La Grande Relève
   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
AED La Grande Relève ArticlesN° 4 - 1er au 15 décembre 1935

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N° 4 - 1er au 15 décembre 1935

Révolutionnaires où allez-vous ?   (Afficher article seul)

Défense d’une génération   (Afficher article seul)

Le pavé dans la mare   (Afficher article seul)

Chômage   (Afficher article seul)

Diplômes inutiles   (Afficher article seul)

L’aviation   (Afficher article seul)

Progrès techniques   (Afficher article seul)

À travers le monde   (Afficher article seul)

10.000 Kilos de saucisson jetés à la mer   (Afficher article seul)

Le café   (Afficher article seul)

À travers la grande presse   (Afficher article seul)

Economie dirigée   (Afficher article seul)

Premières plaintes contre le machinisme   (Afficher article seul)

Sottisier   (Afficher article seul)

Bâtiment et habitation   (Afficher article seul)

La production, voilà l’ennemie !   (Afficher article seul)

Conversation galante   (Afficher article seul)

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Révolutionnaires où allez-vous ?

par J. DUBOIN
1er décembre 1935

Sous ce titre, Jove et Jean Nocher, font paraître un pamphlet précis, vigoureux, éloquent.

Des arguments-massue viennent résumer l’ouvre des jeunes équipes. Des jeunes qui refusent de mourir avant d’avoir vécu.

Tout l’édifce vermoulu des pauvres programmes de partis est pulvérisé, réduit à néant devant l’EVIDENCE. Cette évidence que les hommes, à la fin de 1935, devraient avoir honte de nier, et même de discuter. Après la lecture de ces pages, celui qui a un atome d’intelligence sait qu’il n’y a plus à politicailler, mais à agir.

On ne résume pas un pamphlet on le lit. Et tous les adhérents du « Droit au Travail » doivent le lire et le faire lire.

Stupides sont les gens qui prétendent que les Jeunes vont plus loin que nous. Ils expriment la même doctrine plus crûment, mais c’est la même foi dans un avenir magnifique qui est là, à portée de la main, à la portée de toutes les mains.

Comme eux nous savons que c’est possible de rendre riches tous les pauvres, sans rendre pauvre aucun riche. Il suffit de crever le nuage de mensonges et d’imbécilité qui nous entoure et nous asphyxie plus sûrement encore que l’ypérite.

Courageusement les Jeunes disent à ceux qui se prétendent à gauche où allez-vous ? Car le plus drôle est qu’ils n’en savent absolument rien, et qu’à la seule pensée de prendre le pouvoir ils reculent épouvantés à l’idée qu’ils ne parviendront pas à équilibrer le budget. Pauvres gens !

Ils en sont restés à Louis Blanc, aux ateliers nationaux, à la peur de voir l’or f... le camp de la Banque de France.

Mais si tout l’or s’en va, manquera-t-il une brique à l’un quelconque des immeubles de France ? Y aura-t-il un chou-fleur de moins ?

Votre or, Révolutionnaires avec un grand R, sort des entrailles de la terre. Et qu’en faites-vous ? Vous le replacez dans les entrailles de la terre ; dans une cave. S’il était resté là où il était, qu’y aurait-il de changé ?

Ce qui dépasse l’entendement est que vous vous croyez supérieurs au sauvage. Lui, au moins, serre son grigri sur son cœur...

Le pamphlet de Jove et Jean Nocher fera-t-il comprendre aux socialistes en peau de lapin et aux radicaux en peau de taupe, qu’il n’existe plus d’étapes sur la route. Ces chères petites étapes si nécessaires pour justifier une situation ou un petit point de doctrine.

C’est tout ou rien.

Or, ce sera tout ; avec ou sans vous.

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Défense d’une génération

par Ed. CHARPENTIER
1er décembre 1935

La jeune génération accable souvent celle qui la précède de reproches amers. Il est humain que ceux qui arrivent à l’âge d’homme s’en prennent à ceux qui sont devant eux, leur bouchant l’avenir et les accusent d’être la cause des maux dont ils souffrent.

Qu’ils s’indignent de voir leur bonne volonté inutilisée, leurs efforts dédaignés, leurs espoirs contra carnés par une société où ils ne trouvent point leur place, qui pourrait s’en étonner !

Mais est-il juste de rendre responsables ces aînés du désordre du monde actuel et peut-on leur reprocher de n’avoir pas profité des occasions de l’après-guerre pour une refonte de notre société ?

Les hommes qui ont aujourd’hui entre 40 et 50 ans ont eu un tragique et splendide destin. Leur enfance a vu la naissance et le développement prodigieux des inventions mécaniques les plus surprenantes, celles qui touchent le plus près l’homme et dont il fait maintenant un usage journalier. Le machinisme du XlXe siècle s’était appliqué à la grosse industrie, ses merveilles étaient surtout d’usine et de laboratoire.

Enfants, ils ont vu les premières autos, les premiers sous-marins

jeunes gens, les premiers avions, les premiers phonos, les premiers films plus tard, les premiers appareils de T. S. F.. Le téléphone, I’éléctricité s’introduisaient partout.

Et quand, enthousiasmes pal’ tant de conquêtes, ils commençaient, à l’âge d’homme, à joindre leurs efforts de réalisateurs à ceux de la génération de chercheurs qui les précédaient, on était en 1914...

Ils firent la guerre tous avec des illusions qui, chez la plupart, durèrent quatre ans ; illusions qui, heureusement, les soutinrent, puisque les perdre n’aurait laissé aux meilleurs d’entre eux d’autre issue qu’un suicide. Ils la firent avec courage - ce courage militaire auquel on nie toute valeur, quoiqu’il soit nécessaire aussi au révolutionnaire - et avec cet esprit pratique d’organisation et de recherche du résultat avec le minimum de risques et d’efforts qu’ils avaient puisé dans les sports et dans les méthodes américaines.

40 % des leurs restèrent sur les terrains lunaires ut dans les hôpitaux.

Et la paix vint, et la fuite des dernières illusions qu’ils avaient pu se faire sur elle.

Ils avaient 30 ans et, sur les dix dernières années, en avaient passé sept dans l’armée. Ils étaient à la fois très, mûris et très jeunes, très désabusés et un peu cyniques, et ils avaient acquis un mépris solide pour les barbes et les laïus quarantehuitards de leurs aînés

« Trop jeunes pour Sedan et trop, vieux pour Marne ».

Le monde avait à réparer. Il y avait du travail pour tous. Ils s’attelèrent à la production et en firent leur dieu.

Et la production devint ce que l’on sait. Les usines, les barrages, les laboratoires s’édifièrent. Les machines, la rationalisation enlevèrent chaque jour à l’homme un peu de son travail, un peu de ce pain qu’il devait gagner à la sueur de son front. Le jour est venu où cette sueur est inutile. L’homme calcule, invente et contrôle. Demain, il n’aura même plus à contrôler.

Certes, ce faisant, ces hommes n’ont pas prévu las conséquences sociales de la révolution technique qu’ils apportaient. Certains ne les ont aperçues qu’une fois la belle machine détraquée. Beaucoup ne les voient pas encore.

Mais ils l’ont faite, cette révolution.

Et l’évolution sociale qui va suivre, ils l’ont rendue possible dans les meilleures conditions.

***

Que les jeunes ne leur reprochent donc pas de ne point avoir de suite adapté la société à l’abondance qu’ils créaient.

Car cette besogne qui, plus tard, paraîtra tellement plus simple que d’en avoir créé les conditions économiques, porte sa difficulté dans l’esprit.

Et pour cela, elle est plus facile aux jeunes, parce qu’ils voient plus simple, plus neuf et qu’ils ont un enthousiasme avide.

Jeunes hommes, cessez vos plaintes. Vous avez un avenir magnifique !

Avant de distribuer, il fallait produire. Les fruits sont là, maintenant, pour tous. Les mains se tendent...

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Le pavé dans la mare

1er décembre 1935

Nous publierons désormais, sous cette rubrique, des extraits de ce qui se publie sur notre président et sur notre action.

