Quoi que l’on en dise, le Socialisme est bel et bien
en crise. Mais il est cependant nécessaire de s’attarder sur
la nature exacte de celle-ci. Les thuriféraires du Grand Capital
s’empressent de donner l’extrême onction à un socialisme
qu’ils croient déjà moribond. En fait, le Socialisme semble
traverser une crise d’adolescence similaire à celle que vécut
le Capitalisme lors de la grande dépression de 1929. Comme la
Commune sonna le glas du "Socialisme utopique" et annonça
l’émergence du "Socialisme scientifique", les années
1990 enterrent le "Socialisme dictatorial" pour engendrer
un "Socialisme à visage humain". De cette crise jaillira
un Socialisme original, expurgé de tout sectarisme, qui pourra
de nouveau rimer avec les mots Espoir, Paix et Liberté...
Quelles que soient les prédications des oiseaux de malheur du
Grand Capital, les idéaux socialistes sont plus que jamais d’actualité :
l’homme est toujours exploité de façon honteuse, les profits
croissent tandis que les salaires stagnent, les grandes richesses de
ce monde sont accaparées par une infime partie de privilégiés...
Ce règne de "la misère dans l’abondance" (1)
est devenu inacceptable ! C’est pour cette raison qu’il est nécessaire
de raviver la flamme de la révolte qui brûle en chaque
homme. Comme l’écrit Eduardo Galeano dans "Barricadas"
(2) : "Maintenant, il faut recommencer. Pas à pas, sans
autre bouclier que celui que nous nous sommes fait de nos propres corps.
11 faut découvrir, créer, imaginer. Plus que jamais, il
faut rêver. Rêver ensemble des rêves qui se fassent
chair"’. Bien que le contexte international ne s’y prête
guère, des hommes commencent ou continuent à faire entendre
leurs voix, qui résonnent comme une fausse note dans la tragique
partition du Capitalisme ! A l’Est, les hommes vont réapprendre
à lutter, à s’organiser, à défendre leurs
droits face à un capitalisme sauvage et mesquin, qui s’est drapé
dans les couleurs de la Liberté...
A l’Ouest, les pensées bougent : de Max Gallo(3) à A.
Spire(4), on admet que la solution à nos problèmes ne
se trouve pas dans la résignation, mais dans le combat ! II est
plus que jamais nécessaire de faire confiance à l’homme,
de lui montrer qu’il est une pièce maitresse du gigantesque puzzle
qu’est le Capitalisme.
Nous devons nous efforcer de l’extraire de cette caverne, comparable
à celle de Platon, dans laquelle les maîtres de notre monde
l’ont enfermé. II faut qu’il prenne conscience qu’il est un élément
déterminant de l’histoire humaine. Comme l’a écrit J.
Jaurès "II ne peut y avoir révolution que là
où il y a conscience" (5). Nous devons lutter contre l’immobilisme
des masses qui se traduit par l’abstention et le développement
du professionnalisme politique. Cette absence de mobilisation est de
plus un terrible péril pour la démocratie, dans le sens
qu’elle exclut le peuple de la vie politique et favorise l’extension
des extrémismes de droite ! "Pour enchaîner un peuple,
on commence par l’endormir"(6). II est alors vital de reprendre
nos idées, de les simplifier et ainsi de contredire "les
Homo Economicus" qui affirment que l’Economie n’est affaire que
d’un cercle de professionnels.
C’est pour cette raison qu’il faut faire fi de nos divisions. Celles-ci,
qu’elles soient théoriques ou pratiques, profitent d’ailleurs
à nos ennemis et nous éloignent de notre but principal :
le bonheur et l’émancipation de l’homme. La création d’un
grand parti de gauche, dans lequel pourraient s’exprimer différents
courants de pensées, semble être la solution la plus appréciable
au regard des difficultés qui nous attendent. Le socialisme français
est riche : il a donné naissance aux grands théoriciens
du socialisme international (Guesde, Lafargue, Jaurès ...). C’est
cette richesse qui lui donne sa force et sa vigueur : c’est pour cela
qu’il faut éviter tout endoctrinement et sectarisme inutile.
C’est cette dérive qu’Engels voulait éviter quand il a
écrit : "L’ironie de l’histoire a voulu, comme toujours
quand les doctrinaires arrivent au pouvoir, que les uns comme les autres
fissent le contraire de ce que leur prescrivait leur doctrine d’école"(7).
Seul un grand parti, fort et contestataire, pourra s’opposer de façon
décisive aux ravages d’un capitalisme sauvage ! Le slogan : "Blum
contre Lénine". doit être abandonné au profit
de l’unité. Les querelles de clochers se sont toujours avérées
inutiles et dangereuses. (La défaite des Républicains
espagnols est en partie imputable aux conflits internes qui affaiblirent
les troupes du Front Populaire). Blum et Lénine ont contribué
à l’enrichissement des idéaux socialistes. Mais tous deux
ont commis des erreurs : de la nonintervention en Espagne, pour le premier,
au communisme de guerre pour le second ! Laissons donc ces querelles
d’intellectuels de côté, pour nous occuper de cette chose
si importante qu’est le Devenir de l’Homme.
Rappelons-nous ce superbe slogan : El pueblo unido jamas sera vencido...
(le peuple uni ne sera jamais vaincu)
(1) "Kou l’Ahuri" de J. Duboin
(2) Journal du Front sandiniste du Nicaragua. Auteur des "Veines
ouvertes de l’Amérique latine".
(3) "Manifeste pour une fin de siècle obscure" Editions
Odile Jacob.
(4) "Penser les révolutions" Edition Messidor.
(5) In Etudes Socialistes.
(6) Marat in "Les chaînes de l’esclavage".
(7) "Introduction à la guerre civile en France, 1871"de
K. Marx.
Actualité
1500 km². Grossièrement, un carré
fait essentiellement de sable, mais qui recouvre 60 % des réserves
de pétrole connues. Cela suffit pour expliquer la fantastique
mobilisation militaire à laquelle nous avons assisté dans
"le Golfe" après l’invasion du Koweit par Saddam Hussein.
Avant tout, une mobilisation américaine sans précédent
depuis la guerre du Vietnam.
Comme toujours, la préparation de la Grande Relève, faite
de bénévolat, nous contraint à écrire nos
articles un mois à l’avance. Comment auront évolué
les événements d’ici Octobre ? Nul ne peut le prévoir.
Mais ce à quoi nous avons assisté depuis le début
de la crise suffit à notre propos qui a pour but de dénoncer
les méfaits du capitalisme, ce qui est une donnée fondamentale
du socialisme distributif.
Bien entendu, vis-à-vis de Saddam Hussein, notre position, notre
jugement sont sans ambiguité. Nous n’avons pas attendu - comme
les bons apôtres du monde du profit qu’il retienne des innocents
en otages, sur des sites stratégiques, pour dénoncer celui
qui est devenu le "boucher", le "satan", le "rat
grassouillet"... pour les laudateurs d’hier. Ce n’est pas du bout
des lèvres, pour la forme, que nous avons jugé comme un
monstre, celui qui, il y a peu, employait les gaz contre les Iraniens
ou ses propres populations Kurdes.
Avez-vous remarqué l’embarras - à moins que ce ne soit
le cynisme des Bérégovoy et Mitterrand (1) interrogés
en septembre par des journalistes sur notre soutien, nos ventes d’armes
à l’Irak pendant deux décennies, mais surtout pendant
la guerre Iran-Irak : plus de 70 milliards, le tiers de nos exportations
d’armes ? A noter que tous les mobilisés du Golfe ont fait de
même. Ils font semblant d’oublier.
