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AED La Grande Relève Articles N° 1020 - avril 2002 > Les présidentielles

 

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Les présidentielles

par J.-P. MON
avril 2002

Selon les sondages, deux Français sur trois ne s’intéressent pas à la campagne électorale. L’abstention pourrait atteindre des records. Cela n’a rien d’étonnant : trois électeurs sur quatre ne voient pas beaucoup de différences entre les projets de Chirac et Jospin. “Supermenteur” nous promet une baisse de 33% des impôts sur 5 ans, tout en augmentant considérablement les effectifs de police, d’infirmières... Plus pragmatique, Jospin nous propose un programme social-démocrate bien timide : création de 900.000 emplois, formation tout au long de la vie et, lui aussi, baisse des impôts, mais plus faible (10%)... Rien de révolutionnaire. C’est bonnet blanc et blanc bonnet, comme on disait il y a 33 ans. L’un et l’autre avaient pourtant délégué des observateurs au forum antimondialisation de Porto Alegre pour se mettre à l’écoute de la “société civile”. Un mois plus tard, ils semblent avoir tout oublié. Comment d’ailleurs pourrait-il y avoir des différences sérieuses dans leurs programmes puisqu’au lendemain du sommet européen de Lisbonne en mars 2000, Jacques Chirac, entouré de Lionel Jospin et ses ministres déclarait à l’issue des travaux du Conseil européen : « Il n’y a plus de débat idéologique », pour signifier que tous les gouvernements de l’Union, y compris bien évidemment le gouvernement français, avaient entériné le modèle libéral comme modèle européen. Déclaration qui avait enthousiasmé le Financial Times, un expert en matière de libéralisme, qui intitulait son éditorial du lendemain « Un plan d’entreprise pour l’Europe SA » [1].

En fait, ces deux candidats, en charge des affaires françaises depuis plusieurs années, n’osent avouer qu’ils ne disposent guère de pouvoirs pour mettre en oeuvre leur programme, ligotés qu’ils sont par la mondialisation “libérale” et les décisions de la Commission européenne. On sait en effet que « la construction européenne repose sur deux piliers : l’Acte unique (1986), qui consacre la domination du marché dans le fonctionnement des économies, et le traité de Maastricht qui instaure la primauté absolue de la politique monétaire dans les politiques économiques de la zone euro [2] ». Tout en taisant ces “contraintes” européennes, la droite voudrait faire croire que la France est ringarde, à la traîne des autres pays de l’Union européenne. Il n’en est rien, bien entendu. L’Allemagne, entre autres, est confrontée aux mêmes problèmes. Dans un article [3] consacré à son ami le chancelier Schröder, l’écrivain allemand Günter Grass, nous fait part de ses inquiétudes sur la réalité du pouvoir en Allemagne : « Le chancelier et le Parlement ont-ils encore le loisir de prendre des décisions ? Il nous faut constater - et cela ne concerne pas que l’Allemagne - que depuis les années 1980, sous l’effet du néolibéralisme, des prérogatives essentielles du gouvernement ont été cédées à l’économie. On ne peut pas vraiment parler de décision personnelle du Chancelier quand ce dernier ne peut faire passer une loi au Bundestag sans obtenir au préalable l’agrément de l’industrie. Il y a là une forme de dépendance qui destitue en fait l’instance souveraine : le Parlement. [...] Nous avons tout d’abord besoin d’une réforme de l’enseignement. Les attributions des Länder, chez nous, rendent l’entreprise ardue [4], mais il faut malgré tout s’y attaquer. Nous avons aussi besoin d’une réforme du système de santé. C’est un domaine, justement, où les différents lobbies imposent leurs vues. Mais ces derniers ne sont pas un substitut à la démocratie. Ils ont même très peu à voir avec elle. [...] L’affirmation selon laquelle Schröder serait plus proche des entrepreneurs que du service public est téméraire. Quand on en vient aux choses sérieuses, comme dans le cadre de l’Alliance pour le travail, ces derniers le laissent en plan. Ils se sont défilés et ils payent maintenant leurs impôts comme ils l’entendent. Ils veulent toujours plus mais ils ne tiennent pas leurs promesses. Les lois fiscales ont été modifiées en leur faveur, mais du côté des emplois, on ne voit rien venir ; et quant à la réduction des heures supplémentaires, il n’en est plus question. Je suggère qu’on réglemente par la loi cette accumulation d’heures supplémentaires et qu’on y fixe une limite [5] ». C’est très exactement ce qu’a fait le gouvernement français avec les 35 heures et ce que la droite veut remettre en question en cas de victoire.

Au fond, le résultat des élections présidentielles en France ne changera pas grand chose à la vie quotidienne de ses citoyens. Il me semble plus important de peser fortement sur les candidats aux législatives pour qu’ils se préoccupent plus sérieusement des affaires européennes, de l’OMC [6], de l’AGCS [7], de la politique du FMI et de la Banque mondiale, etc. qui leur sont généralement très étrangères. Il faut aller à leurs réunions électorales, leur demander des explications sur ces sujets et ne pas hésiter à participer aux manifestations de plus en plus massives contre la mondialisation “libérale” dont dépend notre avenir à tous.

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[1] « A corporate plan for Europe inc. », Financial Times, 25-03-2000.

[2] « L’euro pour toute politique », Manière de voir N° 61, janvier-février 2002.

[3] Le Monde, 15-03-2002.

[4] On notera que c’est sur ce même terrain de la régionalisation de l’enseignement, que la droite française veut entraîner l’éducation nationale.

[5] Le gouvernement français a pratiquement suivi la même politique et a “bénéficié” de la même ingratitude de la part du patronat. Vous pouvez d’ailleurs vous faire une idée par vous même des “difficultés” des entreprises française, en consultant dans les journaux et magazines les bilans de l’année écoulée : le nombre des pourcentages d’augmentation des bénéfices “à deux chiffres” est édifiant.

[6] Voir le numéro spécial de la GR consacré à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) GR N° 992 d’octobre 1999.

[7] À propos de l’AGCS (Accord général sur le commerce des services), voir GR N° 1005, pp.2-3 et GR N°1011, p.6.

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