Éditorial
Tel est bien, finalement, le droit que nous revendiquons
en militant pour l’économie distributive. Non que celleci nous
paraisse la condition suffisante pour accéder à pareille
autonomie, mais parce qu’elle en est une condition nécessaire,
nous libérant des contraintes qui nous sont aujourd’hui opposées
de façon intolérable sous prétexte de « nécessités
économiques », tout à fait contestables. C’est dans
cette perspective que se place A. Gorz (1) en proposant une politique
de réduction massive et générale de la durée
légale du travail.
Comme les distributistes, il entend que le temps consacré au
travail dans la sphère de l’économie, (celui qu’on fait
en qualité de citoyen et qui justifie qu’on ait droit à
vie à sa part des richesses réalisées dans cette
sphère), doit être le plus court possible afin de dégager
un maximum de temps que chacun puisse consacrer à faire ce qui
lui plait, à s’épanouir hors du monde marchand. Cette
liberté, avec les moyens matériels d’en faire l’usage
que l’on souhaite, est pour nous le moyen de voir l’humanité
évoluer, développer ses capacités d’imagination,
ses ressources tant morales qu’intellectuelles, en un mot sa convivialité.
Mais elle n’implique aucune idéologie, aucune religion, sinon,
évidemment, le respect des autres, de leur liberté, de
leurs croyances.
Il n’en est pas du tout de même dans l’esprit du « groupement
d’économie distributive », malgré son nom. Celuici,
en effet, vient de publier, sous la plume de J. d’Argine un opuscule
intitulé « une nouvelle économie pour le troisième
millénaire » où est prônée une société
qu’on appelle distributive mais où l’Autorité (avec une
majuscule) serait exercée par l’Eglise, le gouvernement des peuples
étant subordonné à cette Autorité et, particulièrement
au sommet de celle-ci, au Pontificat : « une référence
constante aux préceptes de l’Évangile est une condition
sine qua non à la mise en place d’une telle économie affirme
J. d’Argine qui prétend « qu’elle implique le rétablissement
de la notion d’Autorité et de Pouvoir » et que «
les hommes soient soumis de leur plein gré » (remarquable
contradiction) « à une Règle de fer inspirée
de l’Evangile ».
Or l’économie distributive n’implique pas cette obéissance
à une Eglise. On peut parfaitement être convaincu de la
valeur morale des préceptes de l’Evangile mais rien ne permet
d’affirmer qu’il n’y a pas de société distributive possible
sans cette obéissance. Il fallait que celà soit dit clairement
afin d’éviter toute confusion après lecture d’un opuscule
qui se réfère à J. Duboin, tout en disant «
Depuis que nous avons été condamnés chacun à
gagner son pain à la sueur de son front »... et que «
Le prochain n’est plus qu’une source de profits, c’est la règle
d’or du syndicalisme et de la politique marxiste »... !
Par conséquent, si des distributistes sont tentés de s’associer
au Groupement d’économie distributive (GED) dont le siège
est 12 rue de la Charmille à Strasbourg, qu’ils ne confondent
pas cette association avec les Groupes pour l’Economie Distributive
qu’avait fondés M. Laudrain. L’association de Strasbourg fait
signer à ses adhérents un contrat dans lequel ils s’engagent
à verser au groupe tous leurs revenus, salaires, rentes et allocations
diverses. Le GED se charge de règler leurs factures de loyer,
d’électricité, chauffage, assurances, etc., et de remettre
à chacun sa « part » pour qu’il assume ses autres
frais (nourriture, vêtement, scolarité, loisirs), étant
entendu que c’est le Bureau du GED « qui définit quelles
sont les dépenses véritablement nécessaires ».
Ajoutons un détail : le chef de famille a droit à une
part entière, son conjoint à une demi part. Voilà
qui va enthousiasmez Chiffon !(2)
(1) voir la rubrique « lectures » ci-dessous.
(2) voir la rubrique « Tribune libre ».
La deuxième conférence internationale
de l’association, fondée en septembre 1986 à Louvain La
Neuve pour l’allocation universelle, s’est tenue à Anvers du
22 au 24 septembre dernier.
Une cinquantaine de personnes inscrites, un peu moins de présentes,
une vingtaine d’orateurs, mais cependant une quinzaine de pays représentés,
dont une délégation relativement forte d’un pays nouveau
venu : la Finlande.
Le débat ne portait plus sur la question de savoir pour quelle
allocation universelle se battre, mais plutôt de chercher avec
quels moyens il est possible de le financer dans le système économique
actuel. Autrement dit, une gageure ! Beaucoup d’intervenants s’évertuèrent
à imaginer diverses refontes des systèmes actuels de taxation,
comme par exemple de faire payer aux entreprises des taxes plus lourdes
sur les plus gros salaires, afin d’encourager l’embauche des travailleurs
les moins payés... M-L Duboin, dans son intervention, a expliqué
que les revenus ne pouvaient plus désormais, rester proportionnels
au travail, qu’ils devaient devenir proportionnels aux productions.
Elle a montré que la monnaie capitaliste ne peut pas effectuer
ce changement, qu’elle est donc tout à fait dépassée
par les événements. Elle a dénoncé les méfaits
de la spéculation, rendant impossible toute politique économique
et montré que pour rendre à l’économie les moyens
de remplir sa véritable mission, il fallait une monnaie distributive,
la monnaie informatique étant mûre pour remplir ce rôle.
En dix minutes, il était certes difficile de faire passer tant
d’idées nouvelles. Espérons cependant que certains esprits
en auront été ébranlés.
Il semble que c’est aux Pays-Bas que l’idée d’allocation universelle
est le plus avancée dans le public, comme nous l’avait prouvé
l’article de Philippe Van Paryis publié récemment dans
la Grande Relève.
Lors de sa dernière séance, l’Assemblée a décidé
que la prochaine conférence, dans deux ans, se donnerait pour
objectif d’avoir une vision européenne de l’allocation universelle.
Comme après Louvain, nous nous proposons de traduire pour nos
lecteurs, dans les numéros à venir, quelques unes des
interventions qui ont été faites à Anvers.
Après six ans de travaux, la commission sociale
de l’épiscopat français, présidée par l’évêque
de Valence, vient de publier le fruit de ses réflexions en matière
d’économie.
Semblable publication avait été faite en septembre 1982.
Il s’agissait alors de proposer « de nouveaux modes de vie »
impliquant le partage des revenus et du temps de travail et estimant
qu’un placement d’épargne devait être fait selon «
son utilité sociale » et non « sa rentabilité
financière ». Une position si osée avait valu à
l’épiscopat « une volée de bois vert » (selon
les termes de H. Tincq, du journal Le Monde), on l’avait accusé
d’incompétence économique et de partialité politique.
Que fit l’épiscopat ? Il consulta des économistes, des
« techniciens » (Michel Albert par exemple). Le résultat
? Je cite H. Tincq : « Plus que des appels concrets à la
solidarité face au chômage,... une sorte de réflexion
de fond argumentée à partir des Ecritures et de la doctrine
sociale de l’Eglise sur une pratique chrétienne de l’économie.
Son approche d’une situation de compétition, qui s’est durcie
en six ans, apparait davantage marquée par l’exigence de la croissance
et un souci de réalisme économique ».
Toujours ces grands mots, pour faire passer un net recul idéologique.
Beau succès pour nos économistes : ils savent faire respecter
leur propre dogme par l’Episcopat !
Soyons justes : celui-ci ajoute tout de même : « On ne peut
pas prendre son parti d’une société duale où une
partie de la population bénificierait d’un travail reconnu, rémunéré,
et où l’autre devrait se contenter d’un revenu minimum sans l’espoir
d’un vrai travail. Le principe d’une fraction de la population laissée
pour compte est inacceptable ». Mais, commente un autre journaliste,
F. Simon, « la volonté de ne pas s’en prendre à
un patronat trop soucieux d’efficacité émousse la condamnation
» du fonctionnement actuel des entreprises.
