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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 747 - juin 1977 > Les institutions d’hier face aux réalités d’aujourd’hui

 

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Les institutions d’hier face aux réalités d’aujourd’hui

par G. PUEL
juin 1977

Un coup d’oeil sur le passé est suffisant pour nous convaincre que ce sont les besoins primordiaux de chaque époque de l’histoire, avec les moyens dont disposent les hommes pour y répondre, qui conditionnent peu à peu et règlent finalement, l’évolution sociale. Les politiques et les militaires ne jouent qu’un rôle second, car les superstructures gouvernementales, administratives et juridiques sont le reflet, beaucoup plus que la cause, du mouvement des sociétés.
Ainsi voyons-nous le patriarcat correspondre aux exigences de la vie pastorale et nomade, les premières agglomérations sédentaires se constitituer autour de points d’eau, la féodalité s’installer dans l’insécurité du Moyen Age où chacun cherche refuge auprès d’un protecteur, la monarchie supplanter la féodalité à l’heure du rassemblement territorial, la bourgeoisie marchande se faire jacobine quand le développement du commerce s’est heurté au réglementarisme corporatif, le dirigisme capitaliste puis étatique, prendre corps quand la fibre concurrence n’a plus été en mesure de maîtriser les échanges.
sans tomber dans un déterminisme puéril et négateur de la personnalité humaine, on peut aller plus loin, en constatant qu’Hitler a été le fruit de la famine allemande.
En fait les vrais révolutionnaires sont les inventeurs et les techniciens de tous grades (inconnus, parfois et inconscients, le plus souvent, des effets de leurs découvertes) qui transforment les conditions d’existence et construisent l’anatomie des sociétés. De nos jours, il est facile de constater, nue ces techniciens en créant des possibilités croissantes d’abondance, anéantissent les profits de la rareté, rendent les hommes plus exigeants et plus soucieux de loisirs, forcent les responsables à mieux répartir le pouvoir d’achat pour élargir le marché.
Bon gré, mal gré, avec des détours, des retards et des maladresses, les appareils sociaux sont contraints de s’adapter aux conditions techniques nouvelles.
Mais les chercheurs désintéressés - de même nue les héros et les saints - sont rarement aux leviers de commande. Ceux-ci échoient, en règle générale, aux audacieux et aux habiles qui savent tirer parti des belles attitudes ou des grandes découvertes. Et, comme la loi de moindre effort oriente la plupart des actes de l’homo economicus, on voit couramment des pionniers conquérir les premières places grâce à une activité utile au regard des nécessités du temps, puis - à la manière des seigneurs de l’Ancien Régime - s’incruster dans leur fonction, jusqu’à chercher à en conserver les prérogatives quand sa raison d’être a disparu. C’est pourquoi la plupart des appareils sociaux nés pour une période historique donnée, finissent par sombrer dans le parasitisme. Les organismes périmés s’efforcent, alors, d’étouffer les forces neuves qui contrarient leur survie. L’ordre ancien devient, à ce moment, un facteur de désordre, créateur d’un état révolutionnaire.
Ces considérations expliquent le déphasage de nos superstructures économiques, sociales et même politiques en face des fulgurants progrès scientifiques que nous connaissons. D’où les contradictions qui résultent du retard des institutions sur l’évolution technique.
De fait, c’est en tous domaines que nous voyons, aujourd’hui, s’amonceler contresens et non-sens, comme nous le montrerons dans un prochain numéro, sur des exemples précis.
Trois exemples peuvent illustrer les affirmations qui précèdent.

Premier exemple :
CHAUVINISME CONTRE MONDIALISME

La rapidité et la multiplication des moyens de communication ont presque supprimé les distances. Au XVIIIe siècle, il fallait huit jours pour aller de Paris à Bordeaux. De nos jours, nous faisons le tour du monde en quelques heures et le téléphone relie les antipodes en quelques secondes. Pourtant, depuis la guerre de 1914, le monde n’a cessé de se hérisser de nouvelles frontières et les étatismes nationaux qui ne veulent pas mourir, sont devenus plus arrogants à mesure qu’ils se révèlent plus impuissants devant les sociétés transnationales ou la bombe atomique. L’industrie des armements a même pris une place de choix dans les économies étatiques, au point que celles- ci dépériraient si une telle source de revenus venait à disparaître. Cela, quand tout commande un fédéralisme supranational.

Deuxième exemple :
RESTRICTIONS DANS L’ABONDANCE

Dans les pays développés, les entreprises sont, désormais, en mesure de produire de plus en plus avec de moins en moins de main-d’oeuvre, à telles enseignes que la capacité de production est devenue quasi illimitée, suivant l’expression du président Eisenhower. A l’ère de l’électronique, il est donc utopique de fonder l’équilibre de nos économies sur les profits de la rareté et sur le plein emploi, comme il était normal à l’âge du cheval de trait. Aux prises avec cette évidence, les nations évoluées en sont réduites, pour ne pas modifier leurs structures, à courir après les débouchés intérieurs et extérieurs les plus artificiels ou les plus destructeurs de l’environnement, à cultiver la guerre, à hypertrophier leur bureaucratie, à institutionnaliser les gaspillages de toutes sortes et à stériliser leur potentiel de production par un malthusianisme économique multiforme. On feint de s’étonner, ensuite, de la hausse des prix et, pour i remédier, on prétend mettre chacun à la portion congrue.

Troisième exemple :
DEVELOPPEMENT DES TRUSTS CONTRE AUTOGESTION

Le même progrès technique qui a ratatiné la planète et développé prodigieusement nos possibilités de production a, simultanément, miniaturisé les outillages, dépeuplé les usines, dispersé et multiplié les matières premières, rendu aisé le transport de l’énergie. La décentralisation économique et l’autogestion, sous ses divers aspects, devraient être l’effet de ce bouleversement pacifique. Mais les trusts, les financiers et les technocrates se dressent contre cette évolution qui menace leur règne. Et dans leur effort de résistance, ils nous assujettissent, au contraire, à une concentration accrue, aussi insensée qu’inhumaine.

Bref, sur tous les plans, nous retrouvons l’absurde et odieux paradoxe de la misère dans l’abondance. La cause du mal est évidente. Elle réside dans le fait que les modes d’échange conçus pour les siècles de pénurie sont devenus anachroniques depuis que les rapports classiques entre l’offre possible et la demande solvable se sont inversés. Le mercantilisme primitif doit, donc, désormais, faire place au partage des revenus, du travail et des pouvoirs.

Inscrite dans les faits, cette transformation est inévitable. Malheureusement, au lieu de s’engager dans cette voie coopérative, les économies moribondes se raidissent et nous étranglent. Les partis qui se veulent progressistes (mais qui relèvent, eux aussi, des vieilles superstructures) ne l’ont pas mieux compris que les autres. Ne se donnent-ils pas pour objectif de démocratiser ou de nationaliser une économie marchande qui, ayant fini son temps, fait eau de toutes parts et nous conduit à la ruine !

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