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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 780 - juillet 1980 > Petit jeu

 

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Petit jeu

par M. DUBOIS
juillet 1980

NOUS attirions tout dernièrement l’attention des groupes écologistes sur la nécessité absolue de changer de régime économique si l’on souhaite vraiment donner une efficacité réelle aux efforts entrepris pour la protection de la Nature et l’amélioration de la qualité de la vie. Nous allons aujourd’hui revenir sur ce sujet, en empruntant à l’actualité quelques exemples typiques de la véritable paralysie résultant de contraintes inhérentes au dit régime et qui disparaîtraient totalement en Economie des Besoins.

PROTECTION DES ESPECES ANIMALES

Chacun connaît l’histoire des bébés-phoques, dont la destruction insensée continue en dépit de toutes les campagnes à grand spectacle lancées ces dernières années. Mais, dans une émission de télévision du 4 septembre 1979 sur Antenne 2, l’explorateur P.-E. Victor évoquait un autre drame, moins connu du public : le massacre des grandes baleines dont il resterait environ 200 000 exemplaires sur plus d’un million. Malgré les accords internationaux, et l’interdiction théorique des navires-usines, les pirates continuent leurs ravages en toute impunité, et le Commandant Cousteau, au cours de la même émission, déclarait avoir rencontré seulement 2 baleines et presque plus de phoques en trois mois de voyage dans l’Antarticque.

LA CRISE DU PETROLE

Quant aux problèmes énergétiques, tarte à la crème de la grande presse et des médias, ils sont peut-être encore plus typiques.
Il y a plus de 20 ans, nous dénoncions déjà dans notre journal l’absurdité d’une politique conduisant, pour des motifs de pure rentabilité financière, à orienter délibérément toute la production d’énergie électrique sur le pétrole sous prétexte que le prix du kilowatt ainsi obtenu était inférieur à celui du kilowatt hydraulique ou marémotrice.
Mais voici qu’aujourd’hui, devant l’escalade du prix du baril d’or noir, le même raisonnement incite nos dirigeants à miser sur le tout-nucléaire. Et dans une émission sur FR3 (1), M.  Chapuy, Directeur d’EDF, précisait que depuis 1978 le kilowatt d’origine nucléaire était devenu compétitif avec un prix de revient de 10 centimes, contre 14 centimes pour le kilowatt des centrales au charbon et 16 centimes pour celui des centrales au fuel. Voilà pourquoi on passe outre aux risques de fuites de radiation et aux dangers du stockage des déchets inutilisables, dangers pourtant mis en évidence, au cours de la même émission, par M. Gauvenet, directeur général du Centre d’Etudes Atomiques. Voilà pourquoi « Le Figaro » (2) ose avouer  : « Faudra-t-il sacrifier des installations de sécurité très chères pour rendre le kwh produit par Super Phénix compétitif ? ». Pourtant, il eut été parfaitement possible de réserver les centrales nucléaires à la seule production de l’accroissement de consommation d’énergie électrique du pays, accroissement très contrôlable dans un régime économique permettant l’élimination des gaspillages et de l’actuelle fuite en avant pour échapper au chômage.
Et puis, c’est au tour du « Figaro » (3) de nous avouer les véritables motifs de l’étonnant succès des récents forages de pétrole et de gaz sur le territoire métropolitain. Devenue rentable, la production française de pétrole (1,1 million de tonnes) va vraisemblablement doubler  ; le gisement de Pécorade fournira 600 000 tonnes de gaz par an, prenant ainsi le relais de Lacq. On va également intensifier les recherches sous-marines en mer d’Iroise et dans le Golf de Gascogne  : P.-E. Victor rappelait pourtant en septembre dernier que les forages off-shore sont extrêmement dangereux et pourraient déclencher une catastrophe mondiale plus grave qu’un cataclysme nucléaire.
Les esprits réalistes nous rétorqueront que nous n’avons pas le choix, et c’est hélas vrai dans le cadre du système économique actuel. Mais faut-il leur rappeler, comme le soulignait Edouard Sablier dans sa chronique radiophonique du 29 juin 1979, l’écrasante responsabilité des grandes compagnies pétrolières américaines dans la hausse des prix du pétrole, et le rôle néfaste des achats américains sur le marché noir de Rotterdam subventionnés par une prime de 5 % du Président Carter aux importateurs de pétrole ?

