Banquiers, victimes !
Éditorial
Par définition, un distributiste est le contraire
d’un conservateur. C’est quelqu’un qui n’aspire qu’à voir la
société évoluer : il ne peut plus supporter que
croisse la misère dans un monde où l’abondance est devenue
possible, il exige que le progrès serve à transformer
le chômage en loisirs heureux, il veut mettre les machines au
service des hommes et non l’inverse, il n’a ni le culte de l’argent,
ni celui de "la réussite" à n’importe quel prix.
Ni les batailles de chiffres, ni les bilans que les candidats s’envoient
à la figure ne l’impressionnent. Et quand ses yeux, forcément,
tombent sur le portrait plein d’auto-satisfaction d’un candidat dont
les affiches inondent les murs, il ne voit que tout le gâchis
que cela représente, tout ce qu’on aurait pu faire de mieux avec
les millions que ces campagnes publicitaires engloutissent... ou bien
il pense aux beaux arbres qui sont devenus ces papiers.
N’étant pas conservateur, un abondanciste ne vote pas à
droite. Il vote encore moins pour un raciste d’extrême-droite
pour qui patriotisme rime avec égoïsme.
Mais la récente expérience d’un gouvernement qui se disait
de gauche l’a déçu. Il n’a pas admis qu’un parti qui se
prétendait socialiste, qui avait affirmé dans son programme :
"il ne s’agit pas pour nous d’aménager le système
capitaliste mais de lui en substituer un autre", face volte-face
et mette son point d’honneur à gérer le système
capitaliste en question aussi bien que la droite, parfois mieux même,
car le peuple lui faisait confiance.
Nous l’avons dit, écrit et réécrit dans ces colonnes :
tous les pouvoirs que croyait détenir la gauche n’étaient
rien auprès du pouvoir de l’argent, qui lui échappe complètement.
Mais il fallait le dénoncer, ce pouvoir contre lequel la volonté
du peuple se heurte ! Montrer qu’il empêche toute démocratie
! Dénoncer ces procédés qui rendent les financiers
plus puissants que. les gouvernements. Et surtout pas les admettre,
puis renoncer à un idéal de changement.
Alors ? Certains abondancistes, représentés dans ces colonnes
par "Pinoche’ ; ont pris le parti de voter blanc. Tout en se défendant
de refuser de voter, par égard pour tous ceux qui se sont battus
pour que nous ayons le droit de vote (et les femmes sont encore plus
sensibles que les hommes à ce scrupule). Malheureusement, refus
de vote ou vote nul, tout cela fait bonnet blanc ou blanc bonnet quant
aux résultats, car seuls les votes exprimés entrent dans
les statistiques... Ne pas voter ou voter nul peut donc permettre au
fascisme de progresser...
Ce n’est pas là l’idéal d’un distributiste. Il est donc
très malheureux, il se sent seul et incompris. Mais il a une
voix et il refusera de se taire.
CHOMAGE : OU EN SOMMES-NOUS ?
Les 2.500.000 chômeurs "incompressibles", plus personne
n’y croit. Seuls s’accrochent à ce chiffre nos gouvernants, élection
présidentielle oblige. Ils triturent le moindre pourcentage -0,1,
0,2 qui les avantage, les variations saisonnières ; ils ordonnent
de rayer de l’ANPE ceux qui, fussent-ils diplômés, refusent
un travail de Tucard (peut-être doit-on dire "tuciste",
c’est plus doux !) : voir à ce sujet la GR de Mars.
Le chiffre le plus couramment évoqué, c’est 3 millions
de chômeurs, soit 12,5 % - et non 10,5 selon les statistiques
officielles - de la population active estimée à 24 millions
d’individus (ne pas oublier que, statistiquement, les chômeurs
sont classés dans la population active). Les préretraités,
souvent dès 55 ans, les stagiaires et les personnes en congé-conversion
ne sont bien entendu pas pris en compte comme chômeurs ; non plus
que ceux qui arrivent sur le marché du travail et n’ont pas encore
eu d’emploi. D’où le trompe l’oeil.
En 1961, la France ne comptait que 141.000 chômeurs ; 15 ans plus
tard, environ 350.000. Mais dès 1981, 1.700.000 et 3 millions
en 1988. On mesure l’accélération de la courbe. On invoque
l’augmentation de la population active, qui s’est accrue, par exemple
de 1975 à 1982 de 1.350.000 personnes : c’est le résultat
conjugué du baby-boom d’après guerre et de l’accroissement
du nombre de femmes au travail. On oublie :
- que ces nouveaux travailleurs touchant un salaire font croître
la consommation des ménages, et partant la production : ce n’est
donc pas cela qui génère le chômage, au contraire.
-que l’allongement des études et l’abaissement de l’âge
de la retraite réduit ipso facto le chiffre de la population
active.
Oui, c’est bien la crise, c’est-à-dire l’incapacité
du système capitaliste à maîtriser le couple production
accrue par des machines de plus en plus performantes/adéquation
du pouvoir d’achat distribué qui jette les salariés sur
le pavé. Entre 1975 et 1982, 870.000 emplois industriels ont
été détruits ; le fameux secteur tertiaire, surnommé
par certains "secteur poubelle", qui devait tout absorber,
n’en a créé dans le même temps que 200.000. Pour
une démonstration radicale du phénomène, nous renvoyons
le lecteur à la courbe de la page 20 de notre brochure "L’économie
libérée". A la destruction des emplois industriels,
il faut ajouter bien entendu la destruction des emplois agricoles.