Dans la Défense Républicaine de La Rochelle, sous la signature de G. Yung  :

AU FIL DES SEMAINES

M. Jacques DUBOIN est un économiste séduisant.

L’espèce est assez rare pour qu’on s’empresse de l’épingler dans la collection de ces insectes dont les variétés sont généralement peu amusantes.

Il y a les optimistes, les pessimistes, les physiocrates, les libéraux, les collectivistes, les associationnistes, les protectionnistes, les manchestériens, les marxistes, les hédonistes, les fabiens, les solidaristes, les anarchistes. Tous ces papillons, de nuances différentes, apportent à notre pauvre humanité l’espoir qu’en suivant leurs ailes brillantes et capricieuses, elle abordera dans le pays du bonheur.

Ce pays s’est appelé la République de Platon, l’Utopie de Thomas Morus, le Pays du Soleil de Campanella, la Lune de Cyrano, l’Icarie de Gabet, le Phalanstère de Prud’hon, la Clairière.

M. Jacques Duboin est un papillon aux idées critiques brillantes. Il nous séduit par son impeccable logique, son vigoureux bon sens et un optimisme qu’il puise, non dans la raison humaine, mais dans la nature et dans la science.

M. Duboin prétend que nous sommes dans la période de l’abondance. Nous avons, assure-t-il, du blé, du vin, des fruits, des textiles, des métaux, du caoutchouc, du pétrole, des machines, des hommes, des cerveaux, etc., à ne savoir qu’en faire. La preuve, c’est qu’on brûle des montagnes de stocks et qu’on « réglemente » sévèrement la production, considérée désormais comme un crime. De même, on gémit de voir tous ces bras qui s’offrent pour le travail et ces jeunes intelligences qui apportent au monde, inconsidérément, le moyen de produire encore plus, plus vite et meilleur ! Ce serait l’abomination ele la désolation !

M. Duboin s’étonne que les gouvernements et les hommes réputés comme sérieux voient toute la solution dans l’équilibre du budget de I’Etat, qui lui semble, à lui, un épisode dans le grand drame moderne.

Il constate que, sérieusement, et même organiquement, par une sorte de fatalisme qui tient à notre régime, nous cherchons à vendre cher et acheter à bon marché - à exporter beaucoup, mais à ne pas importer - à éviter la surproduction, mais à employer les capitaux - hausser les prix pour le producteur, mais à les baisser pour les consommateurs - à comprimer les prix de revient par le renvoi des ouvriers, mais à résorber le chômage, etc...

Toutes ces contradictions sont de plus en plus aiguës. Elles deviennent tragiques lorsqu’on voit des peuples prêcher une abondante surnatalité et se jeter ensuite dans des aventures de conquêtes, afin d’ensemencer de nouvelles terres qui augmenteront la surproduction !

La raison humaine semble complètement détraquée. Nous sommes dans la période la plus déboulonnée de notre malheureuse histoire.

Je suis, quant à moi, pleinement d’accord avec ces désolantes constatations qui, hélas ! crèvent les yeux. M. Duboin est un économiste aux ailes parfois grises (lorsqu’il analyse notre système économique basé sur la recherche exclusive du profit) et parfois brillantes (lorsqu’il montre, lorsqu’il chiffre les possibilités énormes de production agricole, minière, industrielle, qui peuvent encore se décupler dans un avenir prochain).

Seulement, à l’inverse des autres, il ne nous montre pas le chemin de son « Utopie » lui. Il ne veut pas grossir le nombre déjà impressionnant ides « plans » qui encombrent l’esprit public.

Et, beaucoup de ses amis lui disent : « Allons ! un petit effort ! Nous saluons votre démolition des traditionnelles erreurs et des solennelles sottises ! Nous ne demandons qu’à voir, avec des yeux que vous avez largement ouverts, et vous ne nous montrez rien ! »

M. Duboin a répondu : « Pourquoi réclamer mes conclusions ? Vous n’en voudrez pas. »

Il semble qu’il ait conscience d’une hardiesse qu’il juge lui-même excessive.

Qui sait ? Essayez, Monsieur. Bravo pour votre critique. Maintenant, concluez !

...Allons ! un petit effort !... A nous maintenant de demander à M. G. Yung s’il a fait celui de lire En route vers l’abondance, les yeux largement ouverts, comme il dit les avoir et s’il a bien vu cette fois.

***

Dans Commentaires, du 27 octobre, sous le titre Un effort sincère, un article est consacré à la conference donnée par Jacques Duboin à la Mairie du VIIIe Arrondissement.

M. J. DUBOIN se fait l’apôtre d’un évangile nouveau où toutes les aspirations intellectuelles, économiques et politiques peuvent se rencontrer sans se jeter réciproquement, l’anathème : l’évangile de la fraternité dans l’abondance. Ainsi parlait-il, jeudi soir, devant un nombreux auditoire que ne pouvait contenir la salle des Conférences de la Mairie du VIIIe Arrondissement.

Hélas comme dans le paradis de Moïse, et comme dans celui de Jésus, le bonheur y semble à la portée de la main, mais, pas plus que celui des deux autres, ce bonheur n’est immédiatement accessible à l’homme.

Du haut du mont Sinaï, Moïse entrevit la terre promise, où les rivières étaient de miel et où les arbres donnaient des fruits en toutes saisons ; mais Moïse ne toucha jamais la terre promise et les fils d’Israël y trouvèrent quelques épines à côté des roses.

Jésus n’eut pas plus de chance ; il est vrai que, d’après lui, son royaume n’était pas de ce monde.

M. Jacques Duboin, lui, nous annonce un paradis qui ressemble plutôt à celui de Mahomet :

- Vous ne travaillerez pas, dit-il, et tous vos besoins seront satisfaits à ,satiété. La tâche originelle, qui impose à l’homme l’obligation de gagner son pain à la sueur de son front, ne va pas tarder à être effacée : là où Jésus a fait faillite, la machine va réussir.

Et de nous sortir des statistiques établissant les rendements du blé, du vin, du coton, du charbon, de l’électricité, etc...

- Le monde produit au-delà de ce qui lui est nécessaire. Jouissez donc de vos biens au lieu de vous entretuer sur des richesses que vous préférez détruire que consommer ou faire consommer par ceux qui en manquent.

Il y a du vrai dans cela ; mais, hélas ! la tâche originelle persiste encore et elle pèse sur les rapports des individus et des nations.

- Votre système est périmé, dit encore M. Jacques Duboin : vous vivez sous le régime du pouvoir d’achat et ce pouvoir d’achat tend à disparaître. Renoncez-y donc et adoptez le besoin d consommation, puisque vous pouvez produire inépuisablement.

C’est vrai ; mais il y a toujours cette sacrée tâche originelle que nous portons en nous et qui persiste à nous conserver un état d’âme individualiste, capitaliste même.

Hélas ! les événements se moquent éperdument de la tâche originelle !

Ne dis jamais : ils sont trop bêtes, trop encroûtés... des graines germent dans les endroits les plus imprévus.

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Chômage

par L. LABAUME
1er décembre 1935

« Les industriels qui sont assez confiants dans l’avenir pour créer encore une usine, rencontrent des difficultés qu’ils ne pouvaient pas soupçonner. » C’est ainsi que prélude l’article à prétentions sociales, signé P. L., paru dans l’Usine à la date du 24 octobre 1935.

Las faits exposés sont les suivants :

Un industriel de la région du Nord éprouve les plus grandes difficulités à se procurer du personnel au tarif horaire de 3 francs, soit 24 francs par jour, somme de laquelle il y a lieu, bien entendu, de déduire les assurances sociales, les frais de transports, ainsi que quelques autres menues dépenses. Les chômeurs, avec leurs indemnités quotidiennes de 14 fr., auxquelles s’ajoutent certaines prestations en nature, ont plus d’intérêt, parait-il, à rester chez eux.

Parbleu, cher confrère, en calculateur avisé, votre industriel a déduit la base de ses salaires des avantages mêmes consentis aux chômeurs, en les majorant peut-être un petit peu. Vous ne le lui reprochez pas, car vous estimez, sans doute, que sa conduite est logique et parfaitement conforme à la morale courante.

