La Grande Relève
   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
AED La Grande Relève ArticlesN° 3 - 16 au 30 novembre 1935

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N° 3 - 16 au 30 novembre 1935

Vox clamans in deserto   (Afficher article seul)

"En route vers l’abondance"   (Afficher article seul)

Lettre ouverte à M. Marcel Lucain de « Paris-Midi »   (Afficher article seul)

Combines et vérités   (Afficher article seul)

Mangez des oranges   (Afficher article seul)

A propos d’une conférence de Jacques Duboin   (Afficher article seul)

Un petit enfant comprendrait...   (Afficher article seul)

Statistique du chômage   (Afficher article seul)

Chasses gardées...   (Afficher article seul)

Les progrès techniques   (Afficher article seul)

A travers le monde   (Afficher article seul)

Sottisier   (Afficher article seul)

Le chômage   (Afficher article seul)

Les affaires d’armements fleurissent   (Afficher article seul)

Bâtiment et habitation   (Afficher article seul)

Les statistiques françaises   (Afficher article seul)

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Vox clamans in deserto

par J. DUBOIN
16 novembre 1935

Nous donnons ci-après une page capitale du dernier livre de notre Président, En Route vers l’Abondance, qui vient de paraître et que notre éminent collaborateur Joseph Dubois analyse plus loin.

Le régime économique, qui disparaît, a remarquablement résolu le problème de la création des richesses. Leur répartition fut le moindre de ses soucis. Il ne s’est jamais borné qu’à distribuer la possibilité de se procurer de l’argent. Ceux qui peuvent se procurer de l’argent sont habilités à consommer. Ceux qui ne peuvent pas s’en procurer sont exclus du régime.

Cependant, si la production des richesses précède tout naturellement la consommation, cette dernière, néanmoins, est indispensable pour qu’il y ait lieu à production nouvelle.

De sorte que, si des millions d’êtres humains sont incapables d’acquérir les produits déjà fabriqués, toute nouvelle production devient inutile, en ce sens qu’elle n’est plus payante pour les producteurs.

Et pourquoi les chômeurs ne peuvent-ils acquérir les produits fabriqués ? Tout simplement parce qu’on n’a pas besoin d’eux pour en fabriquer d’autres.

Ces constatations font naître les questions suivantes :

Pourquoi les uns travaillent-ils, et les autres se croisent-ils les bras ?

Pourquoi laisse-t-on perdre des milliards d’heures de travail humain ?

Pourquoi, chose plus grave encore, laisse-t-on perdre des milliards d’heures de chevaux-vapeur pourquoi n’emploie-t-on qu’une partie des kilowatts-heure qui ne demandent qu’à produire pour nous ? Alors que tant d’hommes et leurs familles sont dans la misère !

On résume donc la situation en quelques mots :

La France, comme tous les grands pays supérieurement équipés, a une capacité de production qui tient du prodige. Mais cette capacité de production reste, en puissance, bien que d’innombrables besoins demeurent inassouvis.

Parce que l’aspirant-consommateur est ligoté par la capacité d’achat que lui concède la production et que celle-ci, tous les jours, exige un peu moins de travail humain. D’où arrêt de toute activité agricole, industrielle et commerciale ; et le prodigieux équipement industriel, comme les hommes, finissent par rester sans emploi.

On découvre, enfin, que l’économique devrait tenir la première place dans les préoccupations de nos contemporains.

L’économique n’est autre chose que l’étude des efforts que fait l’homme pour assurer son existence matérielle.

A l’époque la plus reculée de la pré-histoire, l’homme pourvoit seul à sa nourriture ; il s’approprie une caverne ou construit sa hutte. Dès qu’il fait troupe avec ces camarades de misère, ceux-ci se divisent le travail et se partagent les aliments. A cette seconde, ils ont créé un système économique. Certes celui-ci ne cessera pas de se développer, et surtout de se compliquer, au fur et à mesure que progressera la civilisation ; mais le but final est toujours le même : assurer le vivre, le couvert, le vêtement, l’éducation, les soins médicaux, bref le maximum de contort possible, à tous ceux qui vivent dans ce régime économique.

Aujourd’hui, les jeunes n’ont pas de travail et les vieux n’ont pas le moyen de se reposer : le système fonctionne donc mal.

Des millions de gens sont dans la misère alors que les choses utiles déjà fabriquées s’entassent inutiles : le système est devenu déplorable.

Mais voilà qu’on détruit les choses utiles déjà créées, alors que la misère gagne de proche en proche ; le système est devenu complètement imbécile car il place l’homme au-dessous du singe. L’idée ne viendrait jamais à ce dernier d’infliger la grande pénitence à ses petits sous prétexte qu’il y a abondance de noix de coco ; et un ours ne se condamnerait pas à passer l’hiver dehors, sous prétexte que les abris sont trop nombreux.

La preuve étant faite que tous les remèdes, pris dans le régime, ne peuvent qu’aggraver les choses, qu’attendons-nous pour nous évader de ce régime ? On guérit un malade, on ne ressuscite pas un mort.

Dirons-nous avec Edouard Herriot : « Je me refuse d’admettre que le peuple de France s’en aille vers je ne sais quoi, vers une sorte de Terre promise cachée par une colline de nuées [1].

Le peuple de France va découvrir, sans guide, le système économique nécessaire. Il l’aperçoit à travers M. Herriot lui-même : c’est la civilisation de l’abondance, succédant à 6.000 ans de rareté !

Les principes de cette économie nouvelle sont faciles à dégager :

La richesse d’un pays se mesure à sa puissance de fournir des produits ou des services quand, où, et comme les citoyens le demandent.

A toute augmentation des moyens de production doit correspondre une augmentation des moyens de consommation.

La science, en relevant progressivement l’homme de son dur labeur d’autrefois, a doté l’humanité d’un patrimoine commun de civilisation dont tous les hommes doivent profiter, puisque toutes les générations ont contribué à le constituer. Chacun de nous doit, en effet, à ses prédécesseurs ou à ses contemporains, la meilleure part de ce qu’il a, et même tout ce qu’il est. Ce patrimoine commun permet un affranchissement qui doit faire de la joie et non de la misère. Il suffit de répartir, entre tous, les tâches encore nécessaires et les loisirs heureux.

En conséquence, le droit aux produits et aux services doit être libéré de la considération du travail fourni [2], car si l’homme est sur la terre, c’est pour vivre : il ne doit travailler que dans, la mesure où son labeur est encore nécessaire.

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[1] Phrase débitée dans le discours au Congrès des Débitants à Lyon, le 23 septembre 1935.

[2] Si ceci choque le lecteur, qu’il n’oublie pas que, si on continue à distribuer les biens en proportion du travail fourni, c’est-à-dire à les vendre, il ne sera bientôt plus possible de vendre quoi que ce soit.

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"En route vers l’abondance"

par J. DUBOIS
16 novembre 1935

Jacques Duboin vient de condenser en deux volumes sous un même titre « En route vers l’Abondance » le fruit d’une nouvelle année de travail et de réflexions. L’activité intellectuelle et l’énergie de l’auteur sont au service d’événements qui viennent chaque jour s’aligner sur la ligne fatale où il avait prévu qu’un implaccable destin les conduirait. Voilà dix ans que Jacques Duboin a été pris irrésistiblement par sa vocation de prophète : les réalités, d’heure en heure plus pressantes, ne lui ont infligé aucun démenti. Ceci est remarquable dans une époque où tout le monde a « fait fausse route » et où l’erreur de l’un sert à excuser l’erreur de l’autre.

