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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1087 - mai 2008 > Pour un vrai projet politique

 

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Pour un vrai projet politique

par G. ÉVRARD
31 mai 2008

L’impasse actuelle

Face à une politique clairement affichée à droite, la tentation d’une orientation du parti socialiste vers le centre gauche pose la question essentielle de savoir où passe maintenant réellement la frontière entre la droite et la gauche dans ce pays. La ligne de partage traditionnelle s’établissait sur l’acceptation ou le refus d’un capitalisme sans frein, ce qui permettait, certes, toutes les nuances, mais a finalement empêché l’émergence d’une réelle politique de gauche.

Cependant, la gauche qui rejette clairement le capitalisme libéral comme fondement de notre système économique et social est nettement minoritaire : 10 % des voix, peut-être jusqu’à 20 % si on inclut une fraction des Verts et une fraction du PS accessibles à cette distinction essentielle.

Continuer d’appréhender la situation politique strictement sur cette base, issue des mouvements populaires des 19 ème et 20 ème siècles, devient donc insuffisant et sans espoir. Surtout lorsque les opposants déclarés à l’ultralibéralisme ne constituent pas un front uni, comme l’a montré l’épisode calamiteux de la recherche d’un candidat représentatif du collectif national antilibéral lors de l’élection présidentielle de 2007.

Ajoutons que l’idée même de socialisme, en tant qu’appropriation collective des moyens de production, manque singulièrement de lisibilité dans une économie mondialisée. Quant à celle de communisme, elle demeure probablement un sujet d’analyse historique et un thème de réflexion philosophique ambitieux, mais n’est sûrement plus une utopie actuelle. Quelle signification pourrait-elle avoir pour les générations qui ont assisté seulement à la fin de l’histoire de l’URSS et des démocraties populaires de l’Europe de l’est, et qui observent aujourd’hui l’évolution de la Chine, lancée à toute vapeur dans l’économie de marché ?

Il faut donc réfléchir à un nouveau projet politique, inventer une nouvelle utopie, en ne laissant pas enfler l’idée qu’être moderne c’est se rallier peu ou prou au modèle libéral le plus ouvert possible.

Un projet politique

Réfléchir à un nouveau projet politique, c’est tenter de définir ce que seraient des conditions de vie matérielles et intellectuelles améliorées en France, mais aussi pour tous les peuples de la planète, en essayant de recenser, d’analyser et de hiérarchiser les principales contraintes qui pèsent sur nos sociétés. Ce travail devrait être l’œuvre constante de nos représentants, avec l’aide d’historiens, de scientifiques de toutes disciplines, de sociologues, de philosophes, en interaction permanente avec les populations et leurs organisations, c’est-à-dire dans le cadre d’un vrai débat politique démocratique. Mais c’est déjà une grande utopie et il y a peu de circonstances de notre histoire et de l’histoire du monde qui aient permis de s’en approcher.

Parce que la réalité de nos sociétés a été beaucoup plus souvent une compétition, assimilée à un prolongement de la lutte pour la vie, où le plus fort gagne, quitte à ignorer, asservir ou exterminer les autres. Pourtant, la solidarité existe aussi et s’inscrit de la même façon dans cette lutte pour la vie ; sinon, quel sens donner à la lutte des classes et aux différents mouvements populaires qui ont jalonné notre histoire ? Il s’agit alors d’une valeur opposée à l’égoïsme de la logique capitaliste.

Les objectifs

Un premier objectif serait donc de valoriser toute action privilégiant une démarche de solidarité à celle de compétition, y compris et peut-être surtout dans le contexte de la mondialisation, les échanges entre les peuples constituant un facteur de progrès universellement admis. Tous les organismes de régulation auraient à s’imprégner de cette pédagogie, dont seraient garants par exemple un nouveau Sénat en France et l’ONU au plan international.

Un autre objectif vital serait de rechercher en toutes circonstances les conditions d’équilibres durables dans notre biosphère, en sachant discerner les actions qui ont un avantage social avéré et sont favorables au maintien de la dynamique de vie sur Terre, dans leurs implications à courte ou à longue distance, dans le temps et l’espace, afin d’éliminer progressivement toutes celles qui font courir un risque à notre planète et à ses occupants.

Un troisième objectif serait une vision renouvelée et ambitieuse des droits et des devoirs de l’Homme, à la lumière de sa responsabilité sur le devenir de la planète.

Toutes les compétences, toutes les imaginations, toutes les batailles politiques seraient alors mises au service de cette construction, qui implique bien sûr un processus majeur de transformation des rapports sociaux.

N’y a-t-il pas là de quoi restaurer une grande utopie, ancrée en même temps dans l’action politique et sociale quotidienne ?

Quels partenaires ?

La réponse est simple : tous ceux qui ont envie de tisser les mailles d’une société qui viserait les grands objectifs précédents de foisonnement démocratique, de solidarité à l’échelle de la planète et de développement guidé simultanément par l’efficacité sociale et la recherche permanente des équilibres garantissant la pérennité de la vie sur Terre.

Tous ceux-là auront compris que ces objectifs sont incompatibles avec le dogme du tout est marchandise, que l’accumulation du capital, accélérée par la financiarisation de l’économie, ne saurait être une fin en soi, ni un moteur de l’économie. Ils auront décidé que celle-ci doit être seulement un outil au service des grands objectifs, et admis que la compétition entre les individus et entre les peuples ne peut plus être le seul facteur de dynamisme chez l’Homme moderne du 21 ème siècle.

Toutes les individualités et toutes les organisations qui contribuent à la réflexion et à l’action sont concernées, en premier lieu les formations politiques structurées, qu’elles aient la volonté de prendre leur place dans l’exercice démocratique du pouvoir ou qu’elles souhaitent demeurer une force extérieure de vigilance.

Quelle stratégie ?

Conduire et populariser une réflexion de fond sur un tel projet est parfaitement compatible avec la défense quotidienne des acquis sociaux, la bataille pour l’emploi, les salaires, le logement, la santé, l’école, la recherche, les services publics, contre la précarité, les discriminations…

La campagne électorale de 2007 a démontré, par défaut, que c’est même une pièce essentielle de la stratégie. Le déficit de grands objectifs à gauche a été mis à profit par Nicolas Sarkozy, qui a pu afficher une politique clairement de droite, mais aussi avancer la création d’un grand ministère de l’environnement, ce qui aurait dû être une initiative majeure de gauche. Nous observons déjà les limites d’un tel projet dans une logique ultralibérale.

C’est au plan de l’économie que les efforts d’analyse et de pédagogie seront les plus nécessaires, tant il est gravé dans les esprits que l’économie est une science, avec sa logique propre, indépendante des choix politiques. Comme pour les questions liées au développement durable, il importera de montrer, pied à pied, que les options libérales ne peuvent conduire aux résultats annoncés.

Au-delà, la stratégie devra trouver son chemin, avec discernement, dans les projets annoncés de « refondation » à gauche, mais qui, un an après, tardent à émerger et laissent présager peu de nouveauté. Elle passera, comme toujours, par une mobilisation citoyenne en profondeur, si l’on sait apporter les éléments de compréhension.

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