La Grande Relève
   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
AED La Grande Relève ArticlesN° 1091 - octobre 2008

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N° 1091 - octobre 2008

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Jean-Pierre Mon montre que le commerce peut être plus fort que la politique et que les populations des pays de l’Est réagissent contre le dumping social. Il lance un avertissement au PS.

Ce n’est pas le système bancaire qu’il faut sauver…   (Afficher article seul)

Marie-Louise Duboin s’indigne de voir les États-Unis voler au secours des banques au détriment des populations, et dénonce la duperie du “discours de Toulon”.

Harmonie   (Afficher article seul)

Bernard Blavette décrit l’idéologie mortifère de la révolution conservatrice. Il pense qu’il suffirait de presque rien pour replacer notre monde dans l’harmonie universelle.

III. Une utopie à faire grandir   (Afficher article seul)

Guy Évrard conclut son étude du manifeste d’Utopia sur la démarche et la stratégie que ce groupe politique a adoptées.

Le RSA ou la grande illusion…    (Afficher article seul)

Serge Bagu n’est pas dupe : le RSA ne créera que des emplois précaires et enfoncera encore les chômeurs…

… inefficace contre la pauvreté, pérennisant les petits boulots   (Afficher article seul)

... Jean Gadrey en apporte la démonstration.

Au symposium des AFTI   (Afficher article seul)

Fred Muller dénonce, par une fiction, la duplicité des discours sarkozystes…

Le chômage libéral   (Afficher article seul)

… et l’escalade des contraintes exercées sur les chômeurs

Les ravages du modèle américain    (Afficher article seul)

Gilbert W. analyse le livre de Michel Desmurget, Mad in USA, qui décrit la réalité du modèle américain à propos duquel bien des illusions sont entretenues.

Parachute doré pour spéculateur   (Afficher article seul)

Francis Dell’eva ...

L’art des requins   (Afficher article seul)

...et G. de Baskerville nous initient à des trucs de ce monde caché.

Où est la limite à la pluie de dollars ?   (Afficher article seul)

Dis-moi ce que tu manges   (Afficher article seul)

Éliane Pessel s’insurge contre une augmentation de la TVA sur des produits de grande consommation, qui ferait encore payer aux plus pauvres le déficit de la sécurité sociale !

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Au fil des jours

par J.-P. MON
31 octobre 2008

Business is business

L’Iran reste encore un des pays de « l’axe du mal », contre lequel Bush lancerait bien ses troupes pour en faire un nouvel Irak. Seulement voilà : en proie à une forte sécheresse, l’Iran a contacté les États Unis pour se fournir en blé [1]. Selon le ministère américain de l’agriculture, la République Islamique d’Iran a acheté en juin environ 1,18 million de tonnes de blé dur. Au fil des mois, ce chiffre ne cesse d’augmenter et représente presque 5 % des exportations américaines prévues par le ministère américain de l’agriculture. Les dernières importations iraniennes de blé américain remontaient à la campagne 1981-82. Comme quoi le réchauffement climatique réchauffe aussi le commerce … et en année électorale, il faut bien faire plaisir aux agriculteurs-électeurs.

Encore un paradis perdu ?

On se souvient que la Pologne constituait jusqu’ici un paradis pour les “délocaliseurs” occidentaux qui y trouvaient une main d’œuvre qualifiée et peu chère. Il semble que ce “bon temps” risque bientôt de n’être plus qu’un souvenir. Le 29 août, à l’avant-veille de son 28ème anniversaire, le Syndicat Solidarité, qui reste une force importante en Pologne, a appelé les travailleurs à une grande manifestation pour réclamer « un travail digne, une retraite digne, une vie digne » [2]. Plus de 50.000 personnes venues de toute la Pologne sont venues manifester à Varsovie. Solidarité entendait ainsi faire pression sur le gouvernement qui prépare un projet de loi qui priverait plusieurs corps de métiers (cheminots, enseignants, artistes, journalistes, …) de retraite anticipée ou proposerait, à la place, des préretraites moins généreuses. Avant le début de la manifestation, le président de Solidarité a appelé la foule à lutter pour « un travail effectué en sécurité, bien organisé et rémunéré décemment qui vaudra par la suite une retraite honnête qui n’obligera pas les personnes âgées à se tourner vers l’assistance sociale ».

Bien entendu, comme partout dans l’Europe libérale, le prétexte invoqué pour la réforme est le déficit prévisible des caisses du système de retraite, qui, selon le ministre de l’économie, devrait s’élever à quelque 48 milliards d’euros dans les années 2009-2013.

Une première réforme du système de retraites avait été effectuée en 1999 pour obliger les salariés à cotiser, non seulement au fonds de l’État, mais aussi, et obligatoirement, à des fonds privés, alors qu’auparavant, ils ne cotisaient qu’à un grand fonds commun. Les premières retraites obtenues dans ce nouveau régime seront versées à partir du 1er janvier 2009.

Elles seront 25 % plus faibles que les anciennes !

La vraie raison

Pierre Moscovici, député du Doubs et secrétaire national du Parti Socialiste donnait [1] récemment son point de vue sur la voie que devrait suivre le PS pour revenir au pouvoir « dans un monde en bouleversement dangereux ». Pour lui ce chemin doit « emprunter trois pistes » : le Parti socialiste doit s’affirmer « réformiste, européen, attaché à la transformation sociale », se revendiquer « laïc, féministe, internationaliste, ancré dans une économie de marché qu’il veut économique et sociale » et « se battre pour ces valeurs ». « Cela implique de remettre le parti, tout le parti, au travail sur les grandes questions de la période, afin de définir le projet des socialistes pour le XXIème siècle, de concert évidemment avec nos amis socialistes européens ». Bref, on ne peut pas être plus vague ! Il y a dans ces lignes tout ce qu’il faut pour éloigner encore un peu plus les électeurs du projet socialiste. Ce n’est que du copié-collé des programmes des partis sociaux-démocrates européens… qui perdent le pouvoir les uns après les autres : « le Parti démocrate italien s’est effondré aux dernières élections après s’être coupé des gauches extrêmes ; le SPD allemand hésite entre centrisme et radicalisme. Depuis un an, les élections qui ont eu lieu en Italie, en Irlande, en Belgique, en Pologne, au Danemark, en Grèce, en Estonie, en Finlande, se sont soldées par la défaite de la gauche » [3]. Sur les 27 pays de l’Union Européenne, seuls sept restent sociaux-démocrates. Et les coalitions avec les conservateurs qui gouvernaient en Allemagne et en Autriche ne tiennent plus, face à la montée de l’extrême droite. À la fin des années 90, il y avait des socialistes au pouvoir dans 11 pays de l’UE qui ne comptait alors que 15 États membres. Pourquoi ce basculement ? La gauche “radicale” explique : parce que « la social-démocratie s’est perdue en cédant passivement aux sirènes libérales » [3] ; parce qu’elle n’a pas su « à la fois, conserver son idéologie et son génie propre (création de l’État providence, justice sociale, redistribution des richesses) et intégrer une économie de marché bousculée par la mondialisation et les migrations internationales » nous dit, entre autres raisons, le journaliste du Monde, auteur de La gauche est en crise partout en Europe [3].