Le succès porte et nourrit une pensée, surtout quand, objective comme chez Jacques Duboin, elle réclame d’être alimentée par les faits. Aussi les deux volumes dont je m’occupe ici, nous montrent-ils l’auteur en pleine maîtrise de sa doctrine et de son talent. La première est aussi vigoureuse et solide que le second est clair, léger, alerte comme il appartient aux seules bonnes plumes françaises de l’engendrer. Jacques Duboin sait convaincre et séduire, mais pour lui la première tâche c’est de convaincre. Et qui ? Tous les hommes placés dans la contradiction entre les réalités économiques et les conventions sociales, passés et aplatis, de ce fait au laminoir de misère. Une conclusion aussi cruelle et stupide intervenant comme la récompense du génie humain indigne Jacques Duboin et toute la phalange d’hommes de bonne volonté qui se sont groupés autour de lui pour un nouveau rachat des hommes, à l’encontre, cette fois, de toutes les mystiques mobilisées pour le maintien d’un état social et économique périmé au point qu’il ne présente plus que des aspects de « débâcle » et d’agonie.

Matériellement, les deux volumes d’ « En route vers l’Abondance » comprennent quatre parties.

La première consiste en une explication des phénomènes qui constituent l’ensemble de la crise mondiale dont le caractère universel est, par lui-même, significatif. C’est la « grippe espagnole » qui sévit sur la totalité d’un système économique et social. Il suffit à Jacques Duboin d’une cinquantaine de pages pour débrouiller l’écheveau de la crise et constater qu’il s’agit, en réalité, « du passage à une nouvelle civilisation ».

Toute cette partie du livre I est pensée et écrite sous le signe du pouvoir d’achat ». Le monde s’est détraqué du jour où la production a pu augmenter en même temps qu’augmentait le chômage.

C’est l’effondrement par la base de la pyramide des pouvoirs d’achat qui ne peut naître que d’une production susceptible d’être absorbée par des consommateurs solvables. Ainsi est apparu dans toute sa cruelle et indécente nudité économique et sociale un régime dont la formule est : « Qui ne vend pas ne mange pas ». L’impossibilité pour ce régime d’accomplir son acte essentiel, qui consiste à convertir les produits en argent, a déterminé la rupture de tous ses équilibres. La baisse des prix qui résume et constitue toute la crise équivaut au sacrifice progressif de tous les pouvoirs d’achat. Ceux-ci étant solidaires, il deviendra au long du temps impossible à quiconque de se sauver. Déjà l’Etat qui est partout le substitué grand fabricateur de pouvoir d’achat et porte ainsi à bout de bras la voûte de la société qu’il est chargé d’administrer, vacille sur ses bases financières et comptables et n’en prolonge la durée qu’à coups d’expédients ....

Ainsi l’abondance qui exclut le concept de « valeur » s’est substituée subrepticement à la rareté qui impose la valeur comme fait et réalité. Et l’abondance s’est ouverte sur le monde du jour où la production a augmenté pendant qu’augmentait le chômage.

Tel est l’essentiel de la doctrine si alerte et puissante de Jacques Duboin : en l’exposant, en la plaidant, il s’est acquis une notoriété dont il entend ne se servir que pour la libération de l’humanité qu’il convie à rattraper sur la route de l’intelligence sociale l’immense avance que, sur la route du progrès technique, elle a pu conquérir contre cet ennemi social qui la tenait enchaînée par la force de la tradition et la conspiration de toutes les forces de conservation qui sont, aujourd’hui, son mauvais génie.

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La deuxième partie contient une suite « d’articles » dont, dit l’auteur, « quelques-uns ont pu paraître ». L’Œuvre et la République ont, en effet, comme on sait, ouvert leurs colonnes aux exposés de Jacques Duboin. Les lecteurs de ces quotidiens retrouveront avec plaisir, sous la forme d’un volume, ces articles qui épousent au jour le jour tous les contours de la doctrine. Mais la lecture de ceux qui n’ont pas paru ou pas pu paraître sera, du fait de cette discrimination même, particulièrement suggestive.

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La troisième partie de cet ouvrage en deux tomes s’adresse au lecteur qui, de bonne foi, veut faire l’effort nécessaire pour comprendre pourquoi il s’appauvrit tous les jours. On y trouvera les éléments d’une « technique sociale » et des matériaux constructifs de la société de demain, bâtie à l’envers de toutes les conceptions juridiques qui n’avaient d’autre raison que d’interpréter la « valeur » sur laquelle reposait la hiérarchie sociale. Or, cette « valeur » n’est plus et la société qu’elle portait est moribonde en l’état de survivance où peut être un individu privé d’un de ses organes essentiels. Des aperçus très intéressants sont ainsi dégagés sur la société de loisirs et la société sans classes appelée à devenir le fait universel. Car l’humanité ne peut vivre que sous un régime à vocation universelle. Celui-ci n’éteint pas nécessairement les réactions spécifiques nationales, mais elle oblige les hommes à interpréter les mêmes thèmes et les mêmes constitutions. C’est la condition sine qua non d’une civilisation, et le drame actuel c’est justement celui d’une civilisation brisée par l’autarchie qui est, aussi, l’une des conséquences de la ruine du pouvoir d’achat et de la valeur, dont les effets se font sentir tant entre les nations qu’entre les individus.

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La quatrième partie n’est ni la moins suggestive, ni la moins actuelle puisque, dans « six lettres adressées à un cultivateur », elle dégage les raisons profondes du malaise de la terre nourricière à qui le régime veut imposer ses consignes et disciplines destinées à sauver la «  valeur » en permettant aux produits de satisfaire à l’obligation où ils sont de se vendre, condition sans laquelle ils cessent d’être réalités du régime. La doctrine de Jacques Duboin consiste à évoquer ces réalités au-dessus du régime et à les faire valoir par elles-mêmes. Les épisocles de la lutte à la fois tragique et ridicule menée par le régiune, contre l’Abondance sont trop nombreux pour qu’on puisse supposer que Jacques Duboin, esprit malicieux et puissant, n’en ait pas fait une importante et significative récolte, laquelle est la première à s’accommoder de l’abondance. Dans l’ordre de l’esprit, cette récolte ouvre la voie à toutes celles qui, dans tous les domaines, vont maintenant naître sous le signe de la fécondité et de la puissance, une fois réalisés les indispensables aménagements sociaux qui, selon la clairvoyance et le degré d’intelligence des hommes sur eux-mêmes, se feront dans la paix lucide d’un beau jour ou dans « l’horreur d’une profonde nuit ». Cette alternative témoigne de l’intérêt social et humain qui s’attache à la pensée et à la doctrine de Jacques Duboin. S’employer à les faire connaître c’est servir la seule cause qui soit véritablement commune  : celle de tous les hommes.

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Lettre ouverte à M. Marcel Lucain de « Paris-Midi »

par A. SOUCHON
16 novembre 1935

Paris, 31 octobre 1935.

Monsieur,

Suivant régulièrement vos artices dans Paris-Midi, j’ai l’impression que vous vous attaquez aux travaux d’Hercule à moins que vous n’ayiez quelque désir de jouer les Don Quichotte.

Comment pouvez-vous supposer qu’il soit possible de rétablir une situation économique et financière en employant des procédés désuets qui ont montré, à l’usage, qu’ils ne pouvaient plus rien arranger ?

Equilibre budgétaire : c’est courir après des ombres...

Reprise économique : impossible puisque le pouvoir d’achat s’amenuise régulièrement pour tous...

Abandon de l’étalon-or, inflation, déflation, dévaluation : manipulations monétaires dont les effets sont sans lendemain...

Destruction des machines : alors, tant qu’à faire, pourquoi ne pas revenir à la chaise à porteur...

Recherches des responsabilités dans le régime parlementaire, la démagogie, les grandes Commissions : des mots tout cela...

Les origines profondes de la crise sont dans les progrès de la science et du machinisme qui, en supprimant le travail humain et en développant la production mécanique ont contraint les hommes au chômage et les capitaux à l’immobilité.