***
Les prévisions de la CEE sont enthousiasmantes
: croissance du PIB de 2,5% à 6,5%, baisse des prix de 6%, création
de 2 millions d’emplois (combien d’emplois supprimés ?).
Mais d’autres études, curieusement, font moins de bruit. Par
exemple, celle de la « Data Ressources Inc », filiale du
groupe qui publie Business Week. Elle prévoit une croissance
du PIB de 0,3% à 0,5%, une baisse des prix de 2,5% en 1995 et
la création de seulement 300.000 emplois nouveaux... dans l’ensemble
de la Communauté. Cette étude prévoit un taux de
chômage de 11,46% et des salaires horaires ayant tendance à
baisser de 2,4% en 1995.
***
Le journal Le Monde vient de publier un magnifique
supplément de 40 pages, riche en couleurs, dédié
aux entreprises dans la perspective du marché unique européen.
Il s’agit de permettre aux entreprises de « prendre les devants
», de mieux affronter la concurrence, de gagner des parts du marché.
Ce supplément foisonne d’enquêtes, de statistiques, d’études
approfondies et, bien entendu de nombreuses publicités coûteuses
(c’est probablement elles qui ont payé ce supplément).
Ces études sont intéressantes. L’une d’elles, par exemple,
fait ressortir la disparité entre ce qu’attendent les différents
pays de la Communauté de cette Europe du marché unique
: les entreprises françaises en espèrent un allègement
de la fiscalité tandis que les Anglais craignent surtout de voir
les banques et les compagnies d’assurances des autres pays rivaliser
avec les leurs.
Une publicité titre : « Combien cet annuaire peut-il rapporter
d’intérêt français à un banquier britannique
? » et explique qu’avec l’annuaire proposé « où
que vous soyez, vous cernez le marché d’un seul coup d’oeil »,
il « sert déjà de ligne directe pour l’Europe à
317.000 entreprises, grâce à ses 140.000 contacts dans
600 secteurs clefs ».
A quand aussi sérieux, aussi documenté, aussi riche supplément
du Monde pour préparer l’Europe sociale ? Quelles publicités
financeraient un tel supplément pour permettre aux travailleurs
de mieux se préparer contre un « nivellement par le bas
» ?
C’est bien l’Europe des affaires qui se prépare !
***
La plus grande éolienne à axe vertical
au monde, de 100 mètres de haut et 64 mètres de diamètre
a été vendue l’an dernier par le gouvernement canadien
a des particuliers.
Le prix de cette vente ? UN dollar !
Parce que le gouvernement canadien ne voulait pas investir plus longtemps
dans ce type d’énergie. Pensez, des sources d’énergie
gratuite, quel non sens !
***
On a assez parlé du krach d’Octobre 1987 et de ses conséquences. Mais il y a un aspect qui en est passé généralement inaperçu : les transactions, qui sont évidemment source de revenus pour le personnel de la finance, ayant diminué de 30 % a Paris, de 36 % a Londres, de 40 % a Tokyo et de 50 % a New-York il s’en est suivi une réduction de personnel : près de 24.000 emplois (environ 10 % des effectifs) ont été supprimés a Wall Street et 12.000 a Londres.
***
Exportez ! Exportez ! Soyez de ces bons Français qui contribuent a l’équilibre de la balance commerciale de leur pays... Refrain connu. Hélas, exporter n’est plus la panacée. Le projet de loi de finances pour 1989 prévoit la bagatelle de 6 milliards de Francs au titre des sinistres de la Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur, c’est-a-dire pour payer les contrats impayés. Et on prévoit que pour 1988 la note dépassera déja cette somme. L’année dernière, c’est 24 milliards de Francs d’exportations qui étaient restés impayés mais jusque la c’est la Banque Française du commerce extérieur qui en supportait le coût. Ce sera donc désormais l’Etat, au moins pour la plus grosse partie. Il ne faut pas courir le risque de voir la banque en question se mettre en grève et manifester dans la rue comme les infirmières.
André Gorz vient de publier, avec "Les
Métamorphoses du travail" (1) une bombe qui est plus porteuse
d’espoir que toute l’oeuvre de Marx au siècle dernier. Ceci n’est,
hélas, que mon sentiment, car je crains fort que l’idéologie
bornée que nous impose, comme un couvercle, "l’élite"
des "gens compétitifs" ne parvienne à lui faire
faire long feu.
N’empêche, quelle densité de réflexion ! Et quel
effort, à contrecourant, pour que la critique soit constructive
!
Inventions modernes
Le livre commence par une remise au point historique :
le travail, au sens où nous l’entendons actuellement, est une
invention moderne, née il y a deux siècles, avec le capitalisme
manufacturier, puis généralisée à l’ère
industrielle. Tout au long de l’histoire, c’était une occupation
servile, indigne du citoyen. Ceux qui l’accomplissaient, les esclaves
et les femmes, étaient tenus pour inférieurs. L’homme
libre était celui qui n’était pas soumis à cette
nécessité. L’idée que la liberté, c’est-à-dire
le règne de l’humain, ne commence qu’au-delà du règne
de la nécessité a été une constante depuis
Platon et la philosophie grecque. On la retrouve par exemple, dans Marx
pour qui "La liberté... ne commence... qu’audelà
de la sphère de la production matérielle proprement dite".
Dans le monde antique, la sphère économique était
celle, privée, de la famille organisée autour des nécessités
de la subsistance, elle était hiérarchisée et se
trouvait le siège de la plus rigoureuse inégalité.
La sphère de la liberté commençait au-dehors de
la famille. C’était la sphère publique, "la polis"
qui se distinguait aussi de la sphère privée en ce qu’elle
ne connaissait que des "égaux", afin qu’elle puisse,
justement, être le domaine de la liberté, c’est-à-dire
de la recherche désintéressée du bien public, les
activités utilitaires en étant exclues. Ainsi, pendant
des siècles et des siècles, le travail accompli "à
la sueur de son front" pour assurer sa subsistance, n’était
pas un facteur d’intégration à la société,
bien au contraire.
La différence fondamentale entre le travail avant et le travail
après le début de l’ère industrielle est que celui-ci
n’est plus confiné dans la sphère privée. Il est
caractérisé par une activité dans la sphère
publique, exercée pour d’autres qui en reconnaissent l’utilité
et par conséquent la paient. Il est devenu un facteur d’intégration
à la société.
L’irruption de la "rationalité"
Jusque vers la fin du siècle dernier, la production des biens de consommation n’était pas soumise à l’implacable "rationalité" économique qu’on nous présente aujourd’hui sous le terme de "nécessités économiques".
Le tissage, la culture de la terre, étaient non pas des gagne-pain mais plutôt un mode de vie, régi par des traditions tout à fait irrationnelles au point de vue économique, mais que, pourtant, les marchands capitalistes eux-mêmes respectaient.
André Gorz se réfère à
une étude de Max Weber pour montrer que l’esprit capitaliste"
est entré brutalement en action. Un beau ( ?) jour, les marchands
se sont mis à imposer leur propre intérêt à
leurs fournisseurs. La nouveauté, ce fut "l’étroitesse
unidimensionnelle, indifférente à toute considération
autre que comptable, avec laquelle l’entrepreneur capitaliste pousse
la rationalité économique jusqu’à ses conséquences
extrêmes".
Alors le travailleur devint un simple accessoire de la machine. Ces
"simples soldats de l’industrie... incarnent une humanité
dépouillée de son humanité et qui ne peut accéder
à celle-ci qu’en s’emparant de la totalité des forces
productives de la société".
L’industrialisation permet à l’homme de triompher en dominant
les nécessités naturelles, mais elle le contraint à
se soumettre aux instruments de cette domination. La révolution
industrielle se transforme en bouleversement des valeurs, des rapports
sociaux : "L’activité productrice était coupée
de son sens, de ses motivations et de son objet pour devenir le simple
moyen de gagner un salaire. Elle cessait de faire partie de la vie pour
devenir le moyen de "gagner sa vie"...
C’est ainsi que la "rationalisation" a eu raison de toute
aspiration à nous libérer des contingences économiques.