Michel Rocard était certainement beaucoup plus près de la vérité lorsqu’il a avoué au cours de l’Université d’été du PS : « Nous n’aurions pas du céder nos instruments d’intervention dans l’économie, nous n’aurions pas du céder sur la Banque de France qui permettait à l’État d’émettre du crédit, alors qu’aujourd’hui il est contraint de l’emprunter aux banques privées… » Il a même reconnu sa propre responsabilité dans cet abandon ! Vous aurez sans doute remarqué que la grande presse n’a pas donné beaucoup d’échos à ces propos marqués du sceau du bon sens.

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[1] Le Monde, 27/08/2008.

[2] Le Monde, 31/08/2008.

[3] Le Monde, 24/09/2008.

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Éditorial

Ce n’est pas le système bancaire qu’il faut sauver…

C’est l’humanité !
par M.-L. DUBOIN
31 octobre 2008

Il faut absolument sauver, dit-on, le système bancaire, que ses propres excès conduisent à la catastrophe ! Et on va vite trouver pour cela des centaines de milliards de dollars, quitte à saigner les peuples et à paralyser leurs économies, alors que pour sauver les populations déshéritées, les millions nécessaires restent toujours introuvables !! Ce monde est fou !

Et les esprits sont paralysés par la terreur : on ne peut pas se passer du système bancaire ! De lui dépend toute l’économie du monde, elle ne pourrait pas fonctionner sans lui ! C’est oublier que ces milliards de dollars ne sont rien, des chiffres que plus rien ne relie à la réalité ! Ouvrez les yeux car la preuve est manifeste : la “perte” de ces milliards n’a pas fait disparaître les richesses vraies, puisque les hommes et leurs moyens de production sont toujours là ! L’économie a donc tout ce qu’il lui faut pour fonctionner. Mais “pour de vrai”, pas dans cet univers de symboles qui masque la réalité… Et si les conséquences de la crise sont énormes c’est parce que ce sont les investisseurs qui décident de l’économie du monde : leurs faillites se succèdent parce que la confiance en leurs crédits est tarie.

Contrairement à ce que le Président de la République a affirmé à son bon peuple, droit dans les yeux et la main sur le cœur, l’État n’a pas et n’aura pas les moyens « d’assurer la sécurité de son épargne face à l’échec du marché », pour une raison évidente : les États ont abandonné leur droit d’ouvrir des crédits dans l’intérêt général. Les lecteurs de Mais où va l’argent ? [1] l’ont compris, ils n’ont pas eu besoin de la catastrophe financière, partie des États-Unis l’an dernier, pour le découvrir.

Cette “crise” manifeste l’échec flagrant du dogme libéral. Nous conseillons la lecture du livre de Naomi Klein, La stratégie du choc [2], pour comprendre en quoi consiste ce dogme imposé par les élèves de l’économiste Milton Friedman, les “Chicago boys”, et qui, depuis trois décennies, gouverne le monde … pour son malheur.

Bien entendu, les tenants de cette idéologie vont faire tout ce qui leur est encore possible pour nier cet échec et maintenir les rapports de force qui les ont servis jusqu’ici. Tel est l’objectif du “plan géant de sauvetage” que le Secrétaire au Trésor américain voulait concocter avec le Président de la Fed et l’appui du Président et des deux candidats à sa succession. Mais pour racheter leurs actifs “toxiques” aux institutions de crédit, il faudrait que Trésor américain augmentât encore de quelque 2.000 milliards de dollars sa dette envers le reste du monde ! Or on imagine mal comment l’Administration américaine pourait forcer les Américains à réduire leur train de vie, alors qu’ils vivent depuis longtemps aux frais des autres peuples, obliger ces derniers à continuer à les aider, et tout cela en maintenant la confiance dans le dollar ! Cette attitude ne peut qu’engendrer encore plus de violence. Jusqu’où oseront-ils aller ?

Le discours de Toulon de Sarkozy l’Américain [3] montre qu’il va tenter de profiter des difficultés qui s’annoncent pour faire passer sa politique sous la forme de ce qu’il appelle “les réformes nécessaires” … et il prépare depuis longtemps (dans la police, dans la justice, Edvige [4] en est le dernier témoin en date) les mesures qui tenteront de réprimer la violence qu’elles vont évidemment susciter. Sa vindicte contre le capitalisme financier, les parachutes en or ou les paradis fiscaux, est purement verbale. Elle n’est destinée qu’à séduire ceux qui croient encore qu’on peut laisser le renard dans le poulailler, en le “régulant”.

Ces réformistes partent en guerre pour remonter le temps. Ils rappellent, à juste titre, que l’hégémonie financière des États-Unis est la conséquence des accords de Bretton Woods, qui vit le triomphe de H.D.White réussissant [5] à faire échouer le projet de J. M.Keynes, qui comportait l’institution d’une monnaie internationale, le bancor. On va donc voir surgir de partout des propositions pour de “nouveaux Accords de Bretton Woods” corrigeant ceux de 1945, instituant une monnaie internationale, interdisant ceci, puis cela, etc, etc…

Mais même si de tels accords étaient passés, le système bancaire, sauvé de certaines eaux, troubles, trouverait de nouveaux moyens pour contourner les nouvelles règles, et il faudrait, indéfiniment, de nouvelles lois pour les contrer. Or l’humanité n’a plus le temps d’avoir à trouver toujours de nouvelles rustines pour colmater des fuites.

La preuve est maintenant faite que le financement de l’économie ne doit pas dépendre d’institutions privées qui décident des investissements en fonction du seul intérêt de leurs actionnaires. Dans une vraie démocratie, ces choix doivent être faits dans l’intérêt général, et pour cela il faut que ce soit par les peuples, ou leurs élus.

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[1] publié aux éditions du Sextant, Paris, avril 2007.

[2] publié par Actes sud, en mai 2008. Voir l’analyse intitulée Le livre noir du libéralisme dans GR 1090, page 9.

[3] Voir l’article de J-P Mon dans GR1077, page 6.

[4] Voir GR1090, page 5, dans l’article État des lieux, de Christian Aubin. Et ne pas croire que de tels fichiers ne seront pas créés !

[5] Voir comment dans Mais où va l’argent ? pages 78 à 80.

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Pour les “Sisyphe” que nous sommes, répétant sans nous décourager ce qui pour nous relève du bon sens et d’un simple humanisme, la découverte de l’article qui suit a été un vrai bonheur, tant il exprime bien notre pensée. C’est donc avec joie que nous ouvrons ces colonnes à son auteur :

Harmonie

par B. BLAVETTE
31 octobre 2008

Les forces progressistes ont perdu la bataille idéologique et le rouleau compresseur de la révolution conservatrice progresse irrésistiblement sans presque rencontrer de résistance. Partout les dominants sont parvenus à imposer les valeurs du capitalisme néo-libéral : compétition, concurrence, lutte de tous contre tous, bref un Darwinisme social, parfois tempéré par ce qui reste d’un État social en voie de régression rapide. Une bonne image de l’homme, et de plus en plus souvent de la femme, de ce début du XXI ème siècle peut être donnée par ces soi-disant sportifs qui apparaissent le visage couvert de sueur, crispés, les yeux fous, les dents en avant prêtes à mordre.

J’ai la conviction que l’Univers est à la recherche d’une harmonie faite de justice et de liberté.
Martin Luther King.

Cette idéologie est mortifère, au sens littéral du mot. Elle s’attaque au vivant, détruisant avec une inconscience stupéfiante les espèces végétales et animales, polluant la biosphère à un degré que l’on peut craindre irréversible.

Lorsque pour permettre la production d’objets inanimés, faiblement organisés, des écosystèmes entiers, hautement complexes et fruits de plusieurs milliards d’années d’évolution sont éliminés, l’entropie (le désordre) de l’Univers s’en trouve renforcée. Et s’il devait s’avérer que la vie est un phénomène rare dans l’Univers, le crime n’en serait que plus grand.

