Le 28 Janvier dernier, l’association "Europe 93" organisait à la Villette une réunion intitulée "L’Europe, acte pluriel". En introduction à cette rencontre, Edgar Pisani a lu le message rédigé par le Président de la République à cette intention. L’association a bien voulu nous en confier le texte, que voici :
Mesdames, Messieurs,
Vous vous êtes mis à l’ouvrage pour
élaborer un" projet de civilisation". Vous ne rejetez
point la dynamique de l’économie, vous voulez éviter
qu’elle ne régente la société des hommes. Vous
refusez que le marché façonne l’Europe ; dans une économie
qui se mondialise, vous exigez que l’Europe maîtrise son propre
destin et que pour celà elle existe politiquement. Vous êtes
épris de sciences et de techniques mais vous n’y enfermez pas
le savoir, encore moins la sagesse humaine. Partant de là vous
affirmez que c’est plus dans la richesse de sa culture et l’équilibre
de son modèle d’organisation que l’Europe peut proposer au
monde une référence utile. Vous ne rejetez pas les exigences
de l’instant mais vous êtes obsédés par l’avenir
de l’espèce et par celui de la planète. Vous voulez
que les droits de la personne soient respectés partout et pour
tous, que tout mépris, toute domination disparaissent, que
le droit à la vie, à la santé, contre la misère,
le droit au développement soient reconnus mais vous proclamez
les droits de l’espèce, partout menacée par ses oeuvres
et par ses excès. Vous magnifiez le travail car il est la maitrise
de l’homme sur lui-même et sur la matière. Vous croyez
à l’égalité comme à la liberté
mais vous savez qu’elles ne sont pas des dons de la nature, elles
sont de difficiles conquêtes. Vous croyez au progrès
mais vous ne vous fiez pas à lui. En bref au moment où
se crée l’Europe vous voulez qu’elle se donne une civilisation
qui soit à son échelle, à l’heure du temps, respectueuse
de l’homme. Et, prolongeant votre démarche, vous faites d’utiles
suggestions en matière sociale et universitaire en particulier.
Il convient d’en poursuivre l’élaboration.
Vous êtes conscients des deux difficultés de votre entreprise.
Comment fonder la construction culturelle et politique de l’Europe
sur l’unité de peuples qui doivent demeurer divers ? L’Europe
n’abolit pas la patrie, elle lui offre l’organisation où elle
peut le mieux s’épanouir dans un monde qui s’organise en vastes
ensembles de pouvoir et de civilisation. Unité et diversité,
identité et ouverture : voilà le premier défi
que vous relevez.
La seconde difficulté est d’une autre nature : peut-on vraiment
élabo-rer un "projet de civilisation" ? N’est-ce pas
la société elle-même, ses connaissances, ses entreprises,
la modeste vie de tous les jours qui produisent consciemment ou inconsciemment
cet ensemble de réalités palpables et de valeurs implicites
qu’on appelle civilisation ?
Vous récusez cette attitude, optimiste et fataliste à
la fois, qui abandonne le fleuve de l’histoire à une force
qui serait irrésistible et dont il faudrait subir la loi. En
effet, les hommes aussi font l’histoire et ils la font consciemment.
Inventer un projet de civilisation c’est réinventer la politique,
cet art difficile et cette morale exigeante par lesquels dans le respect
de l’homme, de la nature et du savoir, l’homme redeviendra maître
en sa demeure pourvu qu’il la gère avec le souci de l’avenir.
François MITTERRAND
Le travail de l’association se poursuit avec ardeur. Trois commissions ont été créées : ECOLOGIE, CULTURE, SOCIAL. Chacune élabore un texte qui sera soumis à discussion dans le courant du mois d Avril . Les distributistes qui voudraient soumettre des idées à l’une de ces commissions sont invités à les envoyer à la Grande Relève le plus tôt possible. Un texte sur l’économie et la monnaie est en préparation. L’ensemble devrait pouvoir être prêt pour publication, en plusieurs langues , à la fin de l’été.
Pour "poétique" que soit l’expression
"la guerre des étoiles" (la plus proche étoile
est à 4 années lumière !) pour désigner l’IDS
(Initiative de Défense Stratégique), il faut voir la réalité
brutale : une guerre des étoiles sonnerait le glas de l’Humanité
et probablement de toute vie sur notre planète. Une planète
née il y a 7 milliards d’années, une vie en marche depuis
2,5 à 3 milliards d’années, qui abouti à la génèse
de l’homme, l’homme précisément qui a la possibilité,
ou d’écrire son nom avec un grand H, ou de renvoyer au néant
ce qui l’a créé.
Qui eut cru cela possible il y a seulement un demi-siècle ?
C’est un lieu commun de dire que chacun des deux grands possède
un stock de bombes nucléaires capable de faire sauter plusieurs
fois la planète : ils possèdent en effet chacun environ
8.000 ogives, soit au total la puissance de 700.000 "Hiroshima".
Les accords Reagan-Gorbatchev sur la réduction des armes atomiques
- dont nous nous sommes réjouis - ne représentent qu’une
diminution de 3% de l’arsenal et ne concernent ni les fusées
intercontinentales, ni celles transportées par sous-marin. Or
on sait qu’un seul sous-marin américain par exemple transporte
assez d’ogives pour détruire les principales villes d’URSS. Autrement
dit, les deux grands gardent intacte la puissance d’une mutuelle destruction.
On peut se demander pourquoi l’URSS et les Etats-Unis ont accumulé
une telle quantité de bombes. La stratégie de la dissuasion,
également connue sous le nom "d’équilibre de la terreur"
ne repose pas obligatoirement sur une parité des forces destructrices :
témoin la "faible" force de dissuasion française.
Si on comprend aisément que les Etats-Unis capitalistes aient
un intérêt mercantile à fabriquer toujours plus
de bombes, de fusées, de silos, etc... on peut s’interroger sur
les mobiles qui ont poussé l’URSS à rechercher constamment
une égalité avec les Etats-Unis, à première
vuesuperfétatoire. Toutes ses dépenses militaires, nucléaires
ou traditionnelles, n’ont pu que nuire en effet à son développement
économique civil, comme on le reconnait du reste depuis l’ère
Gorbatchev.
