Éditorial
L’époque que nous sommes en train de vivre
est étrangement marquée, à peu près partout,
par de grands tournants.
Aux Etats-Unis, c’est la fin d’une domination économique, industrielle
surtout, qui durait depuis la Seconde Guerre Mondiale. L’échec
de la politique économique de R. Reagan est flagrant. L’un de
ses deux piliers reposait sur la doctrine de l’offre. Le résultat
fut si désastreux que, brûlant aujourd’hui ce qu’on adorait
hier, la pression fiscale a été augmentée de 100
milliards de dollars... L’autre pilier était la doctrine monétariste.
Autre désastre, le déficit commercial atteignait 160 milliards
de dollars l ’an dernier, le déficit budgétaire, 221 milliards
de dollars. L’endettement des Etats-Unis (2.000 milliards de dollars)
est le double de celui du tiersmonde (1) !
En France, F. Mitterrand pratiqua au début une politique opposée,
se caractérisant par une relance par la demande. Même échec,
même retournement... qui sembla inspiré par la politique
de ses adversaires...
Deux thèses économiques opposées pour susciter
une relance de l’économie. Deux échecs : c’est la pauvreté
qui a augmenté ! A l’Est, le socialisme serait remis en question
? Là aussi, on parle de retournement... Ainsi, toutes les politiques
suivies pour "en sortir", et dans le monde entier, sont en
train de s’effondrer.
***
C’est dans ce contexte de remise en cause de toutes
les doctrines "orthodoxes" que l’Europe va se former. Il n’est
donc pas étonnant, alors que toutes leurs tentatives de relance
ont échoué, que nos "décideurs" veuillent
y voir, avant tout, une bouée de sauvetage. L’Europe est ainsi
pour eux celle "des affaires". lis y voient des centaines
de millions d’acheteurs. lis oublient qu’il s’agit aussi de centaines
de millions de producteurs qui cherchent, eux aussi à vendre.
Faire communiquer des vases qui débordent, comme disait J. Duboin,
n’apporte guère de débouchés...
Puisque tout bouge, puisque tout est en question, n’est-il pas urgent
d’aller au fond des choses ?
Théorie de l’offre, théorie de la demande, deux théories
opposées mais qui reposent toutes deux sur le même postulat
qui aujourd’hui s’avère faux : l’échange. L’économie
ne peut plus, à l’heure des robots, reposer entièrement
sur l’échange. Ceux quine peuvent plus trouver à vendre
leur travail n’ont plus rien à échanger contre ce dont
ils ont besoin pour vivre. Or l’homme est désormais capable de
produire de quoi satisfaire tous ces besoins vitaux. Ce qui ne suit
pas, c’est le système de distribution du pouvoir d’achat. Le
désordre actuel, la montée catastrophique de la pauvreté,
est la manifestation de ce décalage entre progrès technique
et évolution sociale.
Or tout, dans l’économie, passe par la monnaie. Le chaos monétaire
actuel, que nous avons si souvent décrit ici parce qu’il atteint
des proportions gigantesques, parce qu’il prouve que le système
monétaire est totalement déconnecté des réalités
économiques, transformant le "marché" en un
monstrueux casino, ce chaos monétaire n’est au fond que l’expression
de ce dramatique décalage. Il n’y a donc pas d’issue possible
sans la remise en compte complète de nos habitudes monétaires.
***
L’Europe, qui tente de se former ainsi entre Est et
Ouest, entre deux blocs à bout de souffle, saura-t-elle se donner,
dans les quatre ans et demie de réflexion qui lui restent, les
bases nécessaires pour être autre chose que cette intenable
fuite en avant des pays dits développés ?
Justement, c’est ce que tentent de faire des hommes et des femmes de
bonne volonté qui ont entrepris de lutter pour que l’Europe ne
soit pas celle "des géants de l’industrie", ni celle
de la "piraterie des 0. P.A. " (3), mais que l Acte Unique
soit aussi un projet de civilisation, dans lequel l’épanouissement
de l’être humain soit un objectif au moins aussi important que
le développement des "marchés".
Les difficultés de pareille entreprise sont énormes, dans
le contexte de tensions actuel. Oser vouloir faire passer le social
et le culturel au même rang que la finance, dans un projet de
cette ampleur, quelle gageure, à l’heure où parler seulement
de l’aspect humain d’une entreprise économique est une incongruité,
dans ce monde où compétitivité fait loi !
Pour que nous réussissions, car je suis sûre que tous nos
lecteurs sont prêts à participer, avec enthousiasme, à
cette entreprise, deux conditions me paraissent indispensables. D’abord
il faut aller au fond des choses, avoir le courage de dénoncer
le rôle de la monnaie dans le déséquilibre actuel,
oser proposer, au moins dans ses grandes lignes, un projet d’une monnaie
européenne capable d’assumer la distribution nécessaire
de pouvoir d’achat et d’une monnaie internationale, basée sur
la réalité, et en mesure de mettre le monde à l’abri
non seulement des aléas du dollar américain mais aussi
de toute spéculation. La seconde condition est de faire la preuve
d’un énorme consensus, à travers toute l’Europe. Ceci
implique, de notre part en particulier, un très gros effort de
diffusion (4) et pour tous un sincère rejet de toute autorisation
"politicarde". Il faut que notre projet entraîne un
mouvement d’opinion dont on sente qu’il exprime un besoin profond, une
aspiration qui va bien au-delà de toute inféodation à
quelque parti politique que ce soit.
(1) Voir à ce sujet le travail de Ballon et
Niosi, analysé en rubrique "lectures".
(2) Môme "The Economist" constate cet échec.
Lire à ce propos la traduction partielle et le commentaire de
P. Vila d’un article de F. Bergsten.
(3) Lire ci-dessous la présentation magistrale qu’en a faite
Jacques Robin.
(4) Nous devrions pouvoir y associer la plupart des membres de l’association
européenne "Basic Income European Network" dont la
Grande Relève a publié de nombreuses traductions et qui
doit se réunir pour son second colloque en septembre prochain
à Anvers.
L’association "Des idées pour l’Europe" (1) a lancé un "appel pour un projet social et culturel européen" dont J. Robin a rédigé l’avant-propos que nous reproduisons ci-dessous. Répondant à cet appel, nous étions plus de trente personnes à la réunion organisée le 15 juin dernier, à Futuribles International, représentant une vingtaine d’associations. Les thèmes principaux du projet y ont été définis. I l reste à les développer dans les trois mois qui viennent. Doivent participer à cette rédaction : J. Chevalier, J.P. Faye, A. Jacquart, E. Morin (culture) ; J.P. Faye, M-A. Macciocchi, J. Vidal-Beneyto (enseignement, universités, langues) ; G. Aznar, B. Delhoménie, M.L. Duboin, H. de Jouvenel, R. Passet, F. Flassard (économie, production, répartition des richesses, partage du travail) ; G. Beney et A. Bertrand (écologie) ; Mme Delmas-Marty et E. Pisani (développement - démocratie) ; B. Barthalay (monnaie) ; B. Barthalay et Noël (défense) ; M. Fargeon (logement) ; A. Wittenberg (transports), etc... Après synthèse par les initiateurs de ce projet (J. Robin, G. Aznar, B. Barthalay), J. Delaunay, H. de Jouvenel, P. Laurette et R. Passet), il devrait être remis au milieu de l’an prochain à J. Delors, pour dépôt au Parlement Européen.
Une étape décisive de la construction
européenne est prévue pour le 1er janvier 1993, autrement
dit pour demain : par l"Acte Unique", douze Etats membres
de la Communauté Economique Européenne ont créé
les bases d’un grand marché économique, industriel et
financier, ouvert à cette date à la libre circulation
des hommes, des ressources et des marchandises. Dans le système
industriel et marchand, cette réalisation peut certes offrir
aux Européens une plate-forme efficace pour mieux mener la guerre
technologique, économique et financière aux autres Grands
de ce monde. Car ce dont il est question dans les discours des décideurs,
c’est toujours de l’Europe des géants de l’industrie, de l’agriculture,
de la banque, et de la piraterie des OPA.
On entend une commission d’experts de la Communauté déclarer
avec sérieux qu’après 1995, ce Grand Marché enrichirait
la Communauté de quelque 1400 milliards de francs et permettrait
la création de deux à cinq millions d’emploi (2).
Comment peut-on s’aveugler à ce point ? Ne chicanons pas. Admettons
que soient surmontés les obstacles qui s’opposent à l’harmonisation
fiscale, à la progression de l’Ecu à la fois comme monnaie
d’échange et de réserve, à la création d’un
réseau concerté des Banques Centrales. Supposons que cette
Communauté parle d’une même voix en matière de défense
et de diplomatie. Concédons aussi que la Communauté ait
pu repousser - au besoin par des mesures protectionnistes plus ou moins
sélectives et transitoires - l’inféodation d’un trop grand
nombre d’entreprises européennes aux géants des Etats-Unis
et du Japon, alléchés par 320 millions de consommateurs
de bon niveau. Supposons donc que la Communauté Européenne
soit devenue en 1993 un ensemble technologiquement fort, financièrement
indépendant, capable de faciliter une croissance modérée
en PNB traditionnel. Eh bien, rien n’aura changé dans la progression
de la Crise économique et sociale du système. L’utilisation
à meilleure concentration des technologies informationnelles
aura multiplié le nombre des exclus du travail : c’est cinq à
dix millions de sans emplois de plus qu’il faudra sans doute comptabiliser
après 1995. La société européenne sera encore
plus qu’à présent, une société à
deux ou trois vitesses, même si un revenu de "minimum vital"
permet la survie des plus démunis.
