Éditorial
Depuis le 1er janvier toute la France et de nombreux pays de par le monde célèbrent le bicentenaire de la Révolution Française. Tout ou presque, sera dit ! Presque, parce que, parmi les privilèges qui continuent à exister, il en est un exorbitant, dont on ne parle pas et qu’il importe pourtant d’abolir au plus tôt, si l’on veut instaurer une société en accord avec les principes de la Révolution , c’est le privilège qu’ont conservé et développé les banques d’émettre des monnaies. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Mais la Grande Relève qui est toujours en avance sur son temps, se propose, elle, de commémorer 1793. Pourquoi 1793 ? parce que c’est cette année là que la Convention Nationale a fait figurer dans la Constitution du 24 juin la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont certains articles ont, comme on va le voir, conservé toute leur actualité.
Et tout d’abord l’article 1 qui pourrait servir de
fondement à l’Economie Distributive :
« Le but de la société est le bonheur commun.
Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la
jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles. »
Article 2
« Ces droits sont l’égalité, la liberté, la
sûreté, la propriété. »
L’égalité comme premier des droits, c’était très
nouveau à l’époque ! C’est même encore très
contesté, y compris parmi les distributistes. Passant sur les
autres articles, nous arrivons maintenant à l’article 21 qui
stipule :
« Les secours publics sont une dette sacrée. La société
doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant
du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui
sont hors d’état de travailler. »
Procurer du travail aux citoyens devenant de plus en plus difficile
avec le développement des techniques de production informatisées,
le gouvernement français, bien en retard sur ce qui se fait depuis
longtemps dans la plupart des pays européens, a instauré
le Revenu Minimum d’Insertion, qui n’est finalement pas autre chose
que la mise en application de l’article 21. Il n’aura guère fallu
que 196 ans pour en arriver là !
On trouve aussi dans l’Acte Constitutionnel de l’état
des Citoyens
(article 4) : « Tout homme né et domicilié en France
âgé de vingt et un ans accomplis, qui domicilié
en France depuis une année - y vit de son travail - ou acquiert
une propriété - ou épouse une française
- ou adopte un enfant - ou nourrit un vieillard ; tout étranger
enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien
mérité de l’humanité, est admis à l’exercice
des Droits du citoyen français. »
N’est-ce pas là, en plus libéral le futur code de la nationalité
dont on n’a pas fini de débattre et qui fait si peur au R.P.R. !
On pourrait continuer ainsi à établir des parallèles entre des articles de cette constitution et des préoccupations sociales ou économiques actuelles.
Bien sûr aussi, de nombreux articles ont vieilli
et les progrès techniques permettent des avancées insoupçonnables
en 1793 ! Il n’empêche que nos Conventionnels qui avaient décidément
bien travaillé, précisaient à l’article 28.
« Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et
de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir
à ses lois les générations futures. »
On ne s’est pas privé d’utiliser la première
partie de cet article, mais je crois, par contre, que chaque génération
essaie d’imposer ses lois et ses modes de pensée aux générations
plus jeunes qui ne disposent pas encore du pouvoir. Et c’est pourquoi
les mentalités évoluent lentement.
Il va pourtant falloir précipiter l’évolution si l’on
veut faire de l’Europe de 1993 autre chose qu’un marché capitaliste
dans lequel s’agrandira sans cesse le fossé entre les riches
et les pauvres, avec tout ce que cela comporte de risques pour conserver
cette liberté pour laquelle se sont battus nos ancêtres
de 1789. Si nous voulons pouvoir célébrer dans quatre
ans les principes de la Constitution de 1793, il faut mettre fin aux
privilèges des banques ? Il faut donner à la monnaie son
véritable rôle qui est simplement de faciliter les échanges.
Maintenant qu’est enfin admis en France le principe que l’argent peut être distribué sans contre-partie de travail, (et souvenez-vous que cela n’était pas aussi évident il y a seulement quelques années et comment nous nous faisions traiter d’utopistes !), il faut désormais populariser l’idée d’une monnaie distributive. Cela doit constituer notre travail prioritaire pour les quatre prochaines années.
Dans l’esprit de notre article de janvier, « La crise est finie », nous faisons aujourd’hui le point de la situationdans trois pays industrialisés : Etats-Unis, Angleterre, France.
Le cow-boy est parti
L’Amérique demeure... avec son bilan.
En abaissant les impôts, tout en augmentant les crédits
militaires, Reagan croyait que les rentrées fiscales dues à
l’accroissement induit de l’activité économique compenseraient,
et au-delà, les recettes manquantes. Mauvais calcul. Les déficits
jumeaux -budget et commerce extérieur- s’amplifient au point
que la première puissance occidentale devient, sous le règne
double de Reagan, le premier pays débiteur du monde. La dette
nationale s’est accrue de 1000 milliards de dollars et la dette extérieure
de 500 milliards. Les déficits commerciaux se transforment en
excédents japonais, sud-coréens, allemands, taïwanais
et divers. Puis ces pays, le Japon notamment, renflouent le déficit
budgétaire des EtatsUnis en achetant des bons du Trésor,
l’épargne américaine s’avérant insuffisante ; mieux,
ils achètent des valeurs américaines, mobilières
(des usines... une Université !) ou immobilières (valeurs
boursières). Retour boomerang... des dollars !
En six ans, les Etats-Unis ont consommé 700 milliards de dollars
de plus que ce qu’ils ont produit - donc des produits étrangers
- et ce, avec en partie, l’argent prêté ou investi par
les étrangers. Autrement dit, la fringale de consommation du
pays le plus riche du monde est financée de l’extérieur.