Je sais bien que vous y avez depuis longtemps songé ; mais ce que je sais aussi, c’est que le chômage des hommes et des capitaux ne pourra plus aller qu’en augmentant et les grands travaux non rentables, dont l’Amérique nous a donné l’exemple, permettent de constater que, bien avant la fin de ces travaux, le nombre des chômeurs est déjà plus important qu’il ne l’était avant leur mise en route.

La thésaurisation : c’est un vieux dada qui n’a plus aucun sens, et s’il est exact que certains capitaux demeurent inemployés, c’est parce que le billet de banque semble être actuellement le plus sûr placement. Qu’adviendrait-il si la majeure partie de ces capitaux dits « thésaurisés » s’investissait dans le commerce ou dans l’industrie : la production, déjà considérée comme surabondante, augmenterait ; quant à la consommation, ses possibilités n’en seraient guère améliorées.

La technique moderne qui a permis aux industriels de réduire le nombre de leurs ouvriers et aux commerçants de supprimer des employés, a paru, durant quelques années, favoriser les producteurs en assurant leur profit ; mais la concurrence a fini par supprimer presque totalement tout profit, puisque dans l’espoir de mieux vendre on a régulièrement baissé les prix. La revalorisation des produits est impossible, tant que le pouvoir d’achat de la consommation ne sera pas parallèlement augmenté.

Par ailleurs, pourquoi parlez-vous de « disette » alors que c’est « abondance » que vous devriez dire ; c’est cette abondance qui a détruit tout un système basé sur des lois économiques de rareté. La seule limite qui puisse être imposée à la production, c’est la saturation des besoins réels, et non, comme c’est de règle aujourd’hui, l’approvisionnement restreint des seuls besoins solvables.

Est-il donc si difficile de comprendre que l’Economie Anarchique ne peut pas se perpétuer ; n’importe qui pouvant faire et fabriquer n’importe quoi, cela conduit irrémédiablement à la faillite d’un système basé sur des amortissements matériels devenus impossibles, en raison de la vitesse accélérée des progrès de la Science.

Voyez-vous, ce qui m’apparaît lamentable, c’est que les hommes qui ont la lourde charge d’informer et de diriger l’opinion publique, n’osent pas dire des vérités qu’ils n’ignorent point. Les partis politiques s’affrontent et risquent demain de se heurter dans la plus épouvantable des guerres civiles, alors qu’ils sont, au fond, tous d’accord sur le but : améliorer la vie sociale des peuples.

Les moyens qu’ils préconisent diffèrent parce que le problème est mal posé et, qu’en conséquence, les solutions sont fatalement entachées d’erreurs. Sir Samuel Hoare a ouvert à Genève une voie nouvelle, lorsqu’il a reconnu la nécessité d’une meilleure répartition, et d’une distribution plus équitable, des matières premières dans le monde. Pourquoi voudrait-on qu’une vérité économique internationale ne soit pas, a fortiori, une vérité économique nationale.

Organisation, développement, distribution, répartition de la production, voilà, à mon sens, l’étude à faire pour un esprit ouvert comme le vôtre, ayant à sa disposition des moyens d’information, et désireux d’éviter le pire. Quant au système de translation des richesses, croyez-moi, il existe et vous en connaissez d’autres, que celui que nous impose aujourd’hui un capitalisme étriqué.

S’il veut survivre à l’actuel chaos, il est grand temps qu’il comprenne qu’il n’est qu’un moyen et non une fin.

Si j’ai abusé de votre patience, vous me le direz, et si je me trompe, redressez mes erreurs.

Au-dessus de toute politique partisane, la propagande de Jacques Duboin fait son œuvre dans tout le pays, et les efforts que nous faisons à ses côtés nous conduiront, bien vite, à éclairer une opinion publique que la presse n’a plus le droit d’égarer, quand la guerre civile risque d’être la conséquence d’erreurs volontaires.

Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.

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Combines et vérités

par A. D.
16 novembre 1935

Mesurer la valeur de marchandises rares et tenter de les répartir tant bien que mal, plutôt mal que bien, à l’aide de marchandises rarissimes l’or et l’argent, peut, malgré l’imperfection du système, se comprendre. Mais continuer à utiliser ces métaux rares, dits précieux, pour évaluer et pour régler la répartition de marchandises dont l’abondance est reconnue même par les plus grands profiteurs de la rareté, c’est vraiment trop sacrifier au passé.

Je sais bien que le principe de la rareté du précieux métal-étalon s’est trouvé assoupli par l’usage de billets de banque, chèques et autres moyens de paiement, mais il n’en est pas moins vrai que la base de ces moyens de paiement restant le métal-étalon, c’est lui qui continue à contrôler les prix.

Par contre, le principe de la rareté du métal-étalon s’est trouvé confirmé par l’abandon de l’argent quand ce métal est devenu abondant.

Mesurer avec une marchandise unique et rare (car l’or n’est qu’une marchandise et par surcroît une marchandise étrangère) les produits de plus en plus abondants de notre France, à la terre et aux cerveaux féconds, voilà où nous en sommes.

Les palliatifs à cette situation absurde abondent : Déflation, Inflation, Dévaluation.

Il s’agit toujours d’essayer de raccrocher une production de plus en plus abondante à un système monétaire désuet.

Le but de la déflation est de faire baisser les prix par rapport à l’or et de pouvoir donc racheter avec la même quantité d’or une production plus abondante.

L’expérience a été tentée dans maints pays, elle n’a jamais réussi.

Il faudrait pouvoir faire baisser les prix sans diminuer le pouvoir d’achat global du pays, chose impossible. On constate, même en période de déflation, que la capacité d’achat des masses baisse plus vite que les prix, à cause des frais généraux fixes qui ne peuvent être comprimés que difficilement. Pour un pouvoir d’achat global annuel équivalent à 150 milliards, la France produit 300 milliards de marchandises, et pourrait en produire le double en augmentant ce pouvoir d’achat de l’équivalent de 50 milliards seulement.

Peut-on faire baisser les prix de 50 % ?

Quand bien même on économiserait 20 milliards sur le budget, et en admettant, ce qui est absurde, que cela n’ait pas de répercussion sur le pouvoir d’achat des masses, où trouverait-on, dans le système actuel, 130 milliards annuellement pour combler l’écart entre la production et la consommation solvable ?

Réduire la production annuelle à 200 milliards ?

Alors le pouvoir d’achat global tombera à 75 milliards, car certains engagements ne pourront plus être tenus et notamment le paiement des intérêts et l’amortissement des investissements industriels, ainsi que le paiement des rentes ; car comment prélever 20 milliards pour les rentiers sur 75 milliards de revenu total ?

Par l’inflation, au contraire, on veut augmenter la quantité de monnaie en circulation, espérant faciliter ainsi l’écoulement de la production. Je ferai remarquer à ce sujet, que nous avons connu la prospérité avec 50 milliards de circulation monétaire et que nous subissons la crise avec une circulation de 80 milliards.

Personne n’a, du reste, réussi à expliquer sérieusement comment ce surcroît de monnaie irait justement dans la poche de ceux qui désirent consommer.

Avec la dévaluation, on veut faire de l’inflation sans risquer de voir brusquement la monnaie abandonner le poids d’or auquel elle est rattachée. Pour éviter cet abandon considéré comme une catastrophe, on provoque une catastrophe artificielle, afin de pouvoir en contrôler les effets et la limiter, c’est-à-dire rattacher de nouveau la monnaie à un poids d’or déterminé, inférieur, naturellement, au précédent et plus en rapport avec la situation économique.

L’Etat fait un profit certain en s’appropriant le bénéfice de la revalorisation de l’encaisse or, mais on ne voit toujours pas de quelle façon le pouvoir d’achat global du pays augmentera.