Sans être dans le secret des stratèges soviétiques,
il est logique de penser qu’ils avaient leurs raisons pour avoir tant
de bombes ; logique également, par contre, de penser que Gorbatchev
a jugé qu’avec 8.000 ogives, on avait atteint un plafond au-delà
duquel toute nouvelle ogive n’ajoutait rien à la sécurité
du pays. D’où ses spectaculaires propositions pour mettre fin
à la course aux armements nucléaires Mais revenons aux
stratèges soviétiques. Ils s’appuient sur des chercheurs,
10.000 croit-on savoir. Savants et stratèges se sont naturellement
intéressés à ce qui pourrait être un jour
une "guerre de l’espace". Les Cosmos sont lancés en
si grand nombre que les médias ne les signalent même plus.
Et ce qui représente l’essentiel d’une guerre cosmique, ce sont
les armes Laser (à rayon X, à électrons libres,
chimiques) et les armes à faisceaux de particules, notamment
de protons. Or, en URSS, dans tous ces domaines, les recherches sont
activement poursuivies avec de gigantesques moyens : accélérateurs
de particules, réacteurs à fusion nucléaire. C’est
sans doute la raison pour laquelle Gorbatchev, dans son livre "la
Perestroika", avertit, comme le rappelait R. Marlin dans la Grande
Relève de Février, que 10 % des investissements consentis
par les Etats-Unis lui suffiraient pour contrecarrer l’avantage momentané
de son adversaire. Si chercheurs et stratèges soviétiques
ont entrepris de telles recherches, c’est qu’il était logique
qu’ils présument que leurs homologues américains avaient
ou auraient les mêmes préoccupations. Et de fait, c’est
ce qui apparait au grand jour, lorsque Reagan, le 23 mars 1983, fait
son discours mémorable sur la guerre des Etoiles, suivi un an
plus tard par l’adoption d’un programme sur cinq ans avec un budget
de 26 milliards de dollars.
L’homme qui aurait persuadé Reagan d’accélérer
les recherches et de le faire savoir ne serait autre qu’Edward Teller,
émigré hongrois, père de la bombe à hydrogène.
***
Comment expliquer ce "nouveau bond en avant"
en matière de guerre nucléaire, alors que la situation
de dissuasion semblait protéger - sauf folie ou accident imprévisible
- l’humanité d’une guerre nucléaire entre les deux grands ?
Il faut savoir qu’en plus de l’augmentation constante du stock de bombes,
la précision des tirs a fait des progrès considérables :
de plusieurs kilomètres à quelque cent mètres de
la cible. C’est cette double constatation : toujours plus de bombes,
tirs de plus en plus précis, qui a inspiré il y a déjà
plusieurs années aux EtatsUnis la doctrine de la "destruction
mutuelle assurée" (en anglais, Mutual Assured Destruction,
qui contractée en MAD veut dire "fou"), en cas d’attaque
de l’un ou l’autre des adversaires.
Tout responsable américain sain d’esprit, voulant précisément
conjurer cette folie, devrait considérer qu’il s’agit là
d’un état de dissuasion à la fois maximum et idéal ;
sauf à penser que les Russes seraient assez fous pour attaquer
et, par là même, s’offrir en holocauste dans le seul but
de détruire le sanctuaire du capitalisme...
Il faut croire que certains "responsables" américains,
civils ou militaires, ont réussi à convaincre Reagan que
cet équilibre de la terreur, pour grand qu’il soit, laissait
tout de même la porte ouverte à une possible "destruction
mutuelle assurée". Ils avançaient l’idée d’une
"survie mutuelle assurée". Comment ? Grâce à
un nouveau programme baptisé "défensif" évidemment,
précisément le programme de la guerre des étoiles.
Il s’appuie sur les trois nouvelles avancées majeures suivantes :
les satellites, la puissance et la miniaturisation des ordinateurs (on
aborde la cinquième génération), les armes à
haute énergie dont nous avons parlé, lasers et armes à
faisceaux de particules.
Nous ne pouvons entrer dans le détail du programme IDS ; ce n’est
d’ailleurs par l’objet de cet article. Sachons seulement que les problèmes
techniques sont d’importance. Trois exemples
- l’obtention de lasers à rayon X nécessiterait chaque
fois une explosion nucléaire dans l’espace. Comme il faudrait
400 à 500 "bases satellites", on imagine mal 500 bombes
nucléaires tournant en permanence au-dessus de nos têtes.
- pour les armes à faisceaux de particules, il faudrait des accélérateurs
d’un poids tel qu’on ne pourrait les mettre sur orbite.
- la principale difficulté réside dans la nécessité
de détruire dans l’espace, et en moins d’une heure, toutes les
fusées. Or "l’agresseur" éventuel peut envoyer
des têtes nucléaires en quantité et, de plus, des
leurres, c’est ce qu’on appelle "saturer les défenses adverses".
Peu de chance d’empêcher 5 à 10 % des bombes d’atteindre
leur objectif et de porter un coup mortel à l’Amérique.
Mais ne nous réjouissons pas trop des énormes difficultés
que rencontrent et rencontreront les chercheurs américains dans
leur programme IDS. Avec du temps et de l’argent, ils peuvent en venir
à bout ; il ne faut pas oublier que Bush a confirmé qu’il
n’abandonnait pas l’IDS. Que conclure de tout cela ?
J’ai toujours dénoncé dans mes articles le danger que
font courir au monde les Etats-Unis : ventes d’armes aux pays pauvres
pour prévenir ou combattre les révoltes des exploités,
mise en tutelle du tiers-monde par FMI interposé, nivellement
et abaissement culturels par des produits débiles, volonté
permanente de déstabiliser les pays de l’Est, etc...
Pour être plus précis, même si cette idée
n’engage que moi, je pense que les Etats-Unis ont repris, depuis la
fin de la guerre, le rôle dévolu, avant et pendant la guerre,
à l’Allemagne nazie par les pays capitalistes et l’Eglise (rôle
de Pacelli, légat du pape en Allemagne, et devenu Pie XII) : faire
d’une pierre deux coups en détruisant le pays du communisme,
qui risquait de mettre à mal et le capitalisme et la croyance
religieuse. La lutte a commencé dès 1917 avec l’intervention
étrangère qui avait alors échoué ; elle continue.
Sans oublier la Corée (Truman) ou le Vietnam (Johnson, puis Nixon),
Reagan a particulièrement représenté la relève
contre les "pays de Satan", malgré les concessions
calculées à la fin de son règne.
Le programme de la guerre des étoiles a un triple but :
1. La saturation têtes nucléairesfusées-silos devait
inévitablement conduire à une réduction du budget
militaire. C’est pourquoi, dès 1983, Reagan, homme du lobby militaroindustriel,
lance l’IDS qui offre des perspectives de marchés grandioses.
