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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1021 - mai 2002 > Au fil des jours

 

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Au fil des jours

par J.-P. MON
mai 2002

Il est grand temps que les “politiques” prennent conscience qu’ils ne pourront pas résoudre les problèmes humains, économiques, sociaux, écologiques,... s’ils ne bouleversent pas de fond en comble les mécanismes financiers et s’ils ne remettent pas en cause les fonctions classiques de la monnaie [1]. Cette chronique, qui pourrait s’intituler “Insécurité financière”, donne quelques exemples puisés dans l’actualité récentes d’aberrations auxquelles conduit la foi, le plus souvent aveugle, dont font preuve certains acteurs de la société civile envers les “experts” économistes :

CASINO SYNDICAL

Finalement, ils se sont laissés piéger : les syndicats ont accepté le principe de l’épargne salariale. Le Comité intersyndical d’épargne salariale constitué par la CFDT, la CFTC, la CGC et la CGT vient de publier, mardi 9 avril, une première liste de fonds “labellisés” répondant à l’ensemble de ses critères (meilleur service au meilleur prix, offres socialement responsables et offres accordant une majorité de sièges aux représentants des salariés dans les conseils de surveillance) [2]. Sur 33 offres faites par des sociétés d’investissement, trois ont été sélectionnées : AXA génération, Pacteo (Crédit lyonnais) et Horizon solidarité pour les PME. Un second appel d’offres a été ouvert pour compléter la liste de l’année 2002. Apparemment les responsables syndicaux n’ont pas entendu parler d’Enron. Ils nous diront, bien sûr, que le système français n’est pas le système américain et qu’ils ont pris la précaution de confier leur épargne non pas à une seule entreprise, comme dans le cas d’Enron, mais à plusieurs, de façon à ne pas tout perdre en cas de défaillance de celle dans laquelle ils travaillent : il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, dit la sagesse populaire. Mais jusqu’où peut-on pousser la diversification ? On voit bien, par exemple, que lorsque les fabricants de téléphones mobiles ou de micro-ordinateurs ont du mal à écouler leur production, c’est toute l’industrie des semiconducteurs qui souffre à son tour. Plus généralement enfin, un krach boursier est toujours possible.

UNE START-UP EXEMPLAIRE

Mise en dépôt de bilan puis en redressement judiciaire au mois de février dernier, Kalisto, société bordelaise conceptrice de jeux vidéo, vedette jusqu’en 2000 du Nouveau marché, est désormais en liquidation judiciaire [3]. Au temps où elle flambait, son fondateur et président Nicolas Gaume était courtisé par le grand cinéaste Steven Spielberg qui comptait adapter un de ses jeux au cinéma. Et même, dit-on, par Bill Gates qui voulait racheter Kalisto. L’inénarrable Ernest-Antoine Sellière l’avait fait entrer au conseil exécutif du Medef et, Jacques Chirac, l’as du mulot, l’avait emmené deux fois avec lui au Japon. En mars 2000 les 51% d’actions de Kalisto détenues par Nicolas Gaume avaient atteint, en un an, la cote de 250 millions d’euros. Mais en mars 2001, le chiffre d’affaire pour l’année 2000 est tombé à 2,9 millions et le bilan affiche une perte de 25 millions. Aucun des jeux de Kalisto ne trouve preneur, même pas sa plate-forme de courses de Formule 1 en ligne, Ultimate Race, sur laquelle Gaume avait tant misé. Sur l’année, le titre a baissé de plus de 90%. En février 2002, la chute était de 98%.

Suivant un scénario désormais classique, on apprend qu’un commissaire aux comptes de l’entreprise Ernst... Young s’était interrogé sur la réalité des comptes 1999, notamment sur les conditions économiques réelles de la vente d’une licence de technologies à une société de droit étranger pour 7 millions de dollars. D’autre part, saisi par une soixantaine d’actionnaires, le cabinet de conseil Deminor soupçonne des malversations et s’interroge sur la communication financière “fantaisiste” de la société. Un associé dénonce des « annonces de chiffre d’affaires et de résultats en constant retrait avec les prévisions roses de son président », des « contrats avec des éditeurs présentés comme signés alors qu’ils n’étaient pas acquis » et, lorsqu’il est question de plan de refinancement « un visa de la Commission des opérations de Bourse sans cesse annoncé et jamais obtenu ».

Fin de partie le 10 avril : le Tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de l’entreprise, après avoir attendu toute la journée l’arrivée de deux chèques de 100.000 euros chacun destinés à payer les salaires du mois de mars (rien n’était prévu pour les salaires d’avril). Le passif de Kalisto s’élève aujourd’hui à 50,3 millions d’euros. La liquidation judiciaire ne met pas fin à l’enquête préliminaire ouverte par le parquet du Tribunal de Grande instance de Bordeaux le 19 mars sur un éventuel soutien abusif des banques (notamment du Crédit lyonnais et de la Banque populaire du Sud-Ouest) qui auraient abandonné environ 30,5 millions d’euros de créances. Comment peut-on encore prendre au sérieux ces entrepreneurs, ces banquiers, ces hommes politiques qui, pour faire “moderne”, croient que c’est en fabriquant des gadgets qu’ils vont assurer la sacro-sainte croissance de l’économie et son corollaire la création d’emplois ???

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[1] La Grande Relève reviendra plus en détails sur cette question primordiale, dans un prochain numéro entièrement consacré à la monnaie, et élaboré par un groupe de travail d’Attac.

[2] Le Monde, 10/04/2002.

[3] Le Monde, 12/04/2002.

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