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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1003 - octobre 2000 > À propos d’utopie

 

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Tribune libre

À propos d’utopie

octobre 2000

Je me rappelle que j’avais proposé aux responsables du petit bulletin d’information de notre groupe Attac 07/26 le texte ci-joint afin que la brève et chaleureuse présentation que nous avait faite un fidèle abonné de la GR-ED ne retombe pas comme une information éphémère parmi d’autres, car cette “utopie” de l’économie distributive me parait un bon fil solide, pour tenter de penser, d’imaginer, un monde réellement alternatif à celui que nous récusons… Ce texte, marqué par son contexte d’origine, a, je crois, l’intérêt de refléter un embarras, qui ne doit pas être que le mien, entre réformisme du quotidien (« coller des rustines sur une chambre à air poreuse » comme le dit joliment M-L D ) — qui relève, pour moi, d’une exigence éthique, incontournable, d’assistance immédiate à personnes (et planète) en danger — et l’espérance d’un changement structurel radical, c’est-à-dire d’une révolution. Cette révolution, vous ne l’imaginez, si je vous lis bien, que comme un point précis dans notre avenir, le moment où l’on basculera partout à la fois (comment faire autrement ? ) de la monnaie capitaliste, mise hors service et “hors la loi”, à la monnaie distributive, mais personnellement je n’arrive pas à penser à ce scénario, tant les mécanismes du pouvoir politique me paraissent imbriqués dans ceux du pouvoir économique et que je ne crois ni au miracle de la conversion soudaine des possédants, ni au mythe régénérateur d’une Révolution violente Il n’empêche… vous avez le mérite, dans la continuité de votre réflexion et de vos écrits, d’esquisser et de proposer un modèle de société à la fois raisonnable et désirable, et évidemment plus “durable” que le système capitaliste actuel (dont S.George, dans “le rapport Lugano”, met si pertinemment en lumière le caractère motifère) et d’en donner la clé : la monnaie distributive… Mais le chemin d’accès reste à inventer  !

Ce qui nous ramène à une définition possible de l’utopie : le lieu qui aimante la direction de nos pas, sans que nous connaissions le chemin ! Et puisque le socialisme “scientifique” est mort (de son arrogance peut-être : le Parti ayant toujours raison par principe…), marchons sans dogmatisme, à petits pas multi-directionnels [1] vers un socialisme “utopique” ! Dont le distributisme —parce qu’il intègre la dynamique du “marché” sans le risque de se faire dévorer par lui (puisqu’il désintègre le profit) — paraît bien la forme la plus plausible, et donc potentiellement fédérative de tous les “guetteurs d’avenir” dispersés aux avant-postes du mouvement social.

Jacques Bonnet.

RÉPONSE. Non, nous n’imaginons pas le changement d’économie comme un instant précis où tout basculera à la fois. Nous nous efforçons d’en faire comprendre la nécessité pour que les citoyens, en prenant leur destin en mains, soient à même de l’organiser, probablement en commençant par refuser leur confiance à la monnaie capitaliste, qui vit précisément de cette confiance. Les petits pas que vous évoquez vont dans ce sens, et surtout ceux qui n’aident pas le capitalisme à perdurer.

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NB. Nous ne pouvons reproduire in extenso le texte transmis à un comité local d’ATTAC, intitulé TAXE TOBIN OU ÉCONOMIE DISTRIBUTIVE ? RÉFORME OU RÉVOLUTION ? En voici l’essentiel, en substance :

Après avoir rappelé notre désir commun de donner consistance au rêve proclamé qu’« un autre monde est possible », un monde qui ne serait plus à vendre mais à partager, l’auteur pose aux associés la question suivante : sommes-nous coupables de réformisme  ?…Faut-il vouloir tout faire péter pour être en harmonie avec notre conscience citoyenne ? Ou bien faut-il vouloir tenir fermement mais inconfortablement les deux bouts de la chaîne : d’un côté, celui du court terme, on oeuvre à l’amélioration de l’existant, sans interdits idéologiques mais avec lucidité sur les limites et ambiguïtés de cette ligne d’action, et de l’autre côté, on regarde plus loin et on commence à rassembler les matériaux de construction de l’autre monde possible. C’est ce que font les alternatifs (l’auteur cite plusieurs groupes créateurs de rapports économiques et sociaux nouveaux qui prouvent que l’ordre des choses n’est pas immuable en ce domaine). C’est aussi un travail dans les têtes, au-delà de la critique et de l’appel incantatoire à un monde meilleur, réfléchir à la faisabilité de la relève du système capitaliste par un autre système où toute l’activité humaine ne s’ordonnerait pas autour d’une valeur aussi artificielle que l’accumulation d’argent, c’est préparer demain, le rendre désirable à nos contemporains… conditionnés comme l’on sait à accepter que l’économisme triomphant, comme dit A.Jacquard, borne leur horizon. C’est pourquoi il me semble, poursuit l’auteur, « qu’une ligne de pensée neuve, positive comme l’est à mes yeux l’économie distributive, mériterait de focaliser l’attention d’Attac. Je me plais à imaginer, ajoute-t-il, l’impact que pourrait avoir, comme brêche dans le mur de la “pensée unique”, la diffusion par le réseau des groupes Attac d’une brochure présentant pédagogiquement les grands principes et l’architecture d’une vraie nouvelle économie sur ces bases humanistes que notre ami Edmond nous a présentées l’autre soir avec chaleur. » Suit un rappel de l’essentiel sur 1) la monnaie de consommation, 2) la garantie d’un revenu social d’existence et la liberté de remplir un service social par le biais d’un contrat civique modulable et 3) l’exploitation raisonnée des ressources qui en résulterait. Et voici la conclusion : « Utopie sans doute, comme peut être qualifiée toute pensée en avance sur son temps, mais qui donne un cap. “Accroche ta charrue à une étoile !” et ce sera toujours mieux que suivre les maîtres du monde n’ayant que leur profit pour boussole. Alors, réformistes ou révolutionnaires ? — Les deux, mon général »

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[1] lutte pour le revenu de citoyenneté, pour la réduction du temps de travail, pour que priorité soit donnée aux besoins fondamentaux, pour la notion de “biens publics internationaux”, pour la préservation de l’environnement, de la santé et même pour la modération de la folie spéculative par la taxe Tobin, pour améliorer/ élargir les mécanismes de redistribution qui traduisent la recherche d’un tout autre fonctionnement de la société et creusent la demande d’une alternative. Je rejoins là la tonalité optimiste du dernier chapitre du livre de René Passet que vous avez, à juste titre, recommandé à vos lecteurs.

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