Tout le monde, nous l’avons bien vu, s’est précipité pour
y participer. De plus, quel que soit l’aboutissement du projet IDS,
il y aura des retombées sur les champs de batailles classiques :
petites armes intelligentes autodirigées, canons à laser
ou à faisceaux de particules, ordinateurs hypersophistiqués.
D’ici deux à trois décennies, l’armement "classique"
à terre peut être totalement obsolète et bon pour
des opérations de police. Quels profits en puissance !
2. Le programme IDS est dans la ligne chère à Kissinger :
empêcher Gorbatchev, ce révolutionnaire finalement dangereux,
de développer des industries de bien être en l’obligeant
à relancer un nouveau et lourd programme de défense tous
azimuts. En clair, déstabiliser le régime en amenant les
jeunes générations à réclamer plus de bien-être
, c’est-à-dire l’impossible dans de telles conditions, et donc
à créer des troubles graves.
3. Et si cela ne suffisait pas, dans dix, quinze ou vingt ans, à
condition que le bouclier IDS soit efficace à 99% par exemple
et que les Russes n’aient pas "suivi" dans la stratégie
de la guerre des étoiles, prendre le risque de réaliser
ce vieux rêve qui, nous l’avons vu, date de 1917 : détruire
la Russie et mettre les pays socialistes, terrorisés, en condition
d’abdiquer. Une provocation est si facile à monter et à
crédibiliser aux yeux d’un monde qui serait pétrifié,
cent fois plus qu’au lendemain d’Hiroshima, sous le choc de ce premier
grand bombardement nucléaire.
Et si l’URSS contrainte et forcée suivait dans la course insensée
que lui imposent les Etats-Unis ? (c’est d’ailleurs l’hypothèse
la plus plausible), on assisterait alors à une militarisation
totale de l’espace. L’équilibre de la terreur serait-il rétabli
à un nouveau palier ? La réflexion sur ce problème
est si vaste et si complexe qu’il est impossible à ce jour de
répondre.
Ce qui est sûr, c’est qu’un risque incommensurable aurait été
pris (ce risque existant du reste même si les seuls américains
mettent en place l’IDS). Ecoutons un spécialiste : "C’est
à l’ordinateur central qu’incombera la lourde responsabilité
de décider qu’une guerre est commencée et de livrer bataille
avant même que les responsables, tant politiques que militaires,
sachent que cette guerre a lieu ! Un ordinateur, aussi sophistiqué
soit-il, pourra-t-il distinguer, par exemple, la "signature"
infra rouge trahissant le lancement d’un missile de celle d’une très
inoffensive navette spatiale. Toute la question est là... "
On a froid dans le dos. En effet, avec un tel programme, tout se joue
en quelques minutes, puisque les fusées intercontinentales parcourent
la distance URSS-Etats Unis en une demi-heure. Or les "chiens de
garde IDS" sont géostationnaires (à 36.000 kilomètres)
et doivent au plus tard détruire les ogives un quart d’heure
après leur lancement. Pas question d’alerter le Président
des Etats-Unis et de lui demander de réunir son conseil, voire
de réfléchir dix minutes ! On mesure l’aberration de la
décision de Reagan de lancer un programme de guerre des étoiles.
***
Le combat que nous devrons mener, nous et les générations
qui nous suivent, pour sauver l’humanité, est décisif.
Après la période de restructuration en cours, le capitalisme
- l’impérialisme capitaliste plus précisément -
connaitra un nouvel état de crise : société duale
aggravée et insupportable, tiers-monde explosif (2. Le capitalisme
sera-t-il encore prêt, comme l’histoire nous l’a appris jusqu’ici,
à risquer le pire pour sauver ses privilèges ? La lutte
s’avère colossale :
-lutte contre ces nouvelles menaces de guerre nucléaire (sans
oublier cependant les guerres locales) -lutte sociale pour briser le
carcan de la société duale
-lutte en faveur du tiers-monde stopper la démographie galopante,
la destruction de ses forêts, le pillage de ses ressources
-lutte écologique, car sauver la planète de la guerre
ne suffirait pas si ses eaux, ses forêts devaient périr,
la glace des pôles fondre ou la couche d’ozone s’amenuiser dangereusement
et irréversiblement. Un combat de titans, face à l’ignorance,
à l’indifférence et à l’égoisme, et surtout
à l’appétit de profit à n’importe quel prix, ce
cancer de la société moderne.
Gorbatchev et la Trilatérale
En complément et illustration de deux études
parues récemment dans "La Grande Relève", nous
extrayons le passage suivant d"’Actualités Soviétiques"
du 25 janvier 1989 :
"... Mikhail Gorbatchev a reçu, le 18 janvier, au siège
du CC du PCUS une délégation de la Commission Trilatérale,
organisation non gouvernementale qui regroupe des personnalités
en vue des milieux politiques et du monde des affaires des EtatsUnis,
d’Europe occidentale et du Japon. La Commission Trilatérale était
représentée par ses co-présidents David Rockfeller
(pour les Etats -Unis), Georges Berthoin (pour l’Europe occidentale)
et 1. Okawara (pour le Japon), l’ancien Président français
Valéry Giscard d’Estaing, l’ancien premier ministre nippon Yasuhiro
Nakasone, l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger
et le rédacteur en chef de la revue "Foreign Affairs"
G. Hyland. lis sont venus à Moscou en liaison avec la préparation
d’un nouveau rapport spécial consacré aux relations Est-Ouest
dans les conditions créées dans le monde par la restructuration
en URSS et la politique extérieure basée sur le nouveau
mode de pensée.
La principale question qui intéressait les interlocuteurs de
Mikhail Gorbatchev était de savoir comment il évaluait
les possibilités de la pérestroïka et quand ses idées
seraient réalisées pour pouvoir soulever la question de
l’intégration organique de l’économie soviétique
dans l’économie mondiale. Valéry Giscard d’Estaing et
d’autres participants ont souligné qu’ils trouvent anormale la
situation où une puissance comme l’URSS ne participa pas aux
organisations économiques internationales comme le GATT le FMI,
la BIRD et l’ OCDE. Henry Kissinger a établi un lien entre ce
problème et la création d’un système international
où la rivalité fera place à la coopération
et les Etats assureront leurs intérêts non pas au détriment
des autres, mais par voie de contrats mutuellement avantageux. En référence
avec le discours de Mikhail Gorbatchev à l’ONU, des questions
ont également été posées sur la nouvelle
vision du monde, qui diffère de celle à laquelle l’Occident
s’était habitué à avoir affaire au fil des décennies,
sur les processus en cours en Europe et le rôle qu’y jouent les
Etats-Unis, sur la doctrine défensive soviétique, etc..
