Editorial
Dans la Grande Relève de Juillet, "spécial bicentenaire", nous avons tracé à grands traits "la longue marche du socialisme de 1789 à 1989". A l’heure où les lampions des fêtes du bicentenaire de la Révolution s’éteignent, il n’est pas inutile de faire le point sur l’état et les chances du socialisme. Nous prendrons l’exemple de quelques pays pour essayer d’embrasser l’ensemble du problème.
1. France : la Rose effeuillée
Mis à part l’intermède Chirac-droite
de deux années, de 1986 à 1988, la gauche "socialiste"
a dirigé le pays sans partage depuis 1981 et, sauf accident,
cet avantage lui est garanti jusqu’en 1993 : 10 ans effectifs pour "changer
la vie" comme le promettait le P.S. avant d’arriver au pouvoir,
ce n’est pas mal. Or qu’ont fait les socialistes jusqu’à ce jour
qu’on puisse qualifier de révolutionnaire, et que peut-on espérer
qu’ils fassent dans les quatre ans à venir ? Le mieux est de
leur laisser la parole.
Lors du Comité Directeur réuni les 1 et 2 juillet derniers,
P. Emmanuelli, numéro 2 du P.S., constatait :
" Si notre parti renonçait à sa vocation d’être
l’instrument de transformation de la société, avec ce
que cela implique de débats idéologiques (...) pour se
limiter au gestionnarisme mâtiné de défense des
droits de l’homme pour sauver la couleur, ce ne serait plus, rapidement,
d’un parti socialiste qu’il s’agirait, mais de tout autre chose..."
Puis il souligne :
"...l’affadissement de notre identité et de notre capacité
d’action, toutes deux consécutives au déséquilibre
qui s’est peu à peu créé entre la nécessité
de gérer et la volonté de transformer."
Et que dit le premier secrétaire, Pierre Mauroy ,
"L’éventail des revenus s’est creusé, depuis 1984,
aggravant donc les inégalités. Dans le même temps,
les revenus du capital ont explosé, parvenant à des sommets
qu’ils n’avaient encore jamais atteints."
Le modeste journal des distributistes qu’est la Grande Relève
n’a pas attendu que six ans de "gestion" socialiste soient
écoulés pour dénoncer de tels faits, en clair la
trahison du P.S. envers ceux qui avaient mis leur espoir en lui en 1981.
Au fait, M. Mauroy n’a-t-il pas été le premier ministre
de la rigueur ?
Faut-il citer encore le Xe plan ? Les bons résultats économiques
"ont été obtenus par un infléchissement sensible,
au détriment des salaires, du partage de la valeur ajoutée
entre salaires et profits". Autrement dit, les gouvernements socialistes
ont mieux servi le profit que le pouvoir d’achat. Quel aveu !
Comme on le voit, des mots, des discours, des promesses électorales,
puis des voeux pieux pour essayer de regonfler des troupes et des électeurs
complètement démobilisés - ou hostiles - comme
l’ont démontré les résultats des élections
européennes (23% des suffrages).
Et que fait Dieu dans son Olympe élyséen ? Il cisèle
sa statue et soigne sa stature : Jaurès, Blum, Mitterand (Mitterand
plus grand que Blum). La "grande" politique pour les affaires
du monde, dans lesquelles il s’érige de plus en plus en mentor
; des phrases bien frappées, mais sans conséquence, pour
son image hexagonale : "il faut qu’on passe d’un budget de rigueur
à un budget de justice sociale", alors qu’il sait très
bien que, pour bien "gérer" l’économie de marché,
son gouvernement devra faire tout le contraire... comme c’est le cas
depuis 1983. L’Opéra Bastille, la Pyramide du Louvre, l’Arche
de la Fraternité constitueront-ils un passeport suffisant pour
assurer l’immortalité au sphinx de l’Elysée ? Ce qui est
sûr, c’est qu’il n’aura pas sa place au Panthéon socialiste.
Peut-on espérer, malgré cela, qu’un jour "cela bouge"
à gauche, chez les socialistes ou ailleurs. Deux manifestations,
deux petites lueurs d’espoir méritent d’être signalées
:
Le "14 juillet" des vrais sans culottes, célébré
en fait le 9, place de la Bastille, organisé par Gilles Perrault
et le chanteur Renaud, pour brocarder le 14 juillet des riches du monarque
élyséen. Ecoutons Gilles Perrault :
" Nous autres, nous convoquons ici ce soir les ombres des quarante
mille enfants qui, chaque jour, meurent de faim dans le tiers-monde
(...) Nous convions sur cette place de la Bastille les peuples que la
dette enchaîne parce qu’elle est l’esclavage des temps modernes,
le plus grand assassinat de masse, plus meurtrière que ce que
furent jamais les bureaucrates staliniens, plus meurtrière que
les vieillards tankistes de Pékin (. ..) On n’épongera
pas la dette avec la serpillière de la charité."
Un slogan résumait bien par ailleurs l’esprit de cette manifestation, ou plutôt de cette contre-manifestation : "En 1789, la bourgeoisie prend le pouvoir. En 1989, elle l’a toujours". Et Renaud clamait : "La Révolution, c’est bien de la célébrer, c’est mieux de la faire".
Malgré la pluie, 100.000 personnes se pressaient à la Bastille ce 9 juillet, des pauvres, des laissés pour compte. Parmi elles, Monseigneur Gaillot, l’évêque qui dérange ...
La Nouvelle Ecole Socialiste, nouveau courant qui se dessine au sein du P.S. (Julien Dray, Mélanchon). Elle s’est réunie, avec d’autres socialistes et des membres de SOS racisme, le 23 août dans l’optique du Congrès P.S. de mars 90. Un orateur critique "La méthode Rocard que la base sociale et électorale de la gauche perçoit comme une façon de gouverner du pareil au même par rapport à la droite". La politique de Bérégovoy parait "se situer dans une continuité complète avec celle de ses prédécesseurs". Il constate que "le P S. ne joue pas son rôle, lequel ne peut consister à pousser de temps à autre un coup de gueule pour calmer le peuple de gauche, style Emmanuelli dans ses grands jours".
Voilà ce que pensent et disent certains socialistes, députés, sénateurs, de leur parti et du gouvernement "socialiste".
Quel sera dans l’avenir le poids des frondeurs du 14 juillet des pauvres ou de la N.E.S. ? La vague des revendications sociales qu’on prévoit pour la rentrée s’ajoutera à ces manifestations d’insatisfaction. Mais l’économie de marché que défend et gère, depuis 1983, la gauche - souvent mieux que la droite - a retrouvé la santé. Les patrons sont satisfaits de leurs nouveaux serviteurs.
Au moins, les "aiguillons" sont-ils indispensables pour éviter que la société ne s’endorme tout à fait sur ses 3 millions de chômeurs. Les distributistes doivent faire partie des "aiguillons".
2. Pologne
Maintenant les choses sont claires : la déstabilisation
des pays de l’Est (avec, comme prévu aujourd’hui, la Pologne)
entamée depuis une décennie porte enfin ses fruits ; non
que les dirigeants de ces pays n’aient pas une grande part de responsabilité
dans ce qui arrive.