Devant la situation alarmante de nos ventes d’armes, consécutive
à la détente Est-Ouest, Chevènement n’était-il
pas allé, quelque trois mois avant les évènements,
rendre visite à Saddam pour relancer nos ventes d’armes (bien
qu’il nous doive encore 25 milliards). Le Canard Enchainé a reproduit
une intéressante interview de notre Ministre de la Défense
dans l’hebdomadaire irakien "Alef-Ba" : "Saddam Hussein
est un dirigeant courageux et aimé et il a une vision globale
et à long terme ainsi qu’une connaissance précise des
événements qui se déroulent dans le monde. Le Président
Saddam Hussein a une pensée claire et intéressante, qui
le qualifie pour diriger son peuple vers la paix et la construction
de son pays en dépit des défis et des difficultés
auxquels il a été confronté pendant la guerre avec
l’Iran".
Bref, celui que Chirac lui aussi admirait en l’appelant "mon ami
personnel" est devenu soudain l’homme à abattre, celui par
qui l’ordre du monde est troublé parce qu’il a envahi et annexé
le Koweit.
Bien entendu, l’Occident - et ses acolytes locaux, émirs et rois
du pétrole - se drapent dans la défense du droit international
et des droits de l’Homme. Les Etats-Unis par contre peuvent envahir
le Vietnam - et le détruire -, la Grenade, le Panama, bombarder
la Lybie, mouiller des mines dans les ports du Nicaragua, ce qui constitue
un acte de guerre ; Israel peut envahir le Liban, bombarder la Tunisie,
l’URSS envahir l’Afga-nistan, etc.. sans qu’il y ait atteinte à
ces mêmes droits ? "Selon que vous serez puissants ou misérables,
les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs" disait le
sage La Fontaine.
Le monde est-il devenu aveugle ou fou ? (2) L’attitude des nantis s’explique.
Pas celle des 70 ou 80% de salariés, dont 50 % au niveau du SMIG,
qui sont les exploités de ces nantis. Tandis que les pétroliers
profitent de la situation pour s’enrichir sans vergogne (alors qu’on
a quatre mois de stock et que les autorités affirment qu’on peut
compenser les pertes momentanées irako-koweitiennes), il est
cocasse d’apprendre par un sondage que 70 % des Français sont
prêts à payer leur tribut à la rigueur, si c’est
le prix que réclame la "défense du droit international".
Peu de gens retiennent ou comprennent - les leçons de l’histoire.
L’occasion était belle, notamment pour les Etats-Unis et l’Angleterre,
de se réinstaller militairement pour deux ans au moins avouentils-
dans des pays qu’ils avaient dû quitter sous la poussée
indépendantiste des années 50-60 dans tous les pays assujettis
ou colonisés ; bien sûr, ils avaient mis ou laissé
en place leurs émirs de paille qui se sont scandaleusement enrichis
au point de financer ou d’acheter les biens de leurs anciens "protecteurs".
Et d’ores et déjà, la production d’armement, menacée
par la détente Est-Ouest, reprend. Le Monde du 24 août
signale que "Washington accroit ses ventes d’armes aux pays du
Golfe". On s’en serait douté !
II faut appeler un chat un chat :
1. Tout le monde a aidé l’Irak dans la guerre qu’il avait déclarée
à l’Iran (curieux : on se souvient enfin en 1990 que c’est le
"dictateur" de Bagdad qui avait déclenché la
guerre et non l’inverse comme on avait tendance à le laisser
croire)
- pour vendre des armes et expérimenter certaines d’entre elles
à échelle réelle (tanks, missiles, gaz), pour barrer
la route à l’Islamisme intégriste (mais l’élève
Saddam est devenu dangereux : armes chimiques, fusées à
très longue portée, arme nucléaire peut-être).
2. Le droit international est un prétexte fallacieux mais qui
"prend" sur les opinions :
- d’une part, ce "droit" ne recouvre que de sordides intérêts
pétroliers ; le seul "mérite" que l’on puisse
reconnaitre à Bush, c’est qu’il a annoncé la couleur au
départ "défense des intérêts vitaux
des Etats-Unis" . N’oublions pas que les Etats-Unis, qui ne représentent
que 5 % de la population mondiale, consomment 30 % de l’énergie.
D’autre part, il faut protéger les émirs et monarques du pétrole pour faire barrage aux révoltes éventuelles de leurs sujets qui vivent souvent dans une misère qui côtoie un luxe insolent (3). Pendant que les Américains commençaient à débarquer en Arabie Saoudite, on apprenait qu’un prince saoudien (mais quelle discrétion de la presse à ce sujet depuis lors !) avait perdu, en une nuit, dans les casinos de la Côte d’Azur, trois milliards de centimes. Bah, quelques barils d’or noir ! Vraiment noir.
(1) Bérégovoy tente de justifier l’action
du Gouvernement "Nous avons respecté les engagements de
la France". Pourtant le PS a dénoncé "cette
politique mercantile irresponsable" mais
c’était le 29 octobre 1980... Bérégovoy fait aujourd’hui
partie des faucons qui ont baptisé avec dérision "néo
tiersmondistes" ceux de leurs collègues du PS qui préfèrent
la négociation à la force et mettent en avant la misère
des populations arabes.
Quant à Rocard, le 20 août, il estimait que les "télévisions
font une place disproportionnée aux manifestations antiaméricaines
de Jordanie". Le Monde 23 août.
(2) Hussein de Jordanie, dont la situation est dangereuse, a eu ce cri
de sagesse "Nous sommes pratiquement arrivés au type de
crise d’un monde devenu fou. 11 faut chercher à éviter
le type d’explosion qui peut facilement se produire par calcul ou erreur
de calcul et qui aurait un effet dévastateur sur la région
et le monde" :
(3) Enquête sur les plus grosses fortunes du magazine US Fortune
: "Le Sultan de Brunei (25 milliards de dollars) et le roi Fahd
d Arabie Saoudite (18 milliards) sont les deux hommes les plus riches
du monde, grâce au pétrole".
N’allons pas prétendre qu’à la C.I.A.
on ignorait les préparatifs d’invasion du Koweit ! Les livraisons
d’armes à l’Irak, poursuivies et accentuées depuis la
fin du conflit avec l’Iran, visaient à fairer bouillir la marmite
. Les guerres sont, de tradition, un important débouché
pour les sociétés pétrolières, industrielles
et minières, leurs meilleures occasions de profits, assez pour
qu’il soit permis d’échafauder un scenario jusque là tenu
sous le boisseau.
L’affaire du Koweit aurait été ainsi préparée
de longue date, mijotée par la C.I.A. II fallait, tout d’abord,
neutraliser l’Union Soviétique dans son rôle de gendarme
de la paix mondiale (*), un gendarme qui tenait en respect les faucons
va-ten-guerre du Pentagone brûlant d’en découdre. Nombre
de conflits n’ont-ils pas été écartés par
la menace de représailles à l’encontre d’une agression
américaine d’envergure ?
A cet effet, une stratégie, élaborée au sein de
la Commision trilatérale, a mis en branle un ensemble de minorités
contestataires pour aboutir à cette "pérestroïka",
prélude à une déstabilisation du bloc des pays
de l’Est, à l’éclatement du pacte de Varsovie, à
la conquête des immenses richesses potentielles de l’Union Soviétique
par les affairistes occidentaux pressés de les exploiter, ainsi
que la main d’oeuvre, dans le cadre d’une économie de marché.
Endetté jusqu’au cou par les fabricants et marchands d’armes,
l’Irak aux abois, n’avait plus qu’à faire main basse sur les
richesses de son minuscule voisin, au terme d’une simple promenade militaire,
donnant ainsi aux Etats-Unis, patrie des pétroliers, un bon prétexte
à déplacer leur armada en arguant des intentions prêtées
à l’agresseur d’étendre son action à l’Arabie Saoudite.