En ce sens, le capitalisme, avec sa propension à détruire le vivant pour produire des choses mortes, est un système profondément régressif, on pourrait dire “involutif”.

Qui dira la profonde tristesse qui se dégage du spectacle de ces grands arbres qu’on abat en masse en Amazonie, au Congo, en Indonésie…. ? Qui dira la souffrance de nos compagnons animaux que l’on extermine par intérêt, jeu ou désinvolture, à moins que, considérés comme des simples réservoirs de protéines, ils ne soient élevés, abattus et dépecés dans des camps qui pourraient être la préfiguration de ceux dans lesquels nous enfermerons bientôt nos propres “déviants”, devenus un cheptel de réserve de “pièces détachées” ?

Car le capitalisme débridé s’attaque aussi directement à l’espèce humaine en condamnant l’immense majorité de nos semblables à une lente agonie par la faim et la misère. Les statistiques du Programme des Nations Unies pour le Développement prévoient que d’ici 2020 plus de 2 milliards d’individus vivront dans des bidonvilles.

Les pays riches eux-mêmes se transforment peu à peu sous nos yeux en univers technicien et carcéral où règne en maître un utilitarisme étroit, où seule compte la productivité et l’argent qu’elle génère, où le travail est un moyen de contrôle social.

Et l’on voit les “gagneurs” s’immerger dans un luxe de pacotille, esclaves d’innombrables gadgets. Ils ont fait le choix d’une liberté imaginaire fondée sur une ambition insatiable, sur les artifices du paraître, et demeurent prisonniers d’une comédie sociale dénuée de sens.

Les “perdants” de cette lutte d’une férocité inouïe sont d’abord culpabilisés, puis criminalisés à la moindre velléité de révolte : jamais nos prisons n’ont été aussi pleines.

Dominants et dominés, tous sont perdants face au vide, à la solitude et à la peur générés par les sociétés exclusivement techniciennes, car la certitude de la finitude ne saurait se résoudre dans les vertiges d’une suractivité frénétique ou d’une consommation débridée.

Il s’agit d’une forme de folie anthropophage qui conduit l’Homme à se dévorer lui-même, et l’on peut penser que le chaos qui se prépare fera de Jérôme Bosch un extraordinaire visionnaire.

Et pourtant…

Et pourtant il suffirait de presque rien, que nous nous défaisions simplement quelques minutes de cette angoisse qui nous taraude, que notre regard change, pour que l’évidence nous apparaisse : l’omniprésence de l’harmonie.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit, de la majesté des galaxies au ballet des particules élémentaires, une force, dont nous ne connaissons rien, semble à l’œuvre. Que l’on observe la structure d’un flocon de neige, la complexité de la moindre créature vivante, la fulgurante beauté d’un récif de corail, et l’on sent intimement la présence d’un ordre sous jacent, composant intrinsèque de la matière. Cette harmonie, l’être humain est aussi capable de la faire naître : le “miracle grec” avec le foisonnement des écoles philosophiques, une pièce de Shakespeare, un ”Nocturne” de Chopin, et même ces chercheurs qui affirment que pour qu’une théorie scientifique permette de lever un coin du voile, elle doit reposer sur des équations dont la simplicité, l’élégance et la nécessité leur procurent une émotion profonde.

Imaginons !

Et rien alors ne nous empêche de tenter d’imaginer ce que pourrait être un monde qui aurait emprunté une autre direction.

J’ai très peur que notre espèce ne soit sur le point d’échouer.
Jacques Monod.

Un monde centré sur le vivant dont la priorité serait de réaliser un équilibre en accord avec l’harmonie :

• un monde qui tenterait avec respect de s’initier graduellement aux mystères de la nature, plutôt que de s’acharner à dominer, à détruire ce qu’il ne comprend pas,

• un monde qui aurait acquis la certitude tranquille que la coopération est supérieure à la concurrence, et l’émulation à la compétition,

• un monde qui saurait que le travail ne peut être réduit à une activité vénale où chacun tente d’imposer son pouvoir, mais vise d’une part à satisfaire de façon égale les besoins de tous, (car la liberté ne commence qu’après qu’il ait été fait justice à la nécessité), et doit d’autre part permettre à chacun d’obtenir reconnaissance sociale et réalisation de soi,

• un monde qui aurait appris que l’injustice génère la violence, et que le pardon, associé à une juste réparation, évite souvent d’avoir recours à la punition qui est toujours la manifestation d’un échec,

• un monde qui saurait que l’harmonie ce n’est pas la standardisation, l’uniformisation propre au capitalisme, mais la diversité : diversité de la matière composant l’univers, diversité des espèces vivantes, diversité des cultures et des modes de penser. Seule cette diversité, par le bouillonnement créatif qu’elle autorise, permet à la matière d’évoluer vers plus de beauté, de conscience, d’harmonie.

Ce monde aurait compris que certaines décisions, certaines actions renforcent le chaos, alors que d’autres se fondent dans l’harmonie.

Chacun d’entre nous pourrait ainsi participer concrètement, dans les actes individuels et collectifs de la vie de tous les jours, à l’aventure humaine, et contribuer à engendrer cette “vie bonne” faite de connaissance, de sobriété volontaire, de sérénité et d’accomplissement de soi à laquelle, plus ou moins confusément, nous aspirons tous.

Mais l’espèce humaine n’a jamais su progresser sur le plan du vivre ensemble, et les efforts de quelques penseurs d’exception s’apparentent à la clarté de quelques bougies dans une nuit profonde.

Le “progrès”, dont nous sommes si fiers, est exclusivement instrumental car la quête scientifique à très tôt tourné le dos à la recherche du sens et de la sagesse telle que la concevaient les philosophes grecs, pour se cantonner à la fascination de la puissance et de la destruction, dans l’attitude du violeur qui ne souhaite que souiller ce qu’il sent lui échapper.

Et nous voyons, sous nos yeux, s’éloigner, se dissoudre, sombrer et disparaître cette autre réalité qui aurait pu naître, laissant au plus profond de nombre d’entre nous ce poignant regret, ce sentiment d’avoir été préparés pour un autre destin.

Les dernières observations astronomiques nous apprennent que, parmi les “exo planètes” [1] détectées ces dernières années, des mondes semblables à notre Terre, donc susceptibles d’abriter une vie intelligente, pourraient exister. Serait-il possible que d’autres espèces, d’autres formes de vie, moins prédatrices, moins autodestructrices, aient réussi là même où nous sommes sur le point d’échouer ? Peut-être, mais à travers l’infinité du temps et de l’espace le saurons-nous jamais ?

Alors, est-ce dire que rien n’est possible, que toute action est inutile ? Peut-être pas. Bien sûr, il est fort probable que la multitude demeurera avachie devant les écrans à contempler l’horreur se mêler au grotesque, tout en savourant les délices de la servitude volontaire. Mais, comme par le passé, il est aussi probable qu’une petite minorité, s’appuyant sur un sentiment de dignité personnelle, s’opposera toujours à l’ordre injuste du monde. Pour ceux-là, tout comme pour Sisyphe condamné à pousser éternellement le même rocher, le résultat de leurs efforts importe peu, seule compte la certitude d’avoir essayé et l’estime de soi ainsi restaurée.

Albert Camus ne déclarait-il pas : « On peut même imaginer Sisyphe heureux » ?