Qu’a dit Walesa cet été, au moment du voyage en Pologne
de Mitterand ? "Le capitalisme est le seul système capable
de faire marcher l’économie". Qui eut crû que les
événements iraient aussi vite ? Bush, lors de son voyage
en Europe, n’a voulu visiter que deux pays de l’Est : la Pologne - où
il a pu, chose incroyable, déjeuner "en toute simplicité"
chez Walesa -, et la Hongrie, qui marche sur les traces de la Pologne.
Piège des communistes qui en laissant la droite gouverner - Mazowiecki
est un ami intime de Monseigneur Glenn - espère qu’elle se cassera
les dents et qu’alors ils pourront revenir en force ? Sûrement
pas. Le phénomène semble irréversible. Et les dollars
vont pleuvoir. Le processus en cours est bien plus insidieux et efficace
que la fameuse politique du "containment" et du refoulement
prônée dans les années 50 par James Burhnam et Foster
Dulles. Et la nomination d’un pape polonais, malgré l’attachement
des Italiens à un pape de leur pays, n’a pas été
innocente.
Exit - exeunt - Pologne et Hongrie ... en attendant la suite.
3. URSS
Que se passe-t-il en URSS ? Où mènent "glasnost et perestroika", si fort applaudies à l’Ouest ? Gorbatchev aurait-il joué les apprentis sorciers ? Alors qu’il voulait avant tout sortir l’économie du marasme, la faire décoller, le résultat le plus clair à ce jour, c’est la révolte des nationalités ; tandis que les magasins sont toujours aussi vides qu’avant, après un discours de cinq ou six ans. Si rien ne bouge de ce côté, Gorbatchev aura loupé son coup et Dieu seul sait ce qui peut advenir : reprise en mains brutale des "conservateurs" et de l’armée après élimination de Gorbatchev ou troubles tous azimuts - population et nationalités - et solution "à la polonaise", c’est-à-dire retour à l’économie de marché, au capitalisme ; et ce après une révolution déjà septuagénaire, qui aurait dû changer la face du monde, même si l’on tient compte des particularités évoquées dans notre article de Juillet : révolution sensiblement à contretemps du marxisme, ravages de la guerre, charges militaires imposées par les Etats-Unis (doctrine Kissinger).
4. Chine
Quelques mois après les événements
qui ont secoué le pays, nous voyons un peu plus clair. Là,
la "reprise en mains" a eu’ lieu, brutale. Curieusement la
situation est totalement différente de celle d’URSS. Comme le
reconnaissait lui-même Alain Minc, lors d’un "7 sur 7"
qui se déroulait au moment des événements, les
revendications ne concernaient absolument pas l’économie dont
la progression est de 10% l’an. Quel pays capitaliste fait mieux ?
Les étudiants réclamaient liberté et démocratie.
Soit ! Mais quelle liberté, quelle démocratie ?
Le mouvement était essentiellement étudiant. Beaucoup
d’étudiants chinois vont étudier à l’étranger.
Ils voient les vitrines capitalistes. S’imaginent-ils que tout Français
peut s’habiller dans les magasins des Champs-Elysées ? Voient-ils
les 10 à 15 ou 20% de chômeurs dans nos pays ? Qu’ils réclament
une vraie démocratie sans scandales, sans corruption, bravo !
Mais il faut qu’ils sachent que la démocratie, actuellement,
ne peut être définie sans qualificatif : la nôtre
est bourgeoise et toute manifestation de grande ampleur qui voudrait
établir une démocratie réelle (étymologiquement :
gouvernement du peuple) serait sévèrement réprimée
voir mai 68, où De Gaulle in fine fit appel à l’armée.
Il en va de même pour la liberté, soeur jumelle de la démocratie.
Quelle liberté veulent les étudiants chinois ? Celle qu’on
trouve en Amérique dont ils ont reproduit la statue ? Celle de
la concussion, de la drogue, de la prostitution, du crime, du viol,
du chômage, des attaques répétées de banques
(1), des attaques au cutter dans les trains ou le métro, la liberté
de produire 70% de films de violence, d’avoir une téléludique
ou débile, la liberté d’avoir des écarts de salaires
de 1 à 20 et des millions de chômeurs ?
La meilleure façon pour le gouvernement chinois de calmer l’agitation
étudiante eût sans doute été de montrer ce
qui se passe dans les pays où soidisant règnent démocratie
et liberté. Si, au lieu de celà, le gouvernement laisse
entrer sans discernement des films ou revues étrangers qui ne
sont pas innocents, il aura des retours de flamme.
Quelle n’a pas été ma surprise de voir, balayé
par une caméra, un kiosque à journaux où on pouvait
voir LUI. Je ne suis pas puritain, mais on peut penser que les Chinois,
avides de devises, ont des besoins plus impérieux à satisfaire.
Et que la liberté et la démocratie sont ailleurs.
Alors, après 1989 ? Personnellement, je suis inquiet. Je finis
par rejoindre, au moins partiellement, les préoccupations souvent
exprimées par notre ami Muller dans ces colonnes. Trop, c’est
trop ! La fin du 20e siècle verra-t-elle comme l’affirme A. Minc,
la fin du communisme ? Traduisons plus généralement : la
fin des espoirs socialistes. Le 2l e siècle verra-t-il le triomphe
d’un super réalisme (2) planétaire, où se généraliserait
une super société duale interne et nordsud ? Ce n’est pas
imaginable.
Maurice Allais, Prix Nobel d’économie, prédit un second
krach boursier. Nous, nous ne pouvons que souhaiter que le capitalisme
s’écroule avant d’avoir asservi toute la planète. Et pourtant,
le libéralisme et la dérèglementation tous azimuts,
fille de celui-ci, se sont imposés depuis une décennie
comme "philosophie" économique de sortie de crise.
Le libéralisme comme le sida - et dans le même temps -
s’est développé dans le monde entier : Angleterre, Allemagne,
Japon, monde occidental. Il s’infiltre dans les pays socialistes. Il
recouvre de sa chape de plomb les pays pauvres d’Amérique du
Sud, d’Afrique et d’Orient. Les socialistes partout ont fait leur l’économie
de marché comme la seule capable de résoudre les problèmes
de production et, selon les critères capitalistes, de distribution.
C’est, sans doute, qu’aucun pays socialiste, (je mettrai personnellement
à part la Chine qui a résolu ses problèmes essentiels
de croissance avec une population qui a presque triplé en 40
ans) n’a pu laisser entrevoir au cours des décennies passées
une ébauche suffisamment crédible du "paradis terrestre"
promis par les grands penseurs du socialisme ?
Alors, Jacques Duboin et l’économie distributive pour assurer
l’avenir du socialisme ? sans doute, sans nul doute.
(1) Il n’est pas inutile de rappeler à ce propos
ce que je racontais dans la Grande Relève de Novembre 86 après
mon voyage en Chine : entré par hasard dans une caisse d’épargne,
j’ai vu derrière un comptoir haut comme une table, sans grillage,
sans flics, une cinquantaine de machines qui comptaient des billets.
Imaginez cela dans les pays de "l’Ouest"...
(2) Un libéralisme de façade : voir encadré "libéralisme ?