En même temps ces "impératifs" nous font perdre
tout désir d’autonomie. Aliéné dans son travail,
l’individu l’est par suite, dans ses consommations, et finalement dans
ses besoins : s’il n’y a pas de limite à la quantité d’argent
qui peut être gagnée, il n’y a plus de limite aux besoins
que l’argent permet d’obtenir et il n’y a plus de limite aux besoins
d’argent. La "monétarisation du travail et des besoins"
fait sauter les limites que la philosophie, ou la morale, pouvait fixer.
L’utopie du travail chez Marx
Gorz analyse la riposte que Marx incita les travailleurs
à opposer à cette révolution capitaliste. C’est
l’utopie de l’autogestion et du "contrôle ouvrier" :
chaque individu doit pouvoir par et dans son travail, s’identifier avec
la totalité indivise de tous ("le travailleur collectif")
et trouver dans cette identification son accomplissement personnel total.
Le Plan doit être l’ensemble des objectifs donnant à la
société, en chacun de ses membres, la maîtrise à
la fois de la Nature et de l’entreprise sociale tendant à la
maîtriser. Or ce plan est une vue de l’esprit, irréalisable
à cause de la complexité, de l’étendue et des rigidités
de l’appareil de production dans son ensemble. Il est en effet impossible
de réaliser une autogestion collective à pareille échelle
! Alors l’établissement du Plan fut confié à une
émanation de la conscience collective, un sousgroupe spécialisé
: les instances du Parti, c’est-à-dire de l’Etat. Et la morale
socialiste fit de la réalisation du Plan un impératif
motivé par la foi en la Raison dont le Parti était l’incarnation
et l’instrument, tout à la fois. Ainsi naquit le totalitarisme
soviétique.
Il est impossible de rapporter ici toute la richesse de l’analyse d’A.
Gorz. Elle fera sans doute bondir les inconditionnels, mais elle séduit
les autres par son objectivité, par la méthode scientifique
avec laquelle elle est menée.
Halte là !
La conclusion s’impose avec clarté : la rationalisation économique a atteint sa limite et il est absurde et suicidaire de vouloir la pousser au-delà, comme le font tous ceux qui avec Lionel Stoleru disent que la vague de progrès technologiques va permettre de "créer ailleurs dans l’économie (ne serait-ce que dans les loisirs) de nouveaux champs d’activité" c’est-àdire des emplois rémunérés. Cela revient à "économiciser" dit André Gorz, à faire rentrer dans la sphère économique, des activités qui n’y ont pas leur place, afin de créer des emplois de serviteurs, et non pas des activités utiles à la société. Il s’agit en fait de faire faire par d’autres des tâches n’ayant d’autre but que d’agrémenter la vie de ceux qui sont déjà privilégiés par un emploi bien rémunéré. C’est creuser le fossé entre les deux parties honteusement inégales de notre société. C’est priver une majorité d’êtres humains de la libération des tâches matérielles que les progrès rendent possibles pour tous.
La quête du sens : Un idéal pour la gauche
Au lieu de vous battre pour "créer des
emplois", n’importe quel emploi, pour n’importe quelle tâche
absurde, ou inutile, ou nuisible, et à n’importe quel prix, dit
A. Gorz aux travailleurs et, en particulier,, aux syndicats, battez-vous
plutôt pour une réduction massive, programmée de
la durée légale du travail hebdomadaire (2). Avec un tel
objectif, par exemple une réduction de 5 heures par semaine au
cours des 5 ans à venir, c’est un véritable partage du
travail entre tous (le plein emploi - réduit - pour tous) qui
se mettra en place et vers lequel l’ensemble de la société
s’organisera. Car une politique de réduction du temps de travail
ne doit pas se limiter aux seuls emplois non qualifiés, ce qui
accentuerait encore la dualité de notre société.
La réduction généralisée de la durée
du travail est un choix de société qui a pour double objectif
de libérer pour tout le monde le temps de développer,
hors de son travail, les possibilités personnelles, qui lui permettent
de s’épanouir en tant qu’individu, et de faciliter l’accès
aux emplois qualifiés à un nombre de plus en plus grand
de gens. En passant, A. Gorz réfute les arguments "élitistes"
de ceux qui veulent faire croire que cette "démocratisation"
n’est pas possible...
Mais attention, il s’agit de gouverner "un processus qui exige
de moins en moins de travail et créé de plus en plus de
richesses". Donc cette réduction programmée "de
la durée du travail ne doit pas entrainer de diminution du pouvoir
d’achat. Il reste à savoir comment parvenir à ce résultat".
A. Gorz en arrive "au deuxième chèque"
de Guy Aznar et conclut : "On retrouve finalement, par ce biais,
un système qui rappelle la monnaie de distribution théorisée
dans les années 1930 par Jacques Duboin et le mouvement distributiste
et l’idée d’un revenu social qui a pour fonction non de donner
à chacun selon son travail mais d’assurer la distribution des
richesses socialement produites".
Néanmoins, il semble qu’A Gorz n’ait pas encore fait porter la
rigueur de son analyse sur le rôle de la monnaie. Ce livre lui
ayant coûté deux ans de réflexion, attendons pour
cela, dans deux ans, le prochain.
Marie-Louise DUBOIN
(1) "Métamorphoses du travail. Quête
du sens. Critique de la raison économique" par André
Gorz. Edition Galilée Collection débats - 300 pages :
135 F.
(2) ou du travail mensuel, ou du travail annuel (1000 heures par an
?), ou dans la vie, peu importe et je ne comprends pas pourquoi ce point
attire l’attention critique des économistes.
Dossier
Comme nous l’avions promis dans le précédent
numéro (1), abordons aujourd’hui, sans bien entendu épuiser
le sujet, la question des organismes occultes qui successivement ou
concurremment prétendent et réussissent quelquefois à
imposer leurs directives aux nations.
Ces informations sont peu connues (2), au moins en France, car les périodiques
de grande diffusion répugnent à informer leurs lecteurs
sur ces problèmes fondamentaux. Ils préfèrent se
délecter des petites phrases de nos chers politiciens et des
potins de la vie hexagonale. L’explication de ce silence réside
probablement dans la censure implicite et inavouée exercée
par les puissances financières qui les contrôlent, comme
nous le verrons plus loin. Les journalistes dits de gauche ou considérés
comme tels (3) se taisent. Les éléments les plus connus
dans le monde francophone se trouvent dans des livres écrits
par des universitaires ou des transfuges des services secrets, ainsi
que dans des publications maurrassiennes dont il convient peut-être
d’accepter les citations "in extenso" mais de se méfier
lorsqu’elles se lancent dans des commentaires subjectifs.
En effet, les institutions dont nous allons parler sont l’objet de deux
critiques principales. Une de "gauche" qui dénonce
la dictature de la finance et combat leur élitisme ainsi que
leur absence de démocratie. Une de "droite" qui s’insurge
contre leur pouvoir supranational. Aux Etats-Unis, la polémique
est publique depuis au moins quinze ans et la matière est abondante ;
comme d’habitude rien ou presque n’échappe à la presse
américaine. Les Français attachés à la défense
des droits de l’homme s’attristeront sûrement, une fois de plus,
en constatant la carence de leurs moyens d’information dans ce domaine.
Le "Council on Foreign Relation" (CFR) ou Conseil des Relations extérieures.
Le CFR, première en date de ces sociétés secrètes, est entièrement américain. Il fut fondé en 1921 par le banquier Morgan, mais s’illustra surtout dans la création du système économico-politique d’après-guerre : accords de Bretton Woods et de Dumbarton Oaks (1944), créations de l’OTAN et des Nations-Unis, lancement de plan Marshall (4). Composé actuellement d’environ 1400 à 2000 affiliés - selon les sources - parmi les milieux de la présidence, des affaires, de la religion et de la CIA, il exerce une influence prédominante sur le gouvernement des Etats-Unis (5). Depuis sa fondation, tous les futurs présidents étaient, avant leur élection, membres du CFR. Les relations internationales de ces personnalités permettent d’exercer un contrôle étroit sur les Etats occidentaux, soit directement, soit par l’intermédiaire d’organismes, comme le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale, par exemple. En 1950, un financier lié au CFR, Paul Warburg (6) déclara devant les sénateurs américains : "Nous aurons un gouvernement mondial, que cela plaise ou non. La seule question est de savoir s’il sera créé par conquête ou par consentement". L’animateur et soutien financier du CFR est David Rockfeller, PDG de la Chase Manhatan, 3e banque du monde ; l’un de ses principaux soutiens : Henry Kissinger.