On voit très bien, au contraire, diminuer le pouvoir d’achat de tous ceux dont les revenus, traitements et salaires sont basés sur une quantité fixe de monnaie, car les prix augmenteront fatalement.

Qu’on ne vienne pas nous donner en exemple les Etats-Unis ou l’Angleterre, dont les monnaies sont internationales et régissent les prix des matières premières de base, ce qui n’est pas le cas pour le franc ; leurs dévaluations se sont faites en période de baisse des matières premières, baisse qui est maintenant momentanément arrêtée.

Il y a aussi l’exemple belge (la Belgique en est à sa troisième dévaluation depuis la guerre).

Si nous voulons faire une exposition et donner tout à moitié prix aux étrangers, au détriment de nos nationaux, nous pouvons, nous aussi, réussir dans ce genre de prospérité pour «  Hôtels et Cafés ».

Pendant la période de dévaluation les gens achètent n’importe quoi à n’importe quel prix ; en réalité, ils « vendent » leur monnaie à moins qu’ils n’exportent leurs capitaux et ensuite, la fièvre tombée, tout rentre dans l’ordre et les difficultés restent les mêmes.

Tous ces palliatifs : déflation, inflation, dévaluation, tendent à mettre en harmonie la monnaie avec l’économie au pays ; aucun n’y parvient, car la prospérité vient du rapport entre le pouvoir d’achat global du pays et la quantité de marchandises produites, et non pas du prix de ces marchandises.

Quand le rapport est égal à 1, l’harmonie est réalisée.

La prospérité vient également de la vitesse de circulation de la monnaie et non pas de la quantité de monnaie en circulation.

Si vous créez une marchandise sans créer le pouvoir d’achat correspondant, il n’y a pas de solution ; la marchandise ne pourra pas être achetée quel que soit son prix. La cadence de production de cette marchandise dépendra de la rapidité avec laquelle le pouvoir d’achat créé pour consommer la marchandise précédente aura été utilisé.

Il faut donc que, pour chaque marchandise produite, soit créée la monnaie correspondante et que cette monnaie soit remise à ceux qui sont susceptibles de consommer cette marchandise ; ainsi disparaît la nécessité de la déflation périodique qui mettait fin aux anciennes crises cycliques.

Il ne faut pas que soit jamais créée une monnaie qui ne correspondrait pas à une marchandise mise en circulation, afin d’éviter les méfaits de l’inflation dont nous avons encore le souvenir.

Toute monnaie émise sans contre-partie en marchandise sera considérée comme fausse ; des peines sévères existent dès maintenant pour punir les faux monnayeurs. Quand la monnaie a servi à racheter la marchandise, il faut la détruire, son rôle étant terminé.

Pour éviter les à-coups et les accaparements, il faut limiter la durée de la monnaie, tout en restant dans des limites très larges. Il faut faire contrôler, par la production elle-même, la sortie de la monnaie et par les organismes de distribution, sa rentrée.

Est-il besoin d’ajouter que la monnaie, basée et gagée sur la production, n’a pas besoin de l’être sur un étalon métal, qui aurait la prétention de régir les prix de marchandises qui n’ont aucun rapport avec lui.

La production française ne doit pas être sous l’emprise de l’or sud-africain.

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Mangez des oranges

16 novembre 1935

On mande de Gonstantza (Roumanie) : Afin de décongestionner le marché et d’enrayer la baisse des prix, les autorités locales décidèrent récemment de faire jeter à la mer un million d’oranges arrivées de Palestine.

Un cargo, lesté des fruits destinés à être sacrifiés, quitta le port pour gagner la haute mer et s’y livrer à la besogne destructice, lorsque soudain il fut entouré par une flotille de barques, dont les occupants tentaient de repêcher les caisses lancées dans les flots.

Alertée, la police maritime envoya quelques canots sur les lieux, et les agents ne permirent aux pauvres pêcheurs que de garder les caisses vides. - Universul,

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A propos d’une conférence de Jacques Duboin

par J. MARIANI
16 novembre 1935

Sous la signature de Me Ch. Cancellieri, la Gazette du Lundi, du 7 octobre, adresse quelques reproches à notre ami Jacques Duboin, au sujet de la conférence que celui fit à Bastia, le 22 septembre dernier, sur « La grande Révolution qui vient ».

Me Ch. Cancellieri lui fait grief en particulier, de ne pas avoir conclu et lui demande si c’est par pusillanimité.

Il y a là une erreur.

Notre cher compatriote nous permettra, tout d’abord, de lui faire remarquer que la révolution russe, dont il parle et à laquelle il importe de rendre le plus grand hommage, ne peut, en la circonstance, être citée en exemple, ainsi que l’a fort bien expliqué Jacques Duboin en réponse à des interpellateurs.

Car, malgré l’effort colossal fourni, la Russie n’est pas arrivée à son plein développement économique et il lui reste encore trop de choses à accomplir, pour la placer sur le même plan que ceux des pays super-industrialisés, dont nous sommes.

Si bien que l’évolution que nous vivons et la révolution éventuelle qui se produirait ici, ne pourraient, en aucune façon, être comparées à ce qui s’est passé là-bas.

Il convient d’ajouter, en outre, pour bien situer les faits, qu’il n’y a jamais eu, effectivement, dans le monde « surproduction de richesses ». Une surproduction impliquerait, au moins, en effet, la possibilité de donner, à tous les hommes de quoi vivre, plus un reliquat ; or, ceci n’a encore jamais existé, mais pourrait facilement exister, nous devons y arriver pour le plus grand bien de l’humanité.

A ce moment-là, nous n’aurons plus à nous préoccuper ni du chômage, ni de la diminution du pouvoir d’achat des masses.

Les destructions de richesses que nous connaissons, ne résultent pas d’une surproduction quelconque ; elles ont été effectuées dans l’unique but de raréfier ces richesses, en vue de maintenir les hauts prix de vente et partant le profit capitaliste.

Ceci dit, il est fort regrettable que Me Ch. Cancellieri n’ait pu assister en personne à cette conférence ; il se serait rendu compte, tout au contraire, que M. Jacques Duboin, dans un exposé des plus précis, avec une documentation statistique impressionnante, n’a rien négligé pour permettre aux plus aveugles d’entrevoir tous les événements, y compris les plus sanglants, qui guettent, inévitablement notre société actuelle.

Le règne des grands féodaux de la finance et des gros privilégiés des temps présents, a-t-il dit, n’est plus possible. Il leur faudra, a-t-il laissé entendre, tôt ou tard abdiquer, et ce, bon gré, mal gré, entre les mains de tous pour tous, « les actuels moyens de production et d’échange » qu’ils ne détiennent plus que par quelques artifices.

Donc, à moins de lui demander de préconiser ouvertement le recours à la force brutale, pour atteindre ce but, Me Ch. Cancellieri voudra bien convenir avec nous, que notre ami Jacques Duboin a parfaitement conclu.

Le distingué avocat paraît perdre de vue, en la circonstance, que cette abdication qui, nous le reconnaissons très volontiers, ne se fera pas de gaieté de coeur, se fera, néanmoins, inéluctablement, par le simple développement de la technique et de tous les moyens de production.

Ainsi, le seul accroissement des richesses à des cadences jusqu’ici inconnues, en ramenant «  le profit » capitaliste à zéro, détruira, mathématiquement, si l’on peut dire et très vite, la vieille société capitaliste.

Et ça, c’est véritablement la grande révolution qui vient.

Alors, pourquoi vouloir envisager une effusion de sang, comme l’unique moyen d’y parvenir.