Eh bien ! qu’il soil logique jusqu’au bout. En attendant que les secours aux sans-travail se généralisent dans toute la France, qu’il aille donc monter son usine dans un centre dépourvu de fonds de chômage. Il trouvera vraisemblablement ainsi une main d’œuvre au rabais, qui, plutôt que de crever de faim, préférera travailler pour une demi-allocation de chômage.

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Diplômes inutiles

1er décembre 1935

Paul Allard a fait pour Excelsior une enquête sur le sort réservé aux jeunes diplômés de l’Enseignement.

Nous condensons les résultats de cette enquête dans le tableau suivant, qui montre l’avenir qui attend les licenciés qui se destinent à l’enseignement secondaire :

2 3 1936 1937 1938 1939 1940
Philosophie 241 7 1 0 0 0 1
Histoire 370 12 1 0 0 2 1
Langues viv. 434 28 2 3 2 5 6
Langues class. 173 91 2 3 5 3 4
Sciences 704 9 1 3 2 2 5

La, colonne 2 indique le nombre de postulants.

La colonne 3 indique le nombre des candidats ayant obtenu un poste.

Les colonnes suivantes indiquent par année les probabilités de postes à pourvoir par suite de retraites.

On voudrait savoir à quoi notre belle société utilisera tous ces jeunes gens qui ont préparé une carrière où ils n’entreront jamais.

Et cela rappelle tristement l’administration militaire utilisant, au début de la guerre, des professeurs de la Faculté de Médecine au balayage des cours ou autres corvées !

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L’aviation

par A. S.
1er décembre 1935

J’avais l’intention de poursuivre l’exposé des lacunes qu’il est aisé de relever dans la gestion du ministère de l’Air.

J’avais commencé à vous signaler les prix abusifs pratiqués à l’avantage des constructeurs d’avions et de moteurs. Dans un second article, je vous avais indiqué la façon dédaigneuse et cavalière dont est traitée l’aviation de tourisme. J’y reviendrai.

Je vais abandonner pour aujourd’hui une critique facile pour aborder une question technique qui n’intéressera certainement que fort peu de lecteurs.

Il s’agit de possibilités que la surface variable par ailes téléscopiques, récemment expérimentée, peut apporter au problème des grandes vitesses actuellement à l’ordre du jour.

Il faut tout d’abord expliquer que : plus un avion est lourd, plus il lui faut de puissance-moteur pour acquérir la vitesse nécessaire pour voler ; ce qui revient à dire inversement que moins un avion est chargé au mètre carré de surface portante, moins grande est la vitesse indispensable pour le faire voler.

Je m’explique :

Supposons qu’un avion, dont chaque mètre carré de surface porte 100 kilos, puisse décoller et atterrir à la vitesse de 100 kilomètres à l’heure. Il est évident que, si le même avion portait 200 kilos par mètre carré, il lui faudrait une vitesse beaucoup plus grande pour se sustenter. Or, aujourd’hui, c’est bien autour de 200 kilos au metre carré que sont chargés les avions auxquels on demande d’atteindre des vitesses de près de 500 kilomètres à l’heure.

Il est aisé de conclure que ces avions doivent décoller et atterrir très vite. Vous sentez immédiatement le danger que cela présente au sol ou près du sol.

Mais alors, me dira-t-on, comment est-il possible de décoller et d’atterrir lentement et, une fois en l’air, d’augmenter sa vitesse ? Tout ceci n’est possible à obtenir qu’en supprimant les résistances à l’avancement. On en est donc ainsi arrivé à replier le train d’atterrissage et à utiliser la surface variable.

Un ingénieur, M. Makhonine, a construit un appareil dont la surface portante de 33 mètres carrés, peut être réduite en vol à 18 mètres carrés. Si donc, en grande surface, cet avion pèse 3.300 kilos, il est chargé à 100 kilos au mètre carré, il peut donc décoller, atterrir et même voler à une vitesse voisine de 100 kilomètres à l’heure ; ce qui ne représente aucun danger. En l’air, cet avion réduit sa surface portante à 18 mètres carrés. La charge devient alors de 184 kilos au mètre carré, mais la résistance à l’avancement est réduite de près de moitié par l’effacement partiel des ailes. Ce qui permet alors d’atteindre de très grandes vitesses.

En clair, voici les avantages de cette formule :

a) Décollages et atterrissages en utilisant la plus grande surface, ce qui augmente la sécurité, puisque les vitesses de décollages et d’atterrissages sont inversement proportionnelles à la charge par metre carré de surface portante ;

b) Réduction de surface portante en cours de vol, ce qui permet une augmentation de vitesse consécutive à la diminution de résistance ;

c) Possibilité d’atteindre les plus hautes altitudes, en augmentant la surface portante, au fur et à mesure de la diminution de portance de l’air, dans la zone de raréfaction d’air.

Il est évident qu’il ne s’agit nullement là de solutions définitives. En aviation, rien n’est définitif ; et, comme je l’ai dit précédemment, dans ce domaine, plus que dans tout autre, on découvre constamment que les certitudes de la veille sont le lendemain des erreurs.

J’expliquerai à ceux que la question intéresse la différence qui existe entre la surface variable et les freins aérodynamiques actuellement utilisés (volets d’intrados, ailes à fentes, etc.).

Mais, dores et déjà, qu’ils sachent que les freins aéro-dynamiques brisent le profil d’un avion, alors que la surface variable par ailes télescopiques maintient l’intégralité absolue du profil. Il est inutile de préciser que c’est au profil de ses ailes qu’est due la sustentation d’un avion, surtout au moment où le moteur ne peut plus, pour une cause quelconque, lui donner la vitesse nécessaire à son maintien dans l’air.

Je dois indiquer qu’après avoir douté pendant quatre ans, le Service Technique du ministère de l’Air, a dû finalement reconnaître la valeur de cette formule à la suite des essais concluants qui ont été faits cette année.

Il ne nous reste plus qu’à regretter les années perdues. Mais, hélas ! pour cela comme pour le reste, le ministère de l’Air semble parfaitement ignorer la « notion du temps ».

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Progrès techniques

1er décembre 1935

On nous communique l’entrefilet suivant :

Le cardinal Verdier, grand bâtisseur d’églises, a béni, dimanche, dans le quartier neuf de la porte de Vincennes, la nouvelle paroisse protégée par saint Gabriel. Il manque encore beaucoup à ce temple, qui ne possède que l’essentiel, les murs, le toit, l’autel. En renouvelant l’effort, l’église obtiendra une chaire, des ornements sacrés, des orgues. Mais, déjà, elle possède un dispositif que lui envieraient de riches paroisses : la dame qui vend les cierges est remplacée, à Saint-Gabriel, par un appareil automatique : suivant qu’on y glisse vingt sous on cinq francs, on reçoit mince bougie ou grand cierge.

Où la technique n’entre-t-elle pas ? Et que deviendront les chaisières chômeuses ?

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À travers le monde

1er décembre 1935

ETATS-UNIS
(Suite et fin)

M. Thomas R. Amlie démontre dans la suite de son exposé qu’il est indéniable que la N.R.A. ait réussi à réduire la production et à maintenir les prix, et qu’elle a ainsi accru le chômage.

Passant en revue les différentes lois qui constituent le New Deal, il montre :

Que les caisses de secours ne sont qu’une mesure de charité capitaliste qui ne donne à l’ouvrier qu’une seule sécurité celle de la pauvreté ;

Que 3.000.000 de fermiers ont reçu 777.000.000 de dollars en 1934 pour soustraire à la production 18 millions d’hectares ;

Que toute l’amélioration commerciale depuis trois ans est due aux prêts gouvernementaux qui se sont élevés à 10.230 millions de dollars

Que les camps de travail où 600.000 jeunes gens reçoivent cinq dollars par mois ressemblent singulièrement aux camps hitlériens ;

Qu’alors que le gouvernement dépense 163.000.000 par mois pour les grands travaux, il pourrait, en ne dépensant que 63 millions, faire tourner par les chômeurs, et pour leurs propres besoins, les usines arrêtées ;

Que les salaires payés pour ces grands travaux sont inférieurs de 50 % aux salaires normaux.

