémas “d’art et d’essais”, ceux de la chaîne Utopia, par exemple.

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