Les responsables politiques se gargarisent du "Grand Marché
Européen" - en particulier en France, pourtant la plus mal
placée avec son outil industriel sous performant et ses mentalités
conservatrices - car ils espèrent gagner quelques années
pour masquer leur incapacité à s’engager dans la transformation
qui s’impose, en France comme ailleurs (3). lis n’auront fait que reporter
leur impuissance face au chômage et à la société
duale à plus loin et plus tard : jusqu’à ce que le désastre
éclate dans toute son ampleur.
Comme tous les grands problèmes de société, celui-ci
est complexe : il va sans dire en effet que la construction de l’Europe
est indispensable pour la survie d’un continent aujourd’hui balkanisé
mais elle ne sera réussie qu’en l’engageant en même temps
dans les transformations qu’appelle une ère nouvelle de l’humanité.
Le grand marché demande à s’équilibrer d’un espace
social, d’une volonté politique et culturelle affirmée.
Alors, loin de servir d’alibi, il sera le terrain le plus propice pour
bâtir une économie, nourrie à la fois par le développement
contrôlé des technologies nouvelles et par une distribution
progressive des richesses ainsi créées.
Un espace social élargi : "Les politiques n’ont pas encore
compris que, si elle reste sans dimension sociale, l’Europe de 1993
ne correspondra pas à l’espoir des populations" (4).
Nous sommes amenés à nous interroger sur "un modèle
européen de développement social" (5), et à
réfléchir à des propositions centrales : les conditions
nouvelles du travail et de son partage, les modalités d’une distribution
des richesses, le développement local, le couplage des travaux
productifs et d’utilité sociale, l’équilibre d’une protection
sociale efficace pour tous. Voilà les problèmes à
prendre à bras-le-corps au niveau de la Communauté, non
pas pour exposer des gadgets sociaux dans la vitrine du "Grand
Marché", mais pour en faire la pierre angulaire de la construction
européenne.
Volonté politique et culturelle affirmée :
"L’Europe a deux vocations fondatrices : politique et culturelle"
(6). A ce niveau, ce ne sont pas non plus quelques célébrations
culturelles qui suffisent à affirmer la volonté politique
de construire l’Europe. Le mécénat culturel, un soutien
collectif à la créativité individuelle et des médias,
une harmonisation des conditions de vie des citoyens sont certes indispensables
mais insuffisants. Ce n’est pas d’une politique de la culture qu’il
s’agit, mais de mettre en culture la politique. Les grandes lignes en
sont claires : une démocratie remise à neuf, des instances
éthiques à la mesure de notre temps.
Tous les trésors de l’imaginaire social ne seront pas de trop
pour que l’éducation, la recherche, le droit, soient orientés
en ce sens. D’autant plus que dans le même temps, nous aurons
à trouver de nouveaux rapports avec la nature : le continent
le plus pollué du globe devra créer son écoculture.
C’est, croyons-nous, au niveau des régions de l’Europe que les
problèmes de la construction européenne pourraient être
le plus efficacement saisis. C’est là que le développement
local peut le mieux fructifier, la lutte s’engager sur le champ contre
la pauvreté, la formation professionnelle s’adapter à
l’emploi qu’il soit productif ou d’utilité sociale, la coopération
se nouer entre les pouvoirs publics, l’université et l’industrie.
C’est là aussi que des banques spécialisées peuvent
favoriser les projets écologiques, que de nouvelles perspectives
peuvent être tracées pour le logement et le transport.
Enfin, c’est au niveau des régions que les droits de l’homme
peuvent être développés dans un monde en pleine
évolution, que les formes modernes d’aliénation et d’exclusion
peuvent être combattues, que des universités axées
sur la recherche et l’innovation peuvent dégager de nouvelles
ressources culturelles pour la civilisation planétaire à
venir.
Alors, oui, une "communauté de destin" mûrirait
pour les peuples et les régions de l’Europe, par-dessus les Etats-Nations
dont le rôle historique est à présent terminé.
Tel est l’enjeu des années 1990 pour les citoyens européens
quels que soient leur rang social et leur appartenance nationale. Quel
objectif pour les mouvements associatifs : créer le réseau
des réseaux pour "cultiver l’Europe"
(1) Président : G. Aznar, Vice-Président :
H. de Jouvenel.
(2) En 1977, leurs collègues de l’OCDE qualifiaient . la crise
de "conjoncturelle"...
(3) D’une façon générale, l’opinion française
est à la fois celle qui, d’après les sondages, paraît
la mieux disposée à la création de l’Europe et
qui en fait y est la plus mal préparée. Il faudra bien
qu’elle choisisse entre les exigences de celle-ci et le mythe de "l’hexagone",
du "sanctuaire" et de la "force de frappe". Mais
c’est déjà un progrès que le problème soit
posé.
(4) Interview d’Edmond Maire dans Libération, mars 1988.
(5) François Mitterrand, intervention à la Fédération
Nationale de la Mutualité Française, 10 juin 1988.
(6) Edgar Morin - Penser l’Europe - Paris : Fayard, 1987.
Au moment où le revenu minimum s’impose jusque dans les milieux gouvernementaux, il n’est pas inutile de préciser notre avis sur les controverses en cours.
Dignité du travail
Tout d’abord sur la nécessité du travail
salarié qui serait seul en mesure d’assurer la dignité
de la personne humaine. Il s’agit là, à n’en pas douter,
d’un préjugé tenace dont l’être humain a le plus
grand mal à se débarrasser. Ce qui donne au travail son
lustre, c’est surtout le revenu que la personne en tire. Si le père
de famille procure aux siens les moyens de vivre, peu importe à
ceux-ci d’où vient l’argent. La sagesse populaire n’avait-elle
point coutume de prétendre qu’il n’y a pas de sots métiers
mais seulement de sottes gens. C’est peut-être ce qui a fait dire
récemment à M. Séguin (1), ex-ministre des Affaires
Sociales, qu’il regrette la suppression des poinçonneurs de métro"...
dont personne au gouvernement (2) ne comprend la disparition...".
C’est dire le niveau intellectuel de nos anciens ministres... Proposons
donc à ces Messieurs de recréer, spécialement pour
eux, quelques postes de poinçonneurs et de les y affecter. Nous
ne sommes pas méchants. Seulement pour un an ou deux. Simplement
pour qu’ils se fassent une idée de l’intérêt intellectuel
et moral de ce métier.
M. Séguin nous avait habitués à mieux lorsqu’il
avait admis qu’une grande partie du chômage est structurelle et
inhérente au mode de production...
Revenu d’insertion
On se demande d’ailleurs si nos nouveaux ministres
sont plus intelligents que les précédents lorsqu’ils envisagent
d’adopter la formule d’un Revenu minimum "d’insertion". Ce
qui, d’après eux, signifierait que les bénéficiaires
recherchent de nouvelles sources d’emplois avec la persévérance
qui s’impose et que leur chômage est très provisoire. Sans
parler de ceux qui chargent les municipalités de leur trouver
de l’occupation. Si des "gisements d’emplois" existaient,
cela se saurait. Nous souhaitons à nos édiles "bien
du courage"...
Que l’on ne nous soupçonne toutefois pas d’ignorer, à
cause de notre naïveté bien connue, qu’un certain nombre
de tricheurs se glissent parmi les vrais demandeurs d’emplois. Ils sont
peut-être même plus nombreux qu’on ne le croit. Comment
reprocher aux déshérités de profiter des tares
de la société ? Que l’on ne nous accuse pas, non plus,
d’accepter avec délectation le chômage des autres. Personne
plus que nous ne comprend les affres des vrais chômeurs et ne
réprouve la conduite de ceux qui leur promettent des emplois
illusoires. C’est même principalement pour cela que nous soutenons
la thèse de l’économie distributive.
Les travaux difficiles
La dignité du travail de poinçonneur
de métro n’est pas évidente. L’est-elle plus que celle
de l’éboueur, du mineur de fond, du peintre à la chaîne
et du manieur de marteaupiqueur ? Il faut bien que tous ces travaux soient
faits. Oui en attendant leur entière automatisation. De là
à les idéaliser...
En fait, le travailleur a surtout besoin de se sentir utile à
la société. Comment serait-il rassuré si celle-ci
le rejette ? Il y a bien contradiction entre cette aspiration et la règle
d’or de la concurrence capitaliste qui veut que toute main-d’oeuvre
excédentaire soit éliminée. Nos contempteurs de
la liberté libérale n’ont toujours pas trouvé la
solution...
Bien que de bonne volonté, les hommes politiques prêts
à instaurer le revenu minimum n’ont pas compris qu’il ne s’agit
pas d’une aumône mais d’un nouveau droit de l’homme, contrepartie
individuelle du patrimoine scientifique appartenant à tous.