Bref, que le gouvernement poursuit des plans sans un plan central, puisqu’au moment où il distribue des millions aux agriculteurs pour laisser en friche 18 millions d’hectares, il dépense 400 millions pour le barrage du Grand Coulee destiné à rendre 500.000 hectares propres à la culture.

Pourquoi dépenser des milliards pour donner des diplômes à des jeunes gens qui, sortis de l’école, ne trouveront aucun débouché ? Pourquoi donner une instruction professionnelle à des manuels que la machine remplace et dépossède de leur travail.

Rien, dit-il, ne peut être basé sur la rareté, but unique du plan Roosevelt.

Il montre alors l’énorme inégalité dans la distribution des richesses. En 1929, année de prospérité :

144.000 personnes avaient un revenu de 10 milliards, soit 70.000 dollars par tête ;

47.000.000 de personnes avaient le même revenu total de 10 milliards, soit 213 dollars par tête.

Enfin, situation sans issue même si toutes les usines remarchaient à plein du fait des progrès techniques, il resterait encore 8 à 10 millions de chômeurs !

Puis il signale la situation de 11 à 16.000.000 de jeunes auxquels la société actuelle déclare :

Le monde n’a pas besoin de vous.

Celle des fermiers dont les revenus par famille sont tombés de 1.022 dollars en 1925 à 244 dollars en 1932.

Et il déclare que les difficultés présentes sont dues à l’effondrement du système capitaliste.

En 1929, l’American Historical Association fit sur la crise une enquête qui dura 5 ans ; son rapport débute ainsi

« Il est certain qu’aux Etats-Unis, ainsi que dans les autres pays, le règne de l’individualisme et du laissez-faire en matière économique et en matière de gouvernement est terminé. Un nouvel âge commence, c’est le collectivisme. La période que nous vivons ne peut être comparée qu’à celle qu’a connu l’Europe il y a 150 ans quand au régime féodal a succédé le capitalisme. »

L’orateur montre ensuite la prodigieuse puissance de production des Etats-Unis qui dispose de 45 % de toutes les matières premières du monde, et il expose les résultats des travaux de Harold Loeb, dont nous avons parié précédemment et qui trouve que chaque famille américaine peut disposer d’un revenu d’environ 5.000 dollars.

Et il poursuit :

« Comment obtenir l’abondance ? Au fur et à mesure que la crise allait empirant, démontrant l’inefficacité du New Deal pour stabiliser le régime de la rareté, se faisaient jour dans la confusion des lignes générales du régime nouveau qui remplacera le régime capitaliste. »

200 trusts possèdent plus de 50 % de toute la richesse du pays ; leur capital est de 81.074 millions de dollars ; ils ont crû deux fois et demi plus vite que les 300.000 autres sociétés en 20 ans ; ce n’est plus qu’une question de temps pour qu’ils aient englobé toute la production du pays.

Et voici la conclusion de l’orateur :

« Eh bien ! en Amérique les exploitations sont restées individuelles jusqu’à ce que leur importance sociale ait obligé la nation à les exploiter elle-même.

« 1° Au début de l’indépendance du pays, la défense du territoire fut confiée à des bandes et à des mercenaires. Quand l’armée fut devenue forte, elle devint nationale ;

« 2° Les routes ont été primitivement confiées à des entreprises privées ; maintenant elles sont nationales ;

« 3° Le service des postes fut d’abord privé ; il est maintenant propriété nationale ;

« 4° L’éducation, le service des pompiers, service de l’eau, de la voierie, etc., furent d’abord entreprises privées. Elles sont devenues nationales.

Depuis six ans, l’industrie privée nous montre son incapacité de produire plus que la moitié de ce qu’elle pourrait produire.

Le bien-être de chaque citoyen de notre pays étant fonction de la production, le temps est venu maintenant d’appliquer la bonne vieille solution américaine : La production doit devenir une entreprise nationale.

Méthodes de transitions

« Si la majorité de la population peut être convaincue de l’excellence de cette solution, il n’y a aucun doute :

Cette transition se fera pacifiquement.

« Avec une majorité aux deux assemblées, le premier pas consistera en l’amendement de la constitution, de façon à donner aux Assemblées plein pouvoir pour promulguer une législation nécessaire.

« Ensuite, sera créée, soit une « Société nationale », soit un « service central du plan » avec un pouvoir de contrôle sur toute l’industrie.

« Ainsi sera réalisée la production maxima, suivant un plan d’utilisation de toutes les ressources du pays. »

Contrôle technique et non politique

« Il est évident que ce « Bureau central » ne se trouvera pas sous un contrôle politique.

Les congrès ne seront plus que des assemblées de représentants des consommateurs, à l’instar des actionnaires d’une société.

« Le contrôle de la production sera assuré par des personnalités, capables de gérer cette production, et entraînées à cela.

Le besoin d’un nouveau parti se fait sentir

« Il est nécessaire qu’un nouveau parti inscrive à son programme ces solutions.

« Si la transition du régime de la rareté à celui de l’abondance s’effectue pacifiquement et légaIement, ce ne sera qu’après la conquête du pouvoir législatif et exécutif.

« Ce pouvoir politique ne sera pas conquis par un des vieux partis, et ne sera acquis qu’à la suite d’un mouvement de masse bâti sur l’enthousiasme, la conviction, et la volonté.

« Une récente expérience politique aux Etats-Unis a démontré que, grâce à la T.S.F. et à I’intérêt grandissant que suscitent les affaires nationales, les idées agissent vite.

« Le succès sera acquis plus rapidement grâce à un nouveau parti plus indépendant, plutôt que dans la pénétration dans un vieux parti.

« La population est propre à comprendre aujourd’hui les discussions nettes et franches sur les problèmes économiques.

« Le peuple se rend compte que notre système se désagrège, que quelque chose d’autre doit se substituer à lui ; et il demande un système qui offre une solution aux difficultés présentes.

« Le vieil ordre est en décadence, et doit être remplacé par un système économique neuf, qui substituera un plan au désordre, le service au profit, l’abondance à la misère. »

M. T. R. Amlie explique pour terminer que passant à l’action « l’American Commonwealth Political Federation » avait été créé à l’issue d’un congrès tenu à Chicago les 5 et 6 juillet 1935. Suivi par 250 personnes, représentant en majorité des organisations de travail, il s’était clos sur la motion suivante adoptée à l’unanimité :

« 1° Le vieil ordre des choses chancelle et doit faire place à un système économique remplaçant le chaos par un plan, le profit par le service, la misère par l’abondance

« 2° Les chefs des deux grands partis en présence, n’inspirent aucune confiance au peuple des Etats-Unis ;

« 3° L’union de toutes les forces travaillant à instaurer un système économique et politique démocratique, est urgente et nécessaire ;

« 4° Que toute action doit être basée sur la destruction du système du profit. »

Tout commentaire serait superflu.

Mais une question se pose pour nous : Quel est le parlementaire français qui aurait pu prononcer un tel discours ?

Aurait-il eu à changer ses conclusions ?

Ed. CHARPENTIER

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DANEMARK

La lutte contre le chômage. — Parmi les grands travaux entrepris pour lutter contre le chômage, on prévoit la construction d’un canal de la Baltique à la mer du nord ; il rendrait presque inutile le canal de Kiel. Il partirait de la baie de Flensbourg et atteindrait la mer du Nord à Hoyer, n’ayant que 50 kilomètres de longueur, alors que le canal de Kiel a 90 kilomètres.

Et ceux qui vivent du canal de Kiel, que deviendront-ils ?

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DESTRUCTION DES RICHESSES

10.000 Kilos de saucisson jetés à la mer

1er décembre 1935

Le Populaire nous raconte une histoire marseillaise, mais vraie. Le 4 novembre, les habitants du petit port des Goudes, près de Marseille, étaient surpris de voir que la tempête avait rejeté sur la côte un grand nombre de caisses contenant des saucissons.