Mikhail Gorbatchev a exposé ses points de vue sur tous ces problèmes..."
Ainsi, sous le prétexte de la préparation
d’un "rapport", les représentants de la Trilatérale,
comprenant notamment Giscard d’Estaing et Kissinger, se font entendre
par la direction soviétique avec, en plus de Gorbatchev, MM.
Yakovlev, Medvedev, Faline, Akhromeev, Dobrynine, Tchernaïev, Arbatov
et Primakov. Une telle rencontre prouve que le gouvernement soviétique
n’ignore rien de l’influence occulte de la Trilatérale dans l’orientation
de la politique de tout l’Occident. Dans un second et court article
"Actualités soviétiques" ajoute d’ailleurs :
"Le concept du monde dénucléarisé n’est pas
une utopie, estime l’ancien Président français Valéry
Giscard d’Estaing qui séjourne à Moscou dans le cadre
de la visite effectuée par plusieurs membres de la Trilatérale,
organisation non gouvernementale internationale qui élabore des
approches de la politique extérieure, économique et sociale
des
pays capitalistes industrialisés d’Europe occidentale, d’Amérique
du Nord et du Japon.... " Mais, au fait, de quel droit, sauf celui
de représenter des oligarchies financières, ces personnalités
parlentelles au nom des puissances occidentales, en face des représentants
officiels de l’U.R.S.S. ?
***
Prix Nobel d’économie
Madame Susan George, auteur de "Comment meurt l’autre moitié du monde" (nous écrit : "Le Prix Nobel d’économie n’existe pas ! Alfred Nobel a laissé sa fortune à la Fondation Nobel qui devait primer ceux "qui avaient rendu les plus grands services à l’humanité". Les prix ainsi dotés étaient et demeurent au nombre de cinq : physique, chimie, médecine, physiologie, littérature, paix. Il n’y en a pas d’autres. En 1969, des tenants de l’économie libérale ont décidé de décerner un prix d’économie "à la mémoire d Alfred Nobel". Ce prix est financé par la Banque centrale de Suède, la Sveriges Riskbank. Il ne provient pas, et ne peut provenir de l’héritage d’Alfred Nobel. A-t-on le droit, même légal de le baptiser prix Nobel (...) ? Chacun peut constater quels économistes, presque toujours défenseurs d’un certain ordre, s’en trouvent honorés."
(Extrait du Monde 7 février 1989).
Un système économique, tout comme un système politique, se définit essentiellement, au niveau des causes, par la structure des pouvoirs. De cette structure dérive, au niveau des effets, le mode de fonctionnement de l’économie, envisagé dans ses traits généraux et permanents. A titre second, ces effets sont susceptibles de varier selon les conditions dans lesquelles s’exercent les pouvoirs ; celles-ci dépendent de certaines données propres à une époque, telles que le développement de la technique.
On s’explique, par suite, qu’il y ait deux manières de présenter notre doctrine : ou bien nous définissons l’économie distributive, sans référence explicite au présent, en l’opposant à l’échangisme ; ou bien nous insistons sur la coupure essentielle introduite dans l’histoire de l’économie par le passage de la rareté à l’abondance et sur l’inadaptation de nos structures aux conditions créées par la technique moderne. Toutes deux sont justes, mais la première permet d’embrasser les faits dans toute leur dimension historique et d’accéder à une vue d’ensemble parfaitement cohérente où les caractères de l’économie actuelle, quelle qu’en soit l’originalité, apparaissent comme le cas particulier d’une loi générale.
La loi générale est que l’échange, pratiqué en toute liberté et sur de vastes espaces, a toujours engendré inégalités et déséquilibres. Le mot est pris ici dans un sens large : il y a échange quand l’entrepreneur vend ses produits ou ses services, et aussi quand le salarié vend sa force de travail. Dans tous les cas, la règle de l’échange est le droit du plus fort. De lui naissent le profit et la concurrence.
A qui veut cerner, dans ce qu’ils ont de plus général, les désordres imputables à l’échange, il est utile de jeter un coup d’oeil sur le passé. Ce n’est pas une tâche aisée, parce que les faits sont complexes et que leurs causes ne sont pas toujours connues avec certitude. Je voudrais, en me limitant à certaines périodes, appeler l’attention sur quelques exemples clairs où se révèlent les conséquences habituelles du grand commerce, Je n’insisterais pas sur le chômage qui de tout temps a résulté d’un défaut d’ajustement entre la main-d’oeuvre disponible et les besoins de la production (1). Ni sur le profit, dont il serait difficile de retracer l’histoire.
J’aurai l’occasion de signaler d’intéressants
exemples de l’autarcie primitive. On est tenté d’opposer systématiquement
autarcie et commerce, mais il convient d’être prudent à
cet égard, parce que l’isolement économique évoqué
par le mot autarcie concerne tantôt une communauté restreinte,
soumise à une direction unique qui règle le travail et
la consommation, tantôt une collectivité plus vaste (région
ou nation) n’excluant ni les échanges internes, ni la pluralité
des centres de décision. Je propose de marquer cette distinction
en employant les termes d’autarcie communautaire dans le premier cas
et d’autarcie globale dans le second.
D’autre part, il serait peut-être plus juste d’opposer au grand
commerce, comme son contraire, une organisation internationale des échanges,
qui autrefois n’était à la rigueur concevable que dans
un vaste empire.
***
L’antiquité gréco-romaine fait apparaître la succession typique de trois périodes : autarcie communautaire -grand commerce- décadence.
A une époque ancienne, l’économie repose sur des groupements familiaux très restreints, qui vivent dans une autarcie presque complète : l’Oïkos de la Grèce archaïque et la villa des Romains. Bien que la répartition des produits consommables et des tâches n’y soit pas forcément équitable - ils peuvent inclure des esclaves - ils réalisent un système distributif parfaitement équilibré. Une telle économie était pourtant irrationnelle, dans la mesure où l’on demandait à la terre de fournir toutes sortes de produits sans tenir compte de la nature du sol, d’où un faible rendement.
Les historiens célèbrent avec enthousiasme le développement des grands échanges commerciaux qui fait suite à l’époque de l’économie familiale. Un enthousiasme que nous ne partagerons pas, vu qu’une nouvelle forme d’irrationalité ne tardera pas à apparaître.