Fred Bergsten, (Director of Institute for international economy), peut
ironiser sur la « doctrine de l’offre », base de la reaganomanie :
« Nous savons maintenant à quoi tient le miracle de l’économie
de l’offre l’étranger nous a offert la plupart des biens et l’essentiel
de l’argent ».
Un phénomène a fait boule de neige : le
déficit du budget a entraîné une hausse des taux
d’intérêt et partant une appréciation continue du
dollar qui a plus que doublé en quelques années. Ce faisant,
les exportations ont chuté, les produits étrangers, devenus
bon marché, ont envahi l’Amérique (25 % de voitures japonaises).
On voit le lien interactif des déficits jumeaux. Bien sûr,
cet appel de produits étrangers a profité à l’économie
des autres pays du monde « libre » et on peut dire que le
boom général est dû en partie au déclin relatif
de l’Amérique de Reagan. La baisse autoritaire du dollar, destinée
à relancer les exportations et donc la production des Etats-Unis
proprement dite est loin, comme on le sait, d’avoir porté ses
fruits trois ans après (voir persistance d’énormes déficits
du commerce extérieur).
Sur le plan social, on sait que l’Amérique de Reagan compte 35
millions de pauvres, en majorité des noirs, et que les emplois
créés, dont on nous rebat les oreilles, et pour cause,
sont essentiellement des « petits boulots », mal payés,
à mi-temps ce que l’on voudrait imposer en Europe (même
en France rocardienne) pour faire baisser les « statistiques »
du chômage et ses coûts.
Sur le plan moral, signalons que Reagan laisse une Amérique par
certains côtés rétrograde : tentatives pour imposer
la prière dans les écoles, remise en cause de l’avortement
(mais sans toucher aux ventes florissantes du porno)... Quoi d’étonnant
quand Reagan que j’avais traité, dans un article il y a deux
ou trois ans, de « dangereux analphabète » écrit
« J’ai de sérieux doutes sur la théorie de l’évolution ;
on devrait, dans les écoles, enseigner aussi la version biblique
de la création ». Retour au Moyen-Age de celui qui, en appuyant
sur un bouton, a le pouvoir de faire sauter la planète.
Voilà ce qu’était l’homme le plus puissant
du monde. Et dire qu’il est parti avec 60% d’opinions favorables...
Triste, désespérant ! Réjouissons-nous cependant
qu’il n’ait pu réussir l’invasion du Nicaragua, une de ses obsessions.
Mais il a encore eu une pensée pour Kadhafi..
L’Amérique de Bush va devoir payer la note. Bush ? S’il montre
l’élévation d’esprit développé pendant sa
campagne présidentielle (qui s’est surtout déroulée
« au-dessous de la ceinture », comme le faisait remarquer
Christine Ockrent), on peut être inquiet. Mais l’Angleterre veille...
La Maggie-cienne d’Albion
« Le rêve de Maggie n’est pas mystérieux : elle veut tout simplement prendre la relève de Reagan à la tête du monde occidental et perpétuer ainsi la croisade du libéralisme économique... », écrivait il y a quelque temps un journaliste du Monde. En tout cas, Madame Thatcher est heureuse dans sa troisième législature, une quatrième étant considérée comme probable par 80% des Anglais. Oyez, braves gens :
Salaires en hausse : moyenne 1988, 9,25% pour une inflation
de 7%. Donc, plus 2,25% d’augmentation du P.A. Les infirmières
ont eu, elles (le saviez-vous, infirmières de notre douce France
rocardienne ?) 17,9
après un long conflit, il est vrai. Taux de croissance : 4%. 950.000
chômeurs ont retrouvé du travail, essentiellement dans
les services. Ces deux phénomènes conjugués ont
permis des rentrées fiscales en excédent de 80 milliards
de francs. Point noir : l’inflation. D’où compétitivité
moins grande et, partant, déficit commercial inquiétant
(150 milliards de francs, 4 à 5 fois celui de la France !).
Voilà en bref les ingrédients capitalistes pour la cuisine d’Albion. Et Maggie poursuit son oeuvre : elle annonce la privatisation du service des eaux (60 milliards, mais probablement +20% des tarifs) et de l’électricité, le plus gros morceau 200 milliards. Pour Madame Thatcher, la crise est sûrement finie. Mais attendons la suite...
Une France enfin unie Rocard et Périgot
Les calculs ci-après sont faits, d’une part à partir des résultats économiques de 1988 (+ 3,50 % à 3,80 de croissance, soit 1,50 à 1,80 % de plus que prévu) ; d’autre part, en tenant compte de l’augmentation des traitements des fonctionnaires survenue fin 1988 : elle n’aura son plein effet qu’en 1989, mais cela ne change pas fondamentalement notre raisonnement si l’on se place sur le plan macro-économique. D’autant que, pour 1989, l’INSEE et l’OCDE prévoient le maintien d’une croissance forte.
1. La croissance supplémentaire -
biens et services - se chiffrera entre 50 et 60 milliards.
2. Les recettes fiscales supplémentaires
correspondantes se chiffreront entre 35 et 40 milliards (42 selon les
experts du PC) : TVA, 8 à 10 milliards ; impôts sur les bénéfices,
27 à 30. Ces derniers sont importants parce que marginaux pour
les entreprises dont les frais fixes ne varieront guère.
A ces recettes, il faut ajouter les quelque 5 milliards de l’ISF, que
nous retrouverons au titre du RMI.
3. Pouvoir d’achat supplémentaire distribué
" Pour la fonction publique (6 millions et demi de salariés
actifs et retraités) ; selon Rocard : 15 milliards,
" Pour le privé : 25 milliards (soit environ 16 millions
de salariés à une moyenne (1) de 8.000 F., qui ont obtenu
une augmentation moyenne de P.A. de 1,50 %,
" Pour le RMI : 5 milliards,
TOTAL : 45 milliards.