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[1] planètes extérieures au système solaire.

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III. Une utopie à faire grandir

par G. ÉVRARD
31 octobre 2008

Utopia exprime clairement le nécessaire dépassement du système capitaliste pour fonder une société dans laquelle l’épanouissement et le bien-être de l’Homme seraient les véritables objectifs.

Reposant principalement sur la critique de trois instruments du dogme capitaliste - la croissance, la consommation et le travail érigé en valeur - l’analyse ne constitue qu’une approche forcément réduite d’un projet que n’ont pu mener à bien des décennies de luttes populaires, syndicales et politiques. Elle a cependant le mérite d’éclairer des ressorts vitaux, mais tellement communs, du système que peu d’entre nous pensent à les remettre en question.

Marie-Louise Duboin a regretté explicitement auprès des auteurs que les mécanismes monétaires sur lesquels s’appuie le capitalisme moderne n’aient pas été identifiés comme le vrai moteur du système. Un lecteur historique de la Grande Relève, Pierre Bellenger, nous a adressé le même commentaire. En réponse, Utopia admet la faiblesse de sa réflexion sur cette question.

Pour ma part, je me suis interrogé sur la capacité d’une politique, qui resterait peut-être trop anthropocentrique, à offrir effectivement une nouvelle utopie à l’humanité, alors que nous sommes à la convergence, sans doute historique, d’une crise économique et sociale et d’une crise écologique majeures.

On peut aussi douter de la capacité révolutionnaire d’un mouvement qui a choisi de rester blotti sous l’aile de la social-démocratie, en sachant que celle-ci, tout au long du 20ème siècle, sans nier les avancées sociales qu’elle a permises lorsqu’elle était au pouvoir, ne s’est jamais donné les moyens de dépasser le capitalisme et, pire, en abandonne aujourd’hui l’idée.

Cependant, cette adresse aux socialistes, aux écologistes et aux altermondialistes, qu’il convient de lire au sens des philosophies politiques et non pas uniquement comme les acteurs étiquetés des dits mouvements ou formations, peut aussi être la promesse d’un enrichissement du projet. Le germe d’une rupture ?

De nouveaux indicateurs de richesse [1]

Mesurer les progrès d’une société par les seules valeurs marchandes de ses activités de production et de service (le PIB) n’a assurément aucun sens au regard de l’objectif d’épanouissement et de bien être humains, dont Utopia revendique qu’ils ne sauraient reposer sur la seule consommation, via le marché. Il s’agit alors de se dégager de cette confusion récurrente entre croissance et développement en recherchant de nouveaux indicateurs de richesse. Et aussi de cet autre amalgame entre richesse et valeur, à propos duquel on pourra lire avec intérêt une chronique d’Evariste dans Respublica [2].

Sans nier la dimension subjective de cette approche, Utopia propose de retenir actuellement cinq indicateurs :

- IDH : indicateur de développement humain (PIB complété par des indicateurs de santé et d’éducation).
- IDS : indice de santé sociale (outre santé et éducation, intègre aussi des critères de pauvreté, d’inégalités et d’accidents).
- Empreinte écologique (traduit le degré d’utilisation de la nature par l’Homme).
- PIB vert (PIB diminué des coûts des dommages environnementaux et sociaux).
- BIP 40 : baromètre des inégalités et de la pauvreté (nommé ainsi par dérision face au PIB et au CAC40, intègre 60 critères sociaux différents).

De tels indicateurs auraient vocation à être produits à différents niveaux, du local au mondial. Ils fourniraient régulièrement l’occasion d’un débat public sur le sens du développement et les orientations économiques et sociales à suivre. « C’est toute la notion de richesse sociale, […] qui ne compte aujourd’hui pour rien dans le PIB […], qui doit donc être reconsidérée » [3].

Réinventer la politique

« En ce début de siècle, le capitalisme productiviste et financier est condamné ». Bien qu’il règne en maître sur la production des marchandises et des services, sur la diffusion d’une culture mondialisée, en ayant déconnecté la finance de l’économie réelle, son incapacité à façonner un monde durable se révèle à tous : épuisement des ressources naturelles, dérèglement climatique, accroissement des inégalités, dégradation des conditions de vie sur terre par la pollution de l’eau, de l’air et du sol, replis communautaires et religieux…

La dimension écologique est ici bien présente comme fondement du projet, mais elle appelle un approfondissement permettant une réelle distanciation par rapport au nouveau tam-tam médiatique de la société marchande sur ce thème. « Reprendre le combat des idées et du projet de société, lutter contre l’idéologie dominante pour laquelle croissance matérielle, épanouissement par la consommation et centralité de la valeur travail est l’horizon indépassable : voilà le socle, l’accord minimum qui permet à tous ceux qui partagent ce constat de nous rejoindre pour construire les fondations d’un alter développement. Le 21ème siècle devra être social, écologique et convivial ou sera celui des catastrophes naturelles et humaines […]. S’il semble plus nécessaire que jamais de réinventer un nouvel idéal, il faut aussi être capable de le porter concrètement. C’est ce que nous faisons […] à travers notre approche du socialisme, de l’écologie, à travers notre vision alter mondialiste et notre conception élargie des droits fondamentaux ».

« Mais alors, dit Alice, si le monde n’a aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » [4]. En s’éclairant de cette exclamation d’Alice au pays des merveilles, Utopia ne pousse-t-il pas finalement à l’interrogation principale sur le projet : candide et /ou révolutionnaire ?

Une démarche politique globale

Pour faire avancer son “corpus politique”, Utopia s’appuie sur différents axes :

• à travers les partis politiques – Ceux-ci sont à la base de notre démocratie et sont donc des outils à investir pour y faire progresser les idées. Utopia rappelle son ancrage actuel au PS et parmi les Verts, mais s’abstient d’évoquer les partis ou mouvements antilibéraux (PC, LCR…). L’ouverture est recherchée vers le mouvement social, associatif et alter mondialiste.

• à travers un cycle de conférences – Favorisant le débat entre intellectuels et politiques, il répond à la nécessité d’enrichir la réflexion de fond et d’élargir l’espace public vers des citoyens peu familiers de la politique et qui restent soumis à la logique dominante.

• à travers des partenariats avec des cinémas indépendants – Le réseau des cinémas Utopia, bien antérieur au mouvement lui-même, offre une autre manière d’aborder les débats précédents.

• à travers des liens forts avec le monde intellectuel – Des liens privilégiés sont tissés avec de nombreux intellectuels engagés, et notamment des chercheurs de toutes disciplines au sein d’un comité scientifique lancé en 2007. Recherche d’une synergie avec le monde universitaire et partenariat avec le mensuel Alternatives Economiques. Ces orientations répondent à la volonté d’enrichir la réflexion.

• à travers une internationalisation du mouvement – Présent aux dernières éditions du Forum Social Européen, Utopia vise à créer un réseau international avec toutes les associations, mouvements, partis politiques, syndicats ou citoyens du monde se reconnaissant dans la démarche.

Mais comment l’ouverture est-elle envisagée aujourd’hui vers les formations politiques qui se positionnement contre l’ultralibéralisme économique et vers les organisations syndicales en France même ?

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[1] NDLR : Rappelons • que cette même démarche était déjà l’objet du rapport Reconsidérer la richesse, confié à Patrick Viveret (voir ses articles dans GR 1014 et GR 1016), présenté en 2001, puis publié en 2005 aux éditions de l’aube sous ce titre (il sera réédité en octobre 2008).