En. Grèce, c’est à l’époque dite classique, les Ve et IVe siècles avant JC, que se manisfeste cet "essor prodigieux". Mais la concurrence des pays neufs va bientôt contraindre les agriculteurs à négliger la culture des céréales et à leur substituer la vigne et les arbres fruitiers. La Grèce importe beaucoup et devient très dépendante de l’étranger, ce qui compromet sa sécurité ; et les Grecs voient alors dans l’autarcie globale un idéal, difficile à atteindre. La prospérité n’est pas pour tout le monde, et des allocations sont versées aux indigents. Et quand, à l’époque hellénistique, qui débute à la fin du IVe siècle, le commerce est encore plus actif, les difficultés dues à cette concurrence et la paupérisation des paysans amorcent le déclin de la Grèce.
En Italie, l’évolution est similaire. L’essor économique commence au milieu du IVe siècle. Là aussi et pour les mêmes raisons, on va abandonner les céréales et produire, pour l’exportation, le vin et l’huile d’olive. La crise poussera les paysans à vendre leurs terres ; achetées par les riches, celles-ci deviendront les latifundia, qui seront cultivés avec négligence par leurs propriétaires. Il y eut de nouveau, sous le HautEmpire, durant deux siècles et demi, une période faste marquée par l’apogée du commerce et de la production agricole. Mais plus tard, une fois de plus, de graves déséquilibres vont se manifester. Découragés par la concurrence, les paysans grecs et italiens sont enclins à renoncer à toute culture ; les terres deviennent alors des pâturages, ou restent en friche. A partir du milieu du Ille siècle après J.-C. et sous le Bas-Empire, c’est l’effondrement, dû sans doute à des causes variées : sous-production agricole, inégalité, misère...
***
Au Moyen-Age, l’évolution économique présente des phases assez semblables. Durant de longs siècles, l’économie est "domaniale" ; l’unité, comme ce fut le cas au néolithique, est le village, et l’autoconsommation locale y est prépondérante. C’est au Xle siècle que se produit le grand essor. Il semble que l’Occident ait connu alors une réelle prospérité ; s’il n’y eut pas de disparités trop importante, privilégiant certains pays par rapport à d’autres, il se peut que l’échange des surplus se soit effectué d’une façon à peu près équilibrée. Le tableau s’assombrit en France dès le milieu du Xllle siècle : les troubles sociaux se multiplient et des révoltes éclatent, dues à l’exploitation des déshérités et au poids excessif des impôts (2) ; au XIVe siècle, et pour bien des raisons, la situation est devenue très grave. Mais d’un autre côté, à la faveur du développement des grands échanges commerciaux, des fortunes immenses se sont constituées en certains pays, tant au XIVe siècle (marchands italiens) qu’au XVe (Jacques Coeur), et il y eut également quelques faillites retentissantes.
***
Je mentionnerai encore le cas des régions qui au début de l’ère industrielle ont été contraintes par la concurrence de réorganiser plus ou moins complètement leur économie. Les Alpes en sont un excellent exemple. Elles ont vécu pratiquement en économie fermée (autarcie globale) jusque vers 1850. Ultérieurement, en raison du développement des chemins de fer, les plaines, produisant à moindre coût, ont concurrencé l’agriculture et l’industrie locales. La région dut alors réorienter sa production pour s’adapter à ces conditions nouvelles (3).
***
L’abondance, qui crée aujourd’hui aux entreprises comme au monde du travail d’inextricables problèmes - de débouchés et d’emplois - rend encore plus inacceptables, parce que plus absurdes, les conséquences d’un système échangiste. Mais la base commune à tous ces faits, présents et passés, est un désordre qui peut être expliqué en dernière analyse sur le plan des pouvoirs. Je consacrerai mon prochain article à ce problème des pouvoirs économiques, qui est fondamental.
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(1) Il apparait en particulier d’uneévolution économique :
ainsi quand au XIIIe siècle, on mit un terme en France au défrichement
des forêts, les hommes qui y étaient employés se
trouvèrent sans emploi. On notera avec intérêt qu’il
a été parfois la conséquence des progrès
techniques, dès une époque où ceux-ci étaient
fort modestes ; de peur de laisser les esclaves sans travail, l’empereur
Vespasien préféra recourir à eux pour l’érection
d’un obélisque, alors qu’un procédé mécanique
lui avait été proposé.
(2) La société française de la seconde moitié
du Xllle siècle nous est décrite comme "un monde
dur, livré à l’argent, où les pauvres continuent
de s’appauvrir et où les puissants écrasent les faibles".
(3) La gravité de ces situations pouvait à vrai dire être
atténuée quand la solidarité nationale, comme cela
eut lieu en Suisse et en Autriche, jouait en faveur d’une région
déshéritée.
SOURCES
- Jean-Philippe Lévy, "L’économie antique" (Que
sais-je ? n° 1155) 2ème édition 1969.
- Michel Austin et Pierre Vidal-Naquet "Économies et Sociétés
en Grèce ancienne (Périodes archaïque et classique)"
2ème édition 1972.
- Guy Antonetti "L’économie médiévale"
(Que sais-je n° 1606) 1975
- Gabrielle Demians d’Archimbaud "Le village médiéval"
(La Recherche, décembre 1973)
- Paul Labal "Le siècle de SaintLouis" (Que sais-je
n° 1481) 1972 - Paul Veyret "Les Alpes" (Que saisje n°
1463) 1972.
Voici la traduction par Denis Bloud d’un article de Kerstin Killian publié sous le titre "Cinq mètres carrés de forêt tropicale pour une boulette de viande" par le journal "Aertze Zeitung".
Lorsque l’on est en ville et que l’on est débordé,
qu’est-ce qui nous tombe dessus inopinément ? La faim ! Quoi de
plus pratique que de regarder passer les gens dans un de ces restaurants-bars
et de manger sur le pouce un hamburger ?
Mais avant que le client pressé avale sa boulette de viande américaine, il devrait prendre conscience de quelques corollaires. La demande croissante en hamburgers va de pair avec l’abattage de forêts tropicales, la désertification des sols et l’appauvrissement de multitudes humaines. "Pour une seule boulette de viande entre les deux moitiés d’un petit pain, il faut transformer cinq mètres carrés de forêt vierge en pâturage" explique Oliver Weilandt, du Bureau des Traditions Populaires à Francfort, organisation d’écologie centrée sur le Tiers-Monde et la restauration rapide (Fast Food), dans une interview avec la Revue des Médecins. "Sur une telle surface poussent en moyenne 50 jeunes arbres ou un arbre de 18 mètres de haut. Des centaines d’espèces d’insectes, de mousses, de champignons, de lézards, d’amphibiens et de mammifères supérieurs y ont leur espace vital."