Nous admettons que l’écart entre ces 45 milliards
et les 50 à 60 milliards de croissance supplémentaire
concerne les professions libérales, commerçants, etc...
dont le PA s’accroit de 6 à 7% l’an. En gros, donc, il y a adéquation
entre la fraction de croissance supplémentaire et la distribution
supplémentaire de P.A. Pour un peu, on se croirait en Economie
Distributive !
Or, prenons le discours de Rocard, interrogé par Anne Sinclair
à 7 sur 7, après les grèves. Il craint :
" ou un dérapage (un de plus) des échanges extérieurs,
" ou une reprise de l’inflation (auquel cas « j’aurais payé
en monnaie de singe » dit-il). De trois choses l’une
" ou les producteurs de biens et services opérant en France
font face au (petit) supplément d’augmentation de 1,50 à
1,80% de la croissance et, dans ce cas, aucune des deux craintes n’est
justifiée,
" ou ils n’en sont pas capables (voir les extraits de l’article
de Max Gallo dans la Grande Relève de décembre et la suite
de notre article), et, dans ce cas, les 45 milliards ou plus de P.A.
distribués risquent de se porter sur l’achat de produits importés
: d’où aggravation du déficit du commerce extérieur,
" ou, troisième hypothèse, le patronat, tout de
même capable de faire les calculs ci-dessus, se dit en salivant :
« Puisqu’il y a P.A. supplémentaire, augmentons nos prix
qui sont libres. L’Etat ne pourra rien contre nous ». Dans ce cas,
effectivement
" l’inflation repartirait et les salariés auraient été
« payés en monnaie de singe »,
" les patrons feraient de superbénéfices à
frais fixes constants, ce qui ne les empêcherait pas de vilipender
de nouvelles grèves revendicatives, de réclamer la limitation
du droit de grèves plus fort encore qu’à fin 1988, etc...
" enfin, comme il est probable que, sur les 45 milliards de P.A.
supplémentaire, une partie non négligeable irait à
l’achat de produits étrangers (chez les patrons, il y a des importateurs
actifs), il y aurait déficit du commerce extérieur aggravé.
Donc, dans ce cas de figure, les deux craintes de Rocard seraient au
rendez-vous : inflation et dérapage du commerce extérieur.
Mais alors, Monsieur Rocard, qui ne s’est pas gêné pour flétrir en partie les grévistes, menaçant même d’user du 49/3 pour imposer un service minimum au printemps 89 (ce qui est vraiment démocratique pour un homme qui ne cesse de répéter qu’il est de gauche et socialiste), Monsieur Rocard, dis-je, pourrait peutêtre flétrir l’incivisme du patronat et expliquer clairement la situation à tous les Français, puisqu’il est le Chef du Gouvernement.
D’autant qu’il faut savoir que, d’après une étude publiée par le CERC, fin 1988, le salaire moyen français atteint à peine 82% du salaire moyen européen et que notre pays est le plus inégalitaire du vieux continent.
En ce qui concerne les patrons, le CNPF par contre a poussé à desserrer un peu les boulons par crainte de voir l’effet de grève s’étendre aux travailleurs du secteur privé, et ce, malgré l’épée de Damoclès du chômage. Ce n’est pas le moment de perdre des jours de production, car les carnets de commandes sont pleins ! Cependant, malgré une croissance globale de 3,5 à 3,8%, les licenciements continuent, même si M. Périgot claironne fièrement : « Depuis le début de l’année, nous avons créé 100 à 150.000 emplois » (au fait, pourquoi cette imprécision de 50%- ? Bluff ou statistiques mal tenues... ou fausses ?) (2).
Pourquoi cette situation ? Parce que le patronat français,
pris dans son ensemble, est timoré, peu entreprenant. Des enquêtes
nombreuses montrent que ses investissements sont essentiellement tournés
vers les gains de productivité, c’est-à-dire qu’il se
contente de remplacer des travailleurs par des machines, des robots,
sans avoir pour objectif second de développer sa production.
Or, ce développement ventesproduction permettrait de « récupérer »
les ouvriers devenus superflus, voire d’embaucher.
Si, pour les patrons, la crise économique est finie, pour leurs
victimes, les « exclus de la fête », la crise sociale
continue et s’aggrave. On ne sort pas du cercle vicieux : productivité
accrue, mais non production, chômeurs supplémentaires,
baisse globale du pouvoir d’achat, charges nouvelles pour payer les
chômeurs... et pleurnicherie des patrons pour alléger leurs
impôts !
On est loin des espoirs formulés par André Fontaine (3)
dans son article « Après les embruns » « La seule
façon de faire, c’est ce qui a si bien réussi ailleurs :
pousser au maximum les feux du développement de la production
et répartir sagement au fur et à mesure les fruits de
la croissance entre l’investissement et les rémunérations ».
La « gauche » française serait-elle en passe de devenir, comme la droite en a la réputation, la plus bête du monde ?
(1) Rocard assure que 10 millions de salariés, sur 22 millions, touchent 6.000 F ou moins par mois. Et selon l’Abbé Pierre, un million et demi à deux sont au seuil de pauvreté.
(2) 35.000, c’est le nombre d’emplois que l’industrie du textile-habillement devrait encore perdre cette année. En 1987, l’hémorragie était déjà de 25.000 postes supprimés (EDJ 15/21 décembre 88).
(3) Le Monde du 22 octobre 88.
Beauté du Reaganisme
Pendant l’ère Reagan, les pauvres se sont appauvris et les riches
enrichis. Une étude d’un organisme plutôt libéral
montre que, de 1979 à 1986, les 5% d’AMERICAINS LES PLUS DESHERITES
ont vu leur revenu moyen baisser de 10,9 pendant que les 5% les plus
riches voyaient le leur faire un bond de 13,8% !