Le Bilderberg Group (B.G.) ou Club de Bilderberg
Le véritable fondateur de ce "Group"
fut Joseph H. Retinger (7). L’idée naquit durant la seconde guerre
mondiale. D’abord sous la forme d’une union fédérale européenne,
remède aux faiblesses du continent après guerre.
Mais bientôt, après un voyage aux Etats-Unis en 1952, Retinger
conçoit la nécessité d’associer américains
et européens. Après avoir consulté Van Zeeland,
Ministre des affaires étrangères de Belgique, et Paul
Rykens, Président de la société Unilever, il fut
décidé de porter à la tête du groupe le prince
Bernhard de Lippe. Furent sollicités des hommes politiques connus
dont, notamment, les premiers ministres : de Gasperi, Guy Mollet et Antoine
Pinay, ainsi que de nombreux hauts banquiers et présidents de
grandes multinationales. Parmi les parrains figuraient évidemment
l’inévitable David Rockfeller, "qui ne cessera de figurer
dans toutes les instances qui s’assignèrent pour tâche
d’établir un nouvel ordre mondial" (7) et son frère
Nelson, exgouverneur de New-York et VicePrésident des Etats-Unis.
La réunion constitutive eut lieu en Mai 1954 à l’hôtel
Bilderberg qui donna son nom au club, dans la ville hollandaise d’Osterbeck.
Le prince est élu président, il est secondé par
un comité central de dix membres, qui agira comme une sorte de
"gouvernement multinational" (8). "Malgré leurs
dénégations, les Bilderberger’s constituent un gouvernement
mondial coiffant les gouvernements nationaux" (9). Les réunions
se succèdent ensuite annuellement : Barbizon (1955), Fredensborg
(Danemark) (1956), SaintSimon Island (E.U’) et Finggi (Italie) (1957),
Buxton (Angleterre) (1958), Yesilkov (Turquie) (1959). Burgenstock (Suisse)
(1960), etc...
Peu de documents sont diffusés sur les premières années
d’existence du groupe. Un peu plus sur les années suivantes.
Puis le secret pèse de nouveau. "Le groupe... poursuit encore,
en 1985, ses activités" (7).
Le secret du financement des opérations est d’autant plus difficile
à percer que les fonds passent par des sociétés-écrans
et des banques situées dans des pays discrets (Bahamas, Vaduz,
Luxembourg, Suisse). "... Durant les premières années
de son existence, le club de Bilderberg dispose d’un budget annuel de
250.000 dollars, chiffre qui, avec les années, passera à
plusieurs millions de dollards (20 à 25 selon les estimations...)
provenant en grande partie de sociétés multinationales
et des services secrets..." (8).
Entre 50 et 400 personnalités membres et invités assistent
aux réunions. Retinger déclarait que les invitations seraient
adressées seulement à des "gens importants"
(10). Effectivement, elles le furent. Parmi les Français, nous
citerons notamment en plus de Guy Mollet et Antoine Pinay Pierre Dreyfus
(Renault), Jacques Rueff, Pierre Uri, Jacques Baumel, Albin Chalandon,
Roger Duchet, Olivier Guichard, Maurice Herzog, Louis Leprince-Ringuet,
Jean Letourneau, Jean Lecanuet, Georges Pompidou, Lionel Stoléru,
mais aussi Jacques Attali, Pierre Cot, Gaston Defferre, Maurice Faure,
Edgar Faure, André Fontaine et Michel Rocard. Les uns sont des
membres à part entière, les autres de simples invités,
en une occasion ou une autre. I l est permis de se demander si la participation
de certains, qui sert d’alibi et de caution à cette oligarchie,
est motivée par la curiosité, l’ambition, la recherche
des honneurs, l’intérêt intellectuel ou matériel.
La question, irritante, se pose toujours. D’autant plus que l’organisation
du B.G. en cercles concentriques fait des invités de simples
comparses, les vraies décisions étant prises au sein du
Comité exécutif qui leur est inacessible. La liste complète
de présences ne peut pas être publiée dans le cadre
de notre revue, mais le lecteur peut se reporter pour cela aux ouvrages
cités. Qu’il suffise d’écrire que toute la haute banque,
les affaires, les industries d’armement, l’Etat-Major militaire, les
grandes associations, les journaux importants, les syndicats et les
partis furent représentés au moins lors d’une rencontre.
Les questions traitées paraissent banales et les débats
restent confidentiels "...Il n’était pas nécessaire,
ni souhaitable que le simple citoyen connût le rôle que
jouaient ces oligarques dans l’élaboration d’une politique étrangère
qu’il voulait croire idéaliste et généreuse"
(7). Retinger l’avait affirmé : "Les décisions politiques
de grande envergure sont rarement comprises par le grand public (11)..."
"...Le simple citoyen, pour sa part, ne savait rien de ces débats
complexes. Il avait pouvoir sur la création, dans sa ville, d’une
nouvelle école ou sur la gestion d’un hospice - ce qui était
tout de même de la démocratie. Il n’en avait aucun quand
il s’agissait de l’avenir du monde qui,’ pourtant, le concernait encore
davantage..." (7).
Les événements dans lesquels sont intervenus, au moins
les responsables du B.G., afin de favoriser l’impérialisme américain
sont longuement décrits par les auteurs cités. Nous n’en
donnerons ici qu’une liste limitée : déstabilisation de
De Gaulle (candidature de Monsieur X : Gaston Defferre, utilisation de
mai 1968), conception du traité de Rome et entrée de la
Grande-Bretagne dans le Marché Commun, guerre des phosphates
au Sahara, admission de la Chine Populaire à l’O.N.U. (pour faire
échec à l’URSS), enfin affaire Lockheed.
Dans cette dernière opération, sont compromis toute une
série de personnalités, de groupements et de syndicats
ayant reçu des pots de vin du grand constructeur d’avions militaires.
Au premier rang, le prince Bernhard de Lippe. La raison de se scandale
est controversée ; certains soutiennent que le prince aurait proposé
de museler le contrôle parlementaire et d’instituer une monarchie
héréditaire régnant sur l’Europe Unie, d’autres
pensent que son éviction a fait suite à sa "trahison"
de Lockheed en faveur de son concurrent Northrop. Toujours est-il qu’il
est obligé, le 26 août 1976, de démissionner de
son poste ainsi que de toutes les fonctions officielles qu’il détenait
en Hollande. Il est remplacé à la tête du B.G’ par
David Rockfeller lui-même.
The Trilateral Commission (T.C.) ou Commission trilatérale
Le groupe de Bilderberg trop influencé par
le complexe militaroindustriel et l’anticommunisme "primaire"
de certains de ses membres influents devenait gênant. Le scandale
Lockheed et l’affaire du Watergate vinrent à point pour favoriser
une tendance plus modérée. Les transnationales reconverties
à la haute technologie avaient besoin de stabilité.
Un aristocrate, d’origine polonaise comme Retinger, et ancien professeur
à Harvard : Zbiegniew Brzezinski fut l’inspirateur d’une nouvelle
institution qui prit en compte l’ascension foudroyante du Japon dans
les années 1970. A l’Europe et aux Etats-Unis se joignit donc
ce dernier pays dans une ère qui devenait trilatérale
(4).
La T.C. fut fondée en juillet 1972 dans une des propriétés
de David Rockfeller, toujours lui, par une équipe de 17 personnes.