Les usines à viande servent chaque jour leurs
plats congelés à plus de 25 millions d’êtres humains.
Toutes les 17 heures, s’ouvre quelque part dans le monde un nouveau
restaurant McDonald ; dont un prochainement à Moscou même.
Pour les seuls McDonalds des EtatsUnis, 1000 tonnes de viande de boeuf
sont transformées chaque jour en boulettes. L’industrie de la
restauration rapide transforme plusieurs fois ce tonnage, car en plus
du principal acteur du marché, McDonald, il existe de nombreuses
chaines de restauration semblables. Très peu sont ceux qui connaissent
le revers de la médaille de ce développement.
Weilandt ajoute : "Les fournisseurs de viande se trouvent principalement
en Amérique Centrale et, pour obtenir des devises, détruisent
les forêts humides et donc les bases mêmes de la vie de
la population locale."
Prenons par exemple le Costa-Rica. Ce pays d’Amérique
Centrale, encore appelé "la Suisse de l’Amérique"
il y a quelques années, est devenu le pays le plus endetté
du monde par habitant. En 1950, 72% du territoire du Costa-Rica, soit
51.000 kilomètres carrés, étaient recouverts de
forêt. Aujourd’hui, la surface s’est rétrécie à
26%. Chaque année, 60.000 hectares de forêt sont déboisés.
Les quatre cinquièmes des zones essartées sont exploités
par des éleveurs de bétail qui livrent les carcasses aux
chaines de hamburgers, des Etats-Unis principalement. Alors que la viande
est vendue à l’étranger à des prix dérisoires,
le marché intérieur connait des prix de détail
usuraires. Les Costa-Riciens eux-mêmes commencent à éprouver
les conséquences défavorables de ce pillage. Car là
où la forêt humide a dû laisser place à d’immenses
prairies, il ne reste plus, à la fin, que de la steppe. La forêt
tropicale, symbole d’une fécondite inépuisable, est par
elle-même un système auto-reproducteur. Les déchets
végétaux sont décomposés par les bactéries
puis sont remis en circulation dans le réseau vivant de la nature,
sous forme d’engrais. Si les arbres sont abattus, ce circuit est rompu.
Il ne reste plus qu’une mince couche d’humus, qui est lessivée
assez rapidement. Au cours de la première année qui suit
l’essartage, il faut un hectare de prairie pour qu’une tête de
bétail mange normalement. Au bout de cinq ans, le sol est épuisé
au point que chaque animal doit brouter cinq à sept hectares
pour satisfaire son appétit. Il ne faut plus ensuite que trois
à cinq autres années pour que le sol soit devenu définitivement
stérile.
Les dégâts sont en effet irréparables. "L’on
calcule que 680 millions de tonnes de terre fertile, dont 80% pour l’élevage
du bétail, sont perdues" dit le fondateur du premier parti
écologiste d’Amérique centrale, Alexander Bonilla Duran.
Son bilan est effrayant : "Pour chaque kilo de viande exporté,
le Costa Rica sacrifie 2,5 tonnes de la mince couche d’humus. "
Dans le journal "des amis consommateurs de McDonald", "Mäc-Press", l’usine se justifie en indiquant qu’en Allemagne Fédérale, seule la viande de boeufs élevés en Allemagne sera transformée en boulettes de hamburger. Mais ces animaux, qui sont accrochés au bout de 180 jours aux anneaux des abattoirs, ont besoin de fourrage. Et celui-ci est importé des pays en développement. Le besoin croissant en fourrage pour les éleveurs de bétail européens favorise l’intensification des monocultures. La forêt tropicale doit céder la place, non seulement aux troupeaux de boeufs, mais aussi aux champs toujours plus vastes qui doivent être exploités pour satisfaire les besoins en fourrage du monde occidental.
Après les milliers d’articles de journaux et les centaines d’heures de radio ou de télévision consacrés aux "affaires", il peut paraitre assez présomptueux de notre part d’ajouter cette chronique au flot qui se déverse. D’autant plus que les choses sont loin d’être terminées au moment où nous écrivons. Pourtant nous essaierons ici de mettre l’accent sur des idées qui ont été peu développées ou qui ont pu échapper, au milieu de cette surabondance qui confine à la désinformation.
Définitions
Il nous semble de bonne méthode de commencer
en rappelant quelques définitions du Larousse :
"...Affaire ; Tout ce qui est l’objet d’une occupation, qui
concerne quelqu’un, qui lui convient ou lui cause des difficultés ;
affaire importante, affaire d’argent. Entreprise commerciale ou industrielle :
lancer, gérer une affaire.
Pluriel : activité commerciale, industrielle, financière ;
être dans les affaires... homme, femme d’affaires.
Affairisme : tendance à tout subordonner aux affaires d’argent.
Affairiste : homme ou femme d’affaires peu scrupuleux.."
Notons seulement pour l’instant qu’en bon français, affaire désigne des activités, honorables ou non, et que ses dérivés tendent vers le péjoratif.
"..Initiation ; action de donner à
quelqu’un la connaissance de certaines choses qu’il ignorait. Dans les
sociétés non industrielles, ensemble de rites, de sélection
ou de recrutement de privilégiés en vue de les introduire
dans un groupe fermé comme une classe d’âge, une catégorie
sociale, etc... aujourd’hui ensemble de cérémonies introduisant
une personne dans des sociétés secrètes.
Initié : qui a reçu une initiation, instruit d’un
secret, d’un art..." Ainsi serait coupable de délit d’initié
celui qui aurait reçu une formation et serait détenteur
d’un secret qu’il utiliserait mal. Ce délinquant se servirait
donc par exemple d’informations non publiques pour acheter ou vendre
des valeurs boursières.
C’est à peu près la définition de la loi française.
Par contre, aux EtatsUnis, on semble privilégier la manière
délictueuse dont la nouvelle aurait été obtenue,
plutôt que son utilisation. C’est qu’en effet, le fonctionnement
même du marché suppose qu’il existe des opérateurs
mieux informés ou plus intelligents ( ?) ou plus intuitifs que
d’autres pour acheter à temps, c’est-à-dire au plus bas
et revendre au plus haut.