EDJ 22/28 Déc. 88
***
Echappement libéré
Il a suffi que Donald Petersen, président de Ford Motors, révèle
la semaine dernière la mise au point d’un nouveau pot d’échappement
catalytique n’utilisant pas de PLATINE pour que les cours mondiaux du
métal précieux s’effondrent. Logique : l’industrie automobile
est le premier consommateur de platine, avant la bijouterie.
EDJ 22/28 déc. 88
***
Un chiffre : 516 millions de $ C’est le coût unitaire du bombardier « invisible » américain, l’avion le plus cher du monde. L’ardoise présentée par le Pentagone est de 16 supérieure à ce qui était prévu initialement !
EDJ 22/28 Déc. 88
***
Les Etats-Unis sont furieux qu’on refuse de continuer à importer leur viande de boeuf aux hormones (« produit légal » aux Etats-Unis). Motif : en dehors de leurs intérêts bovicoles : ils ne veulent pas qu’on mette à mal leur industrie pharmaceutique !
TV, le 20 Nov. 88
Refuser de manger du boeuf aux hormones « made
in USA », c’est montrer un dangereux manque d’esprit libéraliste !
Conclusion du discours de Maurice Allais, lors de sa réception
du Prix Nobel :
Ce n’est que par la constante remise en cause des vérités
établies et par la floraison d’idées nouvelles suggérées
par l’intuition créatrice que la science peut progresser. Mais
tout progrès scientifique réel se heurte à la tyrannie
des idées dominantes des establishments dont elles émanent.
Plus les idées dominantes sont répandues, plus elles se
trouvent en quelque sorte enracinées dans la psychologie des
hommes, et plus il est difficile de faire admettre une conception nouvelle,
si féconde qu’elle puisse se révéler ultérieurement.
Les fruits du libéralisme fleurissent autour de la Maison Blanche
« Washington est devenue la capitale du crime. »
A2, 2 janv. 89
***
La France stressée
La France détient le record de consommation de tranquillisants
per capita (Pour mémoire, celui également de la consommation
d’alcool -devant l’URSS- et des victimes de la circulation). Faut-il
penser que le ballottage gauche-droite en est la cause ? Ou le chômage
ou sa hantise ?
***
Mobutu se fâche
Parce que des journalistes et des hommes politiques belges ont tenu
à son égard des propos « infamants ». Il a même
annoncé qu’il offrait à l’Etat Zaïrois les nombreux
biens qu’il possède en Belgique (rassurez-vous, passé
son ire, il n’en fera plus rien). En tout cas, cela confirme ce qu’écrit
Susan Georges dans son livre « Jusqu’au cou » que je conseille
vivement à tous nos amis de lire : « Mobutu possède,
excusez du peu, 7 châteaux en France et en Belgique, ainsi que
des résidences somptueuses en Espagne, en Italie et en Suisse.
Ajoutons à celà des immeubles en Côte d’ivoire,
des résidences de fonction dans les huit provinces du pays et
un palais dans sa province d’origine. » Plus avions (un Boeing
personnel 747), Mercédès, etc...
(Le Monde 6 décembre)
La passion apparait très vite lorsqu’il est
question de l’Union Soviétique (1) Et pourtant malgré
ceux qui s’obstinent encore à nier les changements fondamentaux
qui s’y produisent ou s’y préparent, notre mensuel de réflexion
socio-économique ne peut éviter d’y revenir.
A entendre et lire ce qui se dit et s’écrit sur l’ouvrage de
base « Perestroika » (2) de Mikhaïl Gorbatchev, l’impression
domine que ceux qui s’expriment à son sujet, soit n’ont lu le
livre qu’en « diagonale » ce qui n’est pas étonnant
avec la profusion de publications actuelles et la prétention
de certains de tout lire, soit n’en ont retenu que ce qui conforte leurs
thèses.
Afin de clarifier notre débat, nous tenterons ici de bien séparer
ce qu’écrit le Secrétaire Général du PCUS
de ce qu’en pensent les commentateurs et nous-mêmes (3) et essayerons
de centrer cet article sur les problèmes majeurs de l’économie
et des chances de paix qui en résultent.
Très peu d’histoire
La révolution soviétique de 1917 a soulevé un espoir immense parmi les opprimés du monde entier. La résistance des koulaks, la disparition de Lénine et son remplacement par Staline, l’encerclement et l’intervention des puissances impérialo-capitalistes, enfin la montée du nazisme et la seconde guerre mondiale ont été les éléments déterminants qui ont dominé la courte histoire de l’URSS. Ces événements ont suscité la dictature du prolétariat, la terreur stalinienne, l’écrasement des « ennemis » intérieurs : Trotsky, Kamenov, Zinoviev, Radek, Boukharine, etc... un million de fusillés, douze millions de morts dans les camps, vingt millions de victimes pendant la seconde guerre mondiale. Dans le domaine de l’économie, ce furent la nationalisation des moyens de production, l’instauration des sovkhozes et surtout des kolkhozes. La domination des échanges intérieurs et extérieurs par les instances gouvernemental que l’on a pu qualifier de capitalisme d’Etat. Les dirigeants soviétiques furent conscients très rapidement qu’il n’était pas question d’instaurer le communisme immédiatement et limitèrent leurs ambitions à la marche vers cet objectif. L’état de l’appareil de production tsariste, la première guerre mondiale et ses suites ne permettaient pas d’envisager la satisfaction des besoins exprimés. La pénurie dans tous les domaines obligeait à concevoir des restrictions qu’il s’agissait de répartir plus justement. Le passage au socialisme dans un pays plus riche comme les Etats-Unis, ou de tradition plus productiviste comme l’Allemagne, aurait été à cet égard plus significatif. Malgré l’utilité indéniable, pour les distributistes, d’une expérience pratique de système économique basé sur une motivation de solidarité plutôt que sur la compétition, la concurrence et l’intérêt personnel, il est certain que le dénuement faussait l’essai au départ. Les responsables de l’URSS ne manquèrent pas d’invoquer cet argument afin de justifier le retard de leur pays en ce qui concerne le niveau de vie moyen de ses habitants. Ils l’emploient encore, 70 ans après la révolution...