Se sont mis ainsi en place les ingrédients propres à déclencher
un conflit, après que l’URSS ait baissé sa garde, laissant
le champ libre aux forces américaines arrivées à
pied d’oeuvre et volant au secours des intérêts pétroliers.
Les Compagnies recueillent déjà les premiers fruits de
l’opération : une hausse sensible de leurs produits. II y a mieux
: le gel, puis le dégel des avoirs koweitiens devrait permettre
aux banques occidentales de se rembourser d’un trait de plume des dettes
accumulées par l’Irak.
Cependant, les sociétés pétrolières n’entendent
pas se laisser confisquer par l’Irak, les profits que leur procurait
l’exploitation des puits du Koweit. A défaut d’obtenir les assurances
nécessaires, elles n’hésiteront pas à faire recours
aux forces américaines concentrées à proximité.
Acculé par le blocus et l’embargo, comme l’avait été
le Japon en 1941, l’Irak, surarmé, peut se voir contraint, face
aux forces d’intervention massées à ses frontières
et dans le golfe, de jouer son va-tout en tirant dans le tas de tous
ses missiles, Exocet compris.
Les Bourses s’effondrent ? La guerre les fera remonter en flèche. Le capitalisme a besoin des guerres pour soutenir les débouchés, résorber les excédents industriels et miniers, recréer la rareté bénéfique aux spéculateurs, développer les profits, relancer l’emploi et faire remonter le prix du pétrole.
Résumons : au départ, un lourd endettement
de l’Irak et la tentation de s’en acquitter en s’emparant des avoirs,
de l’or et des richesses du voisin. Omniprésente, la C.I.A. au
service des intérêts étroitement imbriqués
des sociétés pétrolières, des banques et
de l’Etat américain, à la recherche d’un casus belli devenu
plausible depuis la neutralisation de représailles soviétiques
et l’éclatement de l’unité arabe.
Que l’annexion du Koweit remette en cause des frontières tracées
à l’ère coloniale ? N’est-ce pas aux populations d’en
décider ? L’affaire IrakKoweit devra sans doute trouver son issue
dans un référendum, même si ce processus devait
se voir invoqué, par la suite, par d’autres nations dites indépendantes,
un processus moins coûteux, moins désastreux qu’une guerre.
D’autres ont déjà noté que les sanctions adoptées
à l’encontre de l’Irak auraient dû s’exercer pareillement
lors de l’intervention américaine à La Grenade, au Panama,
à Cuba, au Nicaragua. A-t-on oublié le Viet-Nam, la Corée,
le Mexique, l’équipée sur la Libye, le soutien actif des
Etats-Unis à tant et tant de dictatures dans le monde ?
U.S.A. Go home ! Les graffitis refleurissent sur les murs. Qu’ils restent
chez eux. Nul ne menace leur territoirre. Balançons-leur tous
leurs maudits dollars répandus dans le monde à tout-va
et qu’ils en crèvent ! Une monnaie de consommation fera tout
aussi bien l’affaire pour payer le travail, assurer les approvisionnements
et les distribuer aux consommateurs.
(*) NDLR. Par souci d’objectivité d’après
l’agence soviétique Novosti elle-même, l’Irak a acheté
à l’étranger, de 1980 à 1989, pour 25 milliards
de dollars d’armesdont 53 % à l’Union Soviétique et 20
% à la Franc.
Affirmant que l’URSS a arrêté ses livraisons début
août quand l’Irak a fait irruption au Koweit, cette agence conclut
cependant : "il faut élaborer sous l’égide de l’ONU
un projet de convention internationale limitant la vente des armes et
les interdire à l’avenir".
Actualité
Le périodique européen "The Economist"
du 18 août 1990 brosse un tableau soudain rassurant de l’avenir
proche pour les "euro-économies"... Surprise ? Voici
l’Europe devenue l’espace privilégié pour la finance mondiale.
Quand nos soldats s’élancent au carnage, on sait que les gouvernants
occidentaux vont se plier aux volontés des maîtres-magiciens
du crédit et de la dette.
Mais il "faut" donner bonne conscience, bon espoir et bon
moral aux cadres d’affaires qui vont devoir opérer la relance
de cette guerre économique chaude. Les "grands" de
la seconde guerre mondiale finissent d’épuiser leurs bien réelles
richesses économiques au service du pouvoir financier, et seront
bientôt discrédités. II faut au pouvoir financier
un nouvel espace pour faire fructifier son crédit, sous la douce
férule de la violence vengeresse des civilisés occidentaux
contre le barbare Irakien.
The Economist publie les résultats comparés de 1980 et
de1990, la prévision 1990 pour les taux d’inflation, en chute
spectaculaire, et les croissances du PNB de "l’Euroligue",
avec les pourcentages actuellement globalement positifs de la balance
des comptes-courants commerciaux ; pour ces derniers chiffres de l’OCDE,
il sera intéressant de comparer dans 10 ou 12 mois les chiffres
réels de 1990, trimestre par trimestre...
L’éditorialiste fait son inventaire optimiste, qu’il est intéressant
de parcourir
Investissement, produit national brut et croissance
"Encore arthritiques après 1980, les euro-économies
se relèvent actuellement très vite grâce à
deux leviers : l’investissement relancé par l’objectif 1992,
et l’union allemande ; le PNB ouest-allemand doit progresser cette année
encore de 4 °/ ; tirées par la RFA, presque toutes les autres
économies d’Europe (excepté la britannique) devraient
progresser de 3 à 3, 5 °l pour 1990. "
The Economist camoufle ainsi l’essentiel :
- d’abord il n’y a qu’en Allemagne, en Hollande et peut-être au
Danemark que la croissance du PNB profite à l’ensemble des citoyens
employés ; si on décrit le tableau actuel réel,
les protections sociales se réduisent de plus en plus aux seuls
employés. Les fruits de la croissance, c’est encore une autre
histoire.
- les autres euro-économies, loin de réaliser l’intégration
entre secteurs d’économie et entre régions, sont encore
non responsables de leurs affaires ; seule la RFA a maintenu une croissance
intégrant les mécanismes sociaux syndicaux et surtout
de formation technique qui permettent une démocratie économique.
The Economist pratique comme toujours le glissement
sémantique de présenter comme "progrès économiques"
les profits financiers, assortis de dettes du système aux banques.
Impertubable, The Economist poursuit
Enrichissement et choc pétrolier
"En RDA, l’effet de la flambée des prix pétroliers
devrait être gommé par la hausse de 25 °/ du taux de
change du D M.(c’est l’inverse au Japon). Les Euroéconomies sont
devenues plus solides, car elles ont su
- combler leurs déficits budgétaires, apaiser l’inflation
grâce à la discipline du SME , seule ombre au tableau :
le chômage des 9
d’employables (contre 5 % aux EtatsUnis et 2 % au Japon), mais ce passif
pourrait devenir une base de relance si les nations européennes
réussissaient à former cette réserve de travailleurs,
ce qui prolongerait l’expansion s’ils sont déployés avant
le retour de l’inflation. " Que de si et qu’ils sont gros ! On
peut se demander qui ment le plus entre les experts du Patronat Européen
et le palotin de The Economist !
Et c’est justement aujourd’hui où éclatent les vrais déficits
des nations du tiers-monde et de l’Esteuropéen, lorsque les pillards
de la faim Iraquiens offrent aux puissances occidentales l’occasion
d’expérimenter leurs machines de guerre sans étoiles,
que The Economist nous fait miroiter un remplissage de poches européennes
; on va fabriquer de nouveaux uniformes anti-gaz et antibactéries
pour climats chauds, des relais mobiles ultra-légers de communications
pour les James Bond de l’infiltration ?