Le fédéralisme Intégral
Cet article n’ayant pas pour objet d’informer le lecteur sur le foisonnement d’études relatives au revenu garanti parues dans les derniers mois, revenons-en à l’opuscule d’Alexandre Marc qui fait notre titre. Comme on le sait, l’auteur est, depuis avant la guerre, le meilleur expert du fédéralisme en France et le pionnier du fédéralisme intégral. Cette doctrine couvre l’ensemble de l’organisation de la société en ce sens qu’elle ajoute des thèses économiques au fédéralisme classique. Ce dernier suppose une structure sociale où la décision se manifeste : depuis la cellule familiale jusqu’au monde entier en passant par tous les échelons intermédiaires. Alexandre Marc et les siens prévoient aussi un système économique à double entrée où, à l’économie de marché, se superpose une économie sociale. Le tout est sous la dépendance d’une planification bizonale. La zone A et la zone B coexistent ainsi dans l’agriculture, le commerce et l’industrie. Deux monnaies, correspondant aux deux zones, règlent les échanges. La description complète du fédéralisme intégral sortirait du cadre de cette chronique. Après avoir donné cette idée sommaire du système, il nous suffira d’ajouter que, selon celui-ci, un revenu minimum attribué à tous permettrait de briser la dépendance du salarié envers son patron.
Le Revenu européen
A l’approche de 1992 qui fait l’objet de tant de conversations
et de théories, Alexandre Marc se devait de rappeler que le fédéralisme
intégral a une composante européenne essentielle. Il étend
donc sa proposition de minimum social garanti à l’Europe. C’est
effectivement une donnée dont nos gouvernants devront se soucier.
Puisque, pour eux, l’Europe ne sera qu’un cadre plus vaste où
les intérêts nationaux ou supposés tels, devront
rester en lutte ouverte, il conviendra de prévoir des règles
acceptables de concurrence. L’harmonisation du revenu minimum aura à
s’ajouter à l’harmonisation fiscale, boursière, banquière,
monétaire, universitaire, commerciale, etc...
Ce n’est pas la préoccupation principale d’Alexandre Marc qui
se réclame du personnalisme d’Emmanuel Mounier et aussi de Charles
Péguy.
Fédéralisme Intégral et économie distributive
Comme on l’a vu, le fédéralisme intégral
peut paraître séduisant quoique complexe. Les "distributistes"
ne le rejetteraient certainement pas a priori. Alors pourquoi l’auteur
se permet-il cette appréciation relative à Yoland Bresson
et Philippe Guihaume en même temps qu’à Jacques Duboin :
"... Il est essentiel d’éliminer, sans plus tarder, les
tentations diverses : condamnation du bénéfice, rejet de
l’argent", prise au tas chère aux abondancistes, bons de
consommation et autres chimères. Certes ces utopies fascinent
encore beaucoup d’esprits, même parmi les plus proches de nous.
Je n’en veux pour preuve que l’exemple fourni par Yoland Bresson et
Philippe Guihaume qui rendent un hommage enthousiaste à Jacques
Duboin "prophète" de l’Abondance -avec une majuscule
- même si le concept de l’abondance n’était intrinsèquement
contradictoire, comme s’il pouvait être détaché
de toute corrélation avec une partie nécessairement limitée
de l’économie pour être élevé au rang de
l’Absolu ! Ayant tenté moi-même, à l’origine, de
me rapprocher des abondancistes... et de collaborer personnellement
avec Jacques Duboin, j’ai eu vite fait de me rendre compte que ses tendances
utopiques le conduisaient vers des conclusions aberrantes, à
la limite stériles, inhumaines voire subrepticement totalitaires...
".
Nous avons tenu à citer ce passage in-extenso. Il serait trop
facile de montrer que l’auteur ne connait nos thèses que très
superficiellement : nous ne condamnons pas le bénéfice
nous constatons le rétrécissement du profit lorsque la
rareté disparait. L’abondance n’est pas pour nous un absolu,
mais l’inverse de la pénurie. Nous ne rejetons pas l’argent,
nous sommes pour une monnaie de consommation. Nous ne préconisons
nullement la prise au tas. Quant aux tendances de Jacques Duboin, elles
ne sont pas plus utopiques que celles d’Alexandre Marc, lesquelles sont
par contre inutilement compliquées et exagérément
ambitieuses pour être réalistes.
Ne nous laissons pas aller à une polémique qui serait
tout à fait inutile et dépassée. Convions plutôt
les proches d’Alexandre Marc à une étude comparative de
nos idées et à la recherche d’un accord possible sur certains
points. En particulier, la proposition d’une économie bizonale
pourrait peut-être constituer une étape vers le socialisme
distributif, de même d’ailleurs que le participat de MM. Bresson
et Guihaume. Remercions aussi ces derniers économistes d’avoir
salué les mérites de notre fondateur, la clarté,
la lucidité et la nouveauté de sa pensée.
Voilà pour la stérilité, l’inhumanité et
le totalitarisme des successeurs de Jacques Duboin !
(1) L’Express - 5 au 11 février 1988 "Osons
dire la vérité sur l’emploi".
(2) Celui de Jacques Chirac.
Pour le penseur, il est bien triste de voir un pays
s’enfoncer dans l’irresponsabilité et dans le désastre.
Il est pénible de constater le laisseraller dans tous les domaines
et à tous les niveaux. Il est bien triste de savoir que tout
pourrait être fait pour procurer aux hommes une vie saine, mais
que rien de valable ne sera fait.
Nous vivons dans la confusion générale de la productionrépartition-consommation.
Notre système économique est complètement déréglé,
vieillot et inadapté à notre époque de la technique
poussée à outrance. Nous vivons dans un système
qui empêche le développement de la saine pensée.
Notre civilisation avilie ne peut plus résoudre les problèmes
essentiels que sont les pollutions, les encombrements et les lenteurs
administratives.
Les administrations telles que nous les connaissons sont des freins
à l’expansion de la Pensée Réfléchie et
au développement d’une saine économie.
Par exemple, les innombrables impôts et les tracasseries qui en
résultent sont, à mes yeux, une véritable insulte
à l’intelligence humaine.
Nous vivons dans le gaspillage le plus éhonté : gaspillage
de matières premières, gaspillage de denrées alimentaires,
gaspillage d’énergie humaine afin de continuer à fabriquer
des objets futiles et médiocres servant à grossir les
profits.
Notre sang est chargé de tous les poisons répandus dans
les aliments et dans l’environnement. Notre cerveau enregistre plus
d’informations accessoires qu’essentielles.
Nous respirons à longueur de journée les gaz toxiques
que nous gratifient toutes les usines qui s’acharnent à fabriquer
des objets inutiles. Et nous seront bientôt obligés de
respirer les déchets gazeux radioactifs de centaines de centrales
nucléaires.
S’il fallait poursuivre l’énumération des erreurs et des
nuisances causées par le mental humain, on n’en finirait pas
! Nous ne pourrons jamais venir à bout de l’inflation et du chômage,
pour ne parler que de ces deux problèmes. Je ne vois pas comment
nous pourrons changer les structures existantes qui sont les résultats
des sécrétions de notre système économique
qui maintient l’homme dans l’irresponsabilité, dans la pauvreté
ou dans l’esclavage doré. Est-il possible que les hommes puissent
se complaire dans pareille absurdité, pareille désorganisation
? Notre système économique devrait faire place à
une économie de raison basée sur une monnaie non spéculative,
non thésaurisable. La monnaie devrait devenir un instrument d’équilibre
entre la production et la consommation et non une vulgaire marchandise
avec laquelle s’amusent les faiseurs d’inflation. La solution se trouve
donc dans le changement de notre système monétaire, lequel
à présent complique à plaisir la vie des hommes.
Dès .lors, il ne s’agit plus de construire sans discernement
des voitures et des objets inutiles. Il s’agit tout simplement de construire
des hommes et d’ériger une économie de raison. Les hommes
pourront-ils enfin enlever les oeillères qu’ils conservent depuis
si longtemps ; pourront-ils faire preuve de pensée réfléchie ?
Bon an, mal an, la production des richesses continue
sa progression à un rythme ralenti par rapport à ce qu’il
pourrait être si l’on mettait en oeuvre les moyens technologiques
et scientifiques dont nous disposons.
Il faut croire que l’augmentation généralisée de
la richesse n’arrange pas tout le monde et que certains, peu nombreux
mais puissants ont intérêt à ce que la rareté
continue à régner pour le plus grand nombre.
Dans son article intitulé "Ces inégalités
qui sapent la démocratie" (Le Monde Diplomatique de Juillet
1988), C. de Brie nous explique que "loin de se réduire,
les formidables inégalités qui structurent les sociétés
et façonnent les rapports entre les États et les peuples
s’accroissent inexorablement. L’écart se creuse entre riches
et pauvres dans les pays développés, entre ceux-ci et
le reste de l’humanité. Région privilégiée
du monde, l’Europe prospère de la Communauté compte aujourd’hui
44 millions de pauvres, chacun disposant de moins de la moitié
du revenu individuel moyen de son pays ; on en recensait 30 millions
en 1976. Y figurent en grand nombre : personnes âgées, vivant
souvent dans la solitude et la misère, mère de famille
célibataires (elles sont près de 4 millions), population
immigrée. La moitié des 16 millions de chômeurs
sont sans travail depuis plus de deux ans et la majeure partie d’entre
eux ne touchent plus d’allocations. Un jeune européen de moins
de vingt cinq ans sur quatre est privé d’emploi, donc de revenu.