Pourquoi la restructuration ?
Malgré certaines réussites brillantes
en astronautique, en aviation, dans les arts, les sports, l’enseignement,
Gorbatchev admet et dénonce véhémentement les carences
du régime. Le conservatisme et la prolifération de l’administration
héritée de celle des tsars, l’alcoolisme envahissant,
l’absentéisme, la corruption, la servilité, la flagornerie
sont stigmatisés par le premier secrétaire. Le culte de
la personnalité avait déjà été rejeté
par Krouchtchev devant le 20e congrès en février 1956,
il avait fait sa réapparition avec surtout la fin de l’ère
Brejnev mort le 10 novembre 1982. Gorbatchev le réprouve, mais
vient d’accéder au titre de Chef de l’Etat, ce qui lui confère
l’ensemble des pouvoirs... Peut-être est-ce nécessaire
afin de lui permettre de mener à bien des réformes salutaires.
Dans le domaine économique, Gorbatchev ne cache pas les échecs
ralentissement de la croissance économique : de 50% par an à
la stagnation en 15 ans, difficultés d’approvisionnement en acier,
matières premières, pétrole, pourtant les points
forts de l’Union Soviétique, et finalement l’obligation d’acheter
des millions de tonnes de céréales chaque année
pour l’alimentation du bétail, un comble ! Enfin, production de
biens de consommation et d’aliments insuffisante en quantité,
mais aussi en qualité ainsi que tous les touristes ou visiteurs
professionnels en URSS peuvent en juger.
Ces déconvenues ne manquaient pas d’être utilisées
par la propagande adverse toujours prompte à dénoncer
les erreurs du communisme, comme nous le verrons plus loin. Toujours
est-il qu’ils mettaient dans le plus grand embarras les partis communistes
du monde entier, en particulier ceux de l’occident obligés, soit
de se réfugier dans l’« eurocommunisme » (Espagne,
Italie), soit de régresser (France). Gorbatchev n’en souffle
mot, mais les défaites économiques de l’URSS combinées
avec le mépris des droits de l’homme qui subsiste : syndicats
enrégimentés, internements arbitraires, camps de détention
politique ne furent pour rien dans la mauvaise image du pays à
l’étranger. Il y a 25 ans, Krouchtchev donnait quatre ou cinq
ans à l’URSS pour rattraper le niveau de vie des pays occidentaux.
Il n’en fut rien, bien au contraire, l’écart ne fait que s’amplifier.
Cette situation ne pouvait durer sauf à mettre en péril,
à long terme, l’existence même de l’Union Soviétique.
La course aux armements conventionnels, chimiques, bactériologiques
ou nucléaires dans laquelle les pays de l’est sont engagés,
de gré ou de force, avec l’Occident, pèse lourdement sur
la production. Les meilleurs savants, ingénieurs, techniciens
sont requis par cette quête épuisante. Le premier secrétaire
insiste avec des accents qui paraissent sincères sur l’effroyable
gâchis qu’entrainerait le développement de l’Initiative
de Défense Stratégique (IDS) ou guerre des étoiles
qu’il veut empêcher à tout prix, même s’il prétend
que 10 % des investissements consentis par les Etats-Unis lui suffiraient
pour contrecarrer l’avantage momentané de son adversaire.
Enfin Gorbatchev n’ignore pas et c’est heureux pour nous tous, l’immensité
du danger que fait courir au genre humain l’arsenal nucléaire
existant. Il cite le mot de Winston Churchill que Richard Nixon lui
rapporta : « ...Les ailes brillantes de la science peuvent fort
bien ramener l’âge de la pierre sur la planète... ».
Il sait que la vie sur terre est menacée. « ...Un seul sous-marin
stratégique emporte un potentiel destructif égal à
celui de plusieurs secondes guerres mondiales... Pour chaque habitant
de la terre, il existe une charge capable d’incinérer un immense
territoire... ». Il affirme qu’il n’y aurait aucun vainqueur, ni
aucun vaincu, mais seulement des victimes après un conflit nucléaire
mondial. Pour toutes ces raisons principales internes et externes, l’auteur
a engagé la Perestroïka et la Glasnost.
Les orientations
Contrairement à ce qu’affirment les uns pour
le regretter, les autres pour s’en réjouir, le président
n’envisage jamais d’abandonner le socialisme soviétique. Il se
place en permanence sous les auspices de Lénine. Il fait confiance
au peuple, pense que tout renouvellement ne peut venir que de la base.
Il soutient le respect des droits de l’homme et fonde son action sur
la démocratisation. Il appelle à la critique constructive
et cite de nombreuses lettres de citoyens ordinaires pou montrer la
voie : celle du respecte de la loi. Il demande aux syndicats de ne pas
se cantonner dans la gestion des oeuvres sociales et aux jeunes ainsi
qu’aux femmes de participer au renouvellement dans tous les domaines.