Elle s’élargit bientôt à plus de 300 personnalités
dont les 40 grands responsables américains présents dans
tous les instituts où s’élabore la politique mondiale,
loin des contraintes de la démocratie. Lors de la réunion
de Washington en 1984, la Commission a été reconduite
jusqu’en 1988. Elle est gouvernée par trois présidents :
David Rockfeller (Amérique du Nord), Takeshi Watanabe (Japon)
et Georges Berthoin (Europe), trois vice-présidents respectivement :
Mitchell Sharp, Nobuhiko Ushiba et Egidio Ortona et trois directeurs :
Charles B. Heck, Tadashi Yamamoto et Paul Révay.
La Trilatérale est plus ouverte et publie des documents d’information
dont deux brochures (12) et un trimestriel : Trialogue qui cessa toutefois
de paraître en octobre 1984. Il fut convenu que tout membre accédant
à un poste officiel dans son pays démissionnerait de la
T.C..
Dès le début, la Commission précisa, dans "Questions
et réponses" que nul "...membre ou auteur, engagé
dans un groupe d’étude (n’a) proposé que nos gouvernements
nationaux soient dissous et que soit constitué un gouvernement
mondial... ". Tout le monde, même les mondialistes, est d’accord
sur la première partie de la phrase... quant à la seconde,
le lecteur en jugera.
La T.C. examina lors de ses nombreuses réunions générales
des rapports établis par beaucoup d’excellents experts sur les
questions à l’ordre du jour. Ces rapports sont publiés
avec la mention classique expliquant qu’ils n’engagent que la responsabilité
de leurs auteurs et non elle-même. Néanmoins, l’un de ces
textes diffusé en 1975 et rédigé par Michel Crozier,
Samuel P. Huntington et Joji Watanuki provoqua de telles réactions
qu’il ne fut pas traduit en français et sa diffusion fut interrompue
(13). Nous donnerons quelques extraits de la partie rédigée
par S.P. Huntington et relative à la démocratie... aux
Etats-Unis : "Plus un système est démocratique, plus
il est exposé à des menaces intrinsèques... Au
cours des années récentes, le fonctionnement de la démocratie
semble incontestablement avoir provoqué un effondrement des moyens
traditionnels de contrôle social, une délégitimation
de l’autorité politique et une surcharge d’exigences adressées
au gouvernement qui excèdent sa capacité de les satisfaire...
Le fonctionnement efficace d’un système politique démocratique
requiert une certaine quantité d’apathie et de non engagement
de la part de certaines individualités et de certains groupes...
Le danger réside dans la surcharge du système politique
par des demandes qui étendent ses fonctions et sapent son autorité...
l’autorité fondée sur les hiérarchies, la compétence
et la fortune... a été soumise à une rude attaque...
(il faut redouter le danger que représente)... la dynamique interne
de la démocratie elle-même, dans une société
hautement scolarisée, mobilisée et participante... Un
défi important est lancé par les intellectuels et par
les groupes proches d’eux qui affirment leur dégoût de
la corruption, du matérialisme et de l’inefficacité de
la démocratie, en même temps que de la soumission des gouvernements
démocratiques au capitalisme de monopole... (les journalistes)
tendent à s’organiser pour résister à la pression
des intérêts financiers et gouvernementaux... (Aussi faut-il
agir pour que le gouvernement conserve) le droit et la possibilité
pratique de retenir l’information à la source... Quelque chose
de comparable (à la loi antitrust)... apparaît maintenant
nécessaire en ce qui concerne les médias".
Une institution mondiale qui prend en compte de tels rapports n’est-elle
pas inacceptable ? Car sa puissance ne fait aucun doute, ni son pouvoir
supranational. Voici, là aussi, une liste succinte des opérations
qu’elle a suscitées : "création", puis élection
de Jimmy Carter à la présidence des E.U., nomination de
nombreux Trilatéralistes aux postes clés (après
leur "démission" de la T.C.), interventions puissantes
et continues dans la crise du pétrole, recyclage des pétrodollars
et dette du tiers-monde (14), contrôle de l’activité économique
par le capital transnational au moyen de la Banque Mondiale (BIRD),
abandon des gouvernements dictatoriaux et ouverture à l’Est (avec
l’espérance inouïe d’un ralliement de l’URSS), acceptation
des gouvernements sociaux-démocrates à condition qu’ils
ne sortent pas du système...
Comme on le voit, la politique de la T.C. est plus modérée
et plus insidieuse que celle de Bilderberg. Elle n’est pas moins dangereuse.
La T.C. est également habile à se constituer des alibis
de centre-gauche. C’est ainsi que l’on trouve parmi ses membres et pour
se limiter aux Français, à côté de Michel
Albert (AGF), Raymond Barre, Marcel Boiteux (EDF), Paul Delouvrier,
Jean Deflassieux (ancien président du Crédit Lyonnais),
Jacques de Fouchier (Paribas), Jean Philippe Lecat, Roger Martin (Saint-Gobain),
Didier Pineau Valencienne (Schneider), Edmond de Rothschild, Roger Seydoux,
etc... les noms plus surprenants de Michel Crépeau et René
Bonety (CFDT). Certaines personnalités "cautions" ont
paru bien nécessaires à laTrilatérale comme à
Bilderberg. Il apparait toutefois que le style plus intellectuel de
la T.C. justifierait certaines participations.
Elles, les autres et leurs rapports
En dehors des organisations citées, d’innombrables
groupements plus ou moins officiels ou officieux gravitent dans les
sphères du pouvoir aux Etats-Unis et interviennent aussi bien
dans les affaires extérieures qu’intérieures. Citons-en
quelques-unes : Committee for the Free World, Brookings Institution,
Roundtable Business Council, World Business Council, Political Action
Committees, etc... (7). I I faut compter aussi la fameuse Central Intelligence
Agency (CIA) dont la liste des exactions aux Etats-Unis et à
l’étranger fut publiée en 1975 (15) et le Fédéral
Bureau of Investigation (FBI). Nous ne pouvons entrer ici dans le romanfeuilleton
des activités d’espionnage mais celles de la CIA interfèrent
avec ou servent parfois les orientations du groupe de Bilderberg. Nous
ne parlerons pas non plus des sectes ou de l’Opus Dei dont le rôle
supranational n’est pas négligeable.
Il est évident que les luttes d’influence à l’intérieur
des organisations citées sont virulentes. Les colombes et les
faucons sont en controverse permanente... Encore plus violentes les
divergences entre elles ; nous l’avons vu, en particulier lors de la
création de la T.C., bien que certains membres dirigeants ou
influents appartiennent aux deux groupes.
Malgré le peu d’informations sûres disponibles, l’on comprend
mieux pourquoi, par exemple, le parti socialiste arrivé au pouvoir
n’a pu concrétiser sa promesse de rupture avec le capitalisme.
En ce qui concerne, plus modestement, nos propres tentatives, l’on saisit
comment les grands médias ainsi infiltrés. nous refusent
toute publication ou presque.
Mondialisme
Un gouvernement mondial n’existe pas encore, en dépit
des efforts de certains, d’opinions politiques et d’intérêts
diamétralement opposés. En raison des dangers de dérive
autoritaire et de la faiblesse des démocrates, ce gouvernement
est-il, d’ailleurs, souhaitable dans l’immédiat ?
Il n’est toutefois pas douteux que des institutions mondiales occultes
à pouvoirs supranationaux se sont constituées. Affirmons-le,
ces organismes, ne nous conviennent pas. Ils sont élitistes,
antidémocratiques et ne servent en fait que l’impérialisme
américain et les intérêts du grand capitalisme international.
Dans le cas où nous parviendrons à convaincre un nombre
élevé de nos concitoyens que l’instauration d’une économie
distributive s’impose, soit dans notre pays, soit, à l’avenir,
en Europe, il est sûr que nous nous heurterions à l’opposition
résolue et toute-puissante de ces groupements. Par conséquent
les positions sont claires : les vraies mondialistes lutteront contre
elles, selon leurs moyens.
Est-ce à dire que nous sommes opposés au mondialisme dont,
nous le savons, beaucoup de distributistes sont aussi partisans : certes
pas. En tant qu’ancien militant du centre français d’enregistrement
des Citoyens du Monde, l’auteur de ces lignes reste fidèle à
sa revendication d’institutions mondiales démocratiques, seules
garantes possibles de la paix et donc de la survie de l’espèce.
