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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 2`· 1er au 15 novembre 1935 > Les décrets lois

 

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Les décrets lois

Un précédent
par G. V.
1er novembre 1935

Qu’ils font couler d’encre, les décrets-lois... Les partisans d’un côté, les adversaires de l’autre, tous d’un même élan ont mobilisé leur plume pour disputer avec la même véhémence leur point de vue doctrinal. Les premiers mettent autant de parti pris à les défendre que les autres en mettent à les combattre.

Qui a raison, qui a tort ?

Le monde du salariat peut en tout cas vérifier combien juste est ce vieux proverbe populaire : Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

L’intérêt, me semble-t-il, n’est pas d’affirmer ou de nier systématiquement la valeur des décrets-lois, mais au contraire d’en préciser le véritable objet pour en rechercher et en établir la justice, ou l’injustice. Pour cela, notre attitude ne doit pas être de pure négation, ce serait trop facile ; pour être plus juste, notre opinion doit nécessairement s’appuyer sur des faits. D’autre part, pour ne pas verser dans la confusion des antithèses, ce qui, nous mettrait en postion de négateurs absolus, nous devons affirmer en toutes circonstances la valeur constructive des idées de la Ligue en nous efforçant d’en dégager toute la philosophie sociale.

Considérés en eux-mêmes, les décrets-lois sont une action de pouvoir et d’exécution pour donner force de loi à des mesures extraordinaires et urgentes, ayant pour objet de rétablir d’un seul coup une situation qu’à tort ou à raison l’on croit compromise.

Ces mesures sont prises sur l’initiative et la responsabilité du gouvernement, avec l’assentiment préalable du Parlement et sous la réserve que celui-ci les ratifiera à une date déterminée après leur application.

Cette procédure, plus rapide, permet, dans des circonstances particulières, l’adoption massive d’une série de projets et d’éviter de trop longues discussions sur les détails au cours desquelles s’émousserait l’effet psychologique que l’on veut produire par les décrets.

Si les décrets-lois peuvent donc se justifier en droit, parce qu’il est généralement admis qu’il y a urgence et nécessité à décider et à agir, il n’en est pas moins vrai aussi qu’on peut les contester en fait pour les risques qu’ils font courir au peuple. C’est d’ailleurs ce qui leur donne un caractère exceptionnel. Il faut croire que le Parlement savait ce qu’il faisait lorsqu’il a donné au gouvernement cette délégation de pouvoirs ; il est donc mal venu aujourd’hui pour protester contre l’emploi qui en est fait. Le Parlement n’a fait, que l’on sache, aucune réserve de droit quant à l’objet même de leur application.

Le monde du travail, lui, sans en combattre systématiquement le principe, est bien plus justifié à élever sa protestation contre l’usage que le gouvernement fait de ces décrets, puisque c’est sa subsistance quotidienne qui en est l’enjeu. En outre, les risques que fait courir au peuple le recours à ce système des décrets-lois sont de deux sortes : ils constituent un désaisissement du Parlement, un abandon de ses pérogatives et une violation du mandat populaire, en même temps qu’ils sont un acte de pouvoir personnel dont le moins que l’on puisse craindre c’est que l’on en abuse. Les décrets-lois sont, d’autre part, l’expression la plus concrète de la politique traditionnelle des gouvernements. Ils nous permettent d’en saisir les données générales pour formuler nos conclusions.

Qu’a voulu, le gouvernement ?... Créer d’ans le pays un courant d’économies afin de faire un rajustement de ses dépenses avec ses recettes. Il a donné lui-même l’exemple en diminuant radicalement ses dépenses pour équilibrer son budget. Or, comme ses dépenses sont les traitements des fonctionnaires, les pensions des combattanls et les revenus des rentiers, il s’ensuit que ces diminutions se traduisent, dans la pratique, par une reduction générale de la consommation du pays. On pourrait déjà contester a priori la valeur de cette méthode qui consiste à équilibrer les dépenses avec les recettes, en arguant que si les recettes diminuent il faudra faire baisser encore les dépenses en proportion.

Mais, à l’expérience, on s’aperçoit bien vite que cette politique repose sur un vice de conception qui en fausse le résultat. Ce vice initial constitue l’erreur de doctrine de l’économie libérale qui consiste à réduire les dépenses, c’est-à-dire la consommation.

Produisez plus, consommez moins.

Ce fut le mot d’ordre lancé par la bourgeoisie après la guerre.

Une autre erreur est celle de considérer l’équilibre du budget comme le principe même des finances de l’Etat et de faire dépendre la politique du pays de cet équilibre. Or l’équilibre du budget est fonction du revenu du pays il s’ensuit que si le revenu diminue, le déficit augmente, et inversement. Le revenu du pays lui-même dépend du volume des richesses consommées et utilisées. Nous pouvons -donc déduire qu’un pays grand consommateur s’enrichit, tandis qu’il s’appauvrit s’il consomme moins.

Compte tenu des observations qui précèdent, les décrets-lois ne valent que par l’emploi que l’on en fait. Mais en tant qu’instrument politique, les décrets-lois constituent un précédent dangereux pour la bourgeoisie libérale, si demain arrivait au pouvoir un gouvernement de droite ou de gauche. Un gouvernement de droite pourrait bien s’en servir pour détruire, l’un après l’autre, tous les éléments constitutif du régime actuel. Mais que ferait un gouvernement de gauche ?...

Je le suppose assez audacieux pour manier l’instrument des décrets dans le sens de la réforme de la société. Il supprimerait radicalement les décrets qui organisent la misère, en conservant la rareté, pour proclamer les décrets de l’abondance organisant le bon marché et la richesse pour tous.

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