Bien plus que tout celà, une troisième guerre mondiale
est le meilleur moyen pour le méga-pouvoir international de cueillir
l’Europe et de lui imposer sa loi, que les peuples d’Europe commencent
à rejeter dans la patiente remontée des libertés
individuelles et par les pressions qui contraignent les chefs d’Etats
à des efforts de paix.
II faut clamer la vérité, utiliser tous les canaux d’aide
et de démystification économiques viables pour résister
à ces mensonges, lutter pour que cette crise du Golfe serve à
rassembler les hommes de lucidité vers une reprise enfin saine ;
déjà les principaux maghrébins se révèlent
assagis, Egyptiens et Jordaniens donnent l’exemple de l’aide humanitaire
et il devient permis de penser que les Syriens et les Israéliens
vont prendre la guerre à revers. Si l’ONU savait manceuvrer Saddam
Hussein et les belligérants occidentaux, The Economist en serait
quitte pour nous expliquer qu’il y a des paramètres humains imprévisibles
à prévoir par les scénaristes de stratégie
économique... La paix soit avec nous
Entrevu à l’Est
Nous avons eu la chance qu’un congrès scientifique nous offre
un séjour à Prague début septembre. Le monde entier,
ou presque, s’y était apparemment donné rendezvous. D’abord
pour voir. Et puis, m’ont confié deux étudiants danois,
parce qu’on y vit pour pas cher. II est vrai que la nourriture (qui
n’est pas fameuse) y coûte quatre fois moins cher qu’en France.
Alors les rues sont très animées, et des chanteurs, des
musiciens, des "montreurs" viennent de partout, même
de Beaubourg, gagner leur vie en distrayant les touristes. Les Praguois
ne se lassent pas de ces spectacles des rues, sans doute nouveaux pour
eux.
Mais ils font en même temps d’autres découvertes. Celle
de bandes de skinheads, par exemple, à qui la croix gammée
ne fait pas peur. Et celle de délinquants, alors qu’ils n’imaginaient
pas qu’on puisse attaquer quelqu’un, dans la rue, pour lui dérober
son portefeuille ! Un de nos collègues est témoin que
cela se produit désormais à Prague comme à Paris.
II est vrai, m’a expliqué une Praguoise, que l’amnistie de V.
Havel a libéré bien des voleurs. Libéralisme oblige.
Mais cela n’a pas entamé l’enthousiasme qu’elie porte au Premier
Ministre, récemment élu. Comme la plupart des Tchèques,
elle attend, sans la moindre initiative, que de nouvelles lois leur
donnent les directives nécessaires... pour changer leur économie.
L’inertie des Tchèques nous a semblé très incrustée.
En Allemagne ex-Est, si l’activité nous a semblé plus
forte, en revanche l’enthousiasme faisait défaut. Pour l’immense
majorité des travailleurs, l’avenir est terriblement sombre ;
le chômage fait des ravages et les prix montent en flèche.
Les salaires ne suivent pas, mais comment protester quand on sait que
les entreprises qui ne ferment pas sont rachetées et que la plupart
de leurs anciens travailleurs seront licenciés ? Comment fera-ton
pour payer demain des loyers alignés sur les prix de l’Ouest,
alors que depuis quarante ans, on payait invariablement un mark le mètre
carré ? certes, les immeubles reconstruits après la guerre
sont d’énormes blocs, des "cages à lapins".
Mais un deuxpièces y occupe 60 m2 et un loyer de 60 marks ne
grevait pas les revenus d’un jeune couple. II n’y avait pas un "sans
domicile fixe" en RDA qui découvre la mendicité.
La médecine y était entièrement gratuite, alors
que les cliniques et les crèches ferment leurs portes : il n’y
a plus de quoi les entretenir...
Devant cette angoisse du lendemain, comment s’étonner que des
retraités citent tel et tel ami qui, incapables de supporter
le choc, ont mis fin à leurs jours ?
M-L D. et J-P M.
***
Aggravation des inégalités dans les pays
industrialisés.
L’Evénement du Jeudi des 2-8 août 1990 publie une étude
sur l’évolution des inégalités au cours de la dernière
décennie et constate qu’elles se sont aggravées dans presque
tous les pays industrialisés.
Le phénomène est particulièrement marqué
au Japon, où le fossé entre riches et pauvres s’est considérablement
élargi, bien plus encore qu’en France. De plus les salariés
les plus qualifiés sont favorisés, et "leurs rémunérations
progressent bien plus rapidement que celles des catégories du
bas de l’échelle." La société britannique
est l’une des plus inégalitaires d’Europe. "Le nombre des
nécessiteux (moins de 2.000 F. mensuels) a plus que doublé
depuis 1979. La GrandeBretagne compte désormais 10,5 millions
d’économiquement faibles, contre 4,8 au début de l’ère
Thatcher. II y a 400.000 sans abri (dont 40.000 à Londres) et
encore 2 millions de chômeurs. Quant au Welfare State, le système
de protection sociale mis en place depuis 1945 par les travaillistes,
il est en plein déclin, faute de subventions." Aux Etats-Unis,
"grâce à l’augmentation des profits dégagés
sur les placements financiers et immobiliers, mais aussi à des
salaires mirobolants indexés, pour les plus gros postes, sur
les bénéfices des entreprises, les 1 °/ d Américains
les plus riches s’octroient aujourd’hui 12,6 % des revenus perçus
par l’ensemble de la population. Deux fois plus qu’il n’y a dix ans.
Les 40 % des ménages les plus pauvres doivent désormais
se contenter de 14 °/ de l’ensemble des revenus. En 1980, un ménage
appartenant à la catégorie des 20% lesd plus pauvres,
gagnait en moyenne 7.350 dollars par an après impôt. Aujourd’hui,
déduction faite de l’inflation, le même ménage doit
se contenter de 6.973 dollars. Perte de pouvoir d’achat : plus de 5%...
Pendant le même temps, les 20 % les plus aisés ont vu leurs
revenus progresser de 32 %, pour dépasser en moyenne les 78.000
dollars annuels."
En RFA, on ne peut ignorer "les laisséspour-compte du miracle
économique, de plus en plus nombreux. Aujourd’hui, selon les
Eglises, l’Allemagne de l’Ouest compterait six millions de pauvres.
Un million d’entre eux sont sans domicile fixe (...). Officiellement,
trois millions d’individus (soit un sur vingt) bénéficient
de l’aide sociale. L’expansion durable, la stabilité des prix
et la création en six ans de plus d’un million d’emplois n’ont
nullement empêché la persistance d’un chômage qui
frappe deux millions de personnes". Et la réunification
ne fera qu’accroître les inégalités.
Le constat est bien moins pessimiste en ce qui concerne l’Italie, où
les inégalités "ne se sont pas globalement renforcées"
au cours de cette même période. "En 1980, 46 °/
des ménages gagnaient moins de 20 millions de lires (100000 F
environ ) par an.
Aujourd’hui ils ne sont plus que 39 % dans cette catégorie. Dans
le même temps, les 12 °/ qui, il y a dix ans, dépassaient
40 millions de lires de revenus annuels, sont à présent
20 %". Mais entre 1980 et 1989 "L’écart entre le Nord
et le Sud ne’ s’est nullement réduit. Le
chômage méridional atteint en moyenne les 20 %, alors que
les régions septentrionales bénéficient quasiment
du plein emploi."
Ce que l’article de l’Evénément ne souligne pas, c’est
le caractère paradoxal de ces inégalités dans un
monde où le bien-être généralisé n’est
utopique que par suite du maintien d’un système périmé.