• que ce rapport est à l’origine du collectif Richesses, auquel nous avons adhéré dès sa création, et qui propose de définir un PID (produit intérieur doux) à la place du PIB.

• enfin que parmi les manifestations de ce collectif, la dernière en date est celle du Printemps de toutes les richesses, décrite dans Convergence d’espoirs, l’éditorial de la GR 1086 d’avril dernier.

[2] Evariste, : La culture libérale ruine la création de richesses au profit de la production d’objets de valeur, Respublica n°587, lundi 21 avril 2008, sur internet : http://www.gaucherepublicaine.org/ lettres/587.htm

[3] Dominique Méda : Pour de nouveaux indicateurs de richesse, Cahiers du Management, mars 2001.

[4] Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles.

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DOSSIER : RSA et autres réformes

Parmi les réformes annoncées, figure la création d’un revenu social d’activité, le RSA, qui est présenté comme une mesure sociale, inspirée de la gauche et destinée à apporter une aide aux “working poors”…

Qu’en est-il exactement ?

À Vaulx-en-Velin, on a vite compris, Serge Bagu a réagi et l’explique :

Le RSA ou la grande illusion…

par S. BAGU
31 octobre 2008

Martin Hirsch en rêvait, Sarko 1er l’a fait. Le revenu social d’activité (RSA) va être mis en place dans quelques mois. Je ne doute pas un instant de la sincérité de l’ancien responsable d’Emmaüs de vouloir aider les plus démunis, mais son principal souci est d’occuper un chômeur. Point final. La gauche, et notamment les socialistes, proclament que cette mesure va dans le bon sens. Forcément puisque Sarko 1er a puisé dans leurs idées.

Quasiment toute “l’élite” de la politique, de l’économie orthodoxe, de la philosophie, des médias, se gargarisent de joie : enfin le chômeur, ou plutôt le feignasse, va retrouver un emploi et qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! Car l’horreur et l’hypocrisie se dissimulent bien dans cette mesure : le chômeur miséreux sera promu précaire et continuera à végéter, ce maigre surplus d’argent lui permettra d’acheter quelques billets de La Française des Jeux et c’est à peu près tout.

Dans les médias, les journalistes inféodés à l’économie de marché relaient la pensée de la doxa dominante : le chômeur, grâce au RSA, va retrouver sa dignité d’être humain. Tu parles, Charles ! Les boulots comme ramasser des mégots et des papiers par terre, répéter des milliers de fois le même geste dans une usine, distribuer de la pub dans les boîtes à lettres, faire des ménages chez autrui, bref se prostituer dans tous les sens du terme, n’est digne que pour ceux qui ne feront jamais ce genre de boulot. On revient à l’époque des Ateliers Nationaux du XIXème siècle, quand on employait les inactifs à reboucher l’après-midi les trous qu’ils avaient creusés le matin !

Tous les jours, on s’aperçoit que les entreprises, de la plus grosse à la plus petite, continuent de licencier à tour de bras. Ces nouveaux chômeurs n’auront plus, sous peine de sanctions, qu’à dire Amen ! à tout ce qu’on va leur proposer. Puis viendra le temps du RSA. C’est donc bien à la mise en place d’une généralisation massive d’un salariat précaire qu’on assiste et par conséquence au retour de l’esclavage humain pour que le patronat puisse avoir à sa disposition une main d’œuvre sous-payée, corvéable et malléable à souhait. Dans quelques années le RSA aura expédié le SMIC au cimetière.

Ce qu’il y a de plus intolérable, c’est qu’à travers les médias, c’est toujours le chômeur qui est stigmatisé. Les têtes bien pensantes du système oublient volontairement de rappeler que c’est la production qui a mis un travailleur sur le bord de la route, alors que ce dernier n’aspirait qu’à travailler en attendant sa retraite.

Pour une fois je suis d’accord avec la gauche boboïsée qui trouve vraiment injuste que les riches, ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, ne soient pas concernés par le financement du RSA. Mais dans notre beau pays, la solidarité existe … entre les riches !

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DOSSIER : RSA et autres réformes

… ce que confirme Jean Gadrey, Professeur à la faculté des sciences économiques et sociales de l’Université Lille I, références et calculs à l’appui :

… inefficace contre la pauvreté, pérennisant les petits boulots

par J. GADREY
31 octobre 2008

Depuis les années 1980, de nombreuses politiques publiques ont consisté à donner satisfaction aux entreprises cherchant à imposer petits boulots et temps partiel contraint aux salariés. Ces politiques ont été très “efficaces” : le nombre de travailleurs vivant dans la pauvreté a fortement progressé en France, pour atteindre 1,7 million. On pensait que la panoplie de ces politiques de flexibilité contrainte suffisait amplement. Eh bien non. On en rajoute une couche avec le RSA, au nom de la lutte… contre la pauvreté salariale !

Qu’est-ce que le RSA ? Lorsqu’un allocataire du RMI ou de l’API reprend un emploi, il existe déjà un système dit “d’intéressement” qui lui permet de ne pas perdre, pendant un an, le bénéfice de son allocation. Il peut cumuler son nouveau salaire avec son allocation, intégralement pendant trois mois, partiellement pendant les 9 mois suivants. Le RSA est une sorte d’intéressement permanent, principalement réservé aux RMIstes reprenant un emploi à temps partiel et dont les revenus familiaux sont très bas. L’État leur verse, sans limite de temps, un supplément, plus important par exemple pour un quart temps au SMIC que pour un mi-temps, et décroissant ensuite. Ce supplément est aussi fonction de la situation familiale.

On nous dit : d’une part, cela va réduire sensiblement le nombre de pauvres (13,2 % de la population en 2006), d’autre part cela va contribuer à la création d’emplois, car les RMIstes auront plus d’intérêt financier qu’avant à reprendre un emploi. Il n’en est rien.

Réduire la pauvreté ? L’effet sera très faible ou nul à court terme, et peut-être négatif ensuite. D’abord, rien n’est prévu pour les millions de bénéficiaires de minima sociaux qui ne sont et ne seront pas en situation de reprendre un emploi (à commencer par les personnes âgées pauvres), ni pour les 18-25 ans et les chômeurs non ou peu indemnisés. Or on assiste actuellement à leur appauvrissement. Ensuite, avec le RSA actuel, on reste nettement en dessous du seuil de pauvreté (soit 882 euros en 2006 pour une personne seule) quand on perçoit le RSA en travaillant au SMIC à quart de temps ou même à mi-temps, ce qui va être le cas de la majorité des personnes concernées.

Une incitation à reprendre un emploi ? L’idée que les chômeurs ont d’abord besoin d’incitation financière ne résiste pas aux faits… Ils ont avant tout besoin que l’économie crée des emplois décents, ce qui n’est pas le cas. Ensuite, s’agissant d’incitations, tous calculs faits [1], il apparaît qu’au cours de la première année, les “repreneurs d’emplois” à mi-temps ou moins ne gagnent rien de plus avec le RSA qu’avec le système actuel, et que ceux qui reprennent un emploi à plus d’un mi-temps y perdent beaucoup, jusqu’à 3.000 euros pour un emploi au SMIC à temps plein ! Ce n’est qu’à partir de la deuxième année que le RSA améliore un peu les choses. Comme progrès il y a mieux, pour des RMIstes qui ne sont généralement pas en situation de faire des plans de carrière…

En réalité, le RSA produit bien une incitation, mais en direction des employeurs : une incitation à laisser les gens végéter sur des miettes d’emploi parce que l’État leur verse alors un complément de salaire pérenne. On subventionne (indirectement et indéfiniment) d’autant plus les emplois qu’ils sont à temps partiel plus court ! On instaure une prime aux plus petits boulots, qui les rend plus attractifs… pour les employeurs, alors qu’ils sont à l’origine de la pauvreté salariale qu’on prétend combattre. C’est une politique de pérennisation des petits boulots et du temps partiel subi.

