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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 970 - octobre 1997 > Vive l’Acratie

 

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L’article ci-dessous est l’occasion d’annoncer la parution, aux éditions Acratie, du dernier ouvrage de D. Kessous : L’Universalisme, expression majeure du mouvement social. Nous sommes heureux de saluer cette nouvelle publication qu’on peut se procurer soit en le commandant en librairie (au prix de 80 F), soit en écrivant à l’auteur au journal (joindre un chèque de 85 F à son ordre).

Vive l’Acratie

par D. KESSOUS
octobre 1997

Le suffixe cratie d’origine grecque signifie pouvoir. Tous les préfixes qui s’y rattachent évoquent donc des questions d’autorité, de souveraineté, de domination. Passons sur les traditionnelles technocraties, gérontocraties et autres phallocraties pour observer l’aristocratie qui représente la domination des nobles (les aristos), la bureaucratie celle de l’administration, I’autocratie le pouvoir d’un seul... et la démocratie le pouvoir—théorique—de l’ensemble du peuple (dêmos). Nous savons bien que ce dernier régime, jusqu’à présent, a été fort illusoire. Rousseau le considérait même comme utopique : « S’il y avoit un peuple de dieux, il se gouverneroit Démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes » (Du contrat social). Mais cette affirmation du citoyen de Genève prête à discussion car nous ne sommes pas sûrs que la démocratie soit si parfaite et, donc, si difficilement réalisable.

En fait, il semble bien que depuis des siècles les gouvernements évoluent (bon gré, mal gré, avec des revers certains) vers des formes de pouvoir de plus en plus larges, vers des représentations sinon populaires, du moins de plus en plus libérales (avec toute l’ambiguïté que ce terme recouvre). Même dans les pays les plus arriérés, les gouvernants doivent tenir compte de ce que l’on appelle désormais l’opinion publique.

Le temps du pouvoir absolu, celui de l’autocratie semble bien éloigné... Nous n’en sommes pourtant pas encore à la démocratie. Aujourd’hui nous savons bien que c’est l’argent (plouto) qui mène le monde ; nous vivons donc sous le régime, sous l’empire, d’une ploutocratie mondiale. Toutes les décisions importantes (et qui sont souvent à l’origine des guerres, de la criminalité, des désastres écologiques) sont prises de nos jours en fonction des intérêts des privilégiés qui détiennent de l’argent. Il faudra bien, tôt ou tard, que ceux-là renoncent à leurs privilèges face aux exigences de la majorité populaire. On pourra peut-être, alors, parler de démocratie véritable. Mais cette démocratie ne nous plaît encore qu’à moitié. En effet, il s’agit, toujours, d’un pouvoir. Même s’il est populaire ce pouvoir est encore autoritaire. Il est bien proche de la dictature du prolétariat de Marx, si on entend par prolétaires ceux qui forment la majorité du peuple. Il faut que la minorité s’incline : telle est la loi de la démocratie... Ainsi, cette démocratie s’apparente de très près à la dictature républicaine jacobine qui centralise et uniformise tout ; le totalitarisme n’en est guère éloigné...

C’est pour cette raison que la démocratie ne nous paraît pas aussi exemplaire que Rousseau veut le suggérer. Nous lui préférons l’acratie qui respecte toute minorité en lui garantissant les droits fondamentaux. « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout, et quand les hommes y seront près, tel sera le genre de gouvernement qu’ils auront » déclare Thoreau dans son célèbre discours sur La désobéissance civile. Ainsi, nos ancêtres socialistes du XIXème ambitionnaient-ils de supprimer le gouvernement des hommes en le remplaçant par l’administration des choses. Un tel régime, acratique (sans pouvoir, donc), est-il si parfait, pour reprendre les pensées de Rousseau, qu’il en devient utopique ? En tout cas, nous devons militer en sa faveur car si nous ne le sommes déjà, nous pouvons tous, à un moment ou à un autre, devenir minoritaires et chacun de nous, minoritaire ou pas, se doit d’exiger d’être reconnu, respecté et entendu en tant qu’être humain.

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