(transmis par P. Herdner)
***
Quelle signification donner au déficit du régime
général de la Sécurité Sociale ?
Le mensuel "Problèmes économiques" (1) édité
par la très officielle "Documentation française"
reproduit sous ce titre un article de la revue "Economie et prévision"
du Ministère de l’Economie des Finances et du Budget. L’auteur,
Dominique Lamiet, haut fonctionnaire à la Direction de la prévision
de ce ministère, examine les comptes de la Sécu à
travers l’exemple de l’année 1987. Partant de la prévision,
en avril 1986, de 40 MF, il indique que le. déficit du solde
comptable se réduisit en réalité à 1,4 MF
en fin d’exercice.
II est exact que des raisons techniques pas toujours imprévisibles
contrairement à ce qu’affirme Lamiet, expliquent, en partie,
une telle différence. II est vrai aussi que des mesures gouvernementales
sont intervenues au second semestre 1986 et en 1987 dont l’effet n’a
pas été négligeable. L’étude se termine
ainsi : ".. En conclusion, on remarquera toutefois qu’en dépit
des discours alarmistes qui peuvent être véhiculés
par les media à l’occasion de l’annonce des déficits prévisionnels,
ceux-ci ne représentent approximativement que 1 % de l’ensemble
des dépenses...".
C’est exact, et peu d’entreprises privées ou publiques, petites
ou grosses, sont capables d’évaluer leur budget à 1 %
près.. il faut en donner acte aux responsables de la Sécu.
II faut aussi stigmatiser l’attitude des journalistes de la presse dite
"populaire" toujours prompts à dénoncer le "trou"
et même le "gouffre" du régime général
qui se réduit en définitive ; sans qu’ils le disent, à
un trou d’épingle.
C’est que dans certains milieux, notamment financiers
et dans les assurances privées, l’existence même du régime
de sécurité sociale n’a jamais été vraiment
acceptée et les retraites par répartition sont périodiquement
remises en cause. La presse entretient donc, année après
année, le mythe d’un déficit chronique.
Mais le ministre des Finances et le Gouvernement ne sont-ils pas également
fautifs en la matière ? N’ontils pas intérêt eux
aussi à affoler l’opinion afin de mieux justifier des mesures
de redressement toujours impopulaires ?
Quant à la vraie solution, elle est simple, il suffirait que
les gestionnaires sociaux soient autorisés à placer une
partie de leurs fonds de roulement, même en bons du Trésor,
pour que toutes les insuffisances soient à jamais épongées.
(transmis par René Martin)
(1) n° 2188 du 29 août 1990
***
A propos des retraites
"Sud-Ouest" du 24 juillet 1990 publie un article intitulé
"Sombres perspectives" dont nous extrayons les passages suivants
"De mieux connu et analysé, le problème du financement
des retraites à moyen et long termes réclame à
présent une solution urgente, selon les spécialistes de
l’INSEE, qui estiment dans la revue "Économie et Statistique"
d’aujourd’hui que "7a pire des choses est d’attendre que le temps
passe" .
... L’urgence des réformes s’explique par un constat : le taux
de dépendance c’est-à-dire le rapport entre les inactifs
de plus de 59 ans et les cotisants - était de 42,4 % en 1985,
soit environ 2,5 actifs par retraité. Dans le cas le plus défavorable,
il y aura un actif par retraité en 2040, et dans le cas le plus
favorable, trois actifs pour deux retraités. Grosso modo, le
poids du financement des retraites, pour chacun des actifs, devrait
doubler ...
... Mais quelles réformes mettre en place ? Le système
de retraite par répartition n’offre que trois issues, dont aucune
n’est facile à envisager, autant d’un point de vue économique
que social : soit élever nettement les cotisations des actifs,
soit diminuer la valeur des prestations servies, soit relever l’âge
de la retraite. "Mais dans tous les cas, même en se donnant
des objectifs contraignants en termes de parité de niveau de
vie entre actifs et retraités, le choc démographique est
tel qu’on n’échappera pas à une hausse significative des
cotisations", analysent les experts de l’INSEE. Celle-ci se heurtera
à la fois à la résistance des salariés et
à des contraintes de compétitivité.
Cocktail de mesures
Une autre voie permet de sortir, en partie du moins,
de ce triangle maudit : la capitalisation, déjà amorcée
en France, mais pas encore généralisée. Plutôt
que le pouvoir d’achat des salariés soit transféré
aux retraités, par le biais des cotisations, il s’agit pour chaque
salarié de transférer son propre pouvoir d’achat dans
le temps, en épargnant en vue de la retraite. Les économistes
voient un autre avantage à la capitalisation : contribuer au financement
des investissements - puisqu’il s’agit d’épargne - et ainsi accélérer
la croissance.
"C’est tout un cocktail de mesures qu’il faut prendre" notent
les experts de l’INSEE .... L’enjeu est énorme : les transferts
de retraite s’élèvent aujourd’hui à 647 milliards
de francs, soit près de 11,5% du produit intérieur brut".
Le Monde du 26 juillet 1990 fait état des réaction
suivantes :
"Le diagnostic alarmiste de lINSEE sur l’avenir des retraites continue
de provoquer des réactions. Les syndicats CGT et CFDT de l’INSEE
estiment, dans un communiqué commun, que "le dossier sur
les retraites représente un pas supplémentaire dans la
dégradation de l’indépendance et de crédibilité
de l’INSEE" . Notant qu’aucun article ne vient de l’institut national,
et que le coordinateur, M. Denis Kessler, est le futur président
de la fédération française des sociétés
d’assurance, les deux syndicats affirment que l’INSEE accorde sa "caution
scientifique" à `des prises de position politiques venant
de l’extérieur’ ; "en l’absence de pluralisme méthodologique"
qui ne pouvaient qu’aboutir à "l’apologie des régimes
par capitalisation". La confédération CGC parle,
elle aussi, d’une "attaque orientée et intéressée"
et considère que "la volonté de dramatisation est
évidente". L’ARRCO, qui regroupe les caisses de retraite
complémentaire des salariés, réplique qu’il "n’est
pas nécessaire d’alarmer à ce sujet les retraités
et futurs retraités" et ajoute que "les facteurs économiques
sont au moins aussi importants" que les projections démographiques.
D’autre part, le bureau exécutif du Parti socialiste a vivement
réagi le 25 juillet : "Face aux conclusions d’un rapport
attribué à l’INSEE, mais en réalité rédigé
par un professionnel de l’assurance-capitalisation, le PS rappelle son
attachement au principe de répartition. On essaie d’inquiéter
la population pour vendre de l’assurancevie avec une présentation
pseudoéconomiste. Cette tentative n’est pas nouvelle" a
commenté Jean-Claude Boulard, secrétaire national aux
affaires sociales."
(transmis par G. Capeyron)
NDLR Nous répétons qu’en dehors de l’action psychologique en faveur des retraites par capitalisation, l’inquiétude distillée à propos des retraites après l’an 2000 procède d’une vue purement financière de la situation. La réalité c’est qu’une production en augmentation quasiconstante devrait assurer normalement le maintien et même l’amélioration du pouvoir d’achat des actuels et futurs retraités.
Suite de notre dialogue avec les créditistes :
Dans notre numéro 890, essayant de clarifier
ce que nous refusons de l’actuelle "économie de marché",
je faisais remarquer que le mot "social" est tellement dévalué,
qu’il y aurait lieu de substituer au terme de revenu social, celui de
"revenu de citoyenneté" quand on décrit l’un
des trois volets de l’économie distributive.