Dans ces conditions, le RSA va sans doute jouer un (petit) rôle dans les créations d’emploi, mais il ne s’agira pas de vrais emplois. Le RSA va augmenter ce qu’on appelle le sous-emploi (1,4 million de personnes en 2007). Au même titre, par exemple, que les politiques d’encouragement aux “services à la personne” que Christine Lagarde montre en exemple, en oubliant de dire que la durée hebdomadaire moyenne de travail y est de 10 heures. Le temps partiel court comme horizon des politiques de l’emploi, le “travailler peu pour gagner peu”, voilà ce qu’encourage et subventionne ce gouvernement, y compris avec le RSA.

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[1] voir sur internet : http://cidrolin.over-blog.fr/article-22436548.html

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DOSSIER : RSA et autres réformes

FRED MULLER a pu assister (en imagination) à la conférence donnée par le petit Nicolas au cours d’un symposium des AFTI (les Associations Françaises des Traders et Investisseurs). Il nous a envoyé les notes qu’il y a prises :

Au symposium des AFTI

par F. MULLER
31 octobre 2008

Chers Amis,

Le capitalisme financier a démontré ses scandaleuses limites ; il faut maintenant promouvoir le capitalisme à visage humain ! Je l’ai toujours prôné. Et mes amis Martin, Arnaud, Bernard, Serge et Vincent ici présents, le défendent bec et ongles : dans leurs entreprises l’Homme est au centre des préoccupations. C’est ça, le capitalisme à visage humain.

Ayons une pensée pour ceux qui souffrent. Je parle bien sûr des actionnaires : malmenés, frappés, brimés, maltraités, comme en témoigne la mésaventure de la Société Générale et ses 5 milliards d’Euros perdus. Par qui ? Par les clients ? Non ! Par les actionnaires !

Il y a une justice, malgré tout, car si certains ont perdu 5 milliards, d’autres Traders et Investisseurs les ont gagnés. Dans la transmission des valeurs (boursières) et dans l’apprentissage de la différence entre petits et grands profits, ni le curé ni le pasteur ne pourront jamais remplacer le Trader, même s’il est important qu’ils s’en approchent, parce qu’il leur manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance (de profits toujours plus grands).

Mais tout à fait entre nous, et vous le comprendrez car nous sommes en période électorale, je tiendrai aux mécréants un discours différent : je vais déclarer la guerre au capitalisme financier et prôner le capitalisme humain. (Rassurez-vous, ce ne sont que des mots, mais ils représentent une augmentation de ma cote de popularité de 9,28 %). Je dirai par exemple que le droit à un logement décent fait partie de mes valeurs fondamentales. Je dirai aussi que ces 5 milliards scandaleusement disparus dans les nébuleuses financières incontrôlables auraient permis de construire 56.818 logements sociaux de 80 m ? chacun. Et je conclurai « voila pourquoi je déclare la guerre au capitalisme financier : pour loger 56.818 familles ».

Voila ce que je dirai au peuple…

Vincent, je compte me rendre aux Maldives avec mon épouse, ton jet privé est-il disponible ? En échange, je….

Mais coupez donc, voyons !

Le petit Nicolas.

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DOSSIER : RSA et autres réformes

Le chômage libéral

par F. MULLER
31 octobre 2008

Notre Président libéral a fait accoucher une loi libérale : dorénavant, le refus de deux offres raisonnables d’emploi entraînera la radiation et la suppression des allocations de chômage.

Voici ce qu’est, selon cette loi, une “offre raisonnable” :

• pendant les trois premiers mois de la recherche : un emploi s’inscrivant dans le projet professionnel de l’intéressé, situé dans sa zone géographique de recherche et rémunéré au moins au niveau de salaire antérieur ;

• au-delà de trois mois de recherche : un emploi répondant aux qualifications de l’intéressé, situé dans sa zone géographique de recherche et rémunéré au moins à 95 % du salaire antérieur ;

• au-delà de six mois de recherche : un emploi répondant aux qualifications de l’intéressé, rémunéré au moins à 85 % du salaire antérieur et situé à moins de 30 km ou à moins d’une heure du domicile ;

• au-delà de douze mois de recherche : un emploi répondant aux qualifications de l’intéressé, rémunéré au moins au niveau de l’allocation Assedic perçue et situé à moins de 30 km ou à moins d’une heure du domicile.

Imaginons la suite

Imaginons que notre Président libéral poursuive sur cette voie, et voici quel serait un nouveau décret du 23 janvier 2009 : dorénavant, un chômeur sera radié définitivement s’il refuse 2 emplois rémunérés à 50 % du salaire antérieur et situés à moins de 60 km du domicile.

En 2010, le libéralisme se portant de mieux en mieux, le décret du 6 juin préciserait que « si un chômeur refuse 2 emplois rémunérés à 20 % du salaire antérieur et situés à moins de 100 km du domicile, il sera radié définitivement ».

En 2011, la campagne électorale battant son plein, notre Président, de plus en plus libéral, signerait le décret 15.894/087 du 14 septembre 2011 qui préciserait que : « si un chômeur refuse 1 emploi non rémunéré situé à plus de 200 km du domicile, il sera radié définitivement et passible d’amende ».

En 2012, après sa double victoire présidentielle, notre toujours Président libéral de la France signerait le 19 juillet un nouveau décret libéral, toujours destiné à intensifier la baisse du chômage, selon lequel les chômeurs seraient informés que s’ils refusent 1 emploi situé à plus de 300 km du domicile et qu’ils ne s’acquittent pas d’une taxe égale à 25 % du salaire antérieur, ils seront radiés définitivement et encourront des peines de prison.

Les banques, en signe de solidarité, baisseront alors les taux d’intérêt de 14,67 à 14,66 %, offrant ainsi une preuve tangible que le libéralisme est social !

Ces décrets rejoindront ceux votés par le très libéral Congrès américain dont l’objectif est d’atteindre un taux de chômage de 3,5 % dans les pays libéraux.

Par ailleurs la lutte pour la protection de notre planète se poursuivra. Et on annoncera en 2012 : « Depuis 2008, 14 décrets concernant les voitures propres ont été signés et le malus pour les propriétaires de voitures polluantes vient d’être fixé à 63 %, ce qui vise autant à relancer la production automobile, intégralement délocalisée en Afghanistan, qu’à inciter les chômeurs à rouler propre ».

Pour finir, je rappelle quelques chiffres de 2007-2008, cette époque qui apparaîtra alors prélibérale : EADS , bénéfices + 30 %, 1.000 licenciements ; Michelin, bénéfices +30 %, 600 licenciements ; Novartis, bénéfices +100 %, 1.260 licenciements ; Renault, bénéfices sur 6 mois 1.500 millions d’euros, 6.000 licenciements.

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Les ravages du modèle américain

par G. W.
31 octobre 2008

Lorsque qu’on fouille la réalité statistique et humaine des États-Unis on découvre un univers inattendu, embusqué à mille lieues des chimères médiatiques sans cesse réaffirmées. Le mythique “modèle américain” dissimule une brutalité dont peu d’Européens semblent avoir conscience :

En Amérique, le libéralisme est source de prospérité pour le plus grand nombre ? Faux.

