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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 831 - février 1985 > L’énergie dans le monde

 

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L’énergie dans le monde

(fin)
par A. PRIME
février 1985

III. LA GÉOTHERMIE

Lors du refroidissement de la terre, les matériaux les plus lourds encore en fusion « tombèrent » vers le centre. D’autre part, les éléments radioactifs se désagrégeant depuis des milliards d’années ont dégagé de la chaleur en permanence. Aujourd’hui, lorsqu’on s’enfonce à l’intérieur de la terre, la chaleur augmente de 1 °C par 33 M., soit 30° par km.

" La géothermie dite à basse énergie concerne les eaux emprisonnées dans le sous-sol à 60/80°C. Ces eaux sont souvent salées ; il faut alors prévoir un circuit échangeur d’eau douce pour alimenter les installations. Le plus souvent, l’eau primaire sera réinjectée dans la nappe, ce qui nécessite un deuxième forage.
L’Islande est privilégiée - fort heureusement pour elle, car il n’y fait pas très chaud ! Située sur la grande faille altantique qui « écarte » l’Europe de l’Amérique de 6 cm par an, elle bénéficie d’une géothermie abondante. Ainsi, les 110 000 habitants de Reykjavik, les deux tiers des autres Islandais et 135 000 m2 de serres sont, depuis 1977, entièrement chauffés par la géothermie.
En France, nous avons de nombreuses réalisations : Creil, 4 000 logements ; Mont-de-Marsan, Blagnac, Melun, l’Almont, Mee-sur- Seine, Villeneuve-La-Garenne, etc. : des milliers de logements. Le bassin parisien est très favorisé. La délégation aux Energies Nouvelles avait naguère envisagé d’équiper un million de logements à l’horizon 1985. Le pari ne sera pas tenu ; malgré cela, les réalisations et les espoirs sont loin d’être négligeables. D’autant qu’on veille désormais, lors des forages pour la recherche d’hydrocarbures, à la découverte éventuelle d’eaux chaudes souterraines (la plupart des sociétés pétrolières ont créé un secteur géothermique).
Pour le chauffage des serres, des piscines, on peut même se contenter d’une géothermie à « très » basse énergie, avec des forages peu profonds donnant des eaux de 20 à 50°C.

" La géothermie à haute énergie concerne les gisements chauds (eau de 80 à 120°C et très chauds (eau de 150 à 400° et plus) permettant d’utiliser directement la vapeur pour produire l’électricité par turbines. Ainsi, en Italie, en 1980, le site de Larderello avait une puissance installée de 350 MW (la puissance moyenne d’une centrale thermique est de 80 à 100 MW) ; en Islande, Krafia a une puissance de 70 MW. Dans le monde, la puissance globale est passée de 470 MW en 1963 à 1 115 en 1973 et 3 000 environ en 1982 (USA = 900 MW ; Mexique : 450 ; Japon 400 ; URSS : 120). En Chine, 2 300 sites ont été répertoriés.
Les ressources géothermiques de la planète, systématiquement prospectées - voire artificiellement créées en injectant de l’eau dans certains sites particulièrement chauds - pourraient fournir chaque année, au XXIe siècle, 10  % de l’énergie actuellement consommée.

IV. L’ENERGIE NUCLÉAIRE

1) La fission : uranium et thorium

" L’uranium extrait du sous-sol comporte deux variétés : l’uranium 235 et l’uranium 238, tous les deux radioactifs ; mais le 235 l’est 6 fois plus que le 238 et, de ce fait, l’uranium 235 ne représente plus que 0,7 % de l’uranimum naturel contre 99,3 % pour l’uranium 238.
C’est Enrico FERMI qui, réfugié aux USA à la veille de la guerre, mit au point en 1942 la « pile atomique » (barres d’uranium séparées par des barres de graphite). Le « fluide caloporteur » chauffé dans cette pile (appelée plus couramment par la suite « réacteur  ») actionne une turbine, tout comme dans une chaudière à combustible conventionnel.
Sans entrer dans les détails, disons que c’est avec l’uranium enrichi - à l’uranium 235, taux de 3 % - que la puissance au m3 installé a pu atteindre 100 MW. L’eau est généralement utilisée comme fluide caloporteur.
- Les PWR (50 % de la puissance installée) ; l’eau reste liquide et n’est pas radioactive.
- Les BWR 30 % de la puissance installée) : l’eau est vaporisée et est rendue radioactive.
D’autres systèmes (20 %) utilisent des formules voisines (URSS).
La puissance des unités installées varie de 900 à 1300 MW.
A titre indicatif, une centrale PWR de 900 MW comporte 66 tonnes d’uranium enrichi, renouvelable par 1/3 sur 3 ans. La France, qui a opté pour le système PWR, comptait en 1979 une quinzaine de centrales et avait en prévision, jusqu’en 1990, une cinquantaine de centrales supplémentaires. Le fléchissement de la courbe des besoins en électricité modifiera certainement ce chiffre.
Pour alimenter en « combustible » ces centrales, il a fallu créer des usines d’enrichissement de l’uranium (usines isotopiques). Les premières construites eurent essentiellement des motivations militaires (Pierrelatte en France). Les besoins du programme civil, décidé après la première crise pétrolière, ont conduit, en France, à la construction de l’usine de Tricastin.
Les réserves d’uranium dans le monde sont limitées : 4 à 5 millions de tonnes, soit seulement la valeur de 13 à 20 années de la consommation totale d’énergie à ce jour. La France - 60 000 tonnes - recèle deux fois plus d’uranium que tout le reste de l’Europe.
Dans un premier temps, ces faibles quantités ont conduit à récupérer l’uranium 235 que les piles n’ont pas consommé  : d’où la création d’usines de « retraitement » - chez nous, Marcoule UP1 en 1958, La Hague UP2 en 1967. La récupération est de l’ordre de 40 % et une même matière peut être retraitée plusieurs fois. La Hague, constamment développée, « retraite » pour de nombreux pays, ce qui a créé les problèmes que l’on sait avec les écologistes, notamment après le récent naufrage en mer du Nord d’une cargaison de produits fissiles.
Dans un deuxième temps, on a créé le surrégénérateur qui permet d’utiliser l’uranium 238, peu radioactif, nous l’avons vu, par rapport à l’uranium 235. Là non plus, nous n’entrerons pas dans les détails : la pile surrégénératrice multiplie par 100 la valeur d’utilisation de l’uranium. C’est Joliot Curie -qui déjà avait, en 1940, imaginé la pile atomique - qui a également imaginé ces possibilités. Super Phénix, à Creys Malville, est la première centrale française de ce genre.

