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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 782 - octobre 1980 > Une lueur dans les ténèbres

 

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Une lueur dans les ténèbres

par M.-L. DUBOIN
octobre 1980

QUELLES merveilleuses perspectives nous offre cette rentrée 80 ! Même aux plus aveugles, le plan « de restructuration  » de Raymond Barre apparait tel que nous l’avions présenté (1). Son libéralisme économique, c’est la loi de la jungle  ; pire même, puisque d’une part, il aide les grosses entreprises, leur offre d’importantes remises fiscales, et que d’autre part les salariés voient leur pouvoir d’achat baisser, que les licenciements se multiplient, de même que les emplois « précaires ». On continue à ne nous parler que de compétitivité, d’exportation à tout prix (même à nos frais) et à ignorer les besoins réels.

*

Que peut faire le simple consommateur, face à cette politique  ? Il peut être très fort s’il parvient à s’informer et à s’unir pour opposer son intérêt le plus élémentaire dans cette société de profit tous azimuts. Et là encore on voit bien de quel côté le gouvernement porte son appui : lors de la réunion du 25 juin du Comité National de la Consommation, l’administration a purement et simplement décidé de retirer de l’ordre du jour la communication que devait y faire l’Union Fédérale des Consommateurs, mettant le Comité devant le fait accompli. Cette Union, qui édite « Que choisir  ? », (que nous n’hésitons pas à conseiller à nos lecteurs), avait sans doute eu le tort de montrer qu’en dénonçant un produit dangereux, elle mettait en péril certains profits, opérés sans vergogne aux dépens de la santé ou de la sécurité. Plus récemment, la revue «  50 millions de consommateurs », qui apparaît souvent moins indépendante que « Que choisir ? » s’est vue véritablement censurée. Enfin le boycottage du veau, qui ne fut organisé que pour exiger l’application de la loi sur les hormones, a suscité dans la presse plus d’interventions en faveur des producteurs qu’en faveur des consommateurs.., Il y a donc bien loin entre les discours du ministre de l’Economie qui veut se faire passer pour le ministre des consommateurs. et la réalité. Quelle différence avec les Etats-Unis où la sécurité des produits est contrôlée par des milliers de volontaires, avec financement sur fonds publics et appui efficace de l’administration !

*

Ça ne fait rien, car Pierre Drouin a trouvé le moyen de réduire le chômage : l’administration va favoriser le travail à temps partiel. Ce que Pierre Drouin oublie de dire c’est que le salaire, lui aussi sera partiel. Ainsi on ne réduit pas le chômage, on le répartit. Et on continue à ne produire que pour satisfaire les besoins solvables, sans augmenter la solvabilité de ceux dont le travail n’est pas nécessaire. Et le chômage reste une calamité, même partagée, mais ne devient pas « loisir ».

*

Allons, je m’en voudrais de ne manifester que pessimisme au lendemain des vacances. On peut, en cherchant bien, trouver des raisons d’espérer. Non pas en voyant les projets des candidats aux présidentielles. Non plus en songeant à ce qu’il va falloir entendre pendant encore sept mois. Mais en constatant l’évolution dans la pensée socialiste d’au moins un homme de gauche. Il ne s’agit pas d’un politicien, mais d’un écrivain et d’un journaliste ; très lu, puisqu’il écrit régulièrement dans le « Nouvel Observateur  ». Je veux parler de Michel Bosquet qui, pourtant, proposait naguère de pénaliser les entreprises utilisant des machines pour faire le travail à la place des hommes. Je lui avais répondu ici même (2) en lui suggérant de remplacer l’imprimerie du « Nouvel Obs " par des milliers de copistes...

Michel Bosquet se distingue par une réflexion très personnelle, qu’il vient de manifester en publiant son analyse originale de ce qu’il appelle la crise actuelle du marxisme, dans un livre intitulé « Adieux au prolétariat » (3). Il se demande alors « Comment remplacer une économie où la production est subordonnée aux exigences de profit du Capital, par une économie (originellement appelée socialisme) où la production est subordonnée aux besoins »... Et voici en quels termes il définit cette économie : « un stade où le plein développement des forces productives est accompli et où la tâche principale n’est ni la production maximale ni le plein emploi, mais une organisation différente de l’économie où le plein travail cesse d’être la condition du droit à un plein revenu (4) ou, si on préfère, où la satisfaction des besoins est assurée à chacun en échange d’une quantité de travail social (4) qui n’occupe qu’une faible fraction de sa rie ». On croirait relire J. Duboin définissant son « économie des besoins » ! Et M. Bosquet précise plus loin « Le revenu social (4) assuré à chacun tout an long de sa vie en échange de -vingt mille heures de travail socialement utile, à fournir en autant de fractions qu’on le désire, de façon continue ou discontinue, en un seul ou en plusieurs secteurs d’activité. tout cela n’est possible que s’il existe un organe central de régulation et de compensation, c’est-à-dire un Etat ». Il ajoute « l’expansion de la sphère de la liberté suppose que la sphère de la nécessité soit nettement délimitée et codifiée » afin de définir clairement quelle est dans cette " économie distributive la tâche essentielle de la politique (la vraie...). Fort bien documenté, il cite chiffres et références qui montrent que dans les services comme dans l’industrie, le nombre des emplois ne peut aller qu’en décroissant et qu’il faut ainsi s’adapter à ce fait car prétendre s’opposer ou ralentir l’automatisation serait aussi vain que ruineux.
Ainsi Michel Bosquet est, à ma connaissance, le premier journaliste de la grande presse à n’avoir nulle peur de passer pour sur «  utopiste » en écrivant comment la logique des événements lui montre ce que peut et ce que doit être la société de demain dans les pays industrialisés. Et il a un autre mérite. Il ose citer Jacques Duboin !
Ils y viennent !

(1) Voir G.R. n° 769 « Où nous mènent-ils ? ».
(2) G.R. n°747 « La gauche fera-t-elle l’effort nécessaire  ? »
(3) Voir « Lectures » page 11.
(4) C’est nous qui soulignons.

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