Ce grand événement, qui amènera l’abondance certaine pour tout le monde, serait encore plus près de nous, si l’élite, précisément, abandonnant, enfin, son mol oreiller d’indifférence égoïste, voulait comprendre qu’il n’est plus possible que les uns aient trop de tout, pendant que les autres n’ont absolument rien.

Il y a là, pour ces derniers, une scandaleuse négation du droit à la vie, qu’il faut à tout prix faire cesser, sans pour cela déchaîner la guerre civile, encore beaucoup plus inhumaine que la guerre étrangère.

Certes, il est urgent d’agir car la faim et la misère sont mauvaises conseillères, mais tout en étant d’accord avec Me Ch. Cancellieri, sur les résultats à obtenir, dans le plus bref délai, Jacques Duboin entend, avant d’en arriver aux moyens violents, tout tenter et mettre en œuvre dans un cadre évolutif et révolutif, qui n’a rien à voir avec des formules sociales périmées.

Est-ce là de la pusillanimité ? Nous ne le pensons pas.

Si Me Charles Cancellieri avait réellement lu un seul des livres de notre ami, il n’aurait pas écrit ce qu’il écrit.

Dans tous les cas, qu’il sache bien que tout est prévu dans son esprit et que son seul souci pour les temps futurs, réside dans l’organisation des loisirs des hommes.

Pour lui, le chômage serait une récompense, autrement dit, le repos, justement mérité du travailleur.

En fait, le tout est de se comprendre.

(L’Echo de la Corse.)

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Un petit enfant comprendrait...

par JOVE, J. NOCHER
16 novembre 1935

Nous avons le plaisir de donner ci-après quelques bonnes feuilles du livre de nos amis Jove et Jean Nocher « Révolutionnaires, où allez-vous ? » [1], qui parait cette semaine en librairie.

Si on mettait sous les yeux d’un enfant une grande image de la terre, avec ses richesses naturelles les champs de blé, les puits de mines, les arbres fruitiers, les sources d’énergie, les villes et les campagnes, les fleuves qui se promènent et le ciel qui happe les oiseaux mécaniques ; si on peuplait soudain ce tableau de pantins humains traçant des frontières par-ci, des fortifications par-là, semant des usines, construisant des silos géants où les moissons s’entassent, des chais où le vin prend du corps en attendant le gourmet, des magasins plantureux où les machines, le sucre, le charbon, les laines, le beurre et les bonnets de coton attendent qu’on les prenne à pleines mains ; si on montrait ensuite au petit enfant les longues files de chômeurs qui attendent leur bon de famine, toutes les mères qui s’arrachent les cheveux pour équilibrer leur budget, tous les gosses rachitiques qui ont soif de lait ; pendant que le gouvernement fait abattre « 150.000 vaches prises parmi les meilleures laitières » ; si on lui faisait voir, enfin, le petit ruban de papier qui, volant de l’usine à la banque, de la banque à la bourse, de la bourse aux krachs, coince les machines, ligote le consommateur, stérilise le producteur, obstrue les échanges et ne se roule plus que dans la poche de quelques fauteurs de speculation ; - si on mettait toute cette carte de tremblement de terre sous les yeux du petit enfant, il ferait à coup sûr cette déclaration qui ne serait ; d’ailleurs pas reproduite par la grande presse : « Je ne comprends pas pourquoi les gens meurent de faim au milieu de toutes ces bonnes choses ; ni pourquoi ils veulent s’entretuer au moment où ils pourraient si bien vivre ; ni enfin pourquoi tous ces épiciers, tous ces ronds-de-cuir, tous ces petits épargnants, s’arrachent des bouts de papier fantôme au lieu de s’approprier des richesses très réelles, dont ils ne s’occupent que pour les détruire. Car enfin, le papier ne nourrit pas... »

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L’argent nous cache les véritables richesses

Il est fâcheux qu’au lieu de toutes leurs expériences de misère, de guerre et d’esclavage, nos maîtres n’aient pas ce clair regard de l’enfant. C’est que l’argent a fini par cacher les véritables richesses : ce moyen d’échange est devenu un but se suffisant à lui-même et s’est élevé comme un mur entre la production et la consommation. « Grands » financiers et petits épargnants confondent, sans même s’en apercevoir, le symbole et la chose, le miroir avec ce qu’il reflète.

Il est symptomatique de constater que de l’expérience mussolinienne au « Bain trust » en passant par les expédients du docteur Schacht, tous les « réformateurs » de ce temps ont pratiqué avec obstination ce grandiose sophisme : croire qu’on peut changer le rythme de production et de répartition des richesses en accroissant le nombre des signes monétaires, qui se dévaluent précisément dans la même proportion qu’augmente leur masse. Si bien que le pouvoir d’achat serait resté le même.., si le progrès technique, envahissant le marché du travail, n’avait dans le même temps continué à priver l’homme de son gagne-pain. »

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[1] Un volume paru aux Editions Fustier. En vente à la Ligue pour le Droit au Travail. Prix 5 francs.

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Statistique du chômage

16 novembre 1936

(Journal officiel du 1er novembre 1935.)

Le nombre des chômeurs inscrits dans les fonds de chômage ou dans les bureaux de bienfaisance atteint 380.719, dont 300.740 hommes et 79.979 femmes.

L’an dernier, pendant la semaine correspondante de fin octobre, le nombre de chômeurs inscrits égalait 343.983. Par comparaison avec ce dernier chiffre, on voit qu’il y a une augmentation de 36.736 chômeurs inscrits.

N’oublions pas que seuls sont comptés les chômeurs habitant une commune disposant d’un fonds de chômage.

Ces communes privilégiées sont peu nombreuses : 4.562 sur 40.000 environ.

L’Office départemental de la Seine accuse cette semaine 186.114 demandes non satisfaites. L’industrie des métaux propose 32.231 demandes d’emploi en face de 27 offres. Le bâtiment enregistre 32.035 demandes pour 17 offres. Les employés de commerce et de bureau, 26.272 demandes pour 32 offres d’emploi.

Cette situation douloureuse n’influe point sur l’optimisme de M. Marcel Régnier. Hôte d’honneur à l’American Club, il n’a pas hésité à « constater un potentiel de reprise ». Il faut, paraît-il, pour que la nation retrouve sa pleine santé, accepter une période de longue convalescence avec les disciplines qu’elle suppose.

C’était, bien entendu, après un banquet « confortable » que furent prononcées ces paroles inconscientes... du moins nous l’espérons pour M. Marcel Régnier.

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Chasses gardées...

16 novembre 1935

Les diamantaires en mal de débouchés viennent de nous offrir une « perle ». Exploitant la dernière panique monétaire, ils ont essayé de nous faire croire que le diamant constituait le meilleur des placements. Dans une annonce que nous avons sous les yeux, ils n’ont pas hésité à citer à l’appui de leur thèse « La Paix d’Aix-la-Chapelle, signée en 1748 par Louis XIV » (mort en 1715 !...)

De qui se moque-t-on ? Si le diamant a, en effet, conservé une certaine valeur, c’est que sa rareté a été artificiellement maintenue.

Nul n’ignore plus que, depuis plus de dix ans, la De Beers et les autres compagnies s’intéressant à l’exploitation des terres bleues diamantifères, ne mettent sur le marché qu’une faible partie de leur production. Mais il y a mieux : avec l’appui du gouvernement sud-africain, les mêmes groupes interdisent l’accès d’immenses territoires connus pour recéler des « diamants d’alluvions » par trop abondants. Fils de fer barbelés, courants à haute tension et mitrailleuses concourent, aux frontières de l’ancien Sud-Ouest Africain Allemand, à la protection de la rareté !

Certains lecteurs nous objecteront peut-être que l’exemple des pierres précieuses ne les intéresse pas, qu’on peut vivre - très bien vivre même - sans en posséder une seule. Nous leur répondrons en les entretenant d’une autre « chasse gardée » qui les touche directement le marché français du sucre !