La plupart n’en ont jamais eu".
A l’autre extrémité, 20 % de la population disposent d’environ
la moitié des revenus et des patrimoines et 10% s’en attribuent
plus du tiers. Au cours des dix dernières années,dans
de nombreux pays d’Europe comme aux États-Unis, les riches sont
devenus plus riches et les pauvres plus pauvres".
Il n’est donc pas étonnant que devant de telles inégalités
certains pays aient mis en place des systèmes de revenu minimum
garanti pour les plus défavorisés de leurs citoyens. A
la suite du Colloque qui s’est tenu en Septembre 1986 à Louvain-la-Neuve,
la Grande-Relève a, dans sa rubrique "BIEN", présenté
les divers systèmes existants dans la plupart des pays de la
Communauté Européenne. De telles allocations existent
aussi au Canada, aux États-Unis (mais bien réduites depuis
l’arrivée de Reagan à la Présidence), en Australie,
en Nouvelle-Zélande,... Mais, nulle part n’existe encore de véritable
système universel inconditionnel de revenu minimum. Nulle part
non plus, cela ne marche très bien en ce sens que les résultats
obtenus ne sont jamais à la hauteur de ceux qui étaient
recherchés, et cela n’est guère étonnant puisque
les causes qui ont entraîné la mise au point de ces programmes
existent toujours et ne sont pas près de disparaître, la
principale d’entre elles étant le chômage.
Partout se pose le problème du financement de ces allocations.
En France, il n’y avait jusqu’ici rien d’équivalent. Depuis le
retour au pouvoir des socialistes, le projet d’institution d’un revenu
minimum d’insertion est devenu une priorité du gouvernement.
Mais beaucoup de questions restent encore sans réponse : comment
et par qui sera attribué le revenu minimum d’insertion sociale ?
Qu’entend-on par "insertion" ? Selon les rares connaisseurs
du problème "ce serait une erreur que de croire tous les
"nouveaux pauvres" capables de se rendre utiles, même
à des postes modestes. Il faut d’abord s’occuper de leurs handicaps
les plus flagrants. Certains sont sans domicile fixe, n’ont plus de
papiers d’identité, ont besoin d’un bilan de santé, doivent
se soigner ou subir une cure de désintoxication. Le premier acte
d’insertion, cela peut être d’apprendre à se laver, mais
aussi à se lever ou à être à l’heure. Quelquefois,
il s’agira de les suivre pour éviter que l’attribution d’un revenu
ne provoque des perturbations, y compris psychologiques". A côté
de ça, il faut aussi se méfier des réflexes d’intolérance
de certains à l’égard de "gens payés à
ne rien faire", car, vestige d’une époque de pénurie
où tout était rare, le mythe du travail nécessaire
pour vivre existe toujours.
Heureusement, quelques voix commencent à s’élever
pour proclamer qu’il existe d’autres valeurs que le travail tel que
certains veulent continuer à nous le faire concevoir. C’est ainsi
que dans "La frontière invisible. Du mythe français
à la renaissance de l’Europe", Roland Clément qui
est libraire mais aussi conseiller municipal, donc "homme de terrain",
nous explique comment peut s’esquisser "un épanouissement
non utilitaire des peuples" : "La culture, c’est le travail
substitué. La culture, c’est le temps sauvé. En méconnaître
la priorité absolue, c’est ouvrir largement tous les abîmes."...
"Le laisser-faire ne permettra pas de tendre vers ce but. L’homme
doit prendre en main son destin, le planifier ; il doit discréditer
l’argent en tant que substitut du religieux et valeur mythique, base
de la productivité, de la compétitivité, mots magiques
à l’abri desquels se perpétuent les crimes contre la vie".
Après tout, c’est sans doute dans les activités culturelles
qu’il faut créer, provisoirement, ces fameux "nouveaux"
emplois que l’on cherche, en vain, dans le secteur tertiaire. Mais évidemment
ce ne sont pas des emplois rentables, au sens capitaliste du terme...
Quoi qu’il en soit, et bien que, pour notre part, nous ne puissions
considérer le revenu minimum que comme un pis-aller, nous devons
nous réjouir de son instauration en France. C’est encore une
étape supplémentaire franchie vers l’économie distributive.
Songez qu’il y a dix ans, quand nous parlions de distribuer des revenus
sans échange de travail, on nous riait au nez en nous traitant
d’utopistes.
En ce qui concerne les difficultés que semble soulever la mise
en oeuvre du revenu minimum d’insertion, nous avons des propositions
simplificatrices à faire : c’est de l’attribuer tout bonnement
à tout le monde sans conditions restrictives (cela évitera
la paperasse, les enquêtes pour connaître les bénéficiaires,
les contrôles, etc...).
Dans un premier temps on rattraperait par l’impôt ce que les possesseurs
de gros revenus auraient ainsi acquis en plus.
Ce titre d’un article signé par M. Fred BERGSTEN
dans "The Economist" du 7 Juillet 1988 est surmonté
d’un dessin que nous reproduisons en couverture : il représente
la Maison Blanche avec l’écriteau "A Vendre".
Enfin la vérité du credo capitaliste américain
?
Fred BERGSTEN, directeur de l’Institut d’Économie Internationale
de Washington et ex-expert de gouvernements républicain et démocrate,
précise les risques et les remèdes obligés de la
dette financière américaine.
Il fait un bilan chiffré du château de cartes d’expédients
autorisé depuis 1985 par l’équipe REAGAN pour masquer
le déficit ; dans une course à l’abîme (profitable
aux seuls spéculateurs informés) le "monstre"
est devenu terrifiant pour les apprentissorciers, et voici venir les
pertes pour tout le monde.
" - Au début de 1968 la crise de l’or s était soldée
par une surtaxe sur les revenus, payant pour la guerre du VietNam et
la "Grande Société" de JOHNSON.
- Fin 1978, la chute libre du dollar avait conduit le gouvernement à
durcir sa politique fiscale, et la Banque Fédérale de
Réserves à augmenter les taux d’intérêts
pour ramener le taux d’inflation au dessous de 10 %.
- Aujourd’hui les déficits jumeaux de la balance commerciale
et du budget sont payés par des emprunts mensuels de 10 à
15 milliards de dollars sur le reste du monde. Alors deux questions
s’imposent au monde économique et financier :
1°) Les autorités financières parviendrontelles à
temporiser jusqu’à la fin de l’année 1988 ?
2°) Les Etats-Unis attaqueront-ils leur déficit dés
Janvier 1989 ?
Car il faudrait une crise majeure pour que l’équipe sortante
s y risque avant l’élection de Novembre prochain.
BILAN
Au rythme actuel de l’excellent redressement économique américain, l’équilibre de la balance commerciale en volume serait établi vers 1990. Mais en valeur, aucun scénario ne permet de l’abaisser au-dessous de 100 milliards de dollars, car le prix des importations, gonflé par la baisse du dollar, et la hausse sur les services de la dette vont accroitre le coût relatif des importations.
AJUSTEMENTS OBLIGÉS
Le déficit de la balance des comptes courants
se maintient à 150 millions de dollars ; les coûts du service
de la dette, 50 milliards. Il faut donc un surplus de 200 milliards
pour redresser la balance. En valeur réelle, il faut améliorer
le commerce extérieur de 250 milliards soit plus de 6 % du revenu
national brut. ll serait possible d’y parvenir en cinq années,
en consacrant 1 % du produit annuel (qui augmente de 2,5 à 3
% par an) au redressement commercial ; ce qui veut dire économiser
1 % sur la croissance, au lieu de surdépenser 1 % comme l’ont
fait les États-Unis depuis au moins cinq ans.
Au plan international, il faudrait que les pays bénéficiaires
du déficit acceptent de diminuer leurs ventes aux États-Unis,
le Japon de 100 milliards, la RFA de 70 milliards, et les nouveaux exportateurs
comme Taïwan de 30 milliards de dollars.
A l’intérieur, les consommateurs devront persévérer
dans leur baisse du train de vie ; la plus sûre technique serait
de rogner le déficit du budget fédéral d’au moins
30 à 40 millions de dollars.
Mais, si les pays prêteurs n augmentaient pas leur consommation
intérieure et si le taux de change du dollar tombe au-dessous
de 10 %, le plein emploi actuel relancerait l’inflation et la hausse
du taux d’intérêt, et des conséquences encore plus
pénibles seraient inévitables : c’est ce que les techniciens
appellent le "hard landing" ; ou "l’atterrissage en chute
libre".
A partir de telles conditions, les scénarios sont multiples,
et chacun peut s’y risquer. J’essaye ici d’évoquer l’idéal,
et de discuter celui qui me paraît le plus probable et qu’il faudrait
anticiper pour y préparer des voies de recours.