Actualité
Au récent "Sommet des peuples
les plus pauvres", organisé à la Mutualité
le 15 Juillet dernier, Jacques Robin a pu intervenir pour parler "d’une
autre logique du développement général", affirmant
d’emblée que la question centrale est de tracer les voies d’un
nouveau mode de développement pour les sociétés
humaines, c’est à dire d’autres pratiques et d’autres concepts
économiques socio-culturels, politiques, et éthiques,
mieux adaptés à la culture vivante des sociétés
et des individus qui les composent. Après avoir rappelé,
en une analyse qui, là encore, rejoint parfaitement les nôtres,
les relations de l’économie à la nature et aux technologies
nouvelles, l’orateur a montré l’inadaptation d’une économie
devenue absurde, surajoutant aux conditions traditionnelles de l’exploitation
de l’homme par l’homme, l’exclusion aussi bien des êtres humains
des pays pauvres que des nouveaux pauvres des pays riches.
La conclusion de l’exposé est la contribution de J.Robin à
l’inventaire de propositions de transition vers l’économie distributive :
Pour répondre à la fois aux impératifs
de l’environnement naturel de la biosphère et pour utiliser à
plein les moyens offerts par les progrès des technologies informationnelles,
plusieurs conduites novatrices sont à introduire dans le développement
économique. Elles concernent en particulier le rôle de
la fonction économique, la placé du marché, l’utilisation
de la monnaie.
Nous gardons l’idée d’une fonction économique chargée
d’optimiser la gestion des biens semi-rares, en y introduisant les palliatifs
sans valeur comme ceux du "partage", de "l’économie
mixte" ou de la "croissance avec pacte social". Ce qui
nous manque en fait c’est une philosophie économique capable,
devant l’abondance possible, d’associer la mise en commun, la créativité
et la solidarité. Nous croyons indispensable de sortir du champ
de la justice économique classique dite commutative (où
l’échange des droits et des devoirs est fondé sur la fiction
de l’égalité des personnes) pour nous engager dans la
voie d’une justice plus distributive qui donne à chacun selon
ses besoins et ses talents. Sans ce recadrage de la fonction économique,
les aspirations profondes qui se manifestent partout aujourd’hui à
un nouveau mode de vie et à un nouveau sens des finalités
de l’aventure humaine ne pourront que s’exaspérer de ne pas être
satisfaites.
Le système actuel, malgré la montée inexorable
des revenus dits sociaux dans les pays industrialisés, ne se
résout à prendre que des mesures "cache-misère"
: le revenu minimum (avec ou sans insertion !) distribué aux exclus
les plus démunis dans les pays industrialisés ; la réduction
des dettes ou des distributions caritatives dans les pays du Sud. Ces
propositions misérables par rapport aux réalités
ne parviennent pas à cacher la situation scandaleuse : des dizaines
de millions de sans-emploi dans les pays industrialisés ; une
plus grande importance des flux financiers du Sud vers le Nord, que
du Nord vers le Sud !
Comment opérer un retournement de l’économie ? Tout en
laissant fonctionner un grand nombre de mécanismes de concurrence
et de compétitivités commerciales qui correspondent à
des régulations économiques indispensables et aux comportements
"appris" de beaucoup de citoyens, il convient de mettre en
place progressivement une allocation de base pour tous, allocation distributive,
et non pas re-distributive. De nombreuses expériences à
ce sujet sont en cours ; elles doivent être évaluées,
et comparées à de nouvelles propositions comme le troisième
chèque, le revenu technologique... Il est également indispensable
de tester le fonctionnement de la gratuité de certains biens
(transports, nourriture...) comme base naturelle d’une économie
post-industrielle de la société de communication et d’autonomie
; ces expériences se garderont bien de tomber dans "l’assistance",
dont on a vu les méfaits dans les sociétés à
économie totalitaire : l’activité humaine a besoin d’effort
et de risque. Mais dans l’immédiat, la marchandisation de toute
activité représente le danger le plus puissant. Le point
essentiel à viser, c’est d’abandonner le moins possible de citoyens
dans les exclusions de toutes sortes : chômage, misère,
drogue, violences...
L’intrication des activités de production avec celles d’utilité
sociale nécessitent d’autre part, en priorité, de donner
toute importance au "développement local" dans des
institutions ouvertes et des réseaux décentralisés
à l’échelle des collectivités locales, des bassins
d’emplois et des régions. L’extension d’une telle micro-économie,
pour ne pas être détachée des régulations
de la macro-économie entraine le besoin d’infléchir les
concepts de marché et de monnaie.
" Le marché, terme des plus ambigus,
est à mettre au service des hommes et non au service de sa propre
finalité.
Le vieux débat sur la place de "l’économie socialiste
entre le plan et le marché", celui plus neuf qui cherche
à faire croire que le marché n’est plus un choix mais
une donnée, sont dépassés par les nécessités
des réalités écologiques et de l’intrusion des
technologies informationnelles.
D’ailleurs quel marché ? Ce mot entretient toutes les équivoques.
Sans aucun doute, le marché en tant qu’expression des conduites
de consommation des acteurs sociaux, en tant que lieu de rencontre des
offres et des demandes anonymes, fonctionne comme une pratique démocratique
irremplaçable, en lieu et place du "troc" ou du "bon".
Le marché, avec le système de prix fluctuants qu’il entraine
et qui interagissent sur la production des biens, n’a pas d’équivalent
pour l’instant dans la mesure où il est capable d’exprimer la
révélation des utilités et des désirs des
citoyens solvables.
Mais il existe à côté du marché, des champs
de répartition de biens et de services, personnels et collectifs,
dans lesquels le marché n’a rien à voir : les sites naturels,
de nombreux biens culturels, des biens essentiels comme l’eau non polluée,
l’air, les transports, et de nos jours les moyens de connaissance, de
curiosité et de communication.
Il est donc indispensable de structurer un champ limité pour
l’économie de marché et de rechercher d’autres modes de
régulation économique pour ce qui ressort de nombreux
objectifs écologiques et de justice sociale.
L’évolution économique qui fait irruption dans les pays
de l’Est et en Russie, à l’issue de l’échec total de l’économie
planifiée collectiviste, pourrait permettre en ce domaine des
points de rencontre avec la tentative de la Communauté Européenne
de construire une économie éloignée des sirènes
de l’économie libérale, qui se targue d’une ’main invisible’,
parfaite invention de l’idéologie dominante. Le Vieux Continent
n’est sans doute pas décidé à abandonner, ni au
marché-finalité, ni au plan-totalitarisme ce qu’il a conquis
au cours de luttes centenaires : un début de justice sociale
cherchant à s’appuyer sur la créativité personnelle
des acteurs économiques.
Dans cette orientation, il devient indispensable de repenser le problème
de la monnaie.
" L’outil traditionnel de l’économie,
l a monnaie, dont les avantages pour assurer une plus grande liberté
aux hommes ne sont pas à remettre en question, voit son rôle
dénaturé par le système industriel. Moyen d’échange
(et de pouvoir), elle se traite aujourd’hui comme un objet et l’utilisation
des cartes de crédit amplifie le phénomène. Lors
de la crise boursière d’octobre 1987, les transactions en sont
venues à figurer pour près de quarante fois la valeur
économique des biens qu’elles étaient censées représenter
! La monnaie de consommation et d’investissement est devenue objet de
spéculation. Certes, on commence à comprendre la nécessité
d’un accord de parités monétaires internationales, proches
de taux fixés, entre le dollar, le yen et l’écu. Mais
pour éviter les mouvements erratiques incessants des changes,
toujours défavorables aux pays du Sud, il faut rechercher une
référence monétaire mondiale plus stable, par exemple
un ’panier’ de matières premières dont l’idée a
déjà été avancée par MendèsFrance.
