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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 784 - décembre 1980 > La bonne conscience

 

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La bonne conscience

par F. LÉVY
décembre 1980

SOUS ce titre, que « Le Monde » du 15 décembre 1970 a publié en « Libres Opinions », je déplorais que, depuis la fin de la guerre, les « antifascistes » de France et d’ailleurs n’aient pas hésité à conforter le régime franquiste par leurs vacances en Espagne (« parce que c’est moins cher que chez nous ») et leurs investissements dans les promotions immobilières, hôtelières, touristiques et bancaires (« parce que c’était rentable »). La conclusion était que, aveugles et pusillanimes pendant 25 ans, ces combattants de la liberté l’avaient trahie par leur comportement, puis soutain « découvraient l’Espagne », à BURGOS d’où un procès inique déclenchait enfin les passions et... la lumière. Les résistants espagnols m’apprirent plus tard que cet article avait été traduit et diffusé dans tout le pays. Les événements actuels démontrent bien le poids de l’extérieur sur l’économie espagnole.
Aujourd’hui, nous découvrons l’URSS, à KABOUL. Il a fallu l’Afghanistan, il a fallu SAKHAROV pour que s’organise la protestation, que s’affirme le refus, le refus des relations commerciales et culturelles, le refus des Jeux Olympiques. Il a fallu 25 ans, depuis la dernière guerre, pour qu’une partie du monde proteste clairement contre l’asservissement de peuples satellites, contre les procès, les goulags, les hôpitaux psychiatriques, les bannissements, les privations de situation et de travail, les interdictions de circuler dans le pays et d’en sortir, tout ce qui est contraire à toutes les Chartes et à tous les accords, de l’ONU à HELSINKI, aux élémentaires droits de l’homme dans tout pays civilisé, il a fallu 25 ans pour la manifestation du refus.
Non, la guerre n’est pas la solution, la guerre ne sera jamais plus une solution : le napalm apatride a grillé les Vietnamiens qui se voulaient communistes comme il carbonise les Afghans qui s’y refusent. Pour rien. La guerre ne résout que les problèmes commerciaux posés par le système marchant : il faut des débouchés pour pouvoir ventre, il faut consommer pour pouvoir produire. Or il y a peu d’années Charles LEVINSON (1) a écrit que les échanges entre les deux blocs avaient pris une telle ampleur qu’ils rendaient impensable, parce qu’inutile, la guerre : échanges commerciaux (des pays d’Amérique du Sud, transformés en boucheries anti-communistes, livrent leur blé à l’URSS), échanges de services, technologiques, scientifiques (quant les savants ne décident pas de rester chez eux) . A noter . lorsque deux adversaires possèdent : les moyens de détruire dix fois la planète, la preuve est faite que les fabrications d’armements ont d’autres buts que leur utilisation : à l’Ouest, le complexe militaro-industriel défend des intérêts très précis ; de l’autre côté « la course » se justifie par l’encerclement hostile, depuis la naissance des soviets, et la volonté de propagation universelle de l’idéologie.
Il paraît possible de prétendre qu’une idéologie est discutable lorsque ses résultats matériels, dans une partie du monte entièrement soumise à sa loi, n’ont en 60 ans pas mieux progressé. En face, depuis 1929, la libre entreprise - jointe aux jeux de la bourse et du hasard - n’a encore provoqué qu’une guerre mondiale, et beaucoup d’autres qui se succèdent, et deux crises économiques dont l’actuelle empire tous les jours  : de bons esprits pensent la résoudre par la guerre nucléaire.
Il paraît possible de proposer que les chefs des pays concernés - il s’agit des deux blocs qui se terrorisent, et du reste du monte qui pâtit de cette situation -, que les responsables de tous les Etats du monde se réunissent le plus tôt possible pour organiser la vie de la planète. Sur deux thèmes.
- Il est mal envisageable que 500 millions d’êtres humains meurent de faim dans les années 80 (2). L’argent prévu pour les armements sera reporté sur la production, le transport et la distribution gratuite des produits nécessaires à la survie des condamnés.
- La preuve étant ainsi faite que la vie (et le bonheur) des hommes n’est pas nécessairement liée à leur commerce et à leur profit pécuniaire, l’idéologie nouvelle, devenue commune aux blocs et au Tiers-Monte, se concrétisera dans les efforts de la production, de toutes les productions de paix, en vue de la satisfaction des besoins des hommes, de tous les hommes.
Le premier thème sera combattu par l’évocation du chômage (probablement 20 % des travailleurs) provoqué par l’arrêt des armements, et de la débâcle des « balances de paiements » des pays concernés. La riposte sera : pourquoi discourez-vous depuis 35 ans sur le désarmement puisque le chômage et votre système des échanges le rendent impossible ? La solution sera : les principes nouveaux et l’économie nouvelle qui permettront d’assurer l’existence des sinistrés de la faim assureront aussi l’existence des sinistrés qui, à l’Est comme à l’Ouest, risquent de ne plus manger parce qu’ils risquent de ne plus travailler.
Le second thème sera combattu par l’évocation de la concurrence, mère du progrès ; et du profit, moteur du travail. La riposte sera : la concurrence est devenue mortelle sur le plan national (faillites dues aux bas salaires « d’ailleurs ») et sur le plan international (le Marché Commun - ses vins, ses légumes, ses fruits, ses moutons -, la sidérurgie et l’automobile - leurs crises, leurs craintes d’avenir -) ; et le profit aggrave les inégalités entre les hommes. La solution sera : travailler pour produire, et non plus pour « gagner ». Produire pour consommer, et non plus pour « vendre ».
- Vous prétendez changer le monde en cinquante lignes ?
- Vous préférez le voir détruit en cinquante secondes ?
A vous de jouer.

(1) Dans « VODKA-COLA » (voir G.R. n° 756).
(2) « Le Monde » du 18 juillet 1980.

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