En Amérique, « tout est possible » pour ceux qui travaillent dur ? Faux.

En Amérique, le taux de chômage est dérisoire ? Faux.

En Amérique, l’indigence est relative et les pauvres vivent « comme des Européens modestes » ? Faux.

En Amérique, les exclus du système de santé reçoivent des soins gratuits lorsqu’ils en ont vraiment besoin ? Faux et archi-faux : en Amérique, des centaines de personnes meurent chaque jour parce qu’elles n’ont pu payer les soins dont elles avaient besoin.

Combien de temps encore devrons-nous subir une telle fable ?

De tous les pays développés, l’Amérique présente les niveaux de pauvreté, de mortalité infantile et d’inégalité les plus élevés. Des millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté et se voient refuser jusqu’au droit à une éducation décente, et imposer de la publicité pendant les cours. Des millions d’individus travaillent à plein-temps (ou plus) pour des salaires inférieurs au seuil de pauvreté, certains occupent deux, voire trois emplois simultanément, sans pouvoir s’extraire de la misère. Des millions de salariés, révocables sans préavis, sont dépourvus de congés payés, d’assurance santé, de plans de retraite et de couverture chômage. Des femmes accouchent et retournent au travail dès le lendemain, faute d’avoir accès à des congés maternité indemnisés. Des retraités sont contraints de revendre, pour subsister, des canettes de Coca-Cola vides, ramassées dans les poubelles. Le taux d’incarcération des plus défavorisés est tel qu’il biaise jusqu’aux chiffres du chômage...

De tous les pays industrialisés, l’Amérique est celui qui possède la plus grande richesse, mais aussi le plus grand pourcentage d’indigents, le plus grand nombre de travailleurs pauvres, le système social le moins généreux, le droit du travail le plus restrictif, le plus faible taux de mobilité sociale, le plus fort taux de mortalité infantile et le degré de répartition des richesses le plus iniquement inégalitaire.

Est-ce là vraiment le modèle que nous voulons importer en Europe, nombre d’hommes politiques européens continuant d’ériger le “modèle américain” en référence salvatrice ?

Si tel doit être notre choix, alors il convient que la décision soit prise, non pas en référence à une trompeuse chimère, mais sur la base d’éléments objectifs et loyaux. C’est la vocation de cet ouvrage [1] incroyablement documenté que de fournir ces éléments au lecteur. Précisons que Michel Desmurget est neurophysiologiste et docteur en neuropsychologie. Chercheur à l’INSERM, il travaille actuellement dans une équipe du CNRS au sein du Centre de Neuroscience Cognitive de Lyon. Et il a vécu huit ans aux Etats-Unis…

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[1] auteur : Michel Desmurget édition : Max Milo 275 pages 19,90 euros.

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Incursions dans le système “des bulles” :

Parachute doré pour spéculateur

par F. DELL’EVA
31 octobre 2008

Que les futurs chômeurs de Renault se consolent, il y a moyen de toucher de grosses allocations si l’on est malin et complètement dénué de scrupules. Il suffit d’être, ou plutôt d’avoir été, un de ces traders français exerçant à Londres.

Vous savez, ceux qui nous expliquaient, il y a peu de temps, que le régime de charges à la française était insupportable et qu’il était beaucoup plus judicieux de s’exporter en Angleterre pour gagner beaucoup plus et surtout payer beaucoup moins de cotisations. Aujourd’hui le vent à tourné et nombre d’entre eux ont été, crise financière oblige, promptement remerciés. Alors ces bons citoyens, utilisent une petite ficelle qui leur permet de toucher des allocations substantielles : il leur suffit de retravailler une journée en France pour que les Assedic leur versent 57 % du dernier salaire gagné outre-Manche. Ainsi, un petit job d’une journée chez Casto, ou dans une agence d’intérim, leur permet d’empocher, grâce au montant de leur ancien salaire de trader, le plafond des Assedic, soit 6.366 euros par mois pendant vingt-trois mois !

Il y a vraiment urgence à construire l’Europe sociale !

(source : Le Point, 18/9/2008)

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Incursions dans le système “des bulles” :

Notre correspondant qui signe sous le pseudonyme de G. de Baskerville continue de chercher à comprendre ce qui se passe dans le système financier, en consultant internet, sur lequel il recommande deux adresses : lerainu.free.fr et inflation.free.fr.

Le 15 septembre dernier, il nous a transmis les remarques de Bill Bonner dans la chronique londonnienne Agora.

À la suite de son texte ci-dessous sur “l’art des requins”, nous en reproduisons l’essentiel à propos de la “limite à la pluie de dollars”, parce qu’il aide bien à comprendre la situation :

L’art des requins

par G. de BASKERVILLE
31 octobre 2008

Avec Fannie et Freddie, avec Lehman Brothers et Merrill Lynch en faillite et AIG, le premier assureur mondial, dans le pétrin, on est indiscutablement entré dans une nouvelle phase de la désintégration du système financier américain et mondial. Mais cela ne veut pas dire que les coupables, qui ont accumulé des milliards de gains pendant la phase de gonflement des bulles, seront les victimes de l’effondrement. Les bénéfices empochés le restent pour les plus malins et pour ceux qui sont aux premières loges des manipulations : les stratégies de chasse coordonnée entre requins ne changent pas la nature des bestioles, ils restent des requins, même entre eux, surtout quand les autres proies ont été dévorées et que commence le cannibalisme (rachat de banques entre elles). On peut être ennemis tout en ayant coopéré avec intérêt pour tondre les plus fragiles.

Les vrais gagnants seront ceux qui, au delà des crises (et souvent grâce à elles, l’histoire le prouve), seront les instigateurs des nouvelles règles du jeu monétaire qui vont être mises en place. Il n’y a pas de quoi se réjouir en voyant certains “gros” chuter, car tant que les mécanismes à l’œuvre derrière cette crise feront illusion, ce sont les mêmes qui instaureront le nouveau système, qui fera tout autant illusion, et on repartira de plus belle. Mais il faut craindre que si trop de “liquidités” sont mises en circulation pour sauver le système bancaire, ces mêmes requins soient tentés de détruire une partie des richesses matérielles à seule fin d’éviter qu’une inflation généralisée n’entraîne leur propre appauvrissement, même relatif…

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Incursions dans le système “des bulles” :

Où est la limite à la pluie de dollars ?

par B. BONNER
31 octobre 2008

Lorsqu’on ne peut pas quémander, emprunter ou voler l’argent pour rembourser ses obligations, on fait faillite. Voilà pourquoi les autorités américaines sont intervenues pour prendre le contrôle de Fannie et Freddie. Ces prêteurs hypothécaires (dits aussi rehausseurs de crédit) ne pouvaient pas rembourser leurs dettes auprès de prêteurs privés qui exigeaient d’eux des taux d’intérêts très élevés, étant donné le risque estimé, et il était devenu évident qu’ils ne pourraient jamais se sortir de leur trou, évalué entre 100 et 200 milliards de dollars. Dans le magazine Money Week, Simone Wapler remarquait : « Supposons que vous possédiez des reconnaissances de dette émises par une entreprise qui va mal, vous êtes inquiet, car la défaillance de cette entreprise mettrait à mal vos propres affaires. Le patron de cette entreprise vient alors vous trouver et vous dit qu’il n’y a pas de problème, il met la main à sa poche pour renflouer sa société. Mais sachant, par ailleurs, que ce patron est très endetté, à titre personnel et à titre professionnel, êtes-vous rassuré ? »

Dans le cas présent, c’est la Mère de tous les Renflouages qui est en train d’intervenir. Mais cette providence n’est autre que le plus grand débiteur au monde, dont les dettes et obligations sont d’une telle taille qu’il n’y a aucune chance de la voir les rembourser, du moins pas honnêtement — et tout le monde le sait !

