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Lectures
Aujourd’hui : Vodka-Cola, de Charles Levinson, publié par les Editions Stock.
IL fallait y penser. « Produisez dans la région
du monde où l’efficacité du coût est la plus favorable,
c’est-à-dire en Europe de l’EST, et vendez dans celle où
les profits réalises sur les ventes sont, après comparaison,
les meilleurs, donc en Occident industrialisé ». Mise en
pratique par les Multinationales, la formule allait déboucher,
à partir des années 70, sur la plus rocambolesque des
opérations politico-économiques jamais imaginées,
tracassant défi asséné aux idéologues.
De quoi s’agit-il ? D’opérations de troc ultrasophistiquées,
mariant des multinationales américaines, européennes et
japonaises, directement aux gouvernements des pays « communistes
» de l’EST. Le troc consiste, ici, à échanger des
conditions d’implantation favorables et la mise à disposition
d’une main-d’oeuvre à coût et charges réduites,
contre une technologie, l’envoi de machines et de personnels aptes à
assumer la bonne marche de coproductions, de co-entreprises, aptes à
veiller aux normes de qualité exigées pour la vente des
produits sur les marchés occidentaux.
Effectuées par les réseaux commerciaux des grandes firmes
capitalistes, ces ventes de produits made in Hongrie, Pologne, Roumanie,
Tchécoslovaquie, URSS, Yougoslavie sont appelées à
rembourser les crédits à long terme, publics ou bancaires,
dollars et eurodollars accordés aux multinationales pour couvrir
leurs dépenses d’implantation dans les pays de l’EST. Selon Lévinson,
l’endettement cumulé atteindrait quelque 60 milliards de dollars.
Au rythme où se développe ce type d’investissements, le
découvert risque davantage d’augmenter que de diminuer ; il explique,
mieux que les arguties des « experts », l’inflation dont
l’Occident est victime.
Succèdant à 20 années de guerre froide, de violences
verbales contre les communistes de l’EST, la détente exigée
par les étroits rapports industriels et commerciaux entre l’OUEST
et l’EST est- elle du moins garante d’une paix durable ? Ch. Lévinson
l’affirme. L’Occident, explique-t-il, ne saurait faire la guerre à
un débiteur qui s’est engagé à lui rembourser 60
milliards de dollars en marchandises au cours des 10 à 15 prochaines
années, pas plus d’ailleurs qu’il n’est question de détruire
les installations, le co-patrimoine des multinationales implantées
en pays communistes. Craignons, en revanche, que las de l’exploitation
dont il est l’objet, tant de la part de ses gouvernants que des Multinationales,
l’ouvrier ne se rebelle, exigeant de ses gouvernants qu’il soit mis
fin à son servage. Alors la dénonciation des accords négociés
pourrait constituer un casus belli. Il sera tentant, pour l’EST, d’user
de ce biais pour se libérer de sa dette.
Une pareille situation exige donc à la fois détente et
vigilance. En s’implantant à l’Est, les multi-nationales ont
semé un germe de guerre, assez pour procurer au complexe militaro-industriel
occi-dental la justification qui lui faisait defaut face a la constance
des declarations pacifiques (« l’avalanche de paix ») des
dirigeants du Kremlin, de Staline a Brejnev. Ainsi tout va-t-il bien
pour le capitalisme assure de ses débouches d’appoint : armements
à l’Ouest, vodka-colonisation a l’EST. On a « transformé
des consommateurs inintéressants en producteurs peu coûteux
». On « exploite les travailleurs de l’EST pour exploiter
mieux encore ceux de l’OUEST ».
A cette action concertée correspond un Pouvoir économique
supra-national. Ch. Levinson en décrit la composition, les buts,
les rouages, la liturgie et les rites. Commission trilatérale,
groupe de Bildeberg, grandes Fondations et leurs annexes, Gouvernement
de Washington, c’est une sorte de confrérie réunissant
une élite mondiale : banquiers, hommes politiques, chefs des
plus grandes entreprises, universitaires et jusqu’à des syndicalistes
de renom, triés sur le volet, cow-boy chargés d’encadrer
le troupeau, de l’amadouer, d’empêcher qu’il ne rue dans ses brancards,
durant que d’autres ont pour tâche de distraire son attention,
de l’abrutir, de paralyser sa réflexion.
Quant aux gouvernements, leur rôle se borne à suivre le
coche, à entériner les accords de co-production après
que ceux-ci aient été conclus, à camoufler devant
l’opinion, la nature et la portée de ce genre d’opérations
ignorées des parlements eux-mêmes, enfin à pratiquer
une politique d’austérité salariale en vue de combattre
l’inexorable montée du chômage. Témoin le cas de
l’Italie : « Le pays connaît un curieux phénomène
qui réside dans un excès de travailleurs inemployés
à la recherche de patrons volatilisés. Le potentiel industriel
et financier du pays s’est dispersé entre la Pologne, l’URSS,
la Hongrie et les paradis fiscaux, laissant sur le sable de l’Adriatique
les ouvriers qui n’ont pas les mêmes possibilités de voyager.
Pirelli, Montedison ne sont pas K.O. mais OUT et il faudra vraiment
que le P.C. restaure un climat social sûr, pour que les capitalistes
transalpins et internationaux se laissent convaincre de réinvestir
». (p. 321)
Il ne reste plus aux Syndicats qu’à mettre le riez hors de leur
bocal, à présent que le couvercle vient d’en être
soulevé, et s’ils ne craignent pas la lumière crue.
VODKA-COLA ? un livre grinçant, corrosif, décapant, de
nature à déclencher une lame de fond pouvant balayer les
fantoches agités par les grands prêtres de ce veau d’or
que nos démocraties ont placé au pinacle. VODKA-COLA ?
Une information exceptionnellement dense. A lire absolument pour qui
recherche un fil conducteur dans l’imbroglio politique et économique
du monde d’aujourd’hui.