Mais il nous faut combattre toute tentative ou commencement d’instauration
de pouvoirs transnationaux dictatoriaux. Seules des organisations démocratiquement
autogérées depuis les cellules de base jusqu’au plan mondial
nous laisseraient l’espoir d’une évolution vers le socialisme
distributif.
(1) Voir "L’économie à l’Institut
d’Etudes Mondialistes" dans G.R. n° 871.
(2) Voir "Qui ment ? Qui trompe les Français ?" G.R.
n° 754, le "Monde Diplomatique" de Nov. 1976, et certains
extraits du "Canard Enchaîné".
(3) Confusion mise en évidence par le passage direct de F.O.
Giesbert du "Nouvel Observateur" au "Figaro" !
(4) "The Trilateral era" par Jeremiah Novak - Worldview août
1980.
(5) Voir "Le veau d’or est toujours debout" d’Henry Coston.
(6) Voir "Un homme d’influence" G.R. n°859.
(7) D’après "La démocratie contrariée"
de Georges-Albert Astre et Pierre Lépinasse - 1985. d’après
"La démocratie contrariée" de Georges-Albert
Astre et Pierre Lépinasse - 1985.
(8) "Les vrais maîtres du monde" de Gonzalez Mata-1980.
(9) Revue italienne "Europeo" citée dans (8).
(10) Etude de PeterThomson dans "Trilateralism" ouvrage collectif
cité dans (7).
(11) The US Congressional Record cité dans
(12) Questions and answers (Questions et réponses), 1983- TheTrilateral
commission -1984.
(13) "The crisis of democracy "Report on the governability
of Democracies to the Trilateral Commission - New York City Press -
1975.
(14) "The New Internationalisa" Hopps et Randall - février
1979.
(15) "Commission on CIA’s activities within the United States"
1975.
Les dés sont jetés. Mise sur ses rails,
la pérestroïka suscite d’amples débats entre ses
partisans et ses adversaires. Narquois, les Occidentaux comptent les
points, attendant l’hallali économique qui devrait sonner le
glas du socialisme stalinien, du capitalisme d’Etat imaginé par
Lénine à l’issue de trois années d’échec
du communisme, et parachevé par Staline avec la collectivisation
de la terre.
Tout va trop vite. On abjure les idéologies. On met bas les idoles.
Surgissant de l’ombre, les "dissidents" s’élancent
à la curée. Bénéficiant déjà
de l’appui inconditionnel des médias occidentaux férus
d’antisoviétisme, les voilà faisant surface dans la presse
soviétique, prêchant le ralliement à l’économie
de marché, de profit et de concurrence, à la "société
de droit", à l’Etat minimum, aux valeurs du capitalisme
occidental dans ce qu’il a de plus sournois, de plus pervers.
Autofinancement, rentabilité, autogestion sont les maîtres-mots
de la réforme. En Occident, on vit depuis des lustres avec ces
errements. Ceux-là qui ont engagé l’Union Soviétique
dans cette voie ont-ils mesuré l’impact sur les prix, sur l’emploi,
sur la création d’inégalités découlant d’une
ségrégation sociale, sur le financement du secteur socioculturel
relégué au trente-sixième dessous, au motif de
l’optimum de rentabilité ?
Licenciements, hausse des prix à la consommation, en Occident
chacun connaît la chanson depuis toujours. Les Soviétiques
sont tombés dans le piège. Ils vont perdre le bénéfice
de soixante années de dure préparation au socialisme.
On ne voit guère en quoi la pèrestroïka constituerait,
dans ces conditions, "un pas vers plus de socialisme", alors
qu’il en va manifestement de l’inverse. On voit seulement disparaître
peu à peu, les acquis obtenus au terme de gigantesques efforts,
de privations, de luttes contre des adversaires, intérieurs et
extérieurs, déterminés à détruire
les fondements d’un type de société libéré
du joug de l’argent.
L’incessante référence à Lénine, au marxisme
léniniste ne sert qu’à masquer l’objectif foncièrement
antisocialiste de l’opération. La N.E.P., introduite sur proposition
de Lénine en mars 1921, posait les bases d’un capitalisme d’Etat
que Staline n’a fait qu’appliquer dans son intégralité.
Tenu de collectiviser la terre en tant qu’instrument de production,
il a dû éliminer les Koulaks qui refusaient d’en abandonner
la propriété.
Le Capitalisme d’Etat offrait d’indéniables avantages permettant,
grâce aux fonds sociaux de consommation, de stabiliser sur la
longue période le prix des biens et services essentiels, de dissocier
les prix des coûts et, par là, de favoriser les exportations,
de se placer sans difficulté sur les marchés extérieurs,
de mobiliser des capitaux très importants en vue de réalisations
d’envergure à l’échelle des immenses besoins de la population,
d’éviter enfin tout chômage et d’assurer la sécurité
du revenu.
En éparpillant les crédits dans un système d’autofinancement,
on aboutit à une multitude de productions anarchiques entrant
en concurrence, faisant souvent double emploi, aggravant les gaspillages.
La relative liberté des prix qui s’ensuit présente en
outre une menace sérieuse sur le pouvoir d’achat des salariés.
Elever les niveaux de vie implique une croissance de la production utile
et l’amélioration de sa qualité, objectifs associés
à la modernisation des équipements, à une discipline
élémentaire, à l’assiduité au travail d’un
personnel qualifié, conscient de remplir un service social. On
peut obtenir de la main d’oeuvre un travail de qualité autrement
qu’en instituant une compétition axée sur le profit, sur
un intéressement des travailleurs aux résultats financiers,
ce qui a pour effet de créer des zizanies entre salariés
de même qualification mais au service d’entreprises plus ou moins
performantes. C’est là une source d’injustices que le socialisme
a justement pour rôle de réduire. Les "héros
du travail", fiers de la considération qui leur échet
et se contentant de quelques primes d’émulation, auraient-ils
disparus dans le vente de la pérestroïka.
D’aucuns avaient fondé de grands espoirs sur le système
soviétique qui, ayant socialisé l’ensemble des moyens
de production - y compris la terre - et de distribution, ainsi que les
services, amené l’agriculture et l’industrie à un haut
niveau de développement, dissocié les prix des coûts,
était dès lors à pied d’oeuvre pour franchir, sans
heurt, une dernière étape, une étape débouchant
sur la formule d’un socialisme libéralcommunautaire à
monnaie de consommation, apte à le purger de ses tares résiduelles
de caractère rédhibitoire, tares communes à toutes
les formes de capitalisme, y compris le capitalisme d’Etat.
La pérestroïka eût pris un sens tout autre en s’engageant
dans cette voie. Au lieu de quoi, sacrifiant aux exigences des multinationales
implantées à l’Est les dirigeants soviétiques,
sous la pression de leurs conseillers, ont renoncé sottement
aux acquis de soixante années de capitalisme d’Etat. Finis les
grands combinats, leur entretien par les crédits d’Etat dont
les ressources, privées de la collecte des profits, vont se réduire
comme peau de chagrin. Enfin, la somme des petites réussites
individuelles se traduit généralement par une exploitation
accrue du salarié, du consommateur et du contribuable.
Remis en selle, les "dissidents" font irruption dans les médias,
accablant de leurs critiques, de leurs sarcasmes, le régime moribond.
Excipant de leur qualité d’historiens, de philosophes, de sociologues,
d’écrivains, d’économistes, de mathématiciens et
autres disciplines pareillement parasites, leurs groupes dont l’animosité
à l’égard de Staline n’a jamais désarmé,
reportent sur celui-ci la responsabilité de tous les malheurs,
de tous les échecs. Et de tirer à boulets rouges sur ses
"crimes" focalisés sur l’exil de Trotzky, sur les "purges"
des années 36 et 38, pressés d’en voir réhabiliter
les victimes. Brûlant les étapes, on blanchit les Boukharine,
Kamenev, Zinoview et consorts. Il ne suffit pas, toutefois, de signifier :
"Nous allons pouvoir étudier tous les articles, documents,
souvenirs devenus accessibles". Il faut commencer par le faire
et prendre le public à témoin, avant de conclure à
la non réalité de complots visant à déstabiliser
le pouvoir politique d’alors, et que les puissances financières
juraient sans cesse d’abattre.