On crut d’abord à un naufrage ; renseignements pris, il s’agissait de tout autre chose.

Il y a deux ans, une maison marseillaise recevait 371 caisses de saucissons venant de Buenos-Aires. Les cours étant bas, on décida d’attendre pour vendre. Mais la hausse ne vint pas, et en désespoir de cause on décida la vente des saucissons.

Le service sanitaire s’aperçut alors qu’ils étaient avariés, et les 371 caisses furent jetées à la mer, dans l’espoir sans doute qu’elles regagneraient l’Argentine natale !

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DESTRUCTION DES RICHESSES

Le café

1er décembre 1935

La solution la plus facile, la plus couramment employée pour résoudre les problèmes posés par la crise, consiste à détruire toutes les choses nécessaires à la vie. Si on veut bien considérer le mal que se donne toute civilisation pour les créer, on s’aperçoit tout d’abord du paradoxe et de l’illogisme d’une pareille mesure.

A propos de l’industrie caféière, voici ce qu’un grand hebdomadaire illustré, non suspect de partialité, propose à notre admiration.

Personne n’ignore que la fortune principale du Brésil réside dans l’exportation de son café. Il possède aujourd’hui 3.192 millions de caféiers en pleine production, 1.700 millions se trouvent dans l’Etat de Sao-Paulo, 750 millions dans l’Etat de Minas Geraes, les deux principaux Etats du Brésil.

La production totale pour les deux années caféières 1932-1933, 1933-1934 (l’année caféière allant du 1er juillet au 30 juin), fut de 46 millions de sacs de 60 kilos, ce qui donne une moyenne annuelle de 1.380.000 tonnes et un rendement de 432 grammes par pied.

En réalité, le rendement est de 480 grammes environ par pied, les chiffres ci-dessus ne comprenant pas la consommation interne du pays, qui échappe aux statistiques.

En 1928, chaque caféier valait 10 milreis ou 30 francs, ce qui représenterait, pour le nombre actuel de caféiers, une valeur totale de 95.760 millions de francs.

Depuis, la crise et l’avilissement de la monnaie ont fait descendre le prix du caféier à 3 milreis ou 3 francs (le milrei, monnaie brésilienne, a varié de 3 francs à 1 franc) et la valeur correspondante des « Fazendas » a été ainsi ramenée à 9.576 millions.

Déjà avant la guerre, des troubles sérieux furent causés par l’énorme récolte de 1906-1907, à laquelle l’Etat de Sao-Paulo, à lui seul, avait participé pour 15 millions 400.000 sacs.

Grâce à un emprunt externe de 15 millions de livres, l’Etat de Sao-Paulo retira tout l’excédent non exportable du marché, soit 8 millions 146.123 sacs exactement pour tout le Brésil. Ce stock considérable fut mis en dépôt en partie au Brésil, en partie dans plusieurs ports d’Europe et d’Amérique du Nord.

L’épuisement des caféiers consécutif à la production anormale ci-dessus, l’interdiction de créer de nouvelles plantations, les bas prix qui s’instaurèrent firent que la production fut régularisée jusqu’aux années 1913-1914, le stock accumulé de l’excédent non exportable s’écoulant lentement au cours de ces années.

En 1918, survint la grande gelée qui causa d’énormes dommages à la culture du café, réduisant de 60 % la récolte de 1919-1920. Ce désastre provoqua des plantations nouvelles, qui ont augmenté environ de 35 % avec la période d’avant-guerre.

Depuis, la production du café ne cesse d’augmenter, grâce aux raisons précédentes et aussi, sans doute, aux progrès réalisés dans la culture du caféier.

Entre les années 1924 à 1931 (voir courbe ci-dessous), la production se résume ainsi :

Production 204.000.000 sacs
Exportation 146.500.0O0
Consommation aux ports 7.500.000

Un stock formidable de 50 millions de sacs ne trouva pas preneur sur le marché et le gouvernement prit les mesures suivantes :

Un organisme fut créé, le Département National du Café, qui acheta ce stock pour la somme de 2.824.000.000 de francs.

Cette somme considérable fut obtenue par deux moyens : le D. N. C. imagina tout d’abord de frapper d’une taxe de 45 milreis chaque sac exporté. Ce moyen se révélant insuffisant, la Banque du Brésil contracta un emprunt extérieur, le « Coffee Realization Loan », de 20 millions de livres.

La somme ainsi complétée, le D. N. C. détruisit 35.000.000 de sacs, 3.500.000 furent distribués pour la publicité et les 11.500.000 sacs restant furent gardés en gage de l’emprunt.

Aux termes du contrat de cet emprunt, ce stock de 11.500.000 sacs devait être exporté pour faire face aux services de l’amortissement et de l’intérêt.

En réalité, ces fractions mensuelles sont achetées par le D. N. C. et sont détruites au fur et à mesure de la rentrée de la taxe de 45 milreis. Les 50.000.000 de sacs non exportables restèrent absolument extérieurs au marché.

Ainsi, comme partout en ce moment, la sauvegarde d’intérêts immédiats conduit à la destruction de choses nécessaires à la vie. Quand on songe que des millions de gens sont rationnés par l’allocation de chômage, comme s’il régnait la plus affreuse disette, l’injustice de leur sort arrive même à disparaître devant l’absurdité de ce chaos organisé.

Quand les gouvernements arriveront-ils à trouver des solutions logiques aux problèmes économiques actuels ?

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À travers la grande presse

1er décembre 1935

Dans un seul numéro d’Excelsior

Une enquête sur la misère des étudiants :

Nous allons voir fonctionner le bureau.

Des étudiants s’approchent d’une chaise où une jeune fille leur tend des papiers. Ils remplissent un bulletin d’adhésion, et ceux qui ont besoin de travailler remplissent une fiche de travail. Les cas urgents sont examinés spécialement. La seule condition à remplir : être étudiant.

- Mais ceux qui ne peuvent plus être étudiants, qui ne peuvent plus payer leurs inscriptions ?

- Nous leur prêtons l’argent nécessaire.

- Vous leur trouvez des places ? - Quelquefois. La plupart du temps, il y a deux cents candidats pour une place [1].

« Voyez-vous, c’est la grave question : trouver du travail.

« Toutes ces demandes sont centralisées. Trop souvent, les propositions qu’on nous fait ne sont pas sérieuses. On vient nous demander des représentants pour placer des aspirateurs, des articles de Paris ; parfois, d’étranges compagnies d’assurances offrent des places, mais en demandant un cautionnement. Quelle ironie ! Il y a des inventeurs fous, comme cet inventeur d’une extravagante machine qui nous demande des expérimentateurs !

« Nous demandons qu’on nous aide. Nous cherchons des leçons, des secrétariats, des traductions, des préceptorats, des travaux de copies...

« Nous acceptons, nous sollicitons des dons, des vêtements, des livres, des repas... »

Une jeune fille entre. C’est la trésorière.

- Il y a X..., qui voudrait vous parler, dit-elle au jeune président Pierre Lavalle. Il dit que c’est très urgent...

Je me lève.

- Une question encore. Comment distinguez-vous ceux qui ont vraiment besoin de ceux qui veulent seulement augmenter leurs ressources ?

- C’est facile, répond avec une sorte d’amère philosophie le président. Un étudiant qui a vraiment besoin est prêt à faire n’importe quoi pour vivre.

N’importe quoi !...

Suivi du communiqué suivant :

CERCLES.

Après-demain samedi 23 novembre et le lendemain dimanche 24, le Cercle des gourmettes, ce vivant et intéressant groupement féminin, organise à Lyon un goûter Bacchus en l’honneur des vins de France.

Frontignan, muscat, malvoisie, les vins doux d’Anjou, Montbazillac, Graves et Sauternes sans parler des vins de Champagne, accompagneront toutes les plus délicates friandises.

Plus de trente membre du Cercle des gourmettes de Paris, dont Mme Etteinger est présidente, et Mme J.-C. Charpentier, feront le déplacement de Lyon pour retrouver leurs collègues lyonnaises.

Ces petites folles sont d’une inconscience, ma chère !