Mais là n’est sans doute pas le chemin le plus innovateur en
matière de monnaie. Si l’on veut, dans un tissu local ou régional,
relier les services productifs et les services d’utilité sociale,
nous sommes dans l’obligation d’envisager la création, aux côtés
de la monnaie principale de référence, d’une ’monnaie
locale’, non thésaurisable, limitée à sa consommation
dans un temps donné et pour des biens catégoriels précisés.
On peut voir une variante de cette expérimentation (sans monnaie !)
dans les ’systèmes d’échanges communautaires’ qui se développent
aux Etats-Unis : ils mettent en pratique la ’réciprocité
restreinte’ dans laquelle on échange travaux et services sans
recourir à l’argent. Il nous faut étendre ces expérimentations,
comprendre leurs mécanismes, déceler ce qui facilite des
rapports économiques quotidiens et conviviaux.
Or la ’monétique’ permettrait de résoudre certaines objections
liées à la soi-disant complication administrative et technique
d’un système à plusieurs monnaies. Il est confondant de
voir avec quelle rapidité les technologies informationnelles
sont utilisées losqu’il s’agit de maximiser les gains des plus
favorisés (banques, places boursières, établissements
financiers...) et les résistances dès qu’il s’agit d’innovations
d’intérêt général capables de mettre en cause
le système.
" Nouveau cadrage de la fonction économique
vers une économie ouvertement distributive, limitation des structures
de marché, utilisation diversifiée de la monnaie pour
la consommation, ces orientations entrainent, on le conçoit,
des transformations en profondeur.
La complexité croît encore lorsqu’il s’agit de prévoir
les régulations économiques planétaires tenant
compte des diversités territoriales. Raison de plus pour s’atteler
à ces questions vitales, à leurs méthodologies,
en demandant l’aide de l’imagination et de l’informatisation de haut
niveau.
Pour tenir compte des obligations écologiques et faire la place
aux conséquences inéluctables des technologies informationnelles,
le développement économique "capable de tenir la
route’ sera donc inévitablement plus complexe, plus ’combiné’
que I’économie de marché’, dépassée et dont
on nous rebat les oreilles, sans que l’on souligne la médiocrité
de ses performances pour la grande masse des consommateurs et les injustices
fondamentales qu’elle véhicule au hasard des circonstances.
Le développement économique vis-à-vis
du social, du politique et de l’éthique
Cette autre logique du développement économique, dont
nous avons souligné ici quelques pistes, ne peut être envisagée,
nous l’avons déjà dit, sans un immense effort parallèle
dans les domaines du social, du politique et de l’éthique.
Nous sommes arrivés à ce tournant de l’histoire où
l’économie devient le social lui-même.
Sans l’appréhension des besoins de justice sociale, l’écologie,
même scientifique, risquerait de sombrer dans une ’ingénierie’
avec son propre penchant terroriste. De leur côté, isolées
de la démocratie sociale et culturelle, les technologies informationnelles
rejoindraient les autres technosciences dans leur asservissement au
système industriel, marchand et militaire.
Ce qui est soulevé dans le cadre d’un autre développement
général, c’est la question du renouveau du système
politique lui-même : il ne s’agit rien de moins que de faire faire
un nouveau bond à la démocratie en promulgant ’les droits
et les devoirs de l’Humanité toute entière’ dans les multiples
domaines, socio-culturel, économique, institutionnel.
Au premier chef, il faudrait apporter tous ses soins à une éducation
pour tous, multidimensionnelle et transdisciplinaire ; elle donnerait
une place centrale à la créativité autonome, à
la connaissance, à la curiosité, enracinant ainsi la permanence
du renouvellement de la culture.
Enfin, un tel ’développement général’ remettrait
en cause, sans aucun doute, les moules traditionnels des ’morales reçues’.
C’est d’une éthique, questionnante des normes et des valeurs,
dont nous avons besoin pour épanouir l’humanité.
Pourrait-elle y parvenir en l’absence de fondements définitifs
et dans l’interrogation sans réponse du sens de la place de l’homme
dans la nature ? On peut le rêver, l’espérer et le préparer.
La responsabilité historique des citoyens et de la Société
Civile, des associations de citoyens, des ONG, des réseaux multiples
en lutte contre l’absurdité et la tragique de la situation planétaire
actuelle revêt une importance considérable : faire prendre
conscience des problèmes au plus grand nombre, expérimenter
des pratiques, faciliter l’émergence de nouveaux concepts.
A propos des arrangements européens de Madrid de Juin 1989 vers une devise unique, "The Economist" scrute périodiquement le paysage bancaire des décennies à venir pour les citoyens d’Europe. Avec une touche d’ironie envers le projet "social" de Delors et Gonzalez, il présente aux gens d’affaires de bonne compagnie un cours aimablement magistral sur les variantes possibles de la gestion monétaire commune ; aux britanniques indécis à cause des positions jusqu’alors intraitables de Maggie,Thatcher, il fait miroiter une solution rassurante et raisonnable en apparence : "ne rien changer’, si ce n’est la remise du pouvoir bancaire discrétionnaire à une sorte de comité central d’experts ; c’est le banquisme intégral.
Entre les lignes, le commentaire révèle
cependant l’enjeu que s’apprêtent à saisir ces "responsables
du crédit", discrètement tapis dans l’ombre des ministres
des Douze et des directoires des Banques Centrales.
Le commentateur commence par ironiser sur l’idéalisme social
du plan Delors, préférant appeler "Monnet" notre
Ecu par trop franchouillard. Surtout il critique l’absence d’exposé
sur une utilité réellement immédiate du Plan. Cette
position plait aux Britanniques traditionnellement nonlégistes,
et tend à rassurer d’autre part les plus lucides d’entre eux,
incertains sur la justesse des exigences de leur dame de fer avant tout
accord ; pour ("Economist", oui, il vaut mieux accepter les
options minimum du Plan, çà ne fera pas de mal aux chers
portefeuilles, à condition de laisser le pouvoir bancaire aux
mêmes "autorités responsables", et de laisser
à chaque pays les règles et les décisions autonomes
du passé, qui facilitent tellement la division des esprits d’un
pays à l’autre.. La discussion au premier degré des modalités
du projet est d’une lumineuse simplicité :
1. A quoi la réforme monétaire proposée est-elle utile ?
2. Quelle forme devrait-elle prendre ?
- soit liée à l’union économique et politique ?
- soit liée à la monnaie ?
L’imprécision des attendus du projet présenté
par Delors semble avoir produit une curieuse confusion au Parlement
européen entre une "Alliance’ des Allemands de l’Ouest et
des Français obsédés par les désordres des
taux de change et par le rêve d’un "progrès historique"
d’une part, et le groupe des antiDelors d’autre part, opposés
à tout
contrôle des capitaux et à l’entrée de devises faibles
dans un système monétaire européen non encore stabilisé
; I"’Economist" ne se pose pas la vraie question préliminaire
qui est :’pourquoi nos monnaies sontelles stables ?" et à
qui profite cette instabilité ? au lieu de celà, il fait
un cours de banquisme, génial exercice d’équilibres instables :
à propos de 1990, ’quand les capitaux passeront " : pour
conserver les capitaux dans un pays frappé par la dévaluation,
il faut augmenter les taux d’intérêt (l’auteur note avec
une pointe d’humilité que c’est justement la manoeuvre inverse
qui contient actuellement les dévaluations italienne et espagnole,
mais qu’importe...). Une telle hausse des taux d’intérêt
lui semble inutile si on exerce un contrôle sur les capitaux..