" Le thorium, qui n’est pas un combustible nucléaire naturel, se transforme, lorsqu’il est bombardé par des neutrons, en uranium 233, fissile à l’instar de l’uranium 235 et du plutonium, et il leur est supérieur qualitativement.
Le thorium n’est pas plus abondant sur la terre que l’uranium, mais il se trouve que le territoire des USA renferme près de la moitié des ressources inventoriées : d’où l’intérêt que les Américains portent aux études basées sur l’utilisation du thorium.
En conclusion, quatre constatations ou remarques - en quelques 20 ans (chiffres 1980), 243 centrales ont été mises en service dans le monde ; 230 étaient en construction en 1980. - le KWh nucléaire était - dès 1980 - tombé à 14 centimes, contre 18 pour le charbon, 28 pour le fuel, 9 à 29 pour l’hydraulique. - En France, la production d’électricité « nucléaire », qui couvrait, en 1980, 22 % des besoins, en couvre déjà, en 1984, environ 33 %. - En 1990, 3 % seulement de notre électricité sera produite avec du fuel.

2) La fusion thermonucléaire
Le soleil n’est qu’un énorme réacteur thermonucléaire  : il convertit en hélium l’hydrogène dont il est formé et, dans cette transformation, chaque gramme d’hydrogène libère une énergie égale à 24 tonnes de charbon. De quoi faire rêver les chercheurs : l’énergie-éternelle  ! Mais comment « copier » le soleil ?
La solution envisagée est la réaction deutérium-tritium (isotope lourd de l’hydrogène) qui nécessite... 100 millions de degrés (le centre du soleil n’est qu’à... 13 millions).
Il y a loin de la coupe aux lèvres ? Qu’importe ! Les chercheurs s’attaquent au problème.
D’abord, la « matière » : la combinaison deutérium-oxygène n’est autre chose que l’eau lourde ; une molécule d’eau sur 6 700 est une molécule d’eau lourde. Quant au tritium, on sait le fabriquer artificiellement, car il est nécessaire pour la bombe H.
Ensuite, la chaleur : aucun matériau ne résisterait à 100 millions de degrés. Le « récipient » pour la fusion du plasma sera donc immatériel, un champ magnétique. D’illusions en désillusions, la période 1960/1968 est nettement au noir. Mais, en 1968, le physicien soviétique ARTSIMOVITCH conçoit un appareil qu’il baptise TOKAMAK ; il a la forme d’un tore (genre grosse chambre à air) avec des jeux d’électro-aimants. On passe, au-fil des années, de 1968 à 1978, de 70 000 degrés à 2 millions, puis 10, 18, 30, enfin, aux USA, 60 millions.. La puissance des TOKAMAK ne cesse de croître : pour l’Europe des 9, le JET - 2 000 tonnes - installé en Angleterre  ; aux USA, le TFTR (TOKAMAK Fusion Test Reactor) ; T 20 en URSS sans oublier le Japon, très actif.
D’autres voies sont explorées celle dite de la « fusion rapide », par exemple, suggérée dès 1962 par Nicolaï BASON (co-inventeur du laser), exposée en 1971 par le physicien américain d’origine hongroise, Edward Teller, père de la bombe H. Le laser trouve là une nouvelle situation capitale. Les Français étudient cette technique à Limeil.
Quoi qu’il en soit, les premiers réacteurs pour la fusion nucléaire ne sont guère attendus qu’à l’aube du XXIe siècle. Mais les spécialistes ne se sont-ils pas constamment trompés sur les calendriers ?
Au cours de la première moitié du XXIe siècle, les principales sources de l’énergie actuelle - uranium compris - apparaîtront peut-être aussi archaïques que le bois en 1984. La quasi totalité de l’énergie pourrait être « tirée » de notre soleil et des « mille soleils  » que créerait l’Homme, ce démiurge capable, avec les mêmes découvertes, de s’autodétruire ou de jeter - enfin - sur SA planète les bases d’une vie meilleure et sûre pour l’ensemble de l’humanité.

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