J’ai eu le plaisir de lire dans "Fragments", revue des créditistes,
que mes propos sur le marché ont pleinement reçu leur
accord. Mais j’ai eu la grande surprise de voir les créditistes,
sous la plume de J. Dutrieux, se demander si par "revenu de citoyenneté",
je voulais parler de redistribution ! Comment poser pareille question
alors qu’il s’agit d’économie distributive ! Nous avons si souvent
et clairement (1) montré la différence fondamentale entre
la redistribution, qui se pratique actuellement, et la distribution
des fruits d’un capital de richesses, de savoir-faire et de connaissances,
accumulé au cours des siècles, et dont nous sommes tous
co-héritiers ! Le revenu de citoyenneté est donc à
nos yeux l’usufruit d’un co-héritage selon les termes de J. Duboin.
Ceci étant précisé, je tiens à mon tour
à dire combien j’ai apprécié les études
sur Proud’hon et sur la cité grecque, qui suivent, dans l’article
de J. Dutrieux, et à constater bien des convergences de vues
entre nous. II reste des divergences puisqu’en économie distributive,
il n’y a ni impôt, ni crédits bancaires donnant lieu à
intérêts. Mais je crois que distributistes et créditistes
se retrouvent sur le principe de subsidiarité (voir par exemple
le chapitre XI des "Affranchis de l’An 2000") et je suis très
heureuse que l’idée de contrats à tous les niveaux leur
ait, comme à moi, semblé le bon moyen de garder du "marché"
ce qu’il a de bon.
(1) Voir dans "L’économie libérée" le chapitre intitulé "La redistribution, solution dés conservateurs".
Voici, transmis par un lecteur, un témoignage sur les beautés du système, bienfaits du RMI compris :
Au secours, Président !
Lundi 26 février 1990
Je fais partie des 25.000 exclus du département de la Sarthe.
Non seulement les problèmes d’argent, les problèmes de
santé, la vie familiale, l’équilibre moral, les recherches,
les entretiens. Chômage et exclusion vont de pair, Monsieur le
Président.
Au secours, Président !
Je ne veux pas vivre derrière un mur d’intolérance. Fort
heureusement, dans notre bonne ville du Mans, nous, les chômeurs,
nous ne payons pas le bus, nous pouvons aller à la piscine ou
jouer au tennis gratuitement.
Mais à quel prix ! Allez donc présenter votre offre de
chômeur à une personne, qui travaille pour avoir une gratuité
quelconque ! Allez donc recevoir ce ticket gratuit que l’on vous jette
avec dédain ! Allez donc vous baigner malgré tous ces
préjugés sur votre personne ! Vous êtes un chômeur,
un exclu, un parasite de la société, vous êtes la
honte.
Au secours, Président !
Je suis un homme de trente deux ans, fils d’ouvrier : je vote à
gauche évidemment. J’ai commencé à travailler à
l’âge de seize ans et demi (après la classe de troisième).
Et puis un jour (juillet 88), mon patron a estimé que je n’étais
plus à la hauteur ; et me voilà jeté aux ordures
comme un vulgaire chiffon. Et même le conseil des prud’hommes
n’y fera rien. Tout ce que j’avais investi dans mon travail ma vie,
ma volonté, mes passions, mes joies, mes ambitions, mes projets,
mon avenir, tout cela effacé d’un seul coup !
II ne me restait que mes deux yeux pour pleurer, car j’ai pleuré,
Monsieur le Président ! Alors que faire ? Que faire après
m’être culpabilisé, replié sur moimême ? Que
faire après ces moments de déprime, ces idées de
suicide, ces moments d’angoisse et même de folie parfois ? Que
faire après toutes ces vaines recherches en quête d’un
emploi ?
Redevenir actif ! Redevenir actif tout en vivant dans un monde inactif
? Je m’inscris dans une association de chômeurs appelée
ASTRE (Association Sarthoise des Travailleurs en Recherche d’Emploi).
Vous remarquerez que par pudeur cette association n’est pas une association
de chômeurs, mais de travailleurs en recherche d’emploi. Mais
quelle importance, nous y rencontrons des "chômeurs".
Et là, par l’intermédiaire de cette association, je comprends
tant de choses. Je rencontre tant de gens désespérés
: les TUC, les PIL, les CRA, les SMAN, les CLES. Et puis les SDF (sans
domicile fixe), des gens (hommes et femmes) qui dorment dehors, sous
un pont, sur un banc. Des gens qui refusent encore de manger au "resto
du coeur", parce qu’une infime parcelle de fierté et d’homme
brille encore en leur âme. Ces gens-là n’ont plus de fierté,
d’honneur, ils n’ont plus aucun espoir. Ces gens-là ne vivent
pas seulement au jour le jour ! Non, c’est au fil des minutes qu’ils
vivent, je devrais dire qu’ils survivent. Car ils n’ont même plus
le courage de chercher du travail, ils refusent les foyers d’hébergement,
tant ils ont perdu le sens de la vie en collectivité.
Au secours, Président !
Toutes ces choses je les vois, je les vis tous les jours dans la ville
du Mans où j’habite. Une ville de 150.000 habitants. Et partout
en France, c’est la même chose. Des centaines de milliers de vies
se meurent chaque jour dans notre pays, Monsieur le Président.
Au secours, Président !
Alors je me dis : "Et Dieu dans tout cela ? que fait-il ?"
Le Seigneur n’y est pour rien. Et vous le savez autant que moi, Monsieur
Mitterrand. Ce sont les hommes eux-mêmes qui avilissent d’autres
hommes. C’est donc aux hommes et non à Dieu d’agir pour qu’il
n’y ait plus ces choses atroces dans le monde mais aussi à deux
pas de chez vous, Monsieur le Président.
Je vous écris cette lettre, Monsieur le Président, car
aujourd’hui je suis en prolongation d’allocation de base, soit 3.200
F. par mois, ma femme et moi. Dans trois mois, si je suis toujours dans
la même situation, nous vivrons avec 2.200 F. Et puis dans 15
ou 16 mois je serai âgé de 33 ans et si je n’ai toujours
pas de travail, nous devrons nous débrouiller avec ce qu’on appelle
le RMI. Comme des milliers de gens, je serai descendu contre mon gré
au fond du trou. Ce trou que les gens qui ont une situation stable ignorent
et refusent d’entrapercevoir. Par crainte ? ou par lâcheté ?
Allez savoir !
Monsieur le Président, cette lettre que je vous adresse, j’aurais
pu par humour l’intituler : "Lettre au Président".
Seulement, l’heure n’est plus à rire. Je l’intitulerai donc :
"Au secours, au secours, Président !".
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République
française, l’expression de mes sentiments les plus distingués.
Hervé Bouché, 20, rue d’Allemagne,
72100 Le Mans
Réponse de l’Elysée
Présidence de la République,
le 1er mars 1990
Monsieur,
Croyez bien que le Chef de l’Etat est particulièrement attentif
aux préoccupations de ses concitoyens. Aussi, ai-je confié
l’étude de votre problème au Préfet du département
de la Sarthe en lui demandant de l’examiner avec soin et de rechercher
les solutions susceptibles d’y être apportées.
Michel Jau (Chargé de mission)
Réponse de la Préfecture
le 9 mars 1990
Monsieur,
La Présidence de la République vient de m’adresser votre
lettre du 26 février dans laquelle vous exposez votre situation
au regard de l’emploi. Je vous conseille de prendre contact avec l’Agence
locale pour l’Emploi la plus proche de votre domicile afin d’y rencontrer
un prospecteur-placier qui vous orientera dans vos recherches.
pour le Préfet, le secrétaire général.
On comprend qu’Hervé ait été furieux de cette réponse
(extrait de "Cultures et Foi" n° 136, transmis par C. Tourne)
Beaucoup, parmi les vedettes intellectuelles de l’actualité
médiatique qui ont été staliniennes, se rallient
en masse au libéralisme. Ainsi va la mode dans le domaine de
l’esprit, si l’on peut dire, comme dans les autres secteurs de la vie.