Le non-contrôle par les politiques est le meilleur moyen pour
le monopole du crédit de s’arranger discrètement pour
les tenir et nous tenir étroitement entre leurs griffes par gen
darmes de loi et d’ordre interposés les pays ’policés"
se laissent tondre, et pour les autres il suffit de savoir corrompre
- ou faire assassiner - les représentants de I’"autorité".
Ainsi, le désordre économique international n’a pour palliatif
que le "sage" et discret contrôle du crédit par
les réels maîtres du monde industrialisé.
L’idée de Delors de réduire les tensions à la source
en maintenant une discipline stricte d’équilibre des taux de
changes pour la zone européenne ne parait pas séduire
l’"Economist" ; n’est-ce pas parce qu’elle apporterait enfin
un peu de sécurité aux producteurs, sur lesquels repose
l’espoir de résoudre la crise ? Assurer les acteurs de l’économie
qu’ils ne seront plus condamnés à l’échec par des
sauts imprévisibles de la valeur financière des indispensables
tickets de crédit, voilà qui ôterait du pouvoir
à la maffia mondiale du ’crédit".
Ce que propose le bon apôtre du banquisme au nom de la liberté
d’entreprise, c’est que chaque gouvernement européen gère
son inflation nationale par les restrictions budgétaires et par
l’impôt...
Enfin l’idée proposée pour une harmonisation des taux
d’inflation entre pays lancés dans la guerre civile européenne
des marchés, c’est, je vous le donne en mille, la référence
à l’or !
Voilà, la boucle est bouclée, inutile de se poser des
questions sur ce qu’est la valeur économique et ce qui fait le
crédit réel d’un bien économique ni le crédit
correspondant à ouvrir aux hommes automatiquement solidaires
de ceux qui l’ont produit le crédit réel est un moyen
de déterminer l’optimum économique, pas un instrument
d’appauvrissement des peuples !
L’actualité
Comme chacun le sait, les économies des pays de l’Est sont aux abois. Les Soviétiques, Polonais, Hongrois, Allemands de l’Est et même Roumains ou Bulgares sont sommés de se convertir au plus vite à l’économie de marché et au capitalisme "libéral’ par les médias occidentaux, s’ils veulent survivre. La création de sociétés mixtes ne suffit plus, les capitaux sont pressés de s’investir et réclament pour cela des garanties sûres et immédiates.
Dans la zone dollar, c’est-à-dire le reste du
monde, tout va bien ( !) et aucune réforme majeure, ni même
mineure, n’est envisagée par les économistes aux ordres
de la haute finance. Evidemment, il y a bien la dette des P.V.D. dont
le montant astronomique dépasse 1300 milliards de dollars ; il
y a bien aussi la dette extérieure des Etats-Unis qui avoisine
400 milliards de dollars. Mais tout cela n’est que très légèrement
inquiétant et ne remet pas en cause l’optimisme de commande qui
attire placements lucratifs pour le prêteur et clients stimulés
par la publicité qui se battent pour acheter. D’ailleurs les
banquiers japonais et les riches porteurs des pays pauvres ne se précipitent-ils
pas sur les bons du trésor américain indispensables pour
financer la dette américaine ?
François Mitterand annonce une remise de 800 millions de francs
à nos créanciers, une misère ! Plus sérieux
: après le Mexique, les Philippines cherchent à obtenir
une réduction d’au moins 35% de ce qu’ils doivent aux institutions
privées, en application du plan Brady.
L’objection catholique
Un certain nombre de personnalités, et non
des moindres, s’émeuvent tout de même. Le Pape Jean Paul
II controversé lorsqu’il joue à la superstar observe dans
sa dernière encyclique "Sollicitudo Rei Socialis" :
qu’il convient de dénoncer l’existence de mécanismes économiques,
financiers et sociaux qui, bien que menés par la volonté
des hommes, fonctionnent souvent d’une manière quasi-automatique,
rendant plus rigides les situations de richesse des uns et de pauvreté
des autres. Ces mécanismes manoeuvrés d’une manière
directe ou indirecte par des pays plus développés, favorisent
par leur fonctionnement même les intérêts de ceux
qui les manoeuvrent...". (paragraphe 16). Et surtout, dans un domaine
qui nous intéresse particulièrement ici, il précise
: "...L e système monétaire et financier mondial
se caractérise par la fluctuation excessive des méthodes
de change et des taux d’intérêt au détriment de
la balance des paiements et de la situation d’endettement des pays pauvres.."
(paragraphe 43).
Dans sa livraison de juillet-août , le mensuel ’Responsables’
du Mouvement des Cadres : techniciens, ingénieurs et dirigeants
chrétiens (MCC) (1) publie un article signé Leila Preilec
de Boston, intitulé "Une encyclique qui fait du bruit".
L’auteur rapporte la satisfaction de la gauche américaine à
l’idée que le Pape accepte le concept de ’structures de péché"
semblant ainsi se rapprocher des vues des théologiens de la libération
latino-américains. Elle cite le paragraphe 22 de l’encyclique
où le Pape dénonce la tendance des deux blocs à
l’impérialisme, paraissant rejeter les systèmes capitaliste
et communiste dans une même réprobation. La droite des
Etats-Unis se déchaîne à l’idée que le Souverain
Pontife, pourtant Polonais, ignore que le capitalisme est la réalisation
historique du royaume de Dieu sur terre et renvoie l’Est et l’Ouest
dos-àdos. ’New Republic" et le ’New York Times" se
distinguent particulièrement dans l’indignation.
Economistes contestataires
Maurice Allais, seul Prix Nobel d’économie
(2) français de ces dernières années, fut un des
rares experts économiques à avoir prévu le krach
d’octobre 1987 (3). Dans deux articles du "Monde" des 27 et
29 juin 1989 que nous avons déjà relevés (4), il
stigmatise l’économie "casino’, les ’..gigantesques pyramides
de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre
fragile.." et la ’création de monnaie ex-nihilo par le système
bancaire (ainsi que) la pratique généralisée de
financements longs avec des fonds empruntés à court terme....".
Comme quelques autres spécialistes, tels que les catholiques
qui ont inspiré Jean-Paul Il et Jacques Riboud, par exemple,
ainsi que des grands patrons : Jean-Louis Beffa, Président du
Groupe Saint-Gobain, et Pierre-Yves Cossé, Directeur Général
adjoint de la BNP, Maurice Allais proteste contre les variations erratiques
du dollar. Citons JeanLouis Beffa : ’...ces fluctuations (monétaires)
sont devenues d’une ampleur qui va bien au-delà de la maîtrise
qu’un industriel peut avoir sur ses prix de revient. On pouvait paraitre
un industriel génial avec un dollar à 9,50 F et être
réputé mauvais avec un dollar à 4,50 F...’(5).
M. Allais montre que cette instabilité provient des flux financiers
essentiellement spéculatifs ( ?) qui sont actuellement de 420
milliards de dollars, soit environ 34 fois plus élevés
que le total du commerce international qui se monte à environ
12,4 milliards de dollars par jour. En 1980, le rapport était
seulement de 12,5. Le montant total des réserves de change des
sept pays les plus riches est, par comparaison, de 311 milliards de
dollars.
