Recherche
Plan du site
   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 837 - août-septembre 1985 > Actualité de l’abondancisme

 

Le site est passé à sa troisième version.

N'hésitez-pas à nous transmettre vos commentaires !
Merci de mettre à jour vos liens.

Si vous n'êtes pas transferé automatiquement dans 7 secondes, svp cliquez ici

Actualité de l’abondancisme

par M. PUJOLS
août 1985

Comme les prétendus Libéraux, et après eux, les Socialistes sont incapables de juguler la crise ; Ils échouent moins sur le plan pratique (puisqu’ils gèrent les affaires courantes aussi bien que leurs devanciers) que sur le plan théorique : confrontés aux réalités, leur idéologie s’est effondrée ; elle se réduit désormais à quelques slogans en faveur des déshérités, qu’inspire un vague christianisme doloriste et partageux ! Devant ce vide doctrinal, l’opinion devrait chercher d’autres solutions, donc regarder vers l’Abondancisme qui, n’ayant donné lieu à aucune expérience de grande envergure, n’a aucun échec à se faire pardonner ; elle ne le fait pas ! Avant 39, et immédiatement après, J. Duboin touchait un large public ; depuis, l’Economie Distributive s’est marginalisée : la cause de cet échec n’est-elle pas inscrite dans l’évolution même du mouvement Abondanciste  ?
L’intuition fondamentale de J. Duboin, c’est que, grâce aux progrès de ses connaissances et de son savoir-faire, l’humanité possède désormais une maîtrise de son environnement suffisante pour vivre dans « l’abondance », c’est-à-dire pour renoncer peu à peu à ses comportements de pénurie ; la situation même que ses contemporains baptisent « crise  » lui en donne la preuve cette crise provient en effet selon lui non de la disette, mais des signes avant-coureurs de l’abondance qui désorganisent des structures économiques et sociales fondées, depuis des millénaires, sur des conduites de pénurie. J. Duboin a conscience d’apporter ainsi une formidable espérance  ! Car la fameuse « société sans classes », qui n’a de sens que par l’abondance qu’elle promet à tous, il la voit, non plus au bout des fusils, mais conquise « par la science et par la machine ». Et il pose à ses contemporains ces questions : pourquoi bouder l’abondance ? Pourquoi entretenir artificiellement une pénurie dont les sociétés ont toujours prétendu pâtir ? Pourquoi ne pas cueillir cette chance inouïe que nous donne le développement des techniques ?
Ensuite, et tout naturellement, J. Duboin et ses héritiers spirituels, ont cherché comment saisir cette chance : comme beaucoup de marxistes, ils ont imaginé des scénarios pour la « période de transition » ; et ils en ont trouvé ! Ils ont désormais proposé non plus des questions et une Espérance, mais des solutions. Or, malheureusement, se produisait en même temps, à l’Est, le plus grand événement de notre siècle, l’effondrement du rêve communiste quelques qualités qu’elle possède, l’économie marxiste se révèle incapable de créer l’Abondance ; elle lui est allergique ! Bon pour des esprits religieux qui veulent faire pénitence, excellent pour la guerre, le communisme se disloque, dès que la pénurie recule : pour que fonctionne sa société idéale, il faut y maintenir de force les individus ! Rien d’étonnant : il se réfère à des modèles archaïques  ; il ignore le phénomène le plus nouveau dans notre espèce, le développement de l’individu ; distendant au maximum les liens qui les relient à la matrice collective, les individus s’aperçoivent que la somme des énergies, des activités « libres  », ainsi dégagées est infiniment supérieure à celle des passivités embrigadées dans la Société Idéale ! Depuis des siècles, nos cultures n’en finissent pas de présenter, sous les formes les plus variées, l’unique Aventure de l’homme seul comme son groupe, s’émancipant, mesurant ses forces contre sa tribu, sa cité, son église ! Cette évolution explique qu’existe dans le public une double défiance, à l’égard des « socialismes » et des «  révolutions ». Bien que la vie sociale soit pour nous une fatalité biologique, que les dépendances naturelles soient souvent insupportables, certains hommes s’ingénient à créer des formes toujours plus contraignantes de vie collective  ; sous prétexte d’amour, s tassent les gens les uns sur les autres  ; l’atmosphère devient rapidement étouffante ! Toute tentative pour resserrer les liens, pour définir un dogme, se solde par une hérésie, des persécutions, des ruines, la Pénurie  ! La vie en société n’est pas un idéal, c’est un fait ; lorsque les individus se sont émancipés de la tutelle collective, les y ramener relève non de l’utopie mais du cauchemar. D’autre part, les cruelles expériences « révolutionnaires  » qui ont été faites en ce XXe siècle rendent légitimement suspecte toute doctrine politique qui envisage le changement parle haut, par une quelconque dictature, même avec de jolies Fêtes de la Fédération ! Quand une poignée d’hommes prétend manipuler un groupe par la terreur, elle le fait régresser, jamais progresser. Dans un tel contexte, l’étiquette « distributiste », qui a remplacé « abondanciste  » paraît terriblement ambiguë ! Elle a l’air de supposer le capital de consommation concentré dans les mains d’un Père-Supérieur de l’Economie qui le répartirait selon la Justice d’une part, elle donne ainsi à l’Etat des pouvoirs théocratiques dont les individus qui l’incarnent sont toujours indignes ; d’autre part, elle fait appel à la notion de Justice, qui provoque immédiatement parmi les hommes la confusion et la guerre ! C’est précisément cette notion de « distribution » que « l’Abondancisme  » paraissait reléguer au magasin des accessoires ! La manie distributive est en effet un comportement de prédateur, de parasite incapable de produire ; le producteur ne partage pas les galettes ; s’il en manque, il revient à ses fourneaux ; grâce à la technique, il n’est pas esclave lorsqu’il produit ; au contraire, il triomphe par là de l’environnement hostile et de la disette.
L’actualité de l’Abondancisme réside donc moins dans les solutions qu’il est en mesure de proposer (sachant qu’il devra, pour les faire aboutir, les imposer) que dans les questions qu’il est seul encore à poser, dans l’Espérance qu’il représente ; quand les autres sont aveugles, ou s’obstinent à ne pas voir, il rappelle, en actualisant J. Duboin, la véritable nature de cette fameuse « crise » ! Cette information pourrait s’orienter dans 3 directions : l’utopie, les comportements de pénurie, la nature et les fonctions de l’argent.

***

Notre réponse. Rappelons simplement, à propos du mot distributisme, qu’il n’implique nullement une quelconque concentration de pouvoir entre les mains d’un Etat-Père-de-droit-quasi-divin. Bien au contraire (et on le voit bien en lisant « les affranchis de l’an 2000 ») la « libération », sur le plan économique, qu’implique l’économie distributive, donne le pouvoir (tous les pouvoirs, dont le principal, le pouvoir économique) aux consommateurs, donc à tout le monde.
Par le choix de l’expression économie distributive, J. Duboin (qui employait aussi celle d’économie des besoins) voulait souligner son originalité par rapport aux deux seules sources de revenus qui existaient jusqu’au 20e siècle : le salaire (revenus contre un travail) et le profit capitaliste (revenus contre l’utilisation d’un capital). En économie distributive, les revenus ne sont pas échangés contre quelque chose : ils sont distribués parce que l’humanité en a maintenant les moyens...

^

e-mail