Staline avait entrepris de réaliser le socialisme à l’usage
de son seul pays, sans se soucier de l’appliquer au reste du monde,
déclenchant la fureur des Trotzkistes frustrés de leur
ambitieux dessein : "étendre la révolution au monde
entier, les armes à la main" (La Révolution permanente).
Des banques d’Outre-Atlantique l’avaient financée, comptant en
récolter les fruits, l’utiliser pour dominer le monde.
Staline eut ainsi à lutter sans relâche contre une opposition
déviationniste, contre les tentatives de reconquête de
l’instrument révolutionnaire, contre les menées, les attaques,
les menaces de ses ennemis de l’extérieur.
Et voilà le vieux thème trotzkiste repris par un certain
Viatcheslav Dachitchev soucieux "de préserver le développement
d’un socialisme mondial", tout en dénonçant "l’expansionnisme
soviétique, cause de la coalition occidentale"... !
Un autre de ses propos tend à faire croire que "la constitution
du bloc de l’OTAN aurait eu pour cause l’extension de l’influence soviétique
à l’Europe" et que ce serait l’Union Soviétique qui
aurait fait "monter d’un cran la menace de guerre". La violation
par les Alliés des accords de Polstdam ? Les activités
de radio Free Europe, de la subversion antisoviétique, dollars
de la C.I.A. aidant, au sein des démocraties populaires ? L’encerclement
de l’Union soviétique par les 216 bases du Pentagone et de l’OTAN
? Dachitchev l’ignore. On le voit faire chorus à la thèse
occidentale de la supériorité des armements conventionnels
soviétiques, pourtant démentie peu de mois auparavant.
"Il existe, écrit-il encore, des conditions meilleures pour
avancer vers un socialisme sur la base nationale, pour influencer, d’autre
part, le progrès social mondial". Des propos incohérents,
propres à semer la confusion dans les esprits.
Puis, c’est Fédor Bourlatski faisant l’éloge "du
capitalisme chinois qui a permis à 800 millions de chinoirs d’échapper
à la famine". Selon lui, "les expropriateurs de type
Staline sont dans l’ornière du courant gauchiste, adeptes des
méthodes terrorristes".
Mais où cet homme a-t-il découvert que "les pays
du capital auraient mis leur confiance dans le socialisme. "Et
ailleurs : "Une part importante de l’Etat devra être concédée
à une société de droit". Un émule de
F. Hayek et de Guy Sorman... ! Il poursuit : "Un socialisme humain,
ce serait ainsi une société marchande planifiée,
fondée sur l’autonomie comptable et une multitude de formes de
propriétés sociales, le développement des coopératives,
familiales, INDIVIDUELLES. C’est la compétition économique,
c’est le développement d’une société de droit et
la subordination de l’Etat à la société" (1)
"Développement de l’autogestion" ? La Yougoslavie ne
vientelle pas d’en faire la décevante expérience ?. "Education
d’une individualité socialiste" ? Une antonymie. Enfin, clôturant
cette mise en coupe réglée des principes du socialisme :
"Ces transformations sont dirigées vers le raffermissement
du socialisme, de l’autorité du parti communiste et du pouvoir
populaire". Bourlatski raconte n’importe quoi.
Du "grand écrivain" Tchinquiz Aïtmatov :"Le
paysan s’est vu écarté de sa terre. Il a perdu le sentiment
de la propriété collective ( ?), l’intéressement
personnel aux résultats de la production. L’arbitraire stalinien
a privé le travailleur de la campagne d’initiative et d’autonomie.
L’absurde idée fixe de Staline : avoir un état riche avec
une population pauvre". (2).
Affligée de pareilles divagations, la pérestroika semble
plutôt mal partie. Une bévue regrettable.
(1) A noter que dans toute société marchande,
l’Etat est au service des plus fortunés, de leurs profits.
(2) Les citations sont extraires des N° 795 et 797 du bi-hebdomadaire
"Actualités soviétiques".
Tribune libre
Depuis le siècle des lumières, les naturalistes,
en accord avec le colonialisme galopant, ont essayé d’attribuer
au biologique (sexe, couleur) des vertus particulières.
Nous n’avons pourtant jamais constaté que les ovaires soient
porteurs de qualités d’amour, de douceur, de fidélité,
d’altruisme, ni aucune des spécificités dont un brave
monsieur nous régale dans le dernier numéro de la G.R. !
Le maniement de la serpillère ou du biberon n’est pas plus féminin
que masculin. Tout ce qu’un homme peut faire nous pouvons le faire...
Inversement, jusqu’à présent, tout ce qu’une femme pouvait
faire, un homme le pouvait, sauf... pour ce qui est de porter neuf mois
et de mettre au monde un enfant, dont le père reste toujours
la grande inconnue.
Les rôles stéréotypés masculin/féminin,
ont été imposés culturellement, afin que les femmes,
qui disposaient peut-être de certains pouvoirs dans les époques
reculées, soient exclues de la vie sociale.
Dans l’Histoire, écrite par les hommes, nous n’avons pas notre
place. Nous n’avons pas davantage promu la formation du vocabulaire,
que l’urbanisme (triste !), les lois, ou la naissance des religions (toutes
misogynes). Ce n’est pas nous qui avons établi les frontières
géographiques, ni inventé I"’étranger",
l’Ennemi, le soldat. Ni d’ailleurs, le médecin militaire qui
le soigne, ni le prêtre qui lui donne les sacrements, ni le marbrier
qui élèvera la stèle aux "Morts pour la Patrie"
!
Nous sommes, depuis des milliers d’années, évacuées
de la Comédie que se jouent les hommes entre tueries, armistices,
châtiments, tortures, prisons, sanctions et... aministies, palmes,
médailles ou diplômes...
Qu’ils se repaissent donc de films de guerres, de bateaux coulés,
d’avions en flammes, de matchs de boxe, de luttes, et autres tape-dessus...
Nous n’avons pas participé à l’architecture selon Violet
le Duc, Haussmann ou Le Corbusier. Nous n’avons pas choisi la disposition
des grandes cités, ni la forme, le poids, le matériau
de nos meubles. Nous n’avons notre place dans l’Histoire que comme reproductrices
potentielles et appendices, cautions, témoins de l’Odyssée
masculine, lorsque cela donnait du piquant d’y introduire cette dimension
fantasmatique : LA Femme (1).
Aux hommes, le sérieux, la construction, la politique... qui
seraient du solide, de l’important ; aux femmes : le frivole, la décoration,
le foyer, sorte d’agrément, pour adoucir la société
masculine ! Cette conception des rôles est bien archaïque.
Durant les migrations, les croisades, les joutes et guerroiements des
mâles entre eux, bien des femmes ont fait preuve de force, d’esprit
d’initiative, de compétences dans tous les domaines habituellement
réservés aux hommes. Dès leur retour, les époux-soldats,
Héros de leur propre farce virile, en dépossédaient
les femmes. Les usines d’armement ont été tenues par les
femmes pendant les guerres, pendant que d’autres cultivaient les terres.
Dans certains ports africains, ce sont les femmes qui déchargeaient
les bateaux, pendans que les moines d’Angleterre utilisaient les femmes,
même pendant leurs grossesses, et les jeunes enfants, pour des
salaires inférieurs qui arrangeaient bien les Directions (mâles).
On peut dire que l’Histoire des civilisations est l’histoire
du renoncement (obligé) des femmes.
Dans les sociétés communautaires, primitives, les femmes
avaient une place capitale : elles assuraient la survie du groupe humain
tout entier ; ce sont elles qui ont inventé l’agriculture (à
la houe). Elles s’occupaient entièrement des cultures vivrières,
des tissages, de la poterie utilitaire, de la construction des huttes,
de l’élevage des animaux domestiques, du transport de fardeaux,
et en plus de l’éducation des enfants, de la cuisine... Pendant
que les hommes, comme encore dans beaucoup de contrées, s’adonnaient
à la chasse et à la pêche, mais aussi aux beuveries,
fêtes, et bagarres de clans.