Doc tous ces manieurs d’idées, ou plutôt de mots, ont voulu
ignorer les purges, les procès de Moscou, les déportations
et l’embrigadement des cerveaux. Les mêmes paradent sur nos écrans
de télévision, nos ondes sonores et envahissent les livres
de leurs théories fumeuses. Auraient-ils retrouvé maintenant
la lucidité et le courage d’être à contre-courant,
dont ils ont manqué à l’époque ? Nous ne pouvons
leur accorder sur ce point, aucune confiance.
Certains, à leur époque, n’avaient pas voulu voir non
plus les drames annoncés dans Mein Kampf. Pour d’autres raisons
et dans d’autres circonstances, leurs successeurs n’ont pas désiré
faire connaitre le pouvoir libérateur contenu dans Pérestroïka.
Mein Kampf gênait car issu du chef élu d’une nation chrétienne
et sainement acquise aux bienfaits d’un capitalisme pur et dur. Pérestroïka
a déconcerté par son évaluation correcte du péril
nucléaire et la conséquence qui s’imposait : départager
les deux blocs dominants ne pouvait pas se faire par le moyen d’une
guerre mondiale. Comment, dès lors, continuer à faire
admettre aux contribuables la nécessité des énormes
dépenses d’armement engagées dans les années 80
? Pour cela, il fallait bien que les espoirs de paix soient vains. Mikhaïl
Gorbatchev ne risquait-il pas de céder la place à plus
inflexible que lui ? Comme si les raisonnements qui conduisaient aux
conclusions pacifiques étaient attachés à une personne
et n’étaient pas objectivement incontestables. L’acharnement
à expliquer l’histoire par les héros et non par les nécessités
sociologiques poussait, là encore, à des erreurs manifestes.
Mais il fallut bien vite se résigner ; la politique soviétique
était bien celle annoncée ; la démocratisation
à l’Est se faisait pacifiquement.
Quant à nous, sans aucun triomphalisme, nous
n’avons rien à retrancher à nos commentaires de février
1989 (1).
Sur ce sujet capital et inépuisable, nous pouvons ajouter les
observations suivantes :
1. Ceux qui avançaient que les dictatures capitalistes
(Hitler, Mussolni, Pinochet, etc ...) étaient temporaires alors
que les régimes totalitaires dits communistes étaient
immortels, doivent reconnaitre qu’ils se sont trompés. L’on peut
même remarquer que certaines des premières se sont effondrées
dans le sang, alors que les secondes ont cédé sans presque
aucune victime, à part les cadavres de la morgue de Timisoara,
sinistre mise en scène.
En fait, la contrainte allant jusqu’à la terreur, reste bien
antinomique avec l’humanisme socialiste. Les bolcheviks, qui ont voulu
l’ignorer, ont trahi l’espérance qui les avait portés
au pouvoir et, à travers leurs successeurs, ont conduit une bonne
partie des forces progressistes à l’impasse actuelle. Ils ont
détruit les organisations et la foi de beaucoup d’hommes de progrès,
renforcé corrélativement le camp des conservateurs et
des réactionnaires, jusqu’à favoriser, par des brimades
et des interdictions ignobles, la résurgence actuelle d’idées
politiques et religieuses passéistes. Mais la construction d’un
vrai socialisme, sinon l’idéal .d’un communisme mythique, reste
l’espoir de l’humanité et il est acquis que cette quête
se poursuivra ; mais seulement avec le consentement et la libre volonté
du plus grand nombre.
2. Après les évènements survenus
à l’Est depuis moins d’un an, les nouvelles abondent et les journalistes
officieux commentent l’actualité d’une manière pas toujours
convaincante. Ainsi la presse affirme-t-elle que la CIA était
mal renseignée sur la puissance de l’économie soviétique.
Le PNB de l’Union n’était pas la moitié de celui des Etats-Unis,
mais seulement de 14 à 28 % au maximum (2). II en est de même
des experts de la Banque des Règlements Internationaux qui, depuis
1950, signalaient un taux de croissance presque toujours supérieur
en RDA à celui de la RFA. Paul Fabra, pourtant spécialiste
en la matière, fait état de "l’absence d’un instrument
de mesure véritable (inexistant quand on est en présence
d’une monnaie inconvertible)_ ’(3). Faible argumentation, car évidemment,
il n’est pas question d’avouer :
- que les monnaies mêmes convertibles ne sont plus depuis longtemps
des instruments de mesure fiables en raison de leurs variations erratiques,
- que les PNB sont des statistiques sans aucune valeur à plus
forte raison lorsqu’il faut les comparer entre nations, car les termes
de leurs définitions sont trop différents d’un pays à
l’autre,
- enfin et surtout que les institutions américaines avaient intérêt
à accroitre artificiellement la puissance militaire, et aussi
économique de l’Union Soviétique afin de mieux justifier
devant l’opinion les folles dépenses d’armement des Etats-Unis.
3. Ceux qui ont mal lu "Perestroïka" se plaignent, bien entendu, de la lenteur des réformes économiques en URSS. Comment les mécanismes économiques fondamentaux : marché, formation des prix, indépendance des banques, privatisations généralisées, décentralisation, abandon du plan, etc... ne sont pas encore en place ? s’indignent-ils. Malgré la création de la BERD, sous la présidence de Jacques Attali, les finances demandent que toute aide à l’Union Soviétique soit subordonnée à des actes réels et rapides de transformation structurelle. Et l’on s’interroge : "convient-il de faire confiance à Gorbatchev ? (toujours la personnalisation de l’histoire - voir plus haut), est-il sincère ?" tout prêt à l’URSS ne reviendrait-il pas, en définitive, à renforcer le PCUS ? Toujours des raisonnements de guerre froide.
Ces questions ne sont pas étonnantes de la part
de ceux qui ont toujours cru que le plan Marshall était destiné
à aider l’Europe et non pas à procurer une clientèle
à l’industrie américaine ou que l’aide au TiersMonde est
d’essence philanthropique. En réalité, si des crédits
pour l’Est sont indispensables, c’est qu’il faut bien solvabiliser des
consommateurs car l’appareil productif occidental est menacé
d’absence de débouchés.
Quant aux changements en URSS, ils produisent déjà, malgré
leur lenteur, des effets non négligeables puisque, d’après
le "billet" du Monde du 7 août 1990 :"La récolte
soviétique de fruits et légumes se présente sous
un très bon jour cette année. C’est l’abondance .".
Mais alors que les campagnes regorgent de produits, les villes manquent
d’approvisionnement, en raison de la désorganisation des transports
et du système de distribution. Pour la même raison, 40
millions de tonnes de céréales sur une récolte
prévue record de 300 millions de tonnes seront perdues. "On
connait bien chaque année, en Bretagne ou dans le Vaucluse, les
colères paysannes qui s’expriment par des tonnes de tomates ou
de melons déversées sur les chaussées... Surproduction,
mauvaise adéquation entre les livraisons et la consommation,
loi du marché, effondrement des prix. Ces dérèglements
périodiques du système économique occidental obéissant
à l’excès au jeu de l’offre et de la demande risquent
de faire tache d’huile à l’Est, sans que la pérestroika
y soit pour grand’chose.." remarque l’auteur du billet. Nous ne
saurions mieux dire, sauf pour observer qu’avant d’en connaître
peut-être, un jour, les avantages, les Soviétiques risquent
fort de subir longtemps, d’abord, les inconvénients du système
capitaliste, en raison du délabrement de leur économie
bureaucratisée à l’extrême et donc de leur handicap
dans la compétition internationale.