Certes, il soutient le recours à la « vérité
des prix » et se demande « ...comment l’économie pourraitelle
avancer si elle crée des conditions préférentielles
pour les entreprises désuètes et pénalise celles
qui sont à la pointe du progrès ?... ». Les puristes
regretteront la décentralisation, l’autonomie des unités
de production, la création d’entreprises mixtes et l’entrée
de Coca-Cola en URSS, mais cela ne date pas d’aujourd’hui... Sa véritable
politique économique peut être assez bien définie
par les deux passages suivants :
...C’est à Lénine que l’on doit l’idée qu’il faut
trouver les formes les plus efficaces et les plus modernes de mariage
entre la propriété collective et les intérêts
personnels ; cette idée constituera le fondement de toutes nos
recherches, dans le cadre d’un concept de gestion économique
radicalement transformé... » et « ...La presse, il
est vrai, a fait connaitre certaines propositions qui allaient au-delà
de notre système. L’opinion a été émise,
par exemple, que nous devrions renoncer à l’économie planifiée
et accepter le chômage. C’est impossible, notre but est de renforcer
le socialisme, non de le remplacer par un autre système. L’exemple
qui nous vient de l’ouest, celui d’une économie différente,
est inacceptable pour nous... ».
Toutefois, la libéralisation du commerce extérieur et
le plan de dévaluation du rouble annoncés le 9 décembre
1988 (4) en attendant la convertibilité de la monnaie soviétique
et l’entrée de l’URSS au FMI, s’ils sont nécessaires à
la modernisation des moyens de production, vont très peu dans
un sens léniniste. La politique internationale de Gorbatchev
est évidemment fonction des éléments indiqués
ci-avant : respect de l’identité des nations, soutien des non-alignés,
aide au tiers-monde. Dans les conversations et les pourparlers américano-soviétiques,
il prétend tenir le plus grand compte des intérêts
européens. Il n’oublie d’ailleurs pas que la Russie est en Europe
et avance la métaphore, qu’il croit constructive, de « l’Europe
maison commune » dans laquelle chaque propriétaire d’appartement
est maître chez lui, mais aussi responsable du bon état
et de la présentation des parties communes. Et il précise :
« ...Même une guerre conventionnelle, pour ne rien dire d’un
conflit nucléaire, serait désastreuse pour l’Europe d’aujourd’hui.
Ce n’est pas seulement parce que les armes conventionnelles sont bien
plus destructrices que celles utilisées durant la Seconde Guerre
Mondiale, mais aussi parce qu’on y trouve des centrales nucléaires
regroupant au total quelque deux cents réacteurs et un grand
nombre de vastes complexes chimiques. La destruction de ces installations
lors d’un conflit conventionnel rendrait le continent inhabitable... »
L’on décèle dans le livre une conscience aiguë que
nous sommes tous responsables de l’avenir du monde. Mais aussi le constat :
« ...de l’incapacité ou de la réticence à
admettre que nous représentons tous une seule race humaine, que
nous partageons un destin commun et devons apprendre à vivre
en voisins civilisés sur notre planète... ». Il se
lance alors dans une longue autojustification de la position soviétique
dans les négociations américanosoviétiques sur
le désarmement atomique et ne peut que proposer le développement
de cette méthode. Si la parole était donnée aux
interlocuteurs des Etats-Unis, ils soutiendraient certainement avec
conviction que leur thèse est la meilleure. Mais il ne viendra
jamais sous la plume de ces grands que, puisque nous sommes assaillis
par des difficultés mondiales, seules des institutions à
la même échelle, c’est-à-dire mondiales elles aussi et démocratiques, seraient capables de les résoudre.
Les obstacles
Tous les soviétiques ne sont pas convaincus
par le chef du PCUS. Il en est bien conscient. Cela le pousse à
se donner le plus de pouvoir possible pour vaincre les réticences,
avec les risques de dérive autoritaire que cette démarche
comporte. Les réformes, le changement menacent partout les situations
établies. Les habitudes de tous sont bousculées, la force
d’inertie s’y oppose. Les plus vulnérables sont ceux qui, à
tous les niveaux détiennent une parcelle même minime de
pouvoir et peutêtre de privilèges : les fonctionnaires de
tous grades victimes des coupes sombres pratiquées dans les administrations,
les responsables locaux, régionaux ou nationaux du parti qui
devront s’expliquer devant les citoyens, les directeurs d’usines ou
de complexes agricoles dont la situation n’est pas assurée, etc...
c’est-àdire toute la nomenklatura. Des soubresauts inquiétants
se font entendre dans l’armée rouge depuis surtout que la décision
unilatérale de retirer 500.000 hommes des troupes de l’est européen
a été annoncée devant l’assemblée générale
de l’ONU.
La difficulté vient aussi de ce que la plus grande facilité
d’expression libère des revendications jusque là interdites.
Il en est ainsi de désirs légitimes comme, par exemple,
l’amélioration de la qualité des produits de consommation,
mais aussi, autre exemple, de la création de partis d’opposition
toujours prohibée jusqu’à maintenant. Le nouveau régime
évolue sur le fil du rasoir, entre deux abîmes.
Au plan économico-financier, l’autorisation, pour les entreprises,
de commercer directement avec leurs homologues étrangères,
utilise évidemment la concurrence du marché capitaliste
pour remotiver les dirigeants, mais aussi les employés. Un arsenal
de mesures telles que les droits de douane, le contingentement, etc...
en un mot le protectionnisme est à la disposition du pouvoir
afin d’éviter l’effondrement de l’économie soviétique
dont la productivité est de 3 à 3,5 fois inférieure
à celle de l’Occident. Si ces informations sont exactes, car
il ne faut pas exclure l’intoxication utilisée si souvent par
les médias occidentaux, Gorbatchev semblerait contraint de recourir
à cette pression et il ne paraît pas exclu qu’il pousse
jusqu’aux restructurations d’usines et peut-être à la mise
au chômage. Il convient néanmoins de remarquer que ces
orientations iraient exactement à l’encontre de la volonté
affirmée parle premier secrétaire dans la phrase citée
au paragraphe précédent. Le fait serait sinon d’une gravité
qu’il ne faut pas se cacher. Voilà le capitalisme d’Etat qui
s’affirmerait et qui s’infiltrerait dans les rouages internes de l’économie.