Enfin, les hauts faits italiens en Ethiopie :

Asmara, 20 novembre. D’après des dépêches officielles et semi-officielles reçues à Asmara, les Ethiopiens ont subi des pertes énormes lors du raid des vingt avions Caproni de bombardement sur les troupes concentrées dans la vallée du Mai Messie. C’est le coup le plus dévastateur qui leur ait été porté depuis le début de la campagne. Bien qu’il n’y ait pas eu de communiqué officiel sur le chiffre des pertes, on estime à 1.500 le nombre des tués et blessés. Les autorités se sont contentées de déclarer que les pertes ont été énormes et que le raid a produit un grand découragement. On croit même que cette défaite pourra faire changer le plan de l’offensive éthiopienne. Plusieurs milliers d’ennemis se préparaient, en effet, à déclencher une attaque contre les troupes italiennes, mais maintenant ils vont peut-être se trouver obligés d’adopter une attitude plus défensive. Les mitrailleuses tirèrent sans répit et le ronflement des moteurs amena immédiatement la déroute parmi les Ethiopiens. Les avions vinrent au milieu d’eux, déversèrent sur leurs rangs des bombes et des grenades et une grêle de balles. Les Ethiopiens avaient eu recours au camouflage pour cacher leur mouvement, mais la première attaque les délogea de leurs cachettes. Les avions semèrent la panique parmi les Abyssins, qui employèrent le canon contre avions, les mitrailleuses et les fusils contre cette attaque. Les aviateurs italiens rapportent qu’ils ont vu l’ennemi s’enfuir dans toutes les directions, tandis que des mulets et des chameaux étaient pris d’une terreur folle, à cause des explosions. Le lieutenant Octini vit une bombe éclater au milieu d’une centaine d’hommes, dont aucun ne se releva. « Si nous avions volé un peu plus bas, nous aurions pu décapiter nos ennemis avec nos avions. Il n’est pas douteux qu’ils se sont servis avec efficacité de leurs canons contre avions, mais ils ne purent échapper à notre averse de bombes et de grenades », nous dit le comte Ciano. « Tous les avions ont reçu des balles venant de toutes les directions. Une nappe de balles arrivait de la vallée elle-même, tandis qu’une autre arrivait en même temps des collines avoisinantes. » Le comte Ciano s’aperçut du danger et descendit plus bas, signalant aux autres avions de l’imiter. «  Notre expédition s’est très bien passée. Nous fûmes obligés de voler si bas que nous rasions véritablement le sol. »

Ça, au moins, c’est du beau sport ! Vive la civilisation occidentale !!!

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[1] Voir dans ce numéro notre article : « Les diplômes inutiles. »

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Economie dirigée

par C. SPAMPINATO
1er décembre 1935

(Suite et fin [1])

Mais ne voient-ils pas qu’il n’en est pas autrement aujourd’hui ?

Qu’ils essaient donc d’installer une industrie dans un pays où déjà beaucoup d’autres industriels exercent dans la même branche. Ou bien ils ne pourront pas écouler leurs produits, ou bien ils nuiront à leurs concurrents en faisant des conditions telles qu’ils se ruineront en peu de temps en ruinant les autres.

Car il est désormais démontré que la solidarité naturelle et l’interdépendance de tous les individus ne sont plus de vains mots. Aussi, chaque individu a besoin d’être soumis économiquement à un plan directeur d’ensemble, et, au lieu d’être sporadique, indépendante, brouillonne, anarchique, l’activité productrice des citoyens doit être dirigée dans le sens de l’intérêt général et non dans celui d’une classe oligarchique.

Au point critique où le monde est arrivé, il faut se garder des formules toutes faites : il faut comprendre et comparer sévèrement, objectivement et en toute indépendance les différentes thèses mises en concours, et agir ensuite immédiatement, en pleine connaissance des causes et des effets.

Un de mes collègues me rapportait dernièrement la réplique de Le Corbusier à un confrère qui, ayant lu un reportage sur l’U.R.S.S. d’un quelconque journaliste, lui affirmait :

- Quel drôle de régime que celui où tout le monde est contraint de manger à la même heure !

Et Le Corbusier de lui répondre :

- Voulez-vous me dire à quelle besogne est occupée la majorité des Français entre 11 heures et demie et une heure et demie de l’après-midi ?

Toutes les assertions des détracteurs de l’Economie dirigée peuvent être mises au point à peu près sur ce même thème ; même celle des âpres défenseurs du profit.

Ne voient-ils pas, en effet, ceux-là, que l’abondance de nos jours l’a à jamais détruit, ce profit auquel ils tiennent tant ; et que ce n’est qu’en ayant recours à l’Etat, donc à l’économie dirigée - mais mal dirigée - qu’ils peuvent tenter de le ressusciter éphémèrement ?

Que l’économie libre, avec le jeu de la concurrence, ait eu son utilité à l’époque où il y avait insuffisance de produits, cela peut paraître incontestable ; le bénéfice étant l’aiguillon le plus vif pour stimuler l’imagination, l’invention, la création.

Mais aujourd’hui, où il y a pléthore de produits, où l’abondance peut croître en même temps que le chômage, il est absolument indispensable que l’Etat intervienne, régisse, réglemente, ordonne suivant les lignes d’un grand plan d’économie dirigée.

Et puis, à l’heure qu’il est, il n’y a plus à choisié ; les événements se précipitent, le chômage croît chaque jour dans d’énormes proportions, malgré les chiffres dégressifs que l’on publie, et la patience des hommes finit par se lasser.

Quelques grèves déjà commencent, et ce ne sont plus les grèves d’autrefois ; celles que l’on faisait pour demander, non pas l’indispensable, mais une amélioration du bien-être.

Aujourd’hui, les revendications sont autrement plus sérieuses. Le jour où la grève éclatera, il y aura dans la rue des hommes affamés, prêts à faire bon marché de leur vie sordide et peu respectueux de celle des autres. Ils lutteront pour arracher leurs enfants à la misère et à la sous-alimentation qui les affaiblissent. Ils penseront qu’ils n’ont pu leur donner ni feu ni médicament cet hiver et ils les auront constamment présents à l’esprit, tremblants dans leurs haillons.

Le jour où ces malheureux, n’ayant plus rien à perdre et ayant déjà fait le sacrifice de leur vie, se trouveront dans la rue en face d’autres hommes chargés de maintenir l’ordre parce que cette fonction leur est dévolue dans la société, alors il sera trop tard. Et le sacrifice des chères petites habitudes auxquelles certains se cramponnent aujourd’hui comme à un gentil bibelot, sera désormais vain.

Les frères ne se reconnaîtront plus, et ce sera peut-être la fin d’une civilisation.

(Comprendre ou Périr.)

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[1] L’abondance des matières nous a obligé à remettre à ce numéro la publication de la suite des articles de nos camarades Labaume et Spampinato. Nous nous en excusons auprès d’eux et auprès des lecteurs. L’abondance règne...

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Premières plaintes contre le machinisme

par L. LABAUME
1er décembre 1935

(Suite et fin [1])

Puis arrive l’ère des grandes réalisations. En 1800, Jacquard construit son nouveau métier à tisser. Outre que cet outil permet de fabriquer des articles impossibles à produire dans les anciennes mécaniques, il supprime 3 ouvriers et 2 ouvrières. On conçoit le ressentiment des ouvriers de Lyon. La résistance populaire n’empêche pas, cependant, la vulgarisation du nouvel outillage, puisque, à Lyon seulement, il y avait 12.000 métiers en 1815 et 30.000 en 1834.

Au cours du XIXe siècle, les plaintes vont aller s’accélérant. Déjà, en 1827, la Mull-Jenny, avec un homme et un enfant, faisait le travail de 100 à 200 fileuses. La peigneuse nouvellement créée produisait l’effet de 5 peignoirs à main. Les machines-outils font leur apparition dans l’industrie métallurgique et commencent à libérer des travailleurs. Les manifestations populaires sont déjà nombreuses et rempliraient plusieurs volumes. En 1816, nous trouvons la pétition des cordonniers demandant au gouvernement d’interdire la fabrication mécanique des chaussures. En 1821, eut lieu à Lodève une coalition contre un drapier qui avait installé une tondeuse mécanique. Manifestation à Bordeaux, en 1864, provoquée par la création du chemin de fer qui devait relier la gare au port.