4. La question de la compatibilité de différents systèmes économiques possibles avec l’état de paix reste posée. Parmi les raisons qui ont amené Mikhaïl Gorbatchev à mener sa politique actuelle de désarmement, il en est une que les analystes occidentaux ignorent et pour cause... Nous pouvons en effet avancer qu’il a pu songer aux dégâts que ne manqueraient pas de produire, à l’Ouest, un arrêt, même étalé dans le temps, des fabrications de guerre. Que cette idée ait vraiment été la sienne ou pas, les conséquences commencent déjà à s’en faire sentir. C’est "la fin des marchands de canons" affirme J. Isnard (4). Mais pour tenter de rassurer les industriels de la guerre et leurs actionnaires, il observe que les armements deviennent moins frustes pour s’automatiser, se sophistiquer, bref s’informatiser et s’électroniser de plus en plus. II faut croire que les boursiers ne sont pas tellement convaincus, si l’on en juge par la mauvaise tenue, avant le mois d’août 1990, des valeurs du secteur comme General Electric., Matra et autres Electronique Serge Dassault... Le même Isnard s’était déjà illustré en avril par un article fielleux sur le livre de Marion intitulé "Le pouvoir sans visage" (5). Cet article justement stigmatisé par nos amis de l’Union Pacifiste (6) et titré "Règlements de comptes", tendait à faire croire à la mauvaise foi de l’auteur. Nous recommandons au contraire très vigoureusement la lecture de l’ouvrage. Les lecteurs pourront juger eux-mêmes de la précision et de la qualité des informations qu’il contient sur les agissements du complexe militaroindustriel français, véritable pouvoir élitiste et occulte qui lie le devenir de notre pays à des intérêts privés sans scrupules et sans pitié. C’est que Isnard, par son influence sur l’opinion à travers un journal sérieux et réputé, n’est pas sans tenir son rôle dans les agissements du fameux complexe ... d’où sa réaction.
Saddam Hussein est-il en mesure de venir au secours
des marchands d’armes "intelligentes" ou non, de masse ou
artisanales, vendeurs officiels ou trafiquants cachés ? Nous
ne croyons pas qu’il puisse se substituer au choc entre blocs du beau
temps jadis...
Bien sûr, les va-t’en guerre de la presse, de la radio ou de la
TV se jettent comme des affamés sur le différend inter-arabes
et essaient d’attiser les haines séculaires. Et d’aligner, comme
dans chacune de ces occasions, le nombre de chars, d’avions de combat,
de porteavions ’en présence. L’un de ces inconscients, particulièrement
odieux, n’a-t-il pas préconisé une intervention préventive
américaine contre les installations de guerre chimique irakiennes
(7) ? Comment alors s’étonner que Hussein ait réagi en
installant des ressortissants occidentaux à proximité
des usines menacées ?
Les maîtres de ce régime économicopolitique suscitent
régulièrement la consolidation des pouvoirs de potentats
comme Hitler, Mussolini, Franco, Somoza, Duvallier, Marcos, Pinochet,
Saddam Hussein, etc... qui favorisent leurs affaires militaires. Lorsque
ces créatures deviennent dangereuses, il faudrait que les peuples
se mobilisent et versent leur sang pour les abattre ! Merci Messieurs,
nous avons déjà trop donné.
5. Nous terminerons ce survol d’actualité économico-militaire
par l’examen rapide d’une chronique récente de Paul Fabra déjà
cité, portant le titre, oh combien révélateur !
de "Dépenses de consommation financées comme à
la guerre" (8).D’abord par l’affirmation du paradoxe selon lequel
le système planifié soviétique était voué
à disparaitre rapidement ou à se mettre au service prioritaire
de l’armée, alors que l’économie de marché s’est
révélée comme étant fondamentalement une
économie de paix. A l’appui de cette affirmation, si l’on peut
dire, l’adaptation facile de la production à la consommation
dans le régime capitaliste, ce qui n’était pas le cas
à l’Est. Toujours la confusion entre le communisme et le totalitarisme...
L’économie américaine se serait, après 1945, reconvertie
facilement de la guerre à la paix, en conservant le plein emploi.
II est inutile de relever la fausseté de ces deux affirmations
car, au contraire, le plan aurait pu favoriser un choix pacifique ;
alors que la reconstruction d’après-guerre terminée en
Amérique et en Europe (plan Marshall dixit), l’économie
américaine est vite retombée dans le chômage, la
sousconsommation et les conflits militaires (Corée, Vietnam,
course aux armements entre les blocs). Mais l’avenir dira qui se trompe
puisque le capitalisme s’installant partout, nous devrions connaitre
normalement la paix éternelle...
Fabra explique ensuite, en se référant à Ricardo
(9) et à ses commentateurs contemporains, que la guerre peut
être financée de deux manières, soit par l’impôt
prélevé immédiatement, soit par l’emprunt. Pour
des raisons sur lesquelles le chroniqueur ne s’attarde pas - c’est dommage
- les Etats ont toujours choisi la seconde solution. Car, en effet,
l’importance des dépenses et des investissements nécessaires
serait difficile à supporter et le moral des populations en guerre
risquerait d’être atteint. Tandis que l’étalement des remboursements
sur de longues périodes futures est largement facilité
par l’inflation qui ne manque pas de s’instaurer. Une autre raison,
que Fabra n’explicite pas, est que la négociation des emprunts
et les répercussions sur les taux d’intérêt favorisent
les banques, donc le système financier, au détriment du
secteur productif, ce qui est l’idéal en régime capitaliste.
Mais Fabra en vient quand même, en conclusion, à justifier
le titre de sa chronique qui est un aveu par luimême : .. Si nos
économies prospères sont aussi des économies fatiguées,
dont maint équipement collectif ou non aurait besoin d’un ravalement,
c’est peut-être parce que, d’une manière beaucoup plus
subtile que celle des économies marxistes, elles n’ont cessé
de s’organiser comme si elles conduisaient on ne sait quelle guerre,
et cela parce que les méthodes de la guerre, plus expéditives,
offrent toutes les apparences de l’efficacité’ :
Mais si ! on savait jusqu’à maintenant très bien qu’il
s’agissait d’une guerre à préparer contre l’Allemagne
ou contre l’Union Soviétique.
Quelles justifications nos capitalistes trouveront-ils dorénavant
afin de poursuivre leurs fructueuses constructions d’armement et l’entretien
des forces armées pléthoriques ? Nul doute qu’ils en trouveront.
Convaincantes ? C’est à voir...
Ajoutons, pour faire bonne mesure, deux phrases de P. Fabra extraites
de cet article : "On voit à quel point était mensongère
la pensée de Lénine. II disait que le capitalisme portait
en lui le germe de la guerre aussi sûrement que le nuage l’orage...".
M. Fabra ferait bien de réviser ses connaissances, car nous ne
savons pas si les idées de Lénine étaient fausses,
mais nous savons bien que la formule citée est de Jaurès.
(1) Voir "Restructuration et transparence"
GR n° 875.
(2) Le Monde du 18 mai 1990. Admirons en passant la précision
de l’évaluation nouvelle.
(3) "L’après-communisme, le chauvinisme et la monnaie".
Le Monde du 19 juin 1990.
(4) Dans Le Monde du 26 juin 1990
(5) Editions Calmann-Lévy 1990. Le Monde du 3 avril 1990/
(6) Union Pacifiste n° 265, juin 1990, 4, rue Lazare Hoche 92100
Boulogne.
(7) Antenne 2, Journal de 20 h. 9 août 1990.
(8) Le Monde du 5 juin 1990.
(9) Economiste anglais mort en 1823.