L’idéal
La fin-de-crise, ce serait que cette chute ne soit
fatale qu’au seul vrai responsable du déficit, qui est le monopole
du crédit financier. Ce pouvoir de la création et de la
gestion bancaires, co-opté discrètement entre quelques
"agents" internationaux, reste exploité à leur
profit de façon désastreuse pour l’économie réelle
; au lieu de la servir en maximisant les productions à investissement
humain définies par la recherche et la statistique économique,
nos maîtres spéculent de plus en plus sur la valeur immédiatement
vénale du crédit financer qu’ils nous imposent, au terme
du plus grand abus de confiance (et du chantage exercé sur nos
gouvernants) que l’histoire ait connu. Que la guerre nucléaire
soit leur limite ! C’est la nation la plus riche et la mieux apte au
développement qui "doit", dans un tel système,
secréter la plus forte dette. La relance du plein emploi aux
Etats-Unis aura coûté 250 milliards de dollars visibles.
Si le "hard landing" avait lieu avant Novembre prochain, pour
combien l’actuel gouvernement des Amériques serait-il mis aux
enchères Souhaitons que le dessin en-tête de l’article
de Fred GERGSTEN ne soit qu’une menace rétrospective sans réalité.
A l’évidence, Ronald REAGAN, manoeuvré, n’était
responsable qu’au premier degré ; son équipe a tout de
même restauré le moral collectif et maintenu la force d’innover
dans le pays, qui a exorcisé les obsessions mentales de l’Amérique
"forteresse contre les rouges, ...jaunes", et semble lui rendre
conscience plus claire des réformes nécessaires dans la
politique latino-américaine. Si on écarte le désastre,
que pourrait-il se passer fin Novembre 1988, à 13 mois du lundi
noir ?
Le peuple américain mériterait qu’on soit clair sur les
réalités en amont du discours de BERGSTEN, un bilan de
guerre mondiale pratiquement perdue.
L’idéal, ce serait que les êtres pensants à la tête
des deux grands partis se concertent secrètement pour préparer
une investiture d’un nouveau style. Il faudrait un gouvernement d’union
sacrée,. avec un groupe d’hommes sûrs aux postes-clés,
du FBI à la Federal Reserve Bank ; des mesures de préparation
tactique pour empêcher les maîtres du monopole de saper
la réforme constitutionnelle : la mobilisationnationalisation
immédiate des instituts d’évaluation, d’émission
et d’investissement américains, et des dix plus grosses directions
bancaires, sous contrôle permanent par les commissions des finances
du Sénat et de la Chambre des Représentants, aux termes
d’un Amendement clair et bref à la Constitution des Etats-Unis
; l’ouverture d’un débat public sur la réalisation stable
de la réforme. La majorité des actuels cerveaux de presse
et d’affaires ne tarderait pas à se rallier à un système
ainsi assaini.
Alors l’Europe pourrait voir venir en 1992 avec des chances de se fédérer
librement, et de restituer à ses régions l’autonomie de
gestion. Pour la France cette décentralisation réelle
libérerait le dynamisme et les ressources des régions,
et permettrait l’entrée dans la Pax Europeana qui ne s’est amorcée
aujourd’hui que dans les groupes de chercheurs et d’artistes.
La grande rigueur probable
Ce que suggèrent au contraire tous les "experts"
est une toute autre morale.
Les successeurs de REAGAN sont voués à la faillite s’ils
n’imposent pas dés 1989 une méga-rigueur au peuple américain,
dont les européens subiront l’amer contrecoup. Le chantage à
la finance n’est pas une simple manoeuvre électorale antirépublicaine,
il pèse effectivement sur toutes les économies Occidentales.
Mais on cherche en vain qui, aux Etats-Unis, contesterait l’abus du
monopole du crédit sur l’économie ? Fascinés par
la vitesse du spectacle, les "experts" ne voient pas encore
la vieille supercherie mortelle des metteurs en scène du Crédit
; ils supposent équivalents le crédit bancaire visible
et le crédit réel mal analysé ; ils confondent
les gains économiques avec les profits boursiers. Le mythe du
progrès-bonheur et du profit-roi leur est si naturel qu’il faudrait
un renversement foudroyant des "valeurs" nationales pour qu’ils
dénoncent le chantage des banques.
Comme le dicte F. BERGSTEN dans son article, ils vont accepter ce chantage
et payer leur dette aux maîtres du crédit, aggravant ainsi
leur déclin économique ; mais ils vont faire payer en
partie ce déclin à leurs alliés européens.
A nous.
Il est donc stratégique d’apprécier les risques d’entraînement
que leur système bancaire en difficulté pourrait imposer
à l’économie des douze. C’est par les banques allemandes
que la pression risque de s’exercer sur nous.
Il faut ne s’intégrer à l’eurofinance que de façon
révisable et réversible. Il faut préparer des tactiques
de défense contre les investisseurs étrangers et contre
la spéculation chez nous. Ne nous endormons pas, comme les Britanniques
au milieu du siècle, dans de stériles débats politiques :
- Oui, le monopole capitaliste bancaire menace notre économie
encore trop dépendante de l’extérieur.
- Oui également, nous ne survivrons que si nous innovons par
l’évaluation prospective de la valeur-profit des productions,
mesure potentielle du crédit, vérifiée par l’épreuve
du marché réel. Celà n’implique pas une tyrannie
du profit bancaire à n’importe quelle condition. Au contraire.
A nous aussi d’éloigner le monstre en ne le laissant plus entrer
chez nous, et en regardant enfin, avec la rigueur critique véritable
qui fait défaut à nos Barre et Bérégovoy
réunis jusqu’à présent, nos circuits de production
et d’échanges, ce que le progrès informatique permet plus
facilement chaque jour.
La France peut redevenir pionnière en ces matières grâce
à son originalité sociale, à son goût inné
de liberté et de terroir, à ses richesses intrinsèques
et à l’énergie de ses générations montantes.
Seule cette rigueur là nous sauvera.
Lectures
La dénomination à la fois économique,
financière, politique et militaire des États-Unis sur
le monde aura duré trente ans. Leur splendeur n’est plus ce qu’elle
était et les relations mondiales se sont transformées
: l’hégémonie d’une seule grande puissance, bien qu’elle
soit encore le pays le plus riche de la terre, fait place à un
monde multipolaire. Et il n’y a pas de retour en arrière possible.
C’est le constat que font deux spécialistes de l’économie
industrielle : un Français, B. Bellon, et un Canadien, J. Niorsi,
dans un livre intitulé "l’industrie américaine fin
de siècle" (1).
Le style de ces deux universitaires n’est pas du tout celui qu’emploient
trop soivent bien des économistes pour impressionner... ou pour
cacher dans le brouillard leur manque de profondeur. Ici, l’analyse
est méthodique, rigoureuse, elle s’appuie sur une très
riche documentation. Et si on avance une thèse, on présente
aussi l’antithèse, ses auteurs, leurs références,
leurs arguments et la raison pour laquelle ou les réfute.
Le déclin américain est d’abord économique : ils
ont perdu le leadership de l’innovation dans de très nombreux
secteurs de l’industrie. Ils ne sont plus les premiers producteurs mondiaux
d’automobiles, d’acier, de bateaux, de machines-outils, de robots industriels,
d’appareils électro-ménagers, etc... Ils ont été
remplacés à la fois en volume et en qualité, ici
par le Japon, là par l’Europe. Et les données actuelles
montrent les mêmes tendances en matière d’électronique,
d’industrie aéronautique et dans les télécommunications.
Le déficit de la balance commerciale des États-Unis (175
milliards de dollars en 1986) reflète bien ce déclin :
la valeur des exportations manufacturière de la RFA et du Japon
dépasse largement celle des États-Unis, ou près
du quart des produits manufacturés vendus ont été
importés.
Les entreprises américaines peuvent cependant afficher encore
des profits : pour contrer leur manque de compétitivité,
elles utilisent deux méthodes efficaces sinon élégantes :
d’une part elles se développent dans des pays à bas salaires,
comme la Corée du Sud, Taïwan ou le Mexique, et d’autre
part, elles achètent leurs composants à l’étranger
et les revendent sous leur propre marque. Par exemple, les magnétoscopes
vendus sous étiquette RCA sont fabriqués (y compris l’étiquette
portant le nom RCA)... par Hitachi ! Mais ces astuces n’auront qu’un
temps, car lorsqu’ils se sont ainsi familiarisés avec le marché
américain, les fabricants de Corée du Sud, comme ceux
du Japon, mettent sur pied leur propre réseau de distribution,
à leur nom ! C’est ainsi, expliquent nos auteurs, que "l’intérêt
des États-Unis ne se confond plus avec celui des multinationales
américaines". On assiste à une arrivée massive
de firmes multinationales européennes, japonaises ou canadiennes
sur le sol des ÉtatsUnis. les multinationales japonaises de l’automobile,
par exemple, produisent un million de voitures par an aux États-Unis,
important une proportion très élevée de la valeur
ajoutée des produits finis.