Il faut donc être aveugle pour ne pas voir que les gouvernements
des sept, même unis, sont incapables d’influer durablement sur
la tendance des changes ; seuls ceux qui tiennent les marchés
sont en mesure de le faire, en fonction de leurs puissants intérêts.
Ainsi que le constate M. Allais, les groupes de pressions monétaires
et financiers ne sont évidemment pas favorables aux réformes.
Et il ajoute : "...l’emprise de certaines écoles contemporaines
fait songer naturellement à celle de certaines religions. Il
faut plus de pouvoir pour diffuser des idées simples, claires
et cohérentes que pour introduire des concepts obscurs, se prêtant
à toutes les interprétations et s’adaptant facilement
à toutes les opinions, à tous les sentiments, ...".
Et il attaque les doctrines dogmatiques, contradictoires et irréalistes
soutenues avec assurance, puis abandonnées au cours des 45 dernières
années, les sophismes et les modèles mathématiques
irréalistes qui n’ont eu pour objet que de remettre à
plus tard les ajustements nécessaires.
Des solutions ?
Maurice Allais propose trois mesures indépendantes
les unes des autres :
- Dissociations des activités bancaires entre banques de dépôts
d’une part et banques de prêts d’autre part, en vue de rendre
impossible la création de monnaie par les établissements
et le financement du long terme par le court terme. L’Etat seul bénéficierait
de la création monétaire assurée par une banque
centrale indépendante du pouvoir.
- Indexation de tous les engagements sur l’avenir, afin de rendre corrects
les calculs économiques et assurer des relations équitables
entre créanciers et débiteurs. Ce qui revient à
instituer une unité de compte de valeur réelle et invariable
dans le temps.
- Réforme convenable du système monétaire international
par abandon du dollar en tant que monnaie de compte, de réserve
et d’échange. Institution d’un système de changes fixes
mais révisables et, finalement, création d’une monnaie
internationale commune.
Nous avons vu précédemment (6) que Jacques Riboud, animateur
du Centre Jouffroy pour la réflexion monétaire, préconise,
lui aussi, le remplacement du dollar par une monnaie européenne
: eurostable ou écu constant. Ce projet consiste à remplacer
un impérialisme monétaire (américain) par un autre
(européen), comme l’américain avait remplacé l’anglais
après la dernière guerre, ce qui ne parait pas très
rationnel.
Dans son livre ’Compétitivité mère du chômage"
(7) que nous avons plusieurs fois signalé à l’attention
de nos lecteurs, notre ami mondialiste, G. Marchand, rappelle les innombrables
interventions qu’il a menées auprès des personnages les
plus connus pour faire connaitre nos thèses et celles des Citoyens
du Monde. Malgré sa ténacité, sa persévérance
et sa constance admirables, G. Marchand explique qu’il n’a trouvé
en face de lui que le mépris, le silence ou de vagues encouragements
sans suite. Son activité incessante pour la bonne cause mériterait
un meilleur sort. Guy Marchand soutient, bien évidemment, qu’une
réforme du système monétaire international est
nécessaire ; là aussi, une dose de supranationalité
est indispensable et les nouvelles règles adoptées pourraient
alors recevoir vraiment l’appellation de système monétaire
mondial.
Le regretté Charles Warin, cité par Marchand,
avait envisagé dans un ouvrage trop méconnu "Une
monnaie pour un nouvel ordre économique mondial" (7) la
mise en place progressive du "primon" qui se substituerait
au dollar. Cette unité échappe au reproche adressé
ci-dessus à l’eurostable. Elle répond au souhait de Maurice
Allais avec beaucoup de précisions sur sa définition et
la méthode pour l’introduire dans les échanges mondiaux.
Un système ingénieux, dans le détail duquel nous
ne pouvons pas entrer ici, permet la stabilité d’un coût
des matières premières et évite la détérioration
des termes de l’échange si défavorable aux P.V.D. Cette
monnaie ne sert qu’aux règlements entre Etats et constitue uniquement
un moyen de paiement des marchandises essentielles.
Voilà des projets susceptibles de pallier les défauts
et inconvénients reconnus par les observateurs les plus lucides.
Les chances de réalisation
Les changes sont non seulement fluctuants, mais ils sont bilatéraux. Les monnaies sont cotées en francs à Paris, en dollars à New-York, en marks à Berlin, en yens à Tokyo, etc.. Des distorsions peuvent s’introduire suivant l’humeur des marchés. La tenue du franc est généralement jugée non pas rapport au dollar, mais par rapport à son concurrent, le mark et, dans une plus faible mesure, la livre. Pourquoi ? Une unité commune existe bien, il s’agit du D.T.S. (Droit de Tirage Spécial) utilisé par le Fonds Monétaire International, mais sa valeur est fixée en dollars et il ne s’agit que d’une monnaie de compte utilisable seulement entre banques centrales. De plus, les montants en circulation sont trop faibles pour régenter les échanges.
Le besoin d’une unité internationale est donc
largement ressenti. Le 30 septembre 1987, le Secrétaire d’Etat
au Trésor des Etats-Unis, James Balcer, avait proposé
d’utiliser à cet effet, mais comme indicateur seulement, un panier
de matières premières incluant l’or. Ce n’était
d’ailleurs pas la première fois qu’une telle mesure était
envisagée. Depuis W.S. Jevons, économiste anglais, en
1875, jusqu’à A. Hart, N. Kaldor et J. Tinbergen en 1964, idée
soutenue par Pierre Mendès-France, en passant par J.M. Keynes
: le bancor, en 1942-43, F. Hayek en 1943 et M. Friedman en 1953 ont
proposé des constructions basées sur un étalon-marchandise.
Tous ces auteurs se sont heurtés au mauvais vouloir ou conservatisme
et il faut ajouter aux énormes intérêts en cause
dans ces matières. M. Allais et J. Riboud, nous venons de le
constater, en sont conscients, Ch. Warin l’était aussi. Dans
le dernier paragraphe de son livre intitulé "Le mur des
impérialismes", il explique qu’un projet, le sien, qui entamerait
la position hégémonique du dollar, qui compromettrait
les situations acquises dans l’aide bilatérale, qui priverait
les gros producteurs céréaliers, dont les Etats-Unis,
de l’arme politique de la faim, qui serait défavorable aux multinationales
en permettant aux Etats spoliés de les taxer...se heurterait
au mur des impérialismes.
Même en tant qu’indicateur, les matières premières sont contestées : les marchés sont variables, spéculatifs et soumis aux interventions des Etats ; enfin leur importance dans le commerce international a tendance à se réduire au bénéfice des produits manufacturés jusqu’aux plus sophistiqués, comme ceux de la chimie ou des composants électroniques, ainsi que des échanges de services.
Parce qu’ils se veulent réalistes, aucun des réformateurs du Système Monétaire International que nous avons cités dans cette chronique ne propose de sortir vraiment du capitalisme, même si certaines de leurs propositions sont radicales. D’autres penseurs ont déjà objecté (8) la consubstancialité qui existe entre la monnaie scripturale bancaire et l’économie capitaliste. Qui touche à la monnaie touche à l’ensemble de l’édifice. Qui conteste le pouvoir et les privilèges bancaires attaque les structures dont l’impérialisme tire son emprise sur les peuples. Le réalisme conduit donc à l’impuissance. Il s’apparente au réformisme de certains mondialistes qui veulent créer des institutions mondiales supranationales en s’appuyant sur les hommes politiques et les institutions dont la raison d’être est justement de conserver les bénéfices qu’ils tirent de la gabegie actuelle.