L’on voit bien déjà la menace se préciser : ce jeu
ne serait-il pas intrinsèquement pervers donc néfaste
et même parfois criminel, par nature ? Car enfin, dans la position
américaine, il y a une faille : et si les informations dont il
s’agit n’avaient été ni volées, ni extorquées ?
Où sont les affaires et les affairistes ?
Internationalisme
Les Français seraient-ils plus malhonnêtes
que d’autres ? Leurs institutions seraient-elles des passoires dont se
joueraient les délinquants en col blanc ? C’est ce qu’une certaine
politique voudrait accréditer. Pour de bonnes raisons. D’abord
beaucoup d’ultra libéraux, des deux côtés de la
Manche ou de l’ Océan qui n’ont jamais admis qu’un parti dit
socialiste, même mou, parvienne au pouvoir, aimeraient bien le
discréditer. Dans son éditorial des 20-21 janvier, le
"Wall Street Journal" s’inquiète que les "jeunes
radicaux de la SEC aiguillonnés par des hommes clés du
Congrès qui courent à travers le monde tout en déstabilisant
des gouvernements amis" aient mis en péril les relations
franco-américaines. L’on peut donc se demander si le coup ne
vient pas principalement des EtatsUnis. En ce cas, il aurait manqué
son objectif, car l’opinion publique ne semble pas faire porter sa désapprobation
sur un parti plutôt que sur un autre. D’autres, surtout en France,
essaient de nous faire croire que l’économie mixte, en fait pas
entièrement capitaliste, serait en cause. Personne n’en croit
rien. La seule différence entre la privatisation et le délit
d’initié qui atteint des personnes proches du P.S. est que dans
le premier cas, le cadeau est direct.
Il faut aussi regarder ailleurs : au Japon, Recuit-Cosmos qui a entrainé
la démission du Ministre des finances, M. Miyazawa et a éclaboussé
toute la classe politique ; en Suisse, Shakarchi qui a provoqué
la démission du Ministre fédéral de la Justice,
Mme Kopp ; en Grèce, affaire Koskotas ; aux Etats-Unis mêmes
où les affaires se sont multipliées ces dernières
années : Boesky, Levine, Siegel, Wigton et où elles ont
mis en cause non seulement ces financiers, idoles de Wall Street, mais
aussi leurs firmes de courtage ellesmêmes : Drexel Burnham Lambert
et Kidder Peabody auparavant au-dessus de tout soupçon. Le mal
est donc profond et, comme le chômage, il atteint tous les pays
capitalistes. "lis ne mouraient pas tous mais tous étaient
frappés "(La Fontaine). Ceux qui essaient de démolir
le socialisme à travers certains hommes qui ont pu faillir, feraient
bien de se méfier. Et si l’opinion découvrait que c’est
aussi le système qui est en cause et se convainquait qu’il faut
en changer ?
Les fausses solutions
La sortie du système des prix-salaires-profits
étant impensable pour certains horrifiés par une telle
perspective qui leur est proprement inimaginable, il faut bien rechercher
des solutions boiteuses ou seulement retardatrices. ".. L’argent
avant même d’être corrupteur est l’instrument indispensable
de toute économie d’échange, c’est-à-dire de toute
économie capitaliste et progressive,.." écrit Paul
Fabra Sauf sur le dernier adjectif, nous sommes bien d’accord.
Le Président de la République trouve les mêmes accents
pour qualifier l’argent de poche, suspect, baladeur, corrupteur, spéculatif
. Il feint de nous faire croire à une découverte et essaie
de nous assurer qu’il n’est pas responsable des agissements de ses amis.
C’est vrai, mais ces derniers auraient-ils été impliqués
dans les affaires s’ils n’étaient connus comme des proches ? Les
relations ont toujours été à l’origine des bénéfices
en Bourse. Elles ne sont ni plus ni moins coupables venant de la droite
ou de la gauche. Le Président et les responsables du P.S. en
abandonnant leur promesse de rupture avec le capitalisme ont choisi
les turpitudes qui les assaillent maintenant.
La plupart des pays européens se sont dotés d’agences
gouvernementales ou bancaires en vue de contrôler les marchés.
Aux Etats-Unis, la Securities Exchange Commission (SEC) est un organisme
indépendant qui rend compte au Congrès. Le pouvoir de
sanction de ces institutions est faible et en général
les dossiers les plus brûlants sont mis dans les mains des autorités
de justice qui sont peu formées sur ces questions . Sur douze
affaires, dont six délits d’initiés, transmises au Parquet
par la Commission des Opérations de Bourse (COB) entre novembre
1983 et janvier 1988, deux ont été classées sans
suite et pour les autres, des enquêtes préliminaires ou
informations sont en cours . "..Personne, jusqu’à ce jour,
n’a été condamné devant une juridiction américaine
pour le seul délit d’initié proprement dit..". Les
preuves de délit s’évanouissent d’ailleurs dans les paradis
financiers lointains comme les îles Caïmans et Anguilla ou
proches comme le Luxembourg, le Lichtenstein et la Suisse.
Pierre Bérégovoy envisage d’accroitre les pouvoirs de
la COB en lui donnant notamment la possibilité d’ester en justice
directement. Mais le délit d’initié, punissable selon
une loi de décembre 1970, modifiée le 22 décembre
1988, n’entraine qu’une amende de 6.000 F. à 5 MF ou une peine
de prison de deux mois à deux ans. Encore que les sanctions maximales
n’aient, à notre connaissance , jamais été infligées,
elles sont trop faibles pour être dissuasives en face des possibilités
de gain. En fait , les opérations d’initiés sont commises
de manière permanente et ceux qui les commettent échappent
en général aux sanctions. Aggraver celles-ci n’y changerait
rien.
Admettre ce que l’on ne peut empêcher
La question reste lancinante : est-ce que le mécanisme boursier
lui-même ne suppose pas des opérateurs plus ou moins bien
informés ? On peut en effet se demander si, dans ces conditions,
l’information privilégiée est bien un délit. Dans
un système ultra libéral, ce crime n’en serait plus un
et, au contraire, il pourrait être toléré, admis
et même encouragé. Ainsi, le nombre des OPA étant
appelé à augmenter en même temps que la restructuration
de l’industrie européenne, celles-ci pourraient continuer à
doper les valeurs mobilières. François Mitterand met "en
garde les Français contre la manie des OPA, le gangstérisme
et la loi du plus fort’ : On voit là réapparaitre le nationalisme
et le protectionnisme qui touchent tous les pays lorsque les entreprises
importantes sont menacées par des capitaux dits étrangers.