Seuls les syndicats et les travailleurs seraient alors en mesure d’assurer
le contrôle de la tendance. A l’Occident, nous ne pouvons qu’attendre
et observer... A la périphérie de l’Union, les minorités
nationalistes redressent la tête, aussi bien dans les républiques
baltes qu’en Arménie. Cela permet à la propagande française
de droite de se déchaîner. Hélène Carrère
d’Encausse est considérée comme le génial précurseur
car elle avait prévu cela dans « l’Empire éclaté
». Nous sommes pourtant loin de l’éclatement.
Gorbatchev se défend : aucun pays avancé n’est épargné
par les difficultés économiques. Il accuse la presse française
d’être la plus zélée à vouloir le détruire
et attaque « l’Express » qui lui attribuait le désir
d’établir sa domination sur l’Europe. Il aurait pû aussi
donner l’exemple de l’ensemble des chaînes télévisées
qui nous renseignent sur les moindres faits et gestes de Solidarnosc
mais font le silence sur les propositions précises des syndicats
et des « coordinations » françaises. Mais les plus
dangereux adversaires de la Pérestroïka se placent précisément
dans les complexes militaroindustriels situés à l’intérieur,
et surtout à l’extérieur de l’URSS.
Les enjeux
La Pérestroïka et la Glasnost, comme toutes
les grandes réformes, ne connaissent pas les frontières.
Mais la méfiance réelle ou feinte subsiste. Et si, au
vu des mesures de désarmement soviétiques, nous nous laissions
entraîner nous aussi dans la même voie, comment pourrionsnous
réarmer à temps lorsque les dirigeants actuels seront
éliminés ? dit-on dans certains milieux américains,
faisant preuve d’une naïveté assez... désarmante.
D’autres vont plus loin : « ...L’Ouest n’accordera crédit
aux propositions soviétiques de réduction des armements
que si l’URSS change son système politique, si elle prend pour
modèle la société occidentale. C’est tout bonnement
ridicule... » affirme Gorbatchev qui se prévaut d’un moratoire
unilatéral des essais atomiques maintenu pendant dix-huit mois.
Il dénonce la faction militariste des Etats-Unis étroitement
liée au commerce des armes et « ...terrifiée par
le moindre indice de dégel entre nos deux pays... ». Notre
auteur cherche à rassurer les économistes de l’ouest et
s’appuie curieusement sur l’avis de Wassily Léontiev américain
d’origine russe, Prix Nobel 1973, « ...qui a prouvé que
les arguments des militaristes ne tiennent pas d’un point de vue économique... »
et « d’assurer que chaque emploi militaro-industriel coûte
deux ou trois fois plus que l’industrie civile »... On pourrait
créer trois emplois à la place... (pour le même
prix) triomphe-t-il. Il oublie qu’il faudrait, en régime capitaliste,
les rentabiliser, alors qu’il n’en serait nul besoin dans une économie
vraiment différente. Il laisse croire aussi que les fonds rendus
disponibles pourraient être affectés au développement
du tiers-monde. Et pourtant, il est conscient que les P.V.D. sont incapables
de rembourser leur dette alors que les profits retirés de ces
pays par les américains ont représenté le quadruple
de leurs investissements. Croit-il ou feint-il de croire que ce commerce
lucratif pourrait continuer si l’aide était véritablement
désintéressée ?
La question centrale de cette partie du débat est pourtant bien
posée l’URSS a-t-elle plus grand intérêt au désarmement
que les Etats-Unis ? Pour nous, la réponse est oui, s’il s’agit
de l’intérêt général, mais non pour les grands
financiers américains et les simples citoyens qui bénéficient
des miettes des retombées de la construction et de la vente des
armes. Par contre, s’il s’agit de l’intérêt primordial
pour la paix et la survie : tous les humains d’Amérique, d’Europe
ou d’ailleurs sont bien solidaires et cette aspiration transcende toutes
les frontières.
Conclusions en forme de questions
Ceux qui nous accusent de faire état de trop
de certitudes seront peut-être surpris que nous nous posions tant
de questions :
L’Union Soviétique en affichant, notamment au cours de la période
stalinienne, un tel mépris pour la liberté et la vie humaines
a-t-elle trahi les espoirs de la classe ouvrière ?
La classe ouvrière telle que définie par Marx et Lénine
existe-t-elle encore ? Sous sa forme actuelle est-elle en mesure d’impulser
en Occident une révolution fondamentale dans la structure des
échanges et de l’économie ? Sinon qui d’autre le fera ?
Un système économique en état d’abondance potentielle
peut-il être basé sur une motivation autre que celle de
la domination de l’homme par son semblable, de l’intérêt
financier immédiat, de la guerre économique, avec le risque
d’évolution vers la guerre nucléaire finale ? Une révolution
dans la société, au moins aussi totale que celles de 1789
et 1917, peut-elle se faire pacifiquement de nos jours ? Les excès
de la terreur entraînée par ces révolutions, puis
ceux des Napoléon et des Staline, sont-ils inhérents à
leurs finalités, puis au maintien des acquis obtenus ?
Voici quelques-unes des remises en questions salutaires suggérées par l’actualité du bicentenaire et par l’évolution des événements en Union Soviétique. Nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir au cours des années 1989 et suivantes... Ces années seront cruciales, car, pour ceux qui répondent plutôt affirmativement à la première question, quelle ne serait pas l’espérance renouvelée si même certains seulement des objectifs fixés à la réforme en cours étaient atteints ?