Les défenseurs du capitalisme ont beau jeu,
surtout dans la période présente de déconfiture
du communisme soviétique, à faire croire aux naïfs
qu’il n’existe pas d’autre alternative.
On nous opposera qu’il n’y a pas, pour le moment, de forces populaires
capables d’impulser la rupture. C’est probablement vrai. Nous préférons
néanmoins offrir un projet de société vraiment
mobilisateur plutôt que des rafistolages sans espoir.
(1) 18, rue de Varenne 75007 Paris
(2) Si tant est qu’il existe vraiment un Prix Nobel d’économie.
Voir G.R. n° 877, page 6
(3) Il prévoit l’éventualité d’un nouvel effondrement
boursier et d’une récession mondiale dans un entretien accordé
au quotidien "La Presse" de Montréal (Le Monde du 30
mai 89)
(4) Voir "De l’écu à notre moulin" dans la G.R.
n° 881
(5) Dans "Responsables" voir nota (1). La parité du
pouvoir d’achat (P.P.A.) est en effet loin d’être assurée
entre le dollar et les autres monnaies principales.
(6) "Sur la monnaie" G.R. n° 865
(7) Club humaniste, 15, rue Victor Duruy ou 45, rue des Morillons 75015
Paris
(8) Voir notamment "Sommes-nous Geselliens ? " G.R. n°
868
Babil de visionnaire :
Un titre en trompe-l’oeil, accrocheur, laissant espérer
tout autre chose qu’un appel aux cadres et chefs d’entreprises pourvus
d’un solide patrimoine, pour les inviter à vivre de leurs rentes,
après liquidation de leurs biens immobiliers, et remise de leurs
économies à des SICAV et SCPI de bonne réputation
à l’appétit toujours ouvert.
A ce conseil, l’auteur ajoute une série de recettes pour bénéficier
de maints avantages fiscaux et autres, pour échapper à
la taxation des plus-values, profiter de la sécurité sociale,
de voyages à bas prix, pratiquer le métayage, et même
restaurer d’anciennes demeures seigneuriales, achetées à
crédit, mi-louées et revendues après cinq ans à
la barbe du fisc. L’âge optimum pour faire carrière dans
l’oisiveté ? 45 ans. "En France, écrit l’auteur, ce
ne sont pas les ouvriers qui coûtent cher, mais les autres, les
cadres, les techniciens et les agents de maitrise . En préférant
les charmes de l’oisiveté, ces cadres rendraient donc un fier
service à la collectivité, d’autant plus que leurs placements
pourraient financer la modernisation de l’appareil productif. Etant
aussi plus économes et moins voraces en énergie, puisqu’ils
auraient tendance à émigrer vers les cieux ensoleillés,
ils contribueraient à réduire nos importations de pétrole
et de biens de consommation qui sont les deux grands postes déficitaires
de notre commerce extérieur. Amorce d’un cercle vertueux qui
démontre assez la pertinence des paradigmes de la théorie
économique libérale sur lesquels nous nous sommes appuyés."
Le ton est donné. Il ne s’agit pas de casser la baraque, mais
de la rafistoler en réduisant les coûts de production,
le chômage des jeunes, la charge des retraites, l’inflation, le
déficit des échanges. "partagés entre le travail
amateur, les entraides, l’échange d’idées, les voyages
lointains, les pratiques sportives et culturelles, les activités
éducatrices, les rentiers seraient à l’origine d’une révolution
culturelle qui représenterait peut-être là mutation
des valeurs dans l’art de vivre la plus importante de l’histoire de
l’humanité"
Sans doute J. Marseille dénonce-t-il la sacralisation du travail
imposé et brocarde-t-il à propos de ces gaspillages, citant
Keynes : "Si le Ministère des Finances remplissait de vieilles
bouteilles avec des billets de banque, les enterrait à une profondeur
convenable dans les mines de charbon désaffectées qu’on
remplirait ensuite d’ordures ménagères et s’il laissait
aux entreprises privées le soin selon les principes établis
du laisser-faire, de retrouver ces billets, il n’y aurait plus de chômage
et les répercussions seraient telles que le revenu réel
de la communauté serait sans doute plus élevé qu’il
ne l’est actuellement". Et d’ajouter : "On savait déjà
qu’épouser sa cuisinière faisait baisser le PNB, mais
ce qu’on sait moins c’est l’absurdité d’une notion qui ne mesure
que les biens utilisables pour un usage quelconque. Autant dire que
le gadget le plus inutile, le produit le plus nocif, les armements les
plus meurtriers sont ’utiles’ du moment qu’il existe pour eux des offreurs
et des utilisateurs. les excès alimentaires, les accidents de
la route entraînant des dégâts matériels,
les encombrements de la circulation doivent être vivement encouragés
dans la mesure où ils favorisent la croissance du PNB".
On n’en finirait pas d’épiloguer sur ce genre de propos auxquels,
il y a bien longtemps, les ouvrages de J.Duboin ont tracé le
lit. Mais J. Marseille se garde de conclure à la nécessité
d’une révolution économique et monétaire pour mettre
fin à tant d’absurdités dont il refuse d’identifier la
cause : les usages monétaires, le mode de formation des revenus,qui
en découle, les exigences du profit, la règle du jeu.
Il batifole, se bornant à énoncer quelques lapalissades
, brodant sur la vie idyllique promise, en période d’euphorie
boursière, aux personnes dont l’ensemble du patrimoine atteint
au minimum deux millions de Francs, gibier de choix pour le commerce
du crédit, ballon d’oxygène pour la promotion immobilière,
pour la spéculation boursière. Eloge du loisir présenté
comme un formidable gisement culturel, le livre de J. Marseille brosse
de savoureux portraits du cadre féru de noppomanie et de germanomanie,
perdant sa vie à vouloir la gagner, ’insensible à l’enrichissement
futur de sa vie personnelle, assez stupide pour lui préférer
la vie cadencée, découpée, mutilée, du travail
qui le consume, courant toujours après le temps sans jamais le
rattraper". Inintéressants, en revanche, les salariés
de bas échelon.
La France travaille trop ? Il est certain qu’une nombreuse main d’oeuvre
besogne à seule fin d’approvisionner en biens futiles, en produits
de haut luxe, une mini clientèle ultra-fortunée et l’on
reste effaré du temps et des moyens consacrés à
faire circuler l’argent en vue de former revenus et profits. Le profit
fait feu de tout bois, source d’un gaspillage considérable de
temps, d’énergie, de matières premières. Un constat
éludé par notre visionnaire dont les chances de séduire,
en regard des intérêts en jeu, pèse moins qu’un
pipi de chat.
Réflexions
Il est beaucoup question, en ce moment de la construction de l’Europe et, surtout, grace au bicentenaire de la Révolution française et de la déclaration des Droits de l’Homme, du respect des minorités culturelles.
Mais dans les faits, qu’en est-il vraiment ?
La guerre des langues ne donne pas l’impression d’être meurtrière. Cependant des êtres humains meurent à cause d’elle, à cause du gaspillage. Elle accapare des fonds qui pourraient et devraient être consacrés à assurer la sécurité des populations éprouvées par des catastrophes, par la misère et la maladie. C’est faute d’argent que des projets urgents ne sont pas entrepris, alors que l’O.M.S. et la C.E.E. consacrent des budgets colossaux à des tâches improductives et de prestige... le multilinguisme ! Et ceci malgré les résolutions et recommandations de l’UNESCO et les pétitions mondiales en faveur de la langue internationale.