Durant le XIXe siècle, nombreux furent les économistes qui étudièrent la question, exposèrent leur point de vue, mais, hélas d’une manière stérile, c’est-à-dire sans proposer de solutions acceptables. Les différentes tendances sont assez bien personnifiées par les trois noms de Sismondi, J.-B. Say et Bastiat.

D’après Sismondi, il convient avant tout de s’opposer à la progression, à l’envahissement de la technique, car enfin, déclare-t-il, les produits sont faits pour les hommes et non les hommes pour les produits. Pour conserver le salaire des ouvriers, il ne trouve rien de mieux que de briser les machines. Suivant son expression, il préfère « un pays peuplé de citoyens à un pays peuplé de machines à vapeur ». Il est permis de se demander si ses écrits ne continuent pas à inspirer tels de nos grands hommes, même anciens Présidents du Conseil.

Jean-Baptiste Say pourrait être classé dans un groupe particulier, qui serait celui des optimistes. Cet économiste estime que le capital destiné au salaires s’accroît plus souvent qu’il ne diminue. Le personnel, libéré par un outillage nouveau, doit forcément pouvoir s’occuper ailleurs, puisque, grâce au progrès, il naît quotidiennement de nouvelles industries. D’ailleurs, fait-il observer, la machine, au lieu d’abaisser l’ouvrier, élève au contraire sa dignité. Ne nous étonnons donc pas si Jacques Duboin lui réserve une place à part dans sa caricaturale « Sainte Economie ».

Pour Bastiat, pourtant bien timoré quant aux conséquences qu’il pourrait en tirer, le problème du machinisme ne fait que se poser « Malédiction sur les machines, ce ne peut être que le cri du préjugé vulgaire, déclare-t-il, car maudire les machines c’est maudire l’esprit humain. »

Certains pouvaient encore railler en 1850 les penseurs d’élever ces plaintes à la hauteur d’une théorie économique. Après 1900, ce n’est vraiment plus admissible. La déflagration de l’énergie transforme aujourd’hui d’une manière radicale et, semble-t-il, définitive les conditions d’existence des travailleurs.

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[1] L’abondance des matières nous a obligé à remettre à ce numéro la publication de la suite des articles de nos camarades Labaume et Spampinato. Nous nous en excusons auprès d’eux et auprès des lecteurs. L’abondance règne...

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Sottisier

1er décembre 1935

Sous ce titre, nous relevons quelques sottises parues récemment. S’il fallait les publier toutes, il faudrait un volume !

De M. Marcel Lucain, Paris Midi :

« Il éclate aux yeux qu’on cherche, depuis plusieurs semaines, une mauvaise querelle au ministère. Déjà, en pleines vacances, on avait tenté de déclencher, contre lui, des troubles dans nos ports, nos grands centres syndicaux. Mais les émeutes sanglantes de Brest et de Toulon, menées par des métèques et des bandes d’anarchistes à la solde, avaient dégoûté les ouvriers. De même, les meetings organisés chez nous par des envoyés spéciaux de Moscou, en collusion avec d’autres puissances intéressées, avaient échoué devant la volonté non interventionniste et pacifique du pays. »

De M. Marcel Lucain, Paris-Midi :

Lorsque l’Angleterre voulut essayer de la déflation, tous les marins de la flotte de Sa Majesté britannique mirent sac à terre. Devant cette mutinerie, on rétablit les soldes comme par le passé. Le gouvernement anglais a-t-il accusé Moscou ou le Front populaire ? Ou les métèques et les anarchistes ?

***

De l’Agence Radio :

« Le jour où l’ouvrier a demandé protection à l’Etat contre le chômage, il a cru acquérir de la sécurité. II a abdiqué entre les mains de l’Etat, afin de se garantir contre certains risques et d’avoir la certitude du pain quotidien. Mais il est allé ainsi au devant d’autres risques. Risques financiers, par l’importance du déficit qui se creuse au budget de la nation. Risques monétaires, que fait apparaître la persistance même de ce déficit. Risques militaires, enfin, qui naissent d’eux-mêmes de toute politique fébrile de réarmement.

« Le grand chômage qui a débuté en 1930-31 est donc en quelque sorte à l’origine du mouvement qui a fait surgir à travers l’Europe tant de casernes nouvelles et des nouvelles usines de guerre. En demandant sa subsistance à l’Etat, l’ouvrier sans travail a accru les droits que l’Etat exerçait déjà sur lui. La sécurité internationale n’y a rien gagné, et la paix du monde en a été rendue plus fragile. »

Ceci est plus qu’une sottise. C’est un raisonnement atroce. C’est le chômeur qui serait responsable de la crise ! Qu’attend-il pour crever, puisqu’on a tort de donner des allocations de chômage !

***

Du Journal, sous un courageux***.

« L’obstacle, le seul danger, c’est l’agitation politique. La crainte d’une crise gouvernementale et de ses conséquences paralyse tout. Elle détruit l’équilibre monétaire en même temps qu’elle empêche l’équilibre financier. La cause du mal est donc claire. Le remède ne l’est pas moins. Quant aux responsabilités en cause, elles éclatent aux yeux. »

La Chambre a été en congé pendant cinq mois. Avant cela elle avait abdiqué en autorisant les décrets-lois. Alors que demande-t-on de plus en fait de passivité ?

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Page de DYNAMO

Bâtiment et habitation

(Suite et fin)
1er décembre 1935

Il n’est pas possible de demander cet argent au budget de l’Etat qui sera toujours de plus en plus en déficit.

Les méthodes actuelles ne mettent à notre disposition que les emprunts avec tout leur onéreux cortège de frais d’actes, de commissions aux banques et aux intermédiaires, d’intérêts, cet ensemble grève lourdement la construction, c’est la cause de la cherté des loyers et de l’énorme chômage qui sévit depuis si longtemps dans l’industrie du bâtiment. Ce n’est pas de ce côté non plus qu’il faut chercher les capitaux nécessaires à la solution du problème de l’habitation.

Il faut se passer des emprunts pour éviter les frais et les intérêts qui en sont la conséquence et pourtant mettre à la disposition de l’industrie du bâtiment les milliards nécessaires à l’édification des immeubles modernes qui sont indispensables aux malheureux qui s’étiolent dans les taudis.

Non seulement, c’est possible dès maintenant, mais encore il n’en coûterait rien aux contribuables.

Que manque-t-il ? Seulement l’argent.

Il faut en créer.

Le moyen le plus simple et le plus facilement acceptable consiste à faire imprimer par la Banque de France elle-même des billets spécialement affectés à la construction.

Il ne faut pas songer à émettre des billets ordinaires gagés sur l’or, ce serait le commencement de l’inflation, et celà compliquerait la situation générale, alors qu’il faut la simplifier.

Ces billets spéciaux, dits « billets construction » seront gagés à 100 % de leur valeur sur les terrains et les constructions.

Ce n’est donc pas de l’inflation puisqu’il existe un gage dont la valeur représente exactement celle des billets émis.

La garantie sera rendue effective par une hypothèque sur les terrains et les immeubles.

Les billets construction seront retirés de la circulation en 75 ans, à raison de 1,33 % par an.

En sorte que la garantie offerte par le gagé par rapport aux billets restant en circulation augmentera tous les ans ; c’est ainsi qu’après 15 années, le cinquième des billets émis étant retiré, la garantie des billets restant en circulation sera de 125 %.

La somme annuelle nécessaire à ces retraits sera fournie par les loyers des immeubles sur lesquels l’Etat aura reçu délégation.

Le billets seront émis dans la valeur unique de 1.400 francs, ils seront échangeables contre la monnaie courante et ne différeront des billets ordinaires que par l’indication en filigrane de l’année du retrait et en impression l’indication et l’importance du lot de construction qui a motivé leur émission et qui sert de gage à ces billets.