Alors que ce produit se négocie aux environs dc 40 francs le quintal dans les ports de la mer du Nord, il est encore coté plus de 170 francs à la Bourse du Commerce de Paris. Ce résultat est obtenu par un jeu savant de restrictions à la production (limitation des plantations de betteraves et stockage aux différents échelons de la fabrication) et d’encouragements officiels (droits protecteurs astronomiques, et prohibitions d’importation quand les droits ne suffisent pas).

Compte tenu des taxes intérieures, le prix de gros du sucre s’établit encore en France à 280 francs environ le quintal, contre 130/135 francs en Grande-Bretagne. Pour l’ensemble des consommateurs français (la consommation annuelle de notre pays est de 950.000 tonnes), cela représente une dépense supplémentaire de 1.450 millions de francs par rapport aux consommateurs britanniques correspondants. Chaque Français paie ainsi plus de 35 francs par an, à titre de prime, aux producteurs de betteraves et aux sucriers.

Le point de vue du consommateur ne compte pas pour ces champions de la rareté ! Ne vous étonnez donc pas d’apprendre que la consommation du sucre ne représente en France que 24 kilos par an et par habitant, contre 47 kilos dans les pays anglo-saxons

Et voilà le régime que, grâce à la récente loi sur les ententes industrielles, d’aucuns voudraient étendre aux autres branches de la production !

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Les progrès techniques

DES FAITS
16 novembre 1935

L’équilibre économique a existé dans le monde aussi longtemps que la formule suivante a pu être appliquée :

Production X, nécessitant l’emploi de 1.000 personnes (extraction, transformation, distribution) et donnant à ces 1.000 personnes un pouvoir d’achat nécessaire à la satisfaction de leurs besoins, ceux de leur famille, etc...

Le déséquilibre économique s’est installé dans le monde depuis que, grâce au progrès technique, la formule est devenue :

Production X, possible avec dix fois moins de main-d’oeuvre donnant, par conséquent, du pouvoir d’achat à 100 personnes, alors que les 1.000 personnes de la première formule (puisque la population ne décroît pas) ont toujours les mêmes besoins à satisfaire.

Voici de nouveaux exemples à ajouter à ceux publiés dans nos précédentes chroniques :

Le Normandie est chauffé au mazout. On emploie à la chaufferie dix fois moins de travailleurs  ; en même temps, pas de charbon à extraire pour le Normandie, transports du mazout moins importants que ceux du charbon, donc autre économie de main-d’oeuvre.

Les bateaux-citernes, dont on a tant parlé ces temps derniers, suppriment l’emploi d’environ 1.300 hommes.

A un Congrès d’Ingénieurs Civils, il a été déclaré que, pour extraire 30.000 mètres cubes de terre, il fallait, il y a cinquante ans, 4.000 hommes. Aujourd’hui, pour extraire ce même volume, il suffit de 4 hommes avec des machines.

MATFORD fabrique 80 voitures par jour avec 2.300 salariés ; l’ancienne Maison MATHIS fabriquait 40 voitures par jour avec 4.000 salariés.

Autrefois, pour assurer une production de 3.000 bouchons par jour, il fallait deux personnes : l’une pour la préparation du travail, l’autre pour la fabrication. Aujourd’hui, une seule ouvrière fait 15.000 bouchons par jour.

Dans les usines où l’on utilise la machine Cowles, on fabrique aujourd’hui, avec un ouvrier-surveillant, un moyenne de 1.800 tubes à l’heure (tubes de vaseline et de crèmes de toilette), alors qu’autrefois un bon ouvrier ne produisait qu’une moyenne de 200 tubes.

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A travers le monde

16 novembre 1935

ETATS-UNIS

Le discours de l’honorable Thomas R. Amlie, du 26 août 1935, au Congrès des Etats-Unis, dont nous donnons ci-après un résumé, est important pour deux raisons :

D ’abord, parce qu’une campagne est menée, actuellement en France pour nous persuader que, grâce aux efforts de Roosevelt, la crise est, aux Etats-Unis, en voie de guérison. Il nous apporte des faits précis répondant à une campagne qui tend, sans doute, à préparer en France l’application d’un plan Roosevelt.

Ensuite, parce que le fait qu’un groupe important ait abouti aux Etats-Unis, aux conclusions mêmes auxquelles est arrivé J. Duboin est pour ceux qui le suivent un encouragement précieux.

Voici le début du discours :

« Dans un discours radio-diffusé, à propos du Congrès national des Jeunes démocrates, tenu le 24 août 1935, à Milwaukee, le président Roosevelt a employé deux fois au passé l’expression la récente crise ». Le sens de l’expression employée par le président n’est que trop évident. Elle implique que l’objectif de son gouvernement est atteint : la crise est finie ; le pouvoir a l’intention de se reposer sur ses lauriers.

« Le Président a fait connaître qu’il entendait suivre l’avis de Raymond Moley, paru dans le Magazine Today (27 juillet 1935).

« — Tot ou tard, le New-Deal atteindra le point où ses promoteurs doivent prendre une décision ultime et définitive, pour s’en tenir là.

« Il me semble que ce moment est arrivé... »

« Mais, comme le prétend le président, la crise est-elle finie ?

« La crise est-elle finie pour les 12.000.000 de sans-travail du pays ?

« La crise est-elle finie pour les 20.000.000 de gens qui touchent des secours ?

« Le problème est-il résolu pour les 650.000 fermiers et leur famille qui étaient secourus au printemps, ou pour les quelques autres millions qui, ne recevant pas le coût de leur production, ont été mis en faillite ou expulsés ?

« La crise est-elle résolue pour les onze à seize millions de jeunes hommes et femmes, entre 19 et 29 ans, faisant partie de la génération sacrifiée, et qui se trouvent dans l’incapacité de se procurer une place dans notre système économique ?

« Le problème est-il résolu pour les 600.000 jeunes gens qui, dans les camps de travail, peinent pour un salaire net de 5 dollars par mois, et dont 70 % se sont réengagés à l’expiration de leur contrat, pour la seule raison qu’il n’y a pas de place pour eux dans notre monde économique.

« Le problème est-il résolu pour les deux enfants sur cinq que le service d’inspection des écoles nous montre souffrant de sous-alimentation ?

« La crise est peut-être un mal chronique pour les 49.700.000 Américains qui vivent normalement dans la pauvreté. Mais la crise est-elle finie pour les 15.000.000 d’entre eux qui, par suite de la perte de leurs revenus, depuis 1929, ont été forcés d’accepter un niveau de vie précaire ?

« Depuis la session de janvier du Congrès, les chômeurs ont vécu d’espoir, espoir basé sur la publicité de l’dministration pour les 4 milliards de dollars du programme des grands travaux, qui devait servir à fournir du travail aux chômeurs. Il apparaît maintenant que ce programme n’est purement que la suite de celui élaboré par la F. E. R. A..

« Peu de chômeurs non secourus auront un emploi, et ces quelques-uns-là n’auront pas un salaire suffisant pour vivre.

« Mais le président declare maintenant que la crise est finie.

« La chose est claire : si la crise est finie, les chômeurs doivent se débrouiller eux-mêmes, et ne plus compter sur l’assistance du gouvernement.

« Il est difficile de voir une différence entre cette position et celle de l’individualisme forcené de H. Hoover.

« Quand le président parle de la crise récente, peut-être parle-t-il au nom des six cents compagnies qui contrôlent les deux tiers de l’économie du pays, et dont les gains ont sensiblement augmenté depuis ces deux dernières années ?

« Mais, pour les millions de citoyens qui constituent la population du pays et pour lesquels la crise n’est pas terminée, le président Roosevelt a simplement fermé les yeux sur les problèmes insolubles qu’elle présente pour eux et a pris une position semblable à celle (le Hoover et du parti républicain.