S’agit-il d’une réorientation de l’économie américaine
qui s’ouvrirait, par contre, vers des activités dites. "post-industrielles",
celles du commerce, de la banque, des services de l’informatique ? Nos
auteurs démontrent que ces activités là sont non
pas renforcées par le déclin industriel, mais au contraire
affaiblies. Ils donnent trois raisons :
1 -chaque concurrent industriel utilise les services (banques, assurances,
ingénierie, transports) qui lui sont liés : la preuve,
les actifs des banques japonaises à l’étranger dépassent
depuis 1985 ceux des banques américaines.
2- Les services ont une productivité et offrent des salaires
plus faibles que l’industrie manufacturière ; le niveau de vie
des Américains s’en ressent (2).
3 - Ces activités de services s’exportent moins facilement que
des produits manufacturés.
L’analyse du déclin américain est à deux dimensions :
la réduction de la part des États-Unis dans l’industrie
mondiale (de 50 % entre 1945 et 1955 à 21 % en 1980), malgré
leurs mesures protectionnistes (analysées sous toutes leurs formes)
et la façon dont les profondes mutations observées aux
États-Unis touchent les autres régions du monde capitaliste,
qui réagissent devant l’escalade des lois protectionnistes américaines.
La multipolarisation de la structure du monde capitaliste à plusieurs
dimensions, telles la rapidité du vieillissement de toutes les
industries, l’évolution des institutions qui encadrent les transactions
commerciales, financières, monétaires, internationales
et la vitesse de diffusion des nouvelles technologies. Mais elle ne
fait pas l’objet de ce livre. Abordant la réduction considérable
des écarts entre l’ensemble des pays industrialisés et
les NPI (nouveaux pays industrialisés), Bellon et Niosi choisissent
de centrer leur étude sur les États-Unis et non sur leurs
partenaires, mettant l’accent sur les forces internes, les mécanismes
nationaux américains qui sont à l’origine de leur dynamisme
ou de leur sclérose. Ils sont ainsi amenés à considérer
l’impact de la politique militaire des États-Unis sur leur compétititivé.
Le désir de maintenir l’hégémonie militaire des
États-Unis sur le globe a eu, certes, des effets positifs sur
leur économie, dans le passé, mais on constate qu’il n’en
est plus de même et qu’aujourd’hui ceci est un facteur majeur
du déclin de l’industrie civile des États-Unis. En particulier,
la décision américaine de lancer le projet de "guerre
des étoiles" est pour nos auteurs le cas le plus récent
où l’industrie militaire, privilégiée par rapport
à l’industrie civile, présente des retombées incertaines
sur l’industrie civile, par comparaison aux moyens mis en oeuvre (3).
Rien que pour cette partie, le livre mériterait d’être
lu par tous !
Mais son intérêt réside aussi dans une multitude
de données et d’informations diverses sur l’évolution
de l’économie américaine et de ses performances, qui ne
sont pas du tout à l’image que nous en présentent les
tenants du libéralisme. On y voit entre autres, les méfaits
de l’absence d’une véritable politique économique à
l’échelle nationale. L’industrie américaine reçoit
une grande variété de soutiens de la part de l’État
Fédéral ; mais cette aide ne correspond à aucun
plan d’ensemble, les décisions d’intervention étant prises,
en effet, sous la pression de lobbies ; "le lobbying..., reconnu
comme une forme légitime et légale de gouvernement",
est devenu une industrie qui emploie plusieurs dizaines de milliers
de personnes, des centaines de cabinets d’avocats... Chaque firme a
ainsi son représentant à Washington, prêt à
agir avant qu’une loi soit votée. Le résultat est que
l’État distribue des milliards, sous la forme de mille décisions
distinctes, non coordonnées, au profit de telle ou telle composante
de l’industrie, pas forcément la plus utile ni la plus performante,
la plus innovatrice ou la plus compétitive. Il s’en suit un énorme
gâchis de moyens, totalement inadapté à. la rapidité
de l’évolution des technologies. L’absence de planification est
telle que l’horizon normal d’une entreprise est de trois mois...
L’État fixe, en principe, les règles du jeu. Le système
antitrust, aujourd’hui centenaire, garantissait le bon fonctionnement
du marché. Sans avoir jamais empêché l’existence
de confortables situations protégées de toute concurrence,
(l’acier par exemple, ou récemment encore, l’automobile), le
système anti-trust est aujourd’hui complètement débordé
par les déréglementations. La libéralisation a,
par exemple, totalement éliminé l’interdiction qui était
faite aux banques d’ouvrir des succursales dans d’autres États
que le leur. Il est vrai que les plus grandes banques du pays avaient
déjà trouvé comment ne pas appliquer la loi...
Un livre édifiant, sérieux, mais facile à lire,
et qui aide à démolir bien des idées reçues.
Telle celle-ci par exemple : l’équilibre budgétaire est
toujours présenté comme une règle de bonne conduite
et les États-Unis comme un modèle en la matière.
En réalité , le déficit budgétaire y est
de règle ! Sur les 51 exercices budgétaires pour lesquels
une information comptable complète existe, entre 1933 et 1986,
42 ont été déficitaires !
Un livre qui remet les choses en place et qui constitue une mine d’arguments
solides aux distributistes à qui on voudrait opposer "l’exemple
américain" !
Marie-Louise DUBOIN
(1) publié au Seuil en octobre prochain.
(2) voir encadré ci-contre (non présent sur cette page).
(3) cette démonstration pourrait s’appliquer parfaitement à
l’exemple de l’URSS. Mais tel n’est pas le sujet du livre.
Que demande un homme normal ?
Tout d’abord de pouvoir se nourrir suffisamment en quantité et
en qualité.
Ensuite de pouvoir se vêtir et pouvoir se loger décemment,
avec une petite préférence pour une maison individuelle,
avec un équipement intérieur correspondant aux derniers
progrès de la technique : cuisine moderne, télévision,
téléphone, chauffage central, etc...
Puis il demande un moyen de transport, car la vie moderne nécessite
des déplacements.
Il demande également de pouvoir se distraire par des loisirs
variés.
Il demande enfin de pouvoir se cultiver, s’améliorer intellectuellement
et moralement, et d’être utile à son prochain.
De toute façon l’homme normal ne demande pas la lune.
1 - Peut-on produire les biens et les services nécessaires
à la satisfaction de tous ces besoins, pour tous les hommes ?
Pour produire, il faut de la matière première, de l’énergie
extrahumaine, des machines, de l’outillage et des technologies conçues
par le cerveau humain.
La matière première et l’énergie extra-humaine
nous sont données par la nature en quantités considérables.
Le progrès technique est tel qu’il n’y a pratiquement plus d’impossibilité
de produire en grandes quantités ce dont l’homme a besoin, grâce
à la machine automatique commandée par ordinateur.
2 - Cette production abondante estelle possible dans
le système économique et financier actuel, basé
sur l’argent-valeur et sur la circulation monétaire ?
NON, car seule la rareté peut conduire à un profit.
L’abondance tue le profit, et conduit à la faillite des producteurs,
donc au chômage.
Celà est vrai à l’heure actuelle pour certains produits
alimentaires tels que le lait et la viande de porc et pour certains
produits industriels tels que les calculateurs électroniques.
C’est pourquoi l’Etat fait tout son possible pour raréfier les
produits abondants.
MAIS CONTINUONS A RAISONNER CALMEMENT :
3 - Que se passerait-il si une guerre était
déclarée à un ennemi héréditaire ?
L’expérience d’un passé récent nous le montre :
Il devient impossible de fabriquer en quantités considérables
tous les biens nécessaires pour essayer de gagner la guerre :
fusils, obus, canons, chars, avions, et j’en passe, et sans que celà
conduise à la faillite des producteurs.
Remarquons en passant que tous les obus envoyés à l’ennemi
héréditaire le sont gratuitement et sans facture !!!.
Mieux, après une mobilisation générale, il n’y
a plus de chômeurs ; tous les individus en bonne santé sont,
soit mobilisés comme soldats, soit pour produire dans les usines.
4 - Ainsi donc, qu’on le veuille ou non il y a deux
systèmes économiques et financiers possibles.
Essayons de le comprendre en étudiant la monnaie utilisée
dans les deux cas.
Nous appellerons "Économie de profit" le système
économique et financier actuel pour bien montrer que le but essentiel
des producteurs est de faire un profit.
Dans ce système la monnaie fiduciaire (les billets) est une monnaievaleur,
circulante et anonyme, dont l’émission est indépendante
de la production. En effet cette monnaie est une monnaie-valeur car
elle peut être prêtée avec intérêt comme
toute chose ayant de la valeur. De plus elle peut circuler de mains
en mains et celà indéfiniment.
Cette monnaie, en circulant, suit un "cycle monétaire".
La durée de ce cycle est, à l’heure actuelle, de l’ordre
de 4 mois, c’est-àdire que dans l’année le billet de 100
F peut servir 3 fois pour acheter. Il permet donc de faire passer à
la consommation des produits pour une valeur globale de 300 F. Si la
vitesse de circulation de la monnaie change, le pouvoir d’achat de cette
monnaie change également par unité de temps bien sûr.