Même la Belgique et surtout la Grande-Bretagne soi-disant libérales,
réagissent ainsi. Si les opérations d’initiés étaient
peu ou pas réglementées, le marché serait plus
efficace et plus juste puisque les cours reflèteraient toutes
les informations publiques ou confidentielles, explique un professeur
d’économie. Certains pensent que ce serait aux sociétés
elles-mêmes de fixer le règle du jeu. Elles pourraient
même communiquer à leurs employés des éléments
plus ou moins secrets et leur permettre d’en profiter. Mais d’autres
affirment que cela réduirait la rentabilité exigée
par les actionnaires..
En fait, que ce soit pour les opérateurs ou pour ceux qui sont
ou seraient censés les surveiller, l’idéal serait la constitution
d’un logiciel informatique permettant de suivre "en temps réel"
toutes les données sur l’évolution des marchés.
Ce système est en cours de constitution à Wall Street.
Attention alors, n’a-t-on pas déjà accusé les ordinateurs
d’avoir contribué à amplifier le krach d’octobre 1987 ?
Financement de la politique
Toutes les manoeuvres plus ou moins frauduleuses n’ont
pas principalement pour objet, au moins en France, l’enrichissement
personnel des individus. Nous ne le répéterons jamais
assez, le financement des partis reste caché. Tous les grands
scandales, depuis le trafic des piastres jusqu’à l’affaire Luchaire,
de la mort de Boulin à celle de Fontanet, des diamants aux avions
renifleurs, pour ne parler que de l’après-guerre, sont liés
au coût de plus en plus élevé des partis. Au cours
de la dernière campagne présidentielle, il a été
dépensé plusieurs dizaines de milliards de francs. Où
ont-ils été pris ? Sans parler des élections législatives,
cantonales et municipales. Le fonctionnement normal des partis :
paie des permanents, organisation des congrès, des grandes réunions
publiques, administration, courrier, déplacements, etc.. coûte
très cher. Mais ce qui dépasse tout et pourrit tout, c’est
la publicité : affiches, émissions payées, tracts,
journaux de toutes sortes, sont ruineux. L’argent de la politique comme
celui de la télévision, se retrouve en grande partie dans
la poche des publicitaires et à l’actif des agences de publicité.
Voilà les vrais corrupteurs. La dernière loi sur le financement
des partis ne couvre que les législative et présidentielle.
Elle assure la transparence de certaines dépenses mais ne fixe
pas de plafond ! Quant aux dépenses des municipales, il faut bien
les payer par des fausses factures, voir celles du sud-est, ou les 5%
que les adjudicataires des travaux versent couramment aux édiles
de tous les partis comme dans une vulgaire contrée du tiers-monde.
Ces besoins d’argent obligent les hommes politiques à adopter
les méthodes et à fréquenter les spécialistes :
pas ceux du centre, mais ceux du milieu.
Bien entendu, une monnaie qui s’éteindrait au premier achat ne
pourrait être salie. En attendant, François Mitterand et
Pierre Bérégovoy s’échinent à sauver le
"capitalisme populaire" cher à Edouard Balladur et
à Guy Sorman. Nous commencerions à y croire si les vrais
délinquants étaient condamnés, en admettant qu’ils
soient découverts, à des peines aussi sévères
que celles infligées aux cambrioleurs de haut vol. En tenant
compte que ces derniers gagnent peut-être autant, mais risquent
souvent leur vie. Et maintenant, répétons avec Victor
Hugo, dans Ruy Blas :
"..Bon appétit, Messieurs ! ô ministres intègres
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison.."
Il faut moraliser la Bourse, parait-il, celà ne vous rappelle-t-il
pas ceux qui prétendaient et prétendent encore moraliser
la guerre ?
"Quiconque a beaucoup voyagé peut avoir
beaucoup retenu"... Et aussi beaucoup réfléchi. C’est
le cas de Pierre PEIGNON, qui nous fait profité de son expérience
dans un livre passionnant : "La voie Africaine".
Passionnant par le récit , très agréable à
lire , de ses voyages en Afrique, de Dakar à Abéché
et d’Oran à Yaoundé, et la peinture d’une époque
révolue. Mais passionnant aussi par son message spirituel pour
"une vraie politique de rechange digne de la France et tournée
vers l’avenir du monde"... enfin débarrassé du carcan
monétaire. Citons-le :
Le socialisme-marxiste requiert l’abondance, il ne peut l’atteindre
et il en meurt. Le libéralisme capitaliste produit l’abondance,
mais, incapable de la distribuer, il en meurt également.
Ces deux impasses, tragiques par leurs conséquences, de la science
économique matérialiste , ne peuvent être franchies
que dans un socialisme personnaliste.
Ce ne sera que dans la liberté et la fraternité des rapports
humains, le respect de l’égalité spirituelle des personnes,
mais aussi des inégalités et des différences naturelles
de leurs vocations et aptitudes. Cellesci doivent pouvoir s’épanouir
librement pour le bien commun, dans l’économie comme dans les
autres activités utiles... L’effondrement de l’antique système
monétaire mercantile, auquel nous assistons, doit nous conduire
à des formules plus humaines que réclament à la
fois la morale et l’économie. ...Laissons les classiques à
leurs classes aux fenêtres fermées, dans leur air confiné,
et allons aux réalités humaines de notre époque...
Une recherche sur "le chemin de la distribution".
Lectures
Comment l’orientation du monde a basculé , il y a entre 5000 et 3000 ans, à partir du Moyen-Orient, et les conséquences (politiques, écologiques, économiques, éthiques) qui mettent aujourd’hui ce monde en péril, c’est entre beaucoup d’autres choses, la somme des recherches que nous livre S.BLAISE, dans son ouvrage :
Le rapt du sacré par les hommes, réalisé
à travers un matricide historique, politico- symbolique, quotidiennement
reconduit depuis des siècles, se révèle être
le rapt des Origines. Origine de la création du monde qu’un dieu
mâle s’approprie - la première sacralité féminine
évincée -Origine de l’humanité- la femme-mère
niée, supplantée par le père -Origine de la culture-
le féminin rejeté du côté de la nature.
Par l’entremise de ce putsch religieux l’homme a détourné
à son profit la relation au surnaturel, à l’Ancêtre,
jusque là médiatisé par la mère et incarnée
dans l’enfant. Le divin devient principe fondamental d’un pouvoir discriminatoire
à l’égard des femmes : le pouvoir patriarcal . Elles y
perdent leur liberté, leur identité culturelle, leur solidarité,
leur pouvoir économique et politique.