Voilà au moins 8.000 ans que nous subissons les farces et attrapes à la gloire de la virilité. Que les savoirfaire de nos mères ont été progressivement introduits dans la société marchande. Contraintes d’y participer sous les ordres de chefs et de contremaîtres, souvent abusifs et humiliants par leurs prétentions au droit de cuissage, nous avons acquis à l’usine, dans les manufactures, un salaire dit d’appoint, avec lequel acheter tissages, confitures, conserves, charcuteries, trafiquées, malsaines pour nos enfants, (placés dans des crèches...) et à des prix que notre seul salaire ne pouvait assumer.
La médecine aussi a été volée
aux femmes, soignantes, sages-femmes, "sorcières" ;
9.000.000 ont été brûlées à travers
toute l’Europe. Mais aujourd’hui le corps médical, et l’ordre
des médecins est majoritairement masculin, et ce sont des hommes
qui nous accouchent, sous le titre honorifique de "maïeuticiens"
! et un salaire en conséquence. Ailleurs, pour des alibis divers
que les pharaons devraient nous expliquer, on mutile sexuellement des
femmes 82.000.000 actuellement, dans toute l’Afrique Noire, le Proche
et le Moyen-Orient, Ambroise Paré, également, chez nous...
Entre temps on avait bandé jusqu’à la gangrène,
les pieds des plus jolies chinoises : quelques unes survivent aujourd’hui
dans leur fauteuil d’infirme : Un empereur amoureux en avait décidé
ainsi ! Parfois les hommes se sont servis de leurs compagnes, matrones
ou concubines, pour faire ces sales tâches, tout comme les nazis
faisaient faire les plus sales besognes par les juifs eux-mêmes,
dans les camps !
Pendant ce temps-là, le sexe dit "fort" a créé
des frontières, pour pouvoir se combattre allègrement
: pas une île, pas un lac, pas un océan, pas un caillou
n’échappaient à sa manie de coller des noms, des numéros,
des prix à tout !
Car l’homme, blanc, bourgeois (HBB) après n’avoir que distingué
les esclaves des maîtres, a entrepris la nomenclature de tout
ce qui l’entoure, afin d’en établir la hiérarchie : des
minéraux aux végétaux et aux animaux ; puis des
poissons aux insectes, aux reptiles, aux oiseaux et enfin, aux mammifères.
Parmi ceuxci, il distingue les mammifères inférieurs des
supérieurs et bien entendu parmi ces derniers, la femme de...
qui donc, tout à fait au-dessus ? L’H.B.B. !
Sous prétexte de "maîtriser" la nature, il châtre
les chevaux, pollue les mers, crève le ciel (fuyez, ozone), scinde
l’atome dans une rage schizophrène à s’en détruire
lui-même. Mais pour soigner son organisme usé de tant d’abus,
il lui faut aussi crucifier les grenouilles.
Pour son plaisir, le HBB raffine. Autrefois, il faisait sauter les lions
dans des cercles de feu. Aujourd’hui il fait s’entretuer les coqs armés
de lames bien aiguisées et des taureaux trafiqués tombent
sous les hourrah de la foule.
Rien ne doit échapper au HBB, qu’il soit resté dans l’hémisphère
nord ou qu’il ait émigré chez les Indiens. Pourtant il
est saisi d’angoisse dans le désert, tout comme par l’abondance
des enfants chez les autres.
Il a inventé le réveil, et découpé le temps
pour soumettre le monde à sa .maniaquerie. On a arraché
les vieillards à leur famille, les gosses à leur sommeil
, jeté les uns dans les usines (on les appela manuels) et les
autres dans des facultés (on les appela intellectuels). Il décida
- comme notre distributiste de conseils - de toujours ramener les femmes
au foyer, où, à l’oeil, elles allaient produire et reproduire,
jusqu’à ce que le maître dépérisse et périsse
en réclamant les soins, toujours bénévoles, de
celle qui lui survit en moyenne 8 années. Les 8 premières
années de sa liberté !!
Les surhommes, sans doute approuvés par les autres, nous ont
tous répertoriés, fichés, des caméras fonctionnent
dans toute la ville, les indicateurs, les satellites, ainsi passons-nous
hommes et femmes, par la grille de QUI nous maintient en otages.
Avant, ils avaient déboisé, défolié,
effectué des manipulations génétiques, cultivé
des bactéries à des fins militaires. On piquait la viande
au rouge, les citrons au dyphénil, les charcuteries à
l’amarante. On élevait des veaux aux antibiotiques et aux hormones,
les pondeuses en batteries... Les mêmes s’occupent actuellement
des femmes et de leurs ovulations...
On créa des vaches géantes dont les pis s’engorgeaient,
à un moment où on ne savait plus en quoi transformer les
excédents de lait !
Grâce aux plus instruits d’entre eux, on lobotomise un peu partout,
on électrocute, on fait hurler sous les coups, on viole des jeunes
filles avant de les assassiner, dans certaines contrées plus
viriles encore, on enterre vivantes des femmes, même enceintes.
On déverse des bombes (venues de pays civilisés) on saupoudre
de produits toxiques et de gaz divers, l’ensemble de populations ; femmes
et enfants compris...
Au XIXe siècle, les vieux papas de la médecine savante
avaient déjà mesuré le cerveau DU noir, le nez
DU juif, le bassin de LA femme. Aujourd’hui on vend du sang, des organes,
des cheveux, des foetus, des enfants, des femmes : convoitise de toutes
sortes de maquereaux qui déshabillent Pierrette pour habiller
Paulette. On échange des reins, des pacemakers, des prothèses,
des ventres (de femmes).
OU SONT LES MILLIONS D’HOMMES NON-COMPLICES qui se sont élevés contre cette corruption et cette militarisation viriloïde de leur monde ? Que faisaient-ils, ces dernières années, quand nous sommes descendues par dizaines de milliers dans la rue, quand beaucoup ont tenté d’infiltrer les instances de décisions, quand d’autres ont renoncé à faire des enfants, dans ce monde là ?
Et aujourd’hui un monsieur que je présume d’une autre génération crie Allo ! Mamans ! Bobo ! alors que l’ensemble de ceux qui composent le Patriarcat nous ont barré la route pendant des milliers d’années !
Il fallait voir tout ça AVANT !
Distributiste, il ne faut pas l’être seulement
en projet, plus tard, par système économique. Pour les
sentiments aussi, pour les tâches ménagères aussi,
pour l’éducation des futurs hommes aussi, pour l’information,
la compréhension, l’intelligence aussi !!!
Nous ne somme plus des aidesoignantes, des cuisinières, des blanchisseuses,
et des prostituées, le tout dans la même personne. Nous
ne sommes pas forcément des mères, ni des comptables,
ni des femmes de ménage, ni les consolatrices au grand coeur,
en une seule épouse ou compagne !
En quoi sommes-nous concernées par ces 8.000 années de décisions prises au-dessus de nos têtes, et contre nos nombreux avertissements ?
NOUS N’Y SOMMES PLUS POUR PERSONNE ! DO NOT DISTURB !
Eulalie Papavoine et Augustine Chiffon
P.S. Des milliers de livres de par le monde, viennent d’être publiés : il parait, d’après les libraires, que les hommes les achètent peu. Les violées y parlent aux violées, les femmes battues aux battues, les ménagères aux ménagères, les abandonnées aux abandonnées, les prisonnières, les prostituées, les filles-mères, les mères de famille nombreuse, les solitaires, les homosexuelles... Toutes les analyses faites par des femmes, depuis Louise Labé jusqu’à nos jours, existent. Instruisez-vous, ceci évitera de tenir des propos d’un autre âge.
(1) Nous connaissons LE dinosaure, pas LA femme, mais LES femmes, personnalisées, diverses, multiples.