On voit donc que ce pouvoir d’achat est variable.
Nous appellerons "Économie de besoin" le système
économique et financier utilisé en temps de guerre, pour
bien montrer que le but essentiel des producteurs est de satisfaire
le besoin des hommes (malheureuse ment en temps de guerre, ce sont des
besoins de guerre, mais on peut remarquer qu’il est aussi facile de
fabriquer un obus de 150 grammes qu’une pompe à bicyclette de
même masse. C’est une question d’orientation de la production).
Dans ce système la monnaie est comptable, non circulante, nominale
et dépend de la production.
En effet le Général en chef des armées demande
la fabrication de ce qui lui est nécessaire pour gagner la guerre.
L’intendance se charge d’obtenir ces biens en quantités aussi
grandes que possible et tout est contrôlé par une monnaie
comptable bons de toutes sortes émis par les demandeurs et les
producteurs.
Cette monnaie comptable ne circule pas, elle s’annule à la livraison
de la marchandise ; c’est une monnaie fongible et souvent nominale.
De plus cette monnaie n’est émise que lorsque la production est
assurée.
5 - Production et pouvoir d’achat sont dissociés.
La production est libérée de la vente ; on produit au
maximum suivant les besoins des hommes, de l’énergie extra-humaine
et des matières premières dont on peut disposer.
Les prix des produits fabriqués sont alors chiffrés, non
plus d’après le temps passé à les produire, mais
d’après la loi de l’offre et de la demande ; demande correspondant
aux besoins réels des consommateurs.
On distribue alors, équitablement, à l’ensemble des consommateurs
un pouvoir d’achat égal à l’ensemble des prix de vente
précédemment définis.
C’est le principe même de l’Économie de besoin.
6 - Cette constatation précédente nous
permet de faire une synthèse simple de la société.
La société est composée d’un certain nombre d’ensembles
au sens des mathématiques :
-Tout d’abord les entreprises dont le rôle est de produire les
biens et les services nécessaires aux membres de la société.
- Ensuite les groupes de consommateurs de cette production ; ce sont
les personnes physiques (familles) et les personnes morales (communes,
département, éducation nationale, armée, etc...).
On remarque facilement que ces ensembles sont régis intérieurement
par l’économie de besoin, et que les échanges entre ces
ensembles sont régis par l’économie de profit.
7 - L’économie de profit est une économie
complexe, tellement complexe d’ailleurs que personne ne peut en déterminer
les lois exactes ; ce qui fait que personne n’est capable de supprimer
le chomage, l’inflation, la misère, l’injustice sociale.
Un système simple et rationnel comme l’économie de besoin
devrait permettre de résoudre tous ces problèmes très
rapidement exactement comme un mécanicien automobile répare
une voiture dans un minimum de temps.
Que dirait un client s’il lui fallait attendre plusieurs années
pour voir sa voiture réparée !!!.
8 - Il vient alors à l’esprit une idée
simple : pourquoi ne pas adopter entre les groupes de la société
l’économie de besoin adoptée dans la famille ?
Par leur travail, un ou plusieurs membres de la famille, ceux qui sont
en état de travailler, assurent un certain pouvoir d’achat par
unité de temps (un mois par exemple).
Ce pouvoir d’achat permet d’obtenir des produits et des services.
Le chef de famille réserve tout d’abord une partie de ce pouvoir
d’achat pour payer les services rendus à l’ensemble : eau, gaz,
électricité, impôts, etc... L’autre partie permet
d’acheter tout ce dont les membres ont besoin : nourriture, habillement,
livres, etc... et la répartition entre tous se fait suivant une
règle simple : "A chacun selon ses besoins".
9 - Essayons donc de généraliser ces
notions simples en les appliquant à l’ensemble de la société.
Tout d’abord, comme dans la famille, il faut qu’il y ait une communication
parfaire entre tous les membres de la société. Ce qui
permet de connaître tous les avis et désirs de chacun,
et ainsi de dialoguer constamment. Ceci est fort possible avec le téléphone,
le minitel, la radio, la télévision et les journaux.
Tout individu en état de travailler manuellement ou intellectuellement,
peu ou prou, doit assurer un travail social pendant un certain nombre
d’années.
Ce travail social permet de produire au maximum les biens et les services
nécessaires à l’ensemble des membres de la société.
Comme il y a dissociation entre travail et revenu la production est
libérée de la vente, donc de la rentabilité financière.
On peut lui imposer un certain nombre de conditions :
Elle doit utiliser, pour chaque produit fabriqué, le minimum
de matière première et d’énergie extra-humaine,
surtout si elles ne sont pas renouvelables ; elle doit chercher la meilleure
qualité possible du produit, et elle droit créer dans
des conditions écologiques optimales, les nuisances devant disparaître.
Les biens et les services créés pendant une unité
de temps seront affectés d’un prix dépendant de l’offre
et de la demande, c’est-à-dire du rapport entre la production
et les besoins réels des consommateurs, besoins faciles à
connaître avec les moyens actuels. L’ensemble de ces prix détermine
donc le pouvoir d’achat global des consommateurs pendant cette unité
de temps.
Ce pouvoir d’achat global est alors réparti équitablement
entre tous les consommateurs, personnes physiques et personnes morales,
selon les besoins de chaque groupe et ce sous forme d’un revenu social.
En ce qui concerne les personnes physiques, le revenu social est versé
de la naissance à la mort.
Enfin le pouvoir d’achat de chacun est utilisé
sous forme d’une monnaie comptable, qui est une monnaie de consommation,
nominale, fongible au premier achat donc non circulante.
La monnaie chèque actuelle est le type même de cette monnaie
de consommation.
10 - Enfin une dernière question pourquoi ces
idées toutes simples sont-elles méconnues du grand public ?
D’abord à l’école on ne parle que du système actuel,
que l’on fait croire unique et même d’essence divine !!!, tout
comme la loi sur la pesanteur. De sorte que les adultes n’ayant jamais
entendu parler de l’économie de besoin en classe n’ont aucune
idée de son existence, sauf par accident très rare.
De plus ceux qui dirigent l’économie de profit ont des privilèges
parfois énormes, ce qui fait qu’ils préfèrent les
garder plutôt que de se risquer dans une aventure moins avantageuse
peut être pour eux.
De sorte que les médias qui sont à la disposition de ces
privilégiés n’en parlent pas non plus ; ils ont d’ailleurs
peur que celà leur enlève des lecteurs.
Ensuite il semblerait qu’il y ait une intoxication par l’argent, comme
il y a une intoxication par l’alcool ou la drogue.
Depuis tout jeune on fait croire à l’enfant que pour avoir une
sucette il faut une pièce de 1 franc et l’enfant confondant cause
et effet croit que sans l’argent il ne peut y avoir de sucette, alors
que c’est l’inverse : s’il n’y avait pas de sucette, même un billet
de 100 francs ne pourrait l’obtenir.
Car il faut comprendre qu’un lingot d’or dans une île déserte
où il n’y a rien à vendre ne peut servir que de... marteau
!!!
11 - Terminons par une note optimiste, et un espoir
pour une société meilleure.
Toute porte à croire que l’Économie de besoin est inéluctable
et que l’on s’y dirige irrémédiablement.
Tout d’abord les règles de l’Économie libérale
s’appliquent de moins en moins globalement, malgré l’effort de
nos dirigeants.
Depuis longtemps, il y a dissociation entre travail et revenu dans bien
des domaines.
Toutes les allocations accordées par le gouvernement le sont
sans compensation d’un travail ; les allocations familiales ne dépendent
que des enfants à charge et non du travail fourni par le chef
de famille. Les subventions et autres subsides donnés aux associations,
aux entreprises, aux agriculteurs ne dépendent pas d’un travail
fourni.
De plus on n’admet plus que l’on puisse mourir de faim, malgré
des cas encore inhumains où des gens sont sans ressources. On
cherche de plus en plus à assurer à chacun un minimum
vital ; c’est un début de revenu social.
De même la monnaie fiduciaire fait place de plus en plus à
la monnaie chèque, c’est la monnaie de consommation en germe.
II faut bien espérer qu’un de ces jours un gouvernement ayant
un peu d’humanité et de bon sens comprendra que le système
financier actuel a vécu et que, si l’on ne veut pas aller vers
un chaos généralisé il faut instaurer l’Économie
de besoin.
De toute façon le système actuel a forcément une
limite puisque le robot va remplacer l’homme de plus en plus ; la limite
est simple : c’est la société avec ses usines sans ouvriers,
donc une société uniquement composée de chômeurs.
Il est certain que le système va éclater avant cette limite ; quand ?
A l’heure actuelle il y a environ 9 travailleurs actifs pour 1 chômeur ; bientôt il y en aura 8, puis 7, puis 6 puis... 1 ouvrier, toujours pour 1 chômeur.
On ne peut rien dire de précis, mais l’éclatement du système se fera lors d’une de ces étapes intermédiaires.
