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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1095 - février 2009 > La place de l’Amazonie au FSM 2009

 

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De Belem, où il participe au forum social mondial 2009, Patrick Viveret, qui note que c’est une belle illustration d’une nouvelle approche de la richesse, nous envoie le texte ci-dessous de Marilza de Melo Foucher, docteur en économie, consultante internationale, et spécialiste en développement territorial intégré, durable et solidaire. Il est traduit du Portugais :

La place de l’Amazonie au FSM 2009

par M. de MELO FOUCHER
28 février 2009
Dans le vert, vert peur, parmi les pièges,
Dans les lianes, brûlantes des incendies de forêt,
Se pend l’uirapuru,
Dans la clef de son chant.
Paes Loureiro, poète paraense.

L’Amazonie a toujours été l’objet d’un intérêt international sous tous les aspects. Elle soulève autant l’attention de l’opinion publique internationale, avocate de son intégrité écologique, que celle des grandes puissances aux intérêts divers dans cette immense réserve de richesses naturelles.

Cette région de dimension continentale a aussi représenté un laboratoire idéal pour démontrer la brutalité du capitalisme avide et prédateur.

La politique “développementiste” et du modèle néo-libéral mis en place en Amazonie, en plus de détruire les écosystèmes ruraux et urbains de la région, a aussi provoqué une explosion de mécontentements qui, au fil des années, se sont transformés en une mobilisation sociale de résistance. De fait, l’idéologie néo-libérale a toujours visé la destruction du tissu social et toujours créé de nouvelles formes de tutelles pour freiner l’avance des mouvements sociaux émergents, à l’exemple des peuples indigènes de l’Amazonie. Les Indiens qui vivent sur le territoire brésilien étaient considérés naguère, par la constitution brésilienne, comme des personnes handicapées.

La reconnaissance, par la Constitution Fédérale, des organisations sociales des Indiens s’est faite très lentement et elle suscite, encore aujourd’hui, des controverses.

Ce constat est révélateur de la discrimination logée dans le conscient et le subconscient de la société brésilienne. Rompre avec la perspective intégrationniste, assimilationniste, de la législation brésilienne, a fait apparaître des divergences entre deux courants qui, malheureusement, en plein 21ème siècle, perdurent encore. On considère les Indiens comme une catégorie ethnique et sociale transitoire, condamnée à la disparition puisqu’ils empêchent le progrès, outre qu’ils mettent en péril la sécurité des frontières !

Autre courant a ouvert, au sein de la société brésilienne, un espace de débat national plus élargi sur des questions qui sont restées invisibles pendant de nombreuses années, qui ne réveillaient pas d’intérêt, ou qui, simplement, étaient ignorées, faute d’informations ou d’éducation sur les droits humains. Ce courant a combattu la dictature, beaucoup se sont exilés, d’autres sont devenus clandestins et résistants et ont participé activement à l’émergence d’une nouvelle société civile qui a réussi, après beaucoup de luttes, à peser sur l’agenda politique brésilien.

Ce courant va ainsi contribuer à l’élargissement des débats sur les questions environnementale, ethnique, sexuelle et sur le droit des populations traditionnelles et des peuples indigènes à avoir l’usufruit des richesses nationales du sol et la possession permanente de leurs terres. Cette reconnaissance signifie aussi le droit des peuples indigènes à une participation active dans les espaces où sont prises les décisions qui les concernent.

Les héritiers d’Ajuricaba (chef indigène dans la résistance aux Portugais) et du Cabanos sont les meilleurs défenseurs des richesses naturelles de l’Amazonie, de leur biodiversité et de la conservation de leurs frontières. Ils continuent à être les gardiens naturels de cet espace d’espoir !

Les forces vivantes de l’Amazonie représentées au FSM

Le Forum Social Mondial va voir, aujourd’hui, jaillir la vitalité du tissu social en Amazonie. Il existe, dans l’Amazonie brésilienne, de fortes identités collectives, qui sont organisées en de petites associations qui s’expriment dans les mouvements sociaux, et des organisations communautaires militantes. Ces diverses organisations ne sont pas seulement réactives, il y a longtemps qu’elles sont en avant-garde de la lutte pour la défense de la biodiversité et de la diversité socioculturelle.

Et elles ont la capacité de proposer des alternatives politiques compatibles avec les caractéristiques de la région.

Aussi ne faut-il pas être surpris par la présence d’une intelligentsia amazonienne, engagée non seulement dans le champ académique et les centres de recherches, mais aussi dans la participation active à l’action politique transformatrice. En plus d’assurer une production et une reproduction scientifique permanente, elle a, depuis quelques années déjà, su tisser des partenariats avec des institutions non gouvernementales, avec des mouvements sociaux et pastoraux et avec de petites associations actives dans la lutte contre l’exclusion sociale et pour un autre développement en Amazonie. Centres de recherche, universités amazoniennes, associations d’étudiants, mouvements sociaux et pastoraux engagés agissent avec une vision holistique du développement, tel que, par exemple, la FASE qui est née dans les années 60.

Grâce à une étroite collaboration, ils font émerger des recherches, des projets, des thématiques nouvelles qui vont appeller l’attention des universitaires européens et d’autres continents à s’investir comme eux.

Un exemple, entre autres : le Projet de Nouvelle Cartographie Sociale (PNCSA), ce réseau de chercheurs et de mouvements sociaux, qui reçoit la participation de l’UFPA-Université Fédérale et d’autres universités publiques, a des activités dans toutes les régions du Brésil et des contacts en Colombie, en Guyane française, au Venezuela, en Argentine et en Europe…

Grâce à cette façon d’agir, la vision sectorielle de la connaissance perd du terrain et en cède à la vision pluridisciplinaire. Les chapelles intellectuelles n’ont plus raison de produire ou reproduire des connaissances dans des circuits fermés. La socialisation de savoirs et d’expériences s’est imposée dans la région. Cet apprentissage a été un défi permanent, comme la manière de travailler dans des réseaux et d’avoir une articulation aux plans local, régional, national et international. Ce réseau maintient des liens étroits avec les mouvements et les associations, il appuie leurs actions et les luttes des organisations d’agents sociaux (quilombolas, indigènes, petits extracteurs, riverains, pêcheurs, colons, artisans, charbonniers) dont sa vie sociale et le matériel sont menacés par les changements sociaux et environnementaux.

Si nous nous arrêtons pour faire un bilan des changements positifs qui ont eu lieu ces dernières années en Amazonie, il faut souligner que nous pouvons dire aujourd’hui, sans équivoque, qu’ils ont réussi grâce à cette nouvelle façon d’agir et à la pression de ces forces actives de la région.

Ils font de leur diversité socioculturelle, de leur patrimoine et de l’exercice actif de la citoyenneté, une nouvelle conception de la démocratie.

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