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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1081 - novembre 2007 > Derniers échanges

 

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2006/2007

Derniers échanges

3 décembre 2007
André Gorz répondait en septembre 2006 à une lettre de Marie-Louise :

Chère Marie-Louise,

Votre lettre nous touche tous les deux. Merci d’avoir établi le contact entre « Utopia » et moi. Je leur ai envoyé les deux textes ci-joints. Ils vous expliqueront mes difficultés avec la notion de distribution et de référence de base. Nous sommes entrés dans une économie où les coûts, les valeurs d’échange ne sont plus mesurables et où les prix n’ont pas de base matérielle. L’hypothèse que nous allons (potentiellement) vers une “économie” de la gratuité s’impose de plus en plus à moi et, comme vous le voyez dans le 2ème papier, les possibilités de relocalisation de toutes les productions et de mises en commun qui rendent la distribution superflue, deviennent tangibles avec l’abolition (potentielle) de la division du travail : avec les « digital fabricators ». ( Ce 2ème papier est pour la revue « Entropia » de Serge Latouche).

Dorine va vous téléphoner. Elle vous aime beaucoup et vous embrasse. Moi aussi.

Merci, merci, merci.

André (ou Gérard).

Le premier texte dont il est question est la suite des réponses faites à un questionnaire envoyé en septembre 2004 par “la Universidade do Vale do Rio dos Sinos”, une université jésuite du Sud du Brésil. André Gorz y reprend ses critiques habituelles de la croissance en soi, fait la distinction entre emploi et travail, montre que les problèmes de production sont maintenant résolus mais remplacés par celui de la distribution et que les contradictions de l’économie capitaliste ne peuvent être résolues que par l’instauration d’un revenu garanti, déconnecté du travail et d’un niveau suffisant pour vivre décemment :

« L’idée à elle seule du revenu d’existence garanti marque une rupture. Elle oblige à voir les choses autrement et surtout à voir l’importance des richesses qui ne peuvent pas prendre la forme valeur, c’est à dire la forme de l’argent et de la marchandise. Le revenu d’existence, quand il sera introduit, sera une monnaie différente de celle que nous utilisons aujourd’hui. Elle n’aura pas les mêmes fonctions ».

[Il montre ensuite que nous nous trouvons dans une situation] « où les trois catégories fondamentales de l’économie politique : le travail, la valeur et le capital ne sont plus mesurables selon un étalon commun » […] « La création de richesses ne se laisse plus mesurer en termes monétaires. Les fondements de l’économie politique s’écroulent. C’est en ce sens que l’économie de la connaissance est la crise du capitalisme ».

Le second texte a été publié dans le N°2 (printemps 2007) de la revue Entropia, sous le titre “Crise mondiale, décroissance et sortie du capitalisme”.

[Gorz explique que] « la décroissance est une bonne idée : elle indique la direction dans laquelle il faut aller et invite à imaginer comment vivre mieux en consommant moins et en travaillant moins et autrement. Mais cette bonne idée ne peut pas trouver de traduction politique […] car la décroissance provoquerait une dépression économique sévère, voire l’effondrement du système bancaire mondial ». Or le système capitaliste a atteint ses limites à cause de la révolution informationnelle. En développant les outils d’une sorte d’artisanat high-tech [1] [*], le capitalisme travaille à sa propre perte. Grâce à ces outils en effet, les populations exclues, inactives ou en sous-emploi pourraient produire dans des ateliers communaux ce dont elles- mêmes et leur commune ont besoin. Leur mise en réseau dans le monde entier permettrait de « remplacer le marché et les rapports marchands par la concertation sur ce qu’il convient de produire, comment et à quelle fin, de fabriquer localement tout le nécessaire… ».

Le 21 juin 2007, A. Gorz adressait à M-L Duboin le texte d’un article destiné à être publié dans le revue Multitudes, intitulé “Penser l’exode de la société du travail et de la marchandise”. Il l’accompagnait de ces quelques mots :

Chère Marie-Louise,

J’ai peur de vous faire de la peine avec cet article. Mais je vous dois des explications sur les raisons qui m’ont retenu de participer d’une façon ou d’une autre à votre dernier ( ?) livre. La voici donc. La percée, lente mais sensible, que fait l’idée d’une « économie » de la gratuité émousse l’impact de votre actualisation de l’économie distributive.

Si vous avez envie de répondre à ce que j’ai écrit, la revue « Mouvements » vous accueillera.

Nous avons eu des ennuis de santé depuis le début de l’année et Dorine se remet lentement d’une opération. Nous pensons souvent à vous.

Amicalement vôtre. Gérard.

Dans cet article, il résumait notre actualisation de l’économie distributive en ces termes :

« Le revenu social garanti (RSG) devra donc avoir la forme d’une monnaie différente, d’une “monnaie de consommation” comme l’appelait Jacques Duboin. Celui-ci proposait que toute production marchande s’accompagne automatiquement de l’émission de son “équivalent monétaire”, c’est à dire de la quantité de monnaie de consommation permettant l’achat des marchandises produites. La monnaie ainsi émise ne pourra servir qu’une seule fois : elle sera annulée à l’instant de tout achat. On voit aussitôt le problème : comment fait-on pour établir l’équivalent monétaire d’un produit au moment de sa production, surtout quand cette production informatisée, automatisée ne demande que très peu de travail ? Sa valeur d’échange, son prix ne peuvent être déterminés par le marché, puisque l’émission de monnaie de consommation doit avoir lieu avant ou à l’instant de la mise sur le marché. Pour que la quantité de monnaie émise corresponde au prix de vente, il faut que les prix soient fixés ex ante, par un “contrat citoyen” entre consommateurs, entrepreneurs et pouvoirs publics. Il faut, autrement dit, que les prix soient des “prix politiques”, que le système des prix soit le reflet d’un choix politique, d’un choix de société concernant le modèle de consommation et les priorités que la société entend se donner ».

[Ce qu’il critiquait ainsi ] : « Le modèle distributiste a sans doute le grand mérite de rompre avec le marché, de mettre en évidence le caractère anachronique de la forme de valeur […] donc du capitalisme ; mais il en conserve les apparences et, surtout, le fondement principal : la division capitaliste du travail, la division entre consommateurs et producteurs […] la forme marchandise des richesses produites et le besoin d’argent pour y accéder. »

Retardée par un problème de santé, Marie-Louise entreprit de lui répondre qu’il importe de distinguer ce qui, étant abondant, doit être désormais gratuit, de ce qui, étant rare, doit être “économisé”, donc compté.

Mais sa lettre, postée le 21 septembre, est revenue avec la mention “décédé”…

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[1] Digital fabricators ou factories in a box, fabbers ou personal fabricators, Voir * http://www.opensourcejahrbuch.de ; ou bien http://www.opentheory.org/ox-osjahrbuch-2005/

[*] NDLR : En octobre 2007, nous n’avons pas retrouvé ces sites. Mais le site http://www.shopbotttools.com/ en semble un exemple.

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