Le New-Deal marchand de disette

La déclaration présidentielle d’il y a un an, disant qu’il voulait rester ou périr et son « refus d’accepter comme une condition nécessaire d’avenir une armée permanente de chômeurs  », indiquait qu’il avait saisi que le noeud gordien d’un système basé sur le profit était le chômage.

« Malheureusement, et contre toute attente, les lois émises, au lieu d’améliorer les conditions, les ont empirées. Le New-Deal a peut-être secouru les industriels et les porteurs de titres en créant une rareté artificielle, mais, en ce qui concerne les salariés de l’usine et de la ferme, le chômage n’a fait que croître, et les conditions do la vie se sont aggravées. »

 

Suit un exposé que nous ne pouvons que résumer brièvement, l’espace nous manquant. L’orateur analyse successivement chacune des lois dont l’ensemble constitue le New-Deal.

Ed. CHARPENTIER.

(A suivre.)

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ITALIE

La suppression des Bourses de commerce. - La suppression des Bourses de commerce qui n’avaient plus d’ailleurs qu’une activité réduite, est un grand pas vers l’étatisation du commerce. Elle sera suivie d’une augmentation du nombre des monopoles d’importation.

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INDES NEERLANDAISES

L’industrie textile. - Pour lutter contre la concurrence japonaise, l’industrie cotonnière hollandaise va installer des manufactures dans les Indes Néerlandaises. A cet effet, 30 firmes se sont réunies en un consortium qui consacrera 20 millions de florins à l’équipement textile de la colonie. On prévoit l’installation de 300.000 broches et 10.000 métiers.

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TURQUIE

L’industrialisation. - Le « combiné textile » (filature et tissage) de Kaiseri (l’antique Césarée), vient d’être inauguré. Il est l’œuvre (tant pour la construction des bâtiments que pour le matériel) de techniciens soviétiques. La première pierre du futur « combiné textile  » de Nazill a été posée le 16 août. Le matériel sera fourni par les Soviets. A Ankara, les autobus achetés en U.R.S.S. sont entrés récemment en service.

Des ingénieurs agricoles soviétiques mettent en marche, dans les exploitations turques, tracteurs moissonneuses et batteuses provenant également d’U.R.S.S. Dans tous les domaines de la production, l’influence russe l’emporte sur l’influence allemande.

L’Economie Nouvelle
(oct. 1935).

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Sottisier

16 novembre 1935

Ce ne sont pas seulement les petits pays, hier encore acheteurs de nos produits, c’est aussi la pléthore industrielle qui, dans tous les pays, a multiplié les instruments de travail au delà de toutes les possibilités de consommation. De 1924 à 1930, les seuls E.-U. ont investi 14 milliards de dollars or, c’est-à-dire plus de 300 milliards de francs français, dans des industries qui ne trouveront jamais, pour leurs produits de consommateurs aussi longtemps que l’effort de plusieurs générations n’aura pas rendu au monde la puissance d’achat que, témérairement et prématurément, elles ont escomptée.

M. Daniel SERRUYS.

*

« Il faut être singulièrement aveugle pour s’étonner de la durée et de la gravité de la présente crise, alors que tout notre effort a tendu à l’entretenir et à l’aggraver en paralysant le mécanisme naturel des prix »... « C’est un mensonge flagrant - de la part de ceux qui accusent le régime libéral ou capitaliste de faillite que d’affirmer la faillite d’un système par des arguments qui en démontrent a contrario et d’une façon péremptoire l’entière efficacité. »

M. Jacques RUEFF.

*

Le mot « surproduction » figure toujours dans le dictionnaire que vient de reviser l’Académie française ; mais il est à peu près complètement retranché du langage courant, surtout en matière économique et agricole. Jamais, dans les manifestations oratoires et autres qui ont lieu dans nos campagne, il n’est fait la moindre allusion aux inconvénients néfastes qu’il y a à produire plus qu’on ne peut consommer. Ces inconvénients sont d’autant plus redoutables qu’avec le protectionnisme universel cloisonnant chaque pays, ce qu’un pays produit en trop il n’est pas sûr de pouvoir l’écouler ailleurs.

La « surproduction » existe plus que jamais. Si on ne veut pas prononcer le mot, il faut au moins tenir compte de la chose. Voudra-t-on bien admettre que seule est utile et bonne la production vendable ?

Matin du 3 octobre 1935.

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Le chômage

16 novembre 1935

Et voici au sujet du chômage, une belle délibération de la Chambre de Commerce de Rouen qui n’aurait pas déparé notre « Sottisier » :

1° Qu’en vue de ramener la confiance, condition indispensable d’une reprise normale de l’activité, le budget de l’Etat soit équilibré sans emprunt nouveau, et dans ce but que soit envisagée une cession des monopoles ;

2° Que les années de travail, étant pour les salariés limitées de 14 à 65 ans, les assurances sociales ne fassent le versement de la retraite (lorsque celle-ci aura atteint son taux normal), qu’au moment de la cessation du travail ;

3° Qu’une compression du coût de la vie soit énergiquement poursuivie pour favoriser et accélérer le retour de la femme à la maison ;

4° Que les industries puissent retrouver une marche normalement bénéficiare grâce aux ententes industrielles établies suivant le projet primitif présenté par les grands syndicats professionnels ;

5° Qu’une étude soit faite tendant à orienter vers les petites exploitations agricoles mises à leur disposition les familles de chômeurs de l’industrie susceptibles d’assurer leur existence par la petite culture et l’élevage, et que dans l’ensemble on s’attache à adopter une politique tendant à favoriser le retour à la terre des populations ouvrières atteintes par le chômage ;

6° Que soient poursuivies et développées les organisations de jardins ouvriers autour des cités industrielles.

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Les affaires d’armements fleurissent

16 novembre 1935

Le commerce mondial en matériel de guerre (armes, munitions, bateaux de guerre, avions) vient d’augmenter sensiblement dans le courant de cette année. Comme par le passé, les avions sont fort demandés. Pendant les premiers mois, c’est la guerre du Gran Chaco qui a donné du travail à l’industrie de guerre ; maintenant c’est le conflit italo-abyssin.

Si le chiffre d’affaires du dernier semestre 1935 est le même que celui du premier, on aura une valeur d’exportation mondiale de matériel de guerre de 1.800.000.000 de francs contre 1.440.000.000 de francs en 1934 et 1.284.000.000 de francs en 1933.

Le pourcentage par rapport au commerce mondial est le double de celui de 1929. Les prix des matières premières ont baissé de 57 %, mais ceux du matériel de guerre seulement de 14 %.

L’exportation d’armes et de munitions n’a guère changé en France, Italie, Suède, Japon ; mais elle a augmenté beaucoup en Tchécoslovaquie, Angleterre, Belgique, U.S.A., ces deux derniers pays ayant doublé leur chiffre de 1932.

L’exportation anglaise de bateaux de guerre a triplé depuis 1934.

L’exportation d’avions a augmeuté, celle de la France a presque doublé.

Les avions ne représentaient que 20 % du commerce mondial de guerre en 1928 ; ils en représentent maintenant 43 %.

L’importation de matériel de guerre en Italie a beaucoup augmenté ; celle des avions et pièces de rechange qui, en 1934, était d’environ 11.100.000 lires, dépassera surement 25.000.000 de lires en 1935.

C’est la Belgique qui a profité le plus de ces augmentations. L’exportation belge vers l’Abyssinie, insignifiante pendant le premier semestre 1934, est montée à 2 millions 240.000 francs ; celle vers la Bolivie à 7.410.000 francs ; vers le Chili à 950.0O0 francs : vers l’Uruguay à 7.600.000 francs ; vers le Venezuela à 2.050.000 francs et vers la Chine à 3.290.000 francs.