Les faits sont clairs ; mais au-delà il n’y a que suppositions et interrogations. Tant que les gens font confiance au dollar, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais pendant combien de temps les gens peuvent-ils encore faire confiance au billet vert alors que ses gardiens le dépensent si librement ? Les dépenses du gouvernement américain grimpent en flèche... alors que ses recettes déclinent. Les États-Unis ont déjà un déficit de 400 milliards de dollars environ, et personne ne sait combien y ajoutera le renflouage de Fannie et Freddie, mais cela pourrait se monter à des centaines de milliards. Si le ralentissement se poursuit, le déficit pourrait atteindre 1.000 milliards de dollars, et même 2.000 selon certains analystes – notamment Albert Edwards, de la Société Générale. N’y a-t-il pas une limite aux sommes que le gouvernement peut emprunter ? Qu’il peut dépenser ? N’arrivera-t-il pas un moment où le dollar perdra de la valeur... et où les créditeurs prendront peur ?

— Évidemment oui. Et ce qu’on va découvrir au cours des prochaines années c’est : jusqu’à quand les États-Unis vont-ils s’en tirer avant de faire faillite ?

Mais un collègue argumente : « Stop, vous oubliez une chose : le ralentissement mondial. Regardez Lehman Brothers. La liquidité disparaît, elle n’augmente pas. Cela signifie que les gens ont besoin de liquidités faciles, et les liquidités les plus faciles du monde, ce sont les dollars. Regardez ce qui se passe déjà : le dollar a grimpé de 15% par rapport à l’euro depuis son plancher ». Il peut ajouter que lorsque la bulle du crédit a commencé à fuir, il y a un an, cela a marqué non seulement la fin de l’expansion du crédit, mais également celle de tout le système des bulles.

Voici comment tout cela a fonctionné : les Américains ont acheté des choses dont ils n’avaient pas besoin avec de l’argent qu’ils n’avaient pas. Ces dollars empruntés sont ainsi passés aux mains de fabricants asiatiques (et plus récemment des exportateurs de pétrole). Au lieu de revenir au Trésor des États-Unis, accompagnés d’une demande de paiement en or comme cela se serait produit avant 1971, les dollars se sont accumulés à l’étranger. Les gouvernements étrangers ont dû imprimer de plus grandes quantités de leurs propres devises pour acheter ces dollars, ce qui a généré un immense océan de liquidités (dollars, yens, roubles, euros, etc.) et fait grimper les prix des actifs partout dans le monde. Les maisons, les actions, les obligations, les diamants, les montres, les tableaux, tout a grimpé sur cette marée d’argent facile.

Mais l’an dernier, quelqu’un a retiré la bonde. Alors tout à coup, toutes les liquidités du monde ont commencé à se retirer. Le consommateur américain aurait aimé continuer à dépenser mais à court de crédit il a dù ralentir, à contre-cœur.

L’économie mondiale a ralenti parce que la pompe à liquidités (le système des bulles qui livrait cash et crédit au monde entier) a été éteinte.

Du moins... c’est ce qu’il nous semblait ce matin... Mais voici le dernier chiffre du déficit commercial américain : encore 62,2 milliards de dollars le mois dernier [1]. On dirait que le système des bulles n’a pas complètement pris fin : les États-Unis continuent d’arroser le monde de liquidités, environ deux milliards de dollars par jour. Combien de temps cela peut-il continuer ? Plus longtemps que nous le pensions... mais pas éternellement.

d’après Bill Bonner.
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[1] NDLR : donc en août.

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Témoignage

On reconnaît enfin que les soins médicaux sont devenus trop chers, même en France, et les journaux viennent de rapporter des chiffres éloquents sur cette dégradation, parmi tant d’autres, des services publics. Mais Éliane Pessel, qui dit dans sa lettre d’envoi : « Je revendique le fait que je suis une femme, à l’intelligence concrète, affective, pragmatique, que quelques études supérieures n’ont fait qu’alimenter sans en changer le ferment » témoigne ici que ce n’est pas le seul aspect de la détérioration de la santé :

Dis-moi ce que tu manges

par É. PESSEL
31 octobre 2008

Nous entendons sans cesse les conseils de diététique : « Ne pas manger trop gras, trop salé, trop sucré ». Nous sommes guettés par l’embonpoint, l’obésité, qui, politiquement incorrecte, défigure l’image physique de la France, à l’instar de celle des États-Unis, mais de surcroît par son incidence sur les troubles de santé qu’elle suscite, grève sérieusement le budget, donc le déficit de la Sécurité Sociale. (Je laisse mes amis plus calés que moi en la matière décrire les autres raisons de ce déficit).

L’État sarkozien a imaginé une solution pour faire obéir les Français et Françaises, grands et petits, bouffeurs de grassouillats, sucreries chimiques et autres délices auxquelles la publicité capitaliste les a conditionnés : une nouvelle invention de notre classe de pseudo intellos : la TVA renforcée sur les produits incriminés. C’est-à-dire ceux qui sont principalement consommés par les plus démunis. Passer la TVA de 5,5 % à 19,6 %, que voilà la solution !…

Sauf que… il faut se nourrir, même si on a un revenu de PDG. Pouvons-nous croire que, dans les appartements luxueux de plus de 200 m2 dans les villes friquées et autres hôtels, on serve de bonnes grosses tartines de pâté de foie renfermant un pourcentage élevé de graisse ? Pensons-nous que les chérubins dont l’avenir, études ou pas, est assuré par la situation de Papa, ont droit au goûter à des chocolats bas de gamme dont le taux de cacao, économiquement réduit, est remplacé par des graisses diverses et variées ? Le bon chocolat haut de gamme dont sont gratifiés les futurs exploiteurs de l’humanité est arrosé d’un verre de pur jus de fruits, sans sucre ajouté, à 1,5 euro, tandis que mes voisins, mes cousins, les autres, pas tous mais beaucoup, noirs ou blancs, achètent un litre de boissons, gazeuses ou non, mais bien sucrées, à 1,5 euro … le litre, pour toute la marmaille.

Lorsque j’avais des élèves et que je faisais une petite parenthèse de diététique préventive dans mon cours de biologie, je leur posais la question : « Vous arrive-t-il d’avoir une fringale et que rien ne semble vous faire envie de manger ? » Unanimes, les réponses étaient : oui ! Cela peut arriver à tout le monde parce que l’organisme réclame les éléments qui lui manquent pour fabriquer non seulement des cellules de remplacement ou de réparation, mais aussi des activateurs, des défenseurs immunitaires, des neurotransmetteurs etc… Or quand on compare le prix des bonnes protéines alimentaires à celui des terrines et autres pâtés de campagne à la coupe, « y a pas photo ! » En réglant bien son budget avec quelques centaines de grammes, on en fait des tartines !!! Cherchez où est l’erreur !

Quelques uns, comme moi-même, se sont peut-être entendu dire, quand ils étaient gosses : « Mange ton gras aussi, je l’ai payé ! » Nous, bien sûr, nous ne voulons pas l’infliger à nos enfants. Mais…