Et voici pour terminer un extrait de la conclusion de Mikhail Gorbatchev « ...La restructuration est une nécessité pour un monde submergé par les armes nucléaires ; pour un monde tourmenté par des problèmes économiques et écologiques sérieux ; pour un monde affligé du fléau de la pauvreté, du retard et de la maladie ; pour une race humaine enfin, confrontée à l’urgence d’assurer sa propre survie... ».
(1) Voir notamment l’article de Henri Muller G.R. n°
872 et le « Courrier des lecteurs » des N° 874 et 875.
(2) Editions Flammarion nov. 87.
(3) C’est-à-dire l’auteur de la chronique et non l’ensemble de
la rédaction ni, bien entendu, les « distributistes ».
(4) Le Monde, 13 déc. 88.
Nous avons reçu d’Ecoropa-France le texte d’une pétition à retourner à The Ecologist, Worthyvale Manor, Camelford, Cornwall, Royaume Uni de la part de La Grande Relève :
LE PLUS GRAND RESERVOIR BIOLOGIQUE
Les forêts tropicales humides nous relient directe ment à
l’histoire de la terre. En 60 millions d’années d’évolution,
elles ont élaboré des éco-systèmes d’une
richesse qui défie l’imagination. Leur manteau protecteur abrite
plus de 70% de la totalité des espèces vivantes, 80% des
espèces d’insectes du monde, les 2/3 de toutes les plantes connues...
Une seule rivière du bassin amazonien renferme jusqu’à
2.000 sortes de poissons.
Un hectare de la forêt offre 400 espèces d’arbres alors
qu’il n’y en a que de 10 à 15 dans les forêts tempérées.
Ces forêts ne renferment pas que des bois rares, animaux et fruits
exotiques dont nous risquons à jamais de perdre la souche : huiles
essentielles dont certaines sont indispensables à la médecine
moderne (contre le leucémie par exemple)... 140 millions d’hommes,
aborigènes et sylvio-agriculteurs y vivent depuis des siècles.
Leur survie est en cause. Les compagnies qui massacrent les forêts
les pourchassent. Certaines tribus ont été partiellement,
d’autres totalement exterminées.
UNE DESTRUCTION EFFRENEE
Ce formidable réservoir biologique est aujourd’hui menacé.
Selon les estimations, très conservatrices de la F.A.O., 100.000
km2 de forêts tropicales sont détruites chaque année,
l’équivalent de 1/5 de la France ! Chaque jour, au moins une espèce
est condamnée à l’extinction. Si ce rythme de destruction
se poursuit, ce sera bientôt une par heure. Dans cinquante ans
il en restera plus rien des forêts tropicales.
Il n’y a pas que des raisons morales pour s’opposer à cet holocauste
biologique. Bien qu’elles ne représentent que 7% des terres émergées
du globe, les forêts tropicales produisent 25% de l’oxygène :
elles sont le poumon de la planète. Ce n’est pas tout. Elles
sont aussi le grand régulateur du climat mondial : rafraîchissement
des tropiques, réchauffement de zones tempérées,
rythme et réparti tion des pluies qu’elles reçoivent,
souvent torrentielles, (2 à 4 m par an), sont emmagasinées
à 95% dans ce tapis complexe de racines et de feuillages. Tout
au long de l’année, par évapotranspiration, elles restituent
cette humidité à l’atmosphère, réapprovisionnant
les nappes phréatiques, alimentent les rivières pendant
la saison sèche. Mais ce système subtil est aussi très
fragile. Quand les bulldozers et tronçonneuses détruisent
la végétation protectrice, il ne reste en réalité
que des terres peu fertiles, en proie à l’érosion. Les
pluies ravinent alors les sols, emportant l’humus qui va embourber les
rivières. Le soleil des tropiques les dessèche et craquelle :
en quelques années elles se transforment en latérite.
Le fameux cycle inondation-sécheresse s’installe, avec son cortège
de sinistres et de famines, et des conséquences qui ne sont pas
seulement régionales.
VERS UN FLIP CLIMATIQUE MONDIAL ?
Aussi dramatique que soit pour l’Amérique Latine, l’Afrique et
l’Asie du Sud Est, la perte des forêts (causée principalement
par les banques multinationales et les agences internationales), c’est
l’hémisphère nord qui subira le plus les conséquences
climatiques. Rien ne pourra remplacer tous ces services rendus par la
forêt. Les plus éminents climatologues prédisent
« un clip climatique » mondial d’ici 20 à 30 ans. La
forêt brûlée (pour semer des prairies pour élevage
de boeufs à hamburgers !) la végétation coupée
(qu’on laisse pourrir sur place après avoir enlevé les
seuls bois précieux), dégagent d’énormes quantités
de dioxyde de carbone. Le niveau croissant de dioxyde de carbone dans
l’atmosphère piège la chaleur du soleil, ce qui entraîne
une élévation de la température globale à
la surface de la terre : c’est le fameux effet de serre. Selon de nombreux
spécialistes, les effets combinés de la déforestation
actuelle et de l’utilisation des combustibles fossiles, provoqueront
un réchauffement de 2 à 5 degrés : une énormité
à l’échelle géologique ! Les ceintures fertiles
des U.S.A. et de l’Union Soviétique deviendront plus sèches
et moins productives. Des régions méridionales deviendront
plus arides. Les tempêtes seront plus violentes. Si, ce n’est
pas du tout improbable, il atteint 5 degrés, ce sera la fonte
partielle des glaces de l’Antarctique ouest, et l’immersion de nombreuses
zones côtières (Bangkok, Venise, Londres seraient directement
menacées).
Les activités de l’homme déstabilisent le climat mondial. La déforestation est une des grandes de ce déséquilibre planétaire.