Pour les quantités, c’est la Tchécoslovaquie, dont le premier ministre Benès est le président de la Société des Nations, qui est en tète. Son exportation de matériel de guerre est six fois plus important en 1935 qu’en 1932. La valeur des exportations tchécoslovaques en matériel de guerre pour 1935 sera probablement de 266.400.000 contre 224.400.000 en 1934 et 84.000.000 en 1933. La Roumanie est son meilleur client.

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PAGE DE DYNAMO

Bâtiment et habitation

(Suite)
16 novembre 1935

Tous ces loyers sont beaucoup trop élevés pour les malheureux qui habitent les taudis qui les tuent, dans lesquels ils sont obligés de rester parce que, là seulement, les loyers sont à peu près en rapport avec leurs maigres ressources.

C’est pourquoi il existe dans Paris des quantités d’immeubles neufs qui ne sont pas habités ; ils donnent à penser que tous les besoins d’habitation sont satisfaits, qu’il n’est pas utile de construire de nouveaux immeubles tant que ceux-là ne seront pas habités.

C’est une erreur, les immeubles vacants ont été construits à une époque heureuse où l’on payait n’importe quoi, n’importe quel prix ; ils doivent rémunérer un capital beaucoup trop considérable à un taux trop élevé, et leurs loyers ne peuvent pas concurrencer ceux des taudis. C’est là la question à résoudre.

Il faut créer des habitations dont les loyers soient moins élevés que ceux des taudis. De tels immeubles ne seront jamais vacants.

C’est parfaitement réalisable ainsi que nous le montrerons plus loin.

REALISATIONS POSSIBLES

En matière de bâtiment la production varie avec les moyens dont disposent les entreprises.

Laissant de côté la fabrication du mortier sans machine qui ne se pratique plus guère à Paris, il faut compter qu’une entreprise de 100 personnes peut exécuter en 6 mois la maçonnerie d’un immeuble de 750 Mq comprenant sous-sol, rez-de-chaussée et 7 étages, soit deux immeubles par an.

Une entreprise de 300 personnes peut attaquer des chantiers beaucoup plus importants, utiliser en grand les pelles de terrassement ; la centrale à béton avec pompe et mât de distribution etc. et produire deux fois plus que trois entreprises de 100 personnes.

L’immeuble de 750 Mq de surface pris comme type pour cette étude peut loger convenablement 350 personnes dans des pièces de bonne grandeur et avec les dispositions d’hygiène indispensables.

Chaque entreprise de maçonnerie occupant 300 personnes, peut construire en un an 12 immeubles de 750 Mq et par conséquent satisfaire les besoins d’habitation de 4.200 personnes.

Il n’y a pas lieu de se préoccuper des autres corps d’état qui sont tous capables de suivre le rythme adopté par les maçons.

Si en présence des besoins urgents actuels on voulait mobiliser la totalité des entreprises de maçonnerie de Paris et du département de la Seine, les 72.600 hommes qu’elles réunissent pourraient construire les locaux indispensables aux quinze cent mille habitants dépourvus de logements sains, en dix-huit mois.

Mais il faudrait tout d’abord modifier les règlements de 1902 actuellement en vigueur.

Ces règlements relatifs à la hauteur des immeubles destinée à l’habitation ont amélioré très sensiblement les règlements antérieurs mais ils sont loin de donner satisfaction au point de vue de l’ensoleillement des habitations.

Les règlements futurs devront interdire les cours et les courettes et décréter que les espaces entre les façades devront être au moins égaux à trois fois la hauteur des immeubles.

Dans ces conditions une façade orientée au midi recevra le soleil au rez-de-chaussée sous la latitude de Paris même à l’époque du solstice d’hiver.

D’ailleurs la meilleure orientation d’un immeuble est obtenue lorsque l’une de ses façades est orientée vers l’est et l’autre vers l’ouest en lui évitant les trop grosses chaleurs du plein midi en été.

Cette raison d’ensoleillement total nécessite des terrains dont la surface est égale à 6 fois celle qui est nécessaire aux immeubles, permettant non seulement de créer des voies suffisamment larges pour l’ensoleillement des habitations, mais permettant l’établissement de terrains de sports et de piscines a proximité.

Par conséquent pour loger les 1.500.000 personnes qui peuplent actuellement les taudis il faut un ensemble d’immeubles couvrant 325 hectares. L’ensemble des terrains comprenant les voies et les espaces libres devront avoir une surface totale de 1.950 hectares qu’on peut facilement trouver en lots très importants :

Sur ce qu’il reste de la zone militaire ;

Sur la périphérie intérieure de Paris ;

Et sur la périphérie extérieure dans les limites qui seront prochainement desservies par le métropolitain.

La dépense à engager pour la construction des immeubles seuls serait de 9 milliards.

En admettant qu’on soit obligé d’acquérir tous les terrains nécessaires pour construction et espaces libres au prix moyen de 150 francs le mètre carré, la dépense serait de 3 milliards, soit au total une dépense de 12 milliards pour loger convenablement 1.500.000 personnes ce qui représente 8.000 francs par personne.

L’édification de ces locaux est parfaitement possible, nous disposons du personnel et des matériaux nécessaires pour réaliser cet indispensable progrès en moins de deux ans.

Reste à résoudre le problème financier, non seulement pour se procurer les capitaux nécessaires, mais surtout pour obtenir des loyers qui soient moins élevés que ceux des taudis et par conséquent qui soit en rapport avec les possibilités des futurs occupants.

(À suivre.)

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PAGE DE DYNAMO

Les statistiques françaises

16 novembre 1935

Une des plus grosses difficultés rencontrées Par les commissions techniques de Dynamo a été l’insuffisance des statistiques mises à la disposition du public français sur toutes les questions qui intéressent l’économie.

Le gouvernement lui-même s’en est finalement inquiété et un des derniers décrets-lois y est consacré. La statistique générale de la France avait été rattachée à la présidence du Conseil par une loi du 24 décembre 1934 ; mais il fallait organiser les relations entre l’organisme central et les services statistiques des diverses administrations.

Le décret-loi confie cette mission au Conseil supérieur de statistique, reconstitué sur des bases élargies. Il devra, outre la centralisation et la coordination des renseignements, donner son avis sur les programmes d’enquête, sur le choix des méthodes à suivre, sur les projets de staistiques nouvelles. La direction de la staitstique générale de la France devient l’organe de préparation et d’exécution du conseil supérieur.

Celui-ci est composé de 64 membres tous répartis ainsi :

11 membres du Parlement et des grands corps de l’Etat, Conseil d’Etat, Cour des Comptes, Académies ;

14 représentants des organisations économiques (dont 2 des groupements ouvriers) ;

2 délégués des administrations publiques ;

14 personnalités qualifiées, représentant des organismes privés de documentation économique.

Attendons le nouveau Conseil à l’œuvre et souhaitons qu’il nous donne enfin des éléments de travail véridiques et contrôlés qui font bien défaut en France.

C’est d’autant plus nécessaire que l’industrie privée par exemple, à qui il faut bien s’adresser faute de documents officiels, montre - contrairement à ce qui se passe en Allemagne ou aux Etats-Unis - une telle méfiance envers tout enquêteur, que l’on pourrait croire qu’elle a beaucoup à cacher.

« Si donc le prolétariat renverse la domination politique de la bourgeoisie, sa victoire ne sera que momentanée, aussi longtemps que, dans le cours de l’histoire, dans son «  développement », les conditions matérielles qui rendent nécessaires l’abrogation du mode de production bourgeois, et par suite le renversement définitif du pouvoir politique bourgeois ne seront pas réalisées. »
Karl MarX, II, 455