Il résulte de ce projet, que la somme nécessaire à la construction d’un logement composé de 2 pièces de 14 Mq chacune, une cuisine de 6 Mq, une entrée, une penderie et des w.-c., ayant coûté à construire 33.250 francs, y compris la partie de terrain correspondante, sera amortie par une annuité de 442 francs.

En y comprenant les charges d’administration, le loyer annuel sera de 770 francs.

Il sera donc moins élevé que celui des taudis correspondants et pourra par conséquent les concurrencer.

C’est là tout le problème.

Tant que les loyers des immeubles neufs ne seront pas inférieurs à ceux des taudis, les habitants de ces horreurs pour qui la question d’argent prime celle de la santé, ne pourront pas quitter leurs logements malsains.

Voici le tableau comparatif des loyers des logements suivant la méthode financière adoptée.

Tous ces logements étant absolument semblables dans les 3 méthodes et ayant nécessité exactement la même dépense.

Locaux édifiés au moyen :une pièce et dependances par andeux pièces et dependances par antrois pièces et dependances par an
d’emprunt ordinaire 2.800 fr. 4.000 fr. 5.200 fr.
d’emprunt prévu par la Ville de Paris1.810 fr. 2.480 fr.3.345 fr.
au moyen des billets construction538 fr. 770 fr. 995 fr.

Les résultats de cette initiative seront très importants :

Suppression du chômage et des allocations pour la très importante industrie du bâtiment qui comprend pour la France plus de 300.000 chômeurs inscrits et non inscrits.

Répercussion sur les autres industries puisqu’on aura donné du pouvoir d’achat à un grand nombre de personnes.

Suppression des taudis et amélioration de la santé générale.

Par conséquence allègement du budget des hôpitaux.

Enfin il n’en coûtera rien, ni à l’Etat, ni aux Villes, ni surtout aux contribuables.

***

Nous ne voulons pas terminer cette étude sans ajouter une considération générale importante relative à l’urbanisme, qui est une vision d’avenir.

La superficie de Paris est de 7.800 hectares. Le nombre de ses habitants de 2.870.000, soit 367 habitants à l’hectare.

C’est une densité qui n’est pas considérable, et pourtant les rues sont étroites, les espaces libres très rares, et l’air est irrespirable dans la plupart des quartiers.

Dans l’indication que nous avons donnée pour le logement des 1.500.000 mal logés de Paris, nous prévoyons des immeubles de 20 mètres de hauteur verticale ayant 8 étages et des espaces de 70 mètres entre les immeubles, ce qui est la largeur des Champs-Elysées. Nous avons beaucoup d’espaces libres et beaucoup plus d’air, et pourtant la densité de la population est plus de deux fois plus forte, en effet 1.500.000 habitants logés sur 1.950 hectares font 769 habitants à l’hectare.

Nous ne sommes pas partisans d’une si forte densité et nous pensons qu’au moment des réalisations il ne faudra pas dépasser la densité de 40 habitants à l’hectare.

Mais nous avons voulu montrer par notre étude combien est grand le désordre qui a toujours présidé à Paris à l’établissement des rues et à la construction des immeubles, et combien l’ordre et la méthode peuvent augmenter le bien-être des individus, même en augmentant considérablement le nombre des habitants à l’hectare.

Et nous avons voulu montrer enfin qu’en supprimant toutes les vieilles masures qui n’ont qu’un, deux ou trois étages, on pourrait augmenter les espaces libres dans une proportion insoupçonnée, en conservant pourtant le principe des immeubles de 8 étages qui semblent mieux convenir au caractère français que les gratte-ciel.

En effet, la population de Paris logeant dans des immeubles de 20 mètres de hauteur verticale, occuperait par la construction de ceux-ci, une superficie de 600 hectares, en comptant 800 hectares pour les monuments et le quartier des bureaux lesquels pourraient êtré également plus ordonnés. Il resterait encore 6.400 hectares pour les rues et les espaces libres.

C’est-à-dire de quoi donner de très beaux aspects à la Ville en prodiguant aux habitants, l’air, la lumière et la santé.

X... (Architecte).

^


La production, voilà l’ennemie !

1er décembre 1935

Dans une étude parue dans l’Economie Nouvelle, sur l’aménagement du Rhône, l’auteur s’étend longuement sur le problème de la navigation et sur les avantages que présenteraient, à ce point de vue, les travaux destinés à régulariser le débit du fleuve. Mais ces travaux procureraient en même temps, par les barrages, réservoirs, etc., de l’énergie hydro-électrique et permettraient l’irrigation de vastes régions.

Et l’auteur, M. Benoît de Saint-Fons, termine ainsi :

On trouvera peut-être que cette étude concernant l’aménagement du Rhône s’est beaucoup trop étendu sur le problème de la navigation en négligeant les deux autres (force et irrigation).

C’est sur cet aspect que les deux Chambres de commerce de Lyon et de Marseille viennent d’attirer spécialement l’attention du ministère des Travaux publics ; ce qui nous a amené à traiter la question. D’autre part, les électriciens excipent, avec quelque apparence au moins de raison, de la pléthore de kilowatts inutilisés qui encombrent le marché pour demander qu’on n’en produise pas d’autre pour le moment. De leur côté, les agriculteurs insistent pour qu’on use de prudence dans la mise à leur disposition de nouveaux moyens de production de récoltes qu’ils n’arrivent pas à placer. »

Léon Daudet a dit que le XIXe siècle était stupide. Que diront nos petits-fils du XXe ?

L’ACCORD SUR LE CUIVRE

Après trois semaines de pourparlers, un règlement sur la limitation de la production du cuivre a été adopté par les principaux producteurs du monde, englobant une production totale de 750.000 tonnes par an, soit 75 % de la production mondiale. La réduction de l’extraction sera de 30 %. L’accord, applicable à partir du 1er Juin 1935, est valable pour trois ans. »

Trois semaines de pourparlers ! Quand il s’agit de réduire la fabrication du matériel de guerre, c’est plus long !

Mais ainsi on peut dire que les matières premières sont en hausse.

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Conversation galante

par B. P.
1er décembre 1935

C’était un de ces jours tièdes de printemps, aux senteurs d’été, qui font penser aux vacances, au grand air, à la mer, à la montagne... On se pressait prosaïquement autour du comptoir avant de rentrer au bureau ou à l’atelier. Une jeune femme me poussa pour se faire une place.

- Excusez-moi, Monsieur. Garçon, un café, s’il vous plait. Elle était gentille, sympathique, et déjà je ne pensais plus à autre chose.

- Il n’y a pas de mal, Mademoiselle. C’est bien dommage qu’on soit toujours bousculé et pressé dans la vie.

- Je vous crois, Monsieur. Il ferait bon se promener par un temps pareil.

- Qu’est-ce qui vous empêche de le faire ?

- Un petit rien, Monsieur. La nécessité de gagner ma vie. C’est pénible de travailler toute la journée sur une machine comptable.

- Vous travaillez dans une banque ?

- Oui, celle d’en face. On a renvoyé des employées le mois dernier quand on a installé ces nouvelles machines. Aujourd’hui, je fais avec l’aide d’une machine le travail de deux personnes.

- C’est du progrès

- Merci. C’est éreintant. Puisqu’il y a tant de chômeurs déjà, je ne vois pas l’utilité de ce progrès. D’ailleurs, c’était bien plus agréable quand on faisait à deux le même travail mais sans machine.

- Vous travaillez toujours huit heures par jour, après comme avant ?

- Oui, mais le travail était moins fatigant. Non, non, je n’aime pas le progrès

- Dites, Mademoiselle, que diriez-vous si, au lieu d’être deux à travailler à la main toute la journée, vous étiez toujours deux mais chacune avec une machine. De cette façon, le travail se ferait deux fois plus vite. Alors, vous n’auriez qu’à faire quatre heures de travail par jour et les autres quatre heures - comme vous m’êtes très sympathique, croyez-moi - nous pourrions nous promener au Bois.

- Moi, Monsieur ? Mais, je veux bien !

Monsieur Duboin, vous avez raison. La machine est une belle chose.