Enfin il faut quand même admettre que le système économique et financier actuel date pratiquement de Louis XIV ; tout de cette époque a disparu de notre environnement : plus de chevaux, ni de carrosse, mais des automobiles et des avions ; plus de bouche à oreilles, mais le téléphone, la radio, la télévision ; plus de planche à laver mais des machines ; on ne s’éclaire plus avec des bougies, etc... en un mot on a uniquement conservé ce vieux système qui régissait toutes ces choses disparues. Il est logique qu’il disparaisse lui aussi pour faire place à un système nouveau, rationnel.
"Quand les machines auront triomphé que fera-ton des bras croisés ?", Chateaubriand
Chômeur : ouvrier des années 30 remplacé
à son travail par machine électrique.
Jusqu’en 1939, le chômage malgré la course aux armements
et les grands travaux ne cesse d’augmenter :
- 1939-1945 : 6 années de guerre.
- 1945-1975 : les 30 glorieuses, 30 années passées à
reconstruire la France - le chômage a disparu.
- 1975 : Réapparition du chômage.
- 1988 : 4 millions de "sans emploi".
Il ne faut plus dorénavant parler de chômeurs car tout
le monde "maquille les bremes". Il faut parler des SANS EMPLOI
- pour cela il faut compter : les chômeurs de l’ANPE,
plus : les chômeurs en fin de droits, plus : ceux qui ne sont
plus inscrits au chômage,
plus : ceux qui n’ont jamais été inscrits,
plus : les pré-retraités, plus : les TUCS,
plus : les jeunes remis dans les écoles, etc., etc.
Les chômeurs actuels ne sont plus seulement
des ouvriers mais aussi des employés, des cadres, des ingénieurs,
des techniciens, des docteurs, des architectes et même des P.D.G.
Pendant que ce nombre augmente tous les jours et cela malgré
tous les changements de dirigeants politiques, dans le même temps
des scientifiques créent de nouvelles machines, de nouveaux robots,
de nouvelles puces...
On s’aperçoit que la seule solution passée pour résorber
le chômage c’était la guerre. On peut affirmer que la bombe
atomique nous a préservés d’une 3e guerre mondiale car
aucun dirigeant ne peut être assuré de "mourir dans
son lit" s’il appuie sur le bouton rouge.
Le dossier prioritaire de 63 % des Français " LE CHOMAGE".
Écoutons les propos anxieux de responsables à l’échelon
national (1).
M. Chaban Delmas... les raisons d’agir en politique - cette action doit être d’abord humaine, l’objectif de la politique c’est çà : les êtres, en commençant par les plus démunis et tout le reste, c’est-à-dire l’économie vient pour fournir les moyens de cette politique humaine.
Laurent Fabius : sur 10 personnes qui viennent dans mon bureau, 8 viennent demander un emploi. Le chômage, c’est une angoisse terrible pour moi. L’objectif n° 1 c’est, dans ce monde qui est en train de se transformer, de faire en sorte qu’il n’y ait pas autant de laissés pour compte ou encore plus de laissés pour compte qu’il n’y en a aujourd’hui.
J. Daniel (Nouvel Obs.) : à propos du chômage, je passe pratiquement 1 heure par jour sur 5 jours ouvrables à recevoir des enfants d’amis ou d’amis d’amis bourrés de diplômes et anxieux d’une situation.
Bruno Deletre - major à l’ENA : je suis originaire de Valenciennes, un chômage épouvantable - c’est vraiment un problème que tous les gens se posent - c’est un problème crucial.
UNE QUESTION PERTINENTE
Jean d’Ormesson : Est-ce que la modernisation n’est pas quelque chose
qui risque d’entraîner le chômage.
ENFIN UNE VRAIE RÉPONSE
Laurent Fabius : Lorsqu’on modifie des techniques, lorsqu’un emploi
est produit avec 15 personnes, ce qui autrefois nécessitait 50
personnes On créé immédiatement le chômage
mais si on ne modernise pas on en créé encore plus et
c’est la mort !
Jacques Delors : En Europe, il y a actuellement 17 millions de chômeurs, Il n’y en aura plus que 12 en 95.
Sa propre contradiction : un formidable défi
technologique : actuellement 150.000 producteurs de lait en France, il
suffira de 50.000 dans 10 ans pour produire la même quantité
de lait (ça fait 100.000 chômeurs de plus - où va-t-il
chercher 5 millions de chômeurs en moins (2).
Une deuxième solution de Jacques Delors pour résorber
le chômage : "Il faut inciter les personnes de plus de 60
ans à rester au travail".
Jacques Delors OPTIMISTE
"Les Américains ont créé 12 millions d’emplois
en 5 ans".
Réponse : En 1985, les Japonais ont racheté
des industries américaines en difficulté pour un total
de 19 milliards de $ et en outre en 85 et 86 ont construit - acquis
ou pris des participations - dans 435 firmes industrielles américaines
employant de l’ordre de 100.000 personnes.
Donc injection de capitaux et de management japonais aux USA : "Une
des sources de la restructuration de l’industrie américaine".
Le programme japonais, en ce qui concerne pour exemple l’industrie automobile,
a prévu la fabrication des États-Unis en 1985 de 250.000
voitures des marques : Honda - Toyota - Nissan - Mazda - Mitsubishi
- en 1987, 800.000 voitures et en 1990 : 2 millions de voitures. Suivant
J.C. Derian : "Une bataille de l’automatisation de la production
est engagée et c’est dans cette vole que se louera l’avenir à
long terme de la haute technologie américaine..." :
Jacques Delors : "Les Japonais sont au plein emploi"
Réponse : 06.07.87 - A2 - retransmission du
Japon : Un speaker japonais Devant l’effondrement des exportations,
devant la montée du chômage - 7 %, les Japonais...
Que faut-il déduire de tout cela ?
-l’anxiété des dirigeants devant la montée du chômage,
-le chômage est produit par la science,
-les arguments de Jacques Delors sont si contradictoires qu’on ne peut
les prendre au. sérieux.
Quelle politique faut-il suivre ? Faisons un bref retour en arrière
- 1975 : réapparition du chômage. - 1975-1982 : V.G. D’Estaing
- Président de la République, Barre et Chirac - premiers
ministres.
Résultats 1981 :1.700.000 chômeurs.
- 1981 : Campagne électorale. Mitterand : avec moi. la France
ne comptera pas 2 millions de chômeurs, je m’y engage. Grâce
au plan que j’ai développé, je serai en mesure de faire
recruter sur les plans publics et privés 1 million - vous m’entendez
- 1 million de jeunes dans l’année... Grâce aux 35 heures
de travail hebdomadaire, nous créons 950.000 emplois.
- 1981-1986 : Le PS au pouvoir avec une majorité absolue.
Résultats 1986 : 3 millions de chômeurs.
- 1986-1988 : Mitterand toujours président. Chirac : premier
ministre.
Résultats 1988 : 3 millions 500.000 chômeurs. Si les chiffres
des chômeurs semblent exagérés alors remplacez le
mot "chômeur" par le mot "sans emploi".
Que faut-il en conclure ? Qu’aucune politique, qu’aucun politicien ne
sont capables d’apporter des solutions au problème du chômage...
Quand Juquin, Lajoinie et Barre parlent plein emploi : ILS PARLENT VAPEUR
!
Quand nos députés votent une loi pour détruire
l’abondance : ILS PENSENT VAPEUR !
Quand les électeurs se mobilisent pour un Président de
gauche ou un Président de droite : ILS VOTENT VAPEUR !
Monsieur Mitterand a déjà régné 7 ans dont
5 avec la majorité absolue du PS. Résultat un échec
lamentable avec le chômage et la misère : ça c’est
la génération VAPEUR.
Le même Monsieur Mitterand peut en appuyant sur un bouton faire
disparaître une partie de la planète et des centaines de
millions d’êtres humains : ça c’est la génération
ATOMIQUE.
On peut voir que, si dans génération "VAPEUR"
est classé le plein emploi, un mot nouveau apparaît dans
génération "ATOMIQUE" le temps libre.
TEMPS LIBRE : Durée de vie d’un individu pendant laquelle on n’a
pas besoin de son travail dans le cycle "producteur" pour
produire de plus en plus.
TEMPS LIBRE en 1988 : 4 millions de sans emploi.
- plus 5 à 6 semaines de congés payés chez les
producteurs, - plus 3 mois de congés dans les Enseignements primaire
et secondaire,
- plus 100 % du temps des retraités.
On peut conclure que le problème du chômage ne peut être
résolu que dans le contexte actuel. MIEUX dans moins de 20 années,
un homme sur deux travaillera 24 heures par semaine.
CONCLUSION
-Alors que notre pays connaît une énorme richesse agricole,
alors que la production croît et pourrait croître encore
davantage avec de moins en moins de producteurs, allons-nous, les uns
après les autres devenir : des laissés pour compte de cette
société ??? et chaque individu va-t-il devenir à
plus ou moins bref délai, de plus en plus misérable alors
que le pays devient de plus en plus riche ? Alors dans ce cas on peut
dire comme il y a deux siècles que LA PATRIE EST EN DANGER.
(1) Antenne 2, le 18.05.88 - Émission de J.M
Cavada "La marche du siècle".
(2) 1931 : 8 millions de paysans dans une France en état de rareté.
1988 : 1,7 million de paysans dans une France en état d’abondance.