On ne mettra jamais assez en relief tous les aspects dispendieux et discriminatoires des procédés actuels d’incompréhension, leur caractère scandaleux, parfois révoltant
Ceux qui tirent profit de la foire aux langues pensent
avant tout aux moyens d’accroitre leur marge bénéficiaire
et non à réduire les conséquences du chaos linguistique.
Le public n’est guère informé sur les conséquences
de la politique linguistique actuelle. Faute de bien comprendre la situation
dont il est victime, il demeure passif, crédule. Cependant, et
malgré les moyens matériels et financiers considérables,
ainsi que la publicité et les préjugés favorables
dont bénéficie la langue anglaise, il apparait évident
que la progression de cette langue est médiocre et que les résultats
sont piteux. A côté de cela et malgré de longues
périodes difficiles (guerres,
censure et persécutions sous les régimes totalitaires,
notamment Hitler), malgré les préjugés, l’ignorance,
la stupidité, la sous-information, l’espéranto a conquis
depuis 1887 une place non négligeable dans divers domaines et
il continue sa lente mais ferme progression.
Le prolongement du chaos linguistique ne doit pas être mis systématiquement
sur le compte des anglophones, mais plutôt sur la passivité,
l’esprit de routine et de soumission, l’inconscience et l’inconséquence
de certaines autorités de divers pays (cf la promesse de M. Mitterrand
en Avril 1981 d’inclure la langue internationale dans l’enseignement
primaire et secondaire comme langue à option...).
Gravés au frontispice de certains édifices publics, les
mots "liberté’, ’égalité’, ’fraternité"
semblent témoigner du caractère superficiel, démagogique,
éphémère et dérisoire de certaines devises
comme de certaines déclarations officielles. Il est certes plus
facile de les inscrire dans la pierre que d’en imprégner les
coeurs et les esprits.
Je ne comprends pas pourquoi les mass medias français (sauf FranceInter
lors du Centenaire de l’espéranto) continuent à favoriser
l’envahissement de l’anglo-américain - ou Bad English - au détriment
de notre propre langue. Je ne souhaite pas que celle-ci subisse le sort
de trop de langues minoritaires, autant de trésors désormais
perdus de l’humanité.
Libéralisme
5,25 millions de francs : c’est le montant des amendes qu’a infligées le Conseil de la concurrence aux cinq plus grands fabricants d’encre français. Motif : ces entreprises, qui contrôlent les deux tiers du marché, ont constitué en 1985 un véritable cartel afin de maintenir les prix de vente élevés. Résultat : les consommateurs sur ce marché évalué à 1,6 milliard de francs par an, ont perdu tout le bénéfice de la baisse des prix du pétrole, dont est dérivé l’essentiel des matières premières de l’industrie.
EDJ 10/16 août (envoi de A. Prime)
***
"Le rappel du Morbihan", hebdomadaire d’informations de la Fédération Socialiste du Morbihan, publie dans son numéro du 17 août 89, une contribution de Rémy LE COZE de Lorient. Cette "tribune" appelle à ne pas restreindre le prochain congrès à une bataille de positions entre des présidentiables potentiels et à s’ouvrir vers une transformation profonde et durable de la société française par une économie nouvelle de type distributif.
(envoi de Ch. Chilard)
***
Bourse : un temple inutile
Réponse de M. Barreau à une lectrice
et publiée par Ouest France (à propos de la Bourse) :
"Suite à votre article "l’Argent et la Bourse",
permettez de vous dire que vous faites une sorte d’amalgame entre l’argent
et la bourse. Non, une économie à l’échelle des
valeurs saines, c’est-à-dire non mercantile, non corrompue par
l’argent-profit, n’a pas besoin du temple Bourse, dédié
à Mammon, cet appât du gain sans effort, fruit juteux du
profit financier, allant dans l’escarcelle de spéculateurs, au
détriment d’une masse de non initiés... Moyen d’échange,
la monnaie a été détournée de ce rôle
initial.
Apprendre aux jeunes à boursicoter, dites-vous ? Ne serait-il
pas préférable de leur expliquer l’alchimie monétaire,
reposant sur du vent et conduisant à la ’misère dans l’abon
dance" ? N’ayant aucune valeur par elle-même, la monnaie
doit égaler en volume celle d’une production répondant
à des besoins "socialement utiles", et s’annuler dès
"le service effectué".
(envoi de H. Muller)
***
Une allocation au lieu de subventions
Sous ce titre, la revue "Nature et progrès"
de juillet-août 89 reproduit un article de la "Nouvelle République"
du 15/11/88 rapportant une déclaration de M. Patrice Leclercq,
spécialiste de l’amélioration des plantes dans les services
de l’agriculture dont voici la teneur
En tant que citoyen et contribuable, P. Leclercq propose de réformer
le principe pervers des subventions directes aux produits agricoles
: "Je propose qu’elles soient remplacées progressivement
par une allocation agricole (...) En effet, le système actuel
d’aide financière au produit (. ..) distribue dix fois plus de
fonds publics à celui qui laboure 400 hectares qu’à celui
qui en laboure 40. Que l’agriculteur de 400 hectares vende 10 fois plus
de produits, c’est logique, ce qui l’est moins c’est qu’il reçoive
proportionnellement autant d’aides d’Etat. Le contribuable n’est pas
opposé à une aide au cultivateur pour une bonne occupation
du territoire, pour éviter la désertification, la disparition
du tissu social (écoles, PTT...) pour l’indépendance alimentaire
(...) mais il trouverait anormal qu’elle profite plus au plus riche
qu’au plus pauvre(...).
De plus, l’aide aux produits a des effets pervers, en ce qu’elle encourage
l’investissement à l’hectare".
Pour P. Leclercq, si le prix de vente est soutenu, l’agriculteur pourra
investir dans des engrais et autres pesticides jusqu’à hauteur
du prix de mise en marché. Inversement, si le prix est moins
rémunérateur, le producteur limitera ses consommations
et notamment celle de produits de synthèse onéreux. La
nature ne s’en portera que mieux.
Notons pour comparaison la moyenne des subventions annuelles versées
aux agriculteurs français 10.000 F. ; à ceux des Etats-Unis
70.000 F (statistiques de Nov. 88).
L’allocation agricole serait égale pour tous les cultivateurs,
quelle que soit la surface cultivée. Elle permettrait également
de faire baisser les prix de commercialisation des produits agricoles
français (d’où une amélioration de l’équilibre
de notre commerce extérieur), tout en compensant cette baisse
de revenu agricole.
Cette allocation correspondrait à un service réel rendu
à la communauté nationale : l’aménagement et l’entretien
du territoire doivent recevoir un salaire.
Le fait intéressant est que les solutions financières
agissant en faveur de la production quantitative induisent des effets
pervers. Il faut donc s’orienter vers des solutions humanistes au lieu
de solutions ne recherchant que le profit financier.
Cette allocation serait un pas de plus vers le revenu social ; les dirigeants
et décideurs de notre société accepteront-ils de
le faire ?
Ce serait pourtant une solution équitable et favorable à
la pérennité de la présence humaine dans les campagnes.
(envoi de A. Tardieu)