LA VOITURE ELECTRIQUE

Unes des solutions possibles à la crise du pétrole serait bien évidemment la généralisation des véhicules électriques. Pourquoi les pouvoirs publics n’agissent-ils pas dans ce sens, ni en France, ni dans les autres pays ?
Voici les explications données par « Le Figaro » (4) :
« Depuis des années, on en parle. Même avant la crise du pétrole, il était question de ce fameux véhicule électrique qui présente, dit-on, tous les avantages : silencieux et non polluant. En fait, que constate-t-on ? A Paris et dans la région parisienne, 300 bennes électriques assurent la collecte des ordures ménagères. Mais cet achat n’est pas renouvelé - ce matériel dure longtemps et la société qui les fabriquait, la SOVEL, filiale de SAVIEM, a dû arrêter sa production, faute de commandes. Son équipe technique a été reprise par Renault Véhicules Industriels et aujourd’hui la SITA (Société industrielle de transports autonomes), qui construit des bennes à ordures, a réalisé un prototype électrique.
« Va-t-elle le vendre ? Les responsables des municipalités ne sont pas encore convaincus de l’intérêt de ce matériel  : il a l’inconvénient de coûter un peu plus cher à l’achat, 1,7 fois plus qu’un véhicule thermique. C’est dur pour les finances municipales budgétisées annuellement. Même si la durée de vie de ces véhicules est de deux fois à deux fois et demie plus longue que les autres.
« Les mêmes problèmes se posent pour les autobus. Ainsi jusqu’à présent, un seul maire, Jean Royer à Tours, s’est lancé à fond depuis 1976 dans l’expérience. Il a réinvité le 18 décembre 1979 dans sa ville les municipalités pour en parler. Il projette lui-même de faire rouler 30 autobus locaux au moyen d’électricité, produites par des turbines placées sur le Cher. Il veut aussi faire marcher des véhicules municipaux à l’alcool produit par une distillerie alimentée en chaleur par l’incinération des ordures ménagères.
« En fait on en est encore au stade expérimental. Les batteries d’accumulateurs au plomb ne présentent que des performances médiocres moins de 100 km d’autonomie. Les nouvelles batteries au nickel, plus intéressantes, sont 3 fois plus cher et en France les recherches sur les piles à combustible ou les accumulateurs sodium-soufre n’ont pas encore de débouchés industriels. Peut-être en 1985 ?
« Pour l’instant les projets français ont consisté à lancer un concours international pour des fourgonnettes et des camionnettes. Les prototypes longuement testés ont été réalisés et une commande d’un millier de véhicules doit être passée par les services municipaux, les services d’EDF et des PTT. S’ils sont d’accord.
« Au stade de l’expérimentation encore, le ministère des Transports a retenu le projet d’un autobus à accumulateurs, d’une vingtaine de places, pour assurer notamment la desserte des centres villes. Ce n’est guère avant 1985 que la commercialisation pourrait s’effectuer, et seulement dans les années 90 que la construction en série pourrait commencer. Quant aux voitures individuelles électriques, leur réalisation semble repoussée aux calendes grecques. »

Comparez avec ce qui pourrait être réalisé en économie des besoins, et concluez.

NOUS N’AVONS PLUS LE TEMPS

Chacun de vous, en feuilletant la presse ou en regardant la télévision peut se livrer à ce petit jeu et accumuler les preuves du blocus économique et financier imposé à toutes les tentatives écologiques.
Entendons-nous bien. Les efforts actuellement entrepris sont très loin d’être inefficaces et dans bien des domaines des résultats presque inespérés ont été obtenus grâce aux prises de conscience provoquées par les déclarations, les écrits et les actes d’hommes et de femmes courageux, animés d’une foi à toute épreuve alimentée par leurs connaissances scientifiques et leur lucidité.
A une autre époque, et si les dangers pour la survie de l’humanité étaient moins pressants, il eut sans doute été possible d’attendre que de telles actions, en se multipliant, finissent par renverser le courant. Malheureusement, nous n’avons plus le temps et il est même déjà trop tard dans beaucoup de domaines où les dégâts sont dès maintenant irréversibles. Pour sauver le reste, l’urgence impose de faire sauter tous les verrous, et d’éliminer au premier chef le régime économique actuel, principal responsable des pollutions actuelles et obstacle n°  1 sur le chemin du salut.
Alors, une nouvelle fois, nous invitons nos amis écologistes à nous rejoindre et à combattre avec nous pour un monde plus sensé et plus équilibré, où le progrès technique sera enfin mis au service des Besoins de l’homme.

(1) Le 4 mai 1979.
(2) Du 15 décembre 1979.
(3) Du 12 décembre 1979.
(4) Le 8 décembre 1979.

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