Et ce n’est pas, hélàs, fini : l’INSEE prévoit
la disparition chaque année de 90.000 emplois d’ici 1992 et confirme
que la France connaîtra environ 3.500.000 chômeurs réels,
les emplois dans les hautes technologies dont on nous avait promis monts
et merveilles pour la création de postes, ne représentant
au mieux alors que 5% de l’emploi total.
***
ÉTATS GÉNÉRAUX DU CHÔMAGE
ET DE L’EMPLOI
J’ai tenu à assister à ces Etats Généraux,
organisés à l’initiative du Mouvement National des Chômeurs
et des Précaires, du Syndicat des Chômeurs et de Partage,
à Paris, les 5 et 6 mars. Nombreux économistes, chercheurs
au CNRS, sociologues, responsables syndicaux, et même un Ministre
(Zeller) comme intervenants ; nombreux chômeurs dans la salle.
On nous a annoncé 1500 participants à ces journées
en roulement ils ont pu suivre quelques-uns des 5 forums et des 20 carrefours
(quelques médias, dont FR3, ont évoqué cette manifestation).
En ce qui nous concerne, la librairie ayant accepté d’exposer
quelques livres et brochures, nous avons eu un succès particulier
avec "les Affranchis de Tan 2000" et "I’Economie libérée"
de M.L. Duboin.
N’ayant pas le don d’ubiquité, je n’ai pu suivre que 2 forums
: "Révolution technologique et emploi" "Comment
vaincre le chômage ?" ; et 2 carrefours : "Crise du syndicalisme,
société duale et chômage" "La montée
des petits boulots ; vers une précarisation croissante des emplois
et nouvelles formes d’exploitation".
Vous voyez que ce sont là des sujets au coeur de nos thèses.
Comment résumer en quelques lignes l’esprit de ces journées
et les arguments développés ?
- Tout d’abord, soulignons que les intervenants - 4 ou 5 par forum -
devaient s’exprimer assez brièvement pour laisser une large place
à la discussion. Ce qui fut fait.
- On ne peut passer sous silence des témoignages bouleversants
sur la condition morale faite au chômeur. Une jeune femme évoqua
le suicide de 2 de ses amis, une femme de 43 ans, un homme de 40 ans.
M. Pagat confirma qu’au Syndicat des Chômeurs, ils avaient connaissance
de nombreux cas de suicide, dont parle rarement la presse. Et que dire
de toutes les dépressions nerveuses qu’entraîne la situation
de chômeur !
- Cela explique en partie -toujours selon M. Pagat- que, politiquement,
le Mouvement et le Syndicat des Chômeurs ne rencontrent qu’un
écho limité, sans aucun rapport avec le nombre des chômeurs.
Le chômeur a tendance à se replier sur luimême. Et
surtout il a une obsession majeure : retrouver du travail.
D’autre part, les responsables gouvernementaux, les partis et même
les syndicats ont tendance à vouloir ignorer les chômeurs,
surtout depuis qu’ils sentent que le chômage est devenu un phénomène
de société, qu’il est "incompressible". Bref,
tout le monde se défile. Les syndicats sont surtout préoccupés
de défendre ceux qui ont un "job".
- Il nous a semblé - corollairement à cette situation
-que le Mouvement créé par Pagat a tendance à glisser
dans le Caritatif ; il est largement soutenu du reste par des catholiques.
Un syndicat des Chômeurs politiquement actif,. agressif, reste
à créer. Mais est-ce possible ?
Toujours est-il qu’il existe de très nombreuses
maisons de chômeurs en France, qui agissent dans un esprit d’aide
morale ou matérielle, servent de conseil juridique ; si des amis
distributistes veulent en contacter, ils peuvent écrire pour
se renseigner à "Partage", 54, rue des Entrepôts,
93400 Saint-Ouen, et s’ils le souhaitent, s’abonner au journal mensuel
"Partage" (90 F).
Nous terminerons sur les questions de fond qui ont été
débattues et les propositions qui ont été faites.
On peut les résumer ainsi :
1. Revenu social garanti. On évite à juste titre de parler
de minimum social garanti, laissant ainsi la porte ouverte à
des sommes allant de 2.000 F à 2/3 du SMIC. Cette idée
est donc bien dans l’air et c’est probablement ainsi que les futurs
gouvernements - de droite ou de gauche - règleront les risques
d’explosion sociale.
2. Journée de 35 heures. Idée couplée avec le travail
à mi-temps. Ce qui se passe, en Allemagne capitaliste confirme
que ce n’est plus, à moyen terme au moins, une vue de l’esprit.
3. Développement de la "nébuleuse" tertiaire.
Là, des idées nombreuses, souvent contradictoires, voire
confuses. La création d’emplois "conviviaux" ; de petits
boulots, souvent mal rémunérés, constituent des
"gisements d’emplois" importants. Ça rejoint la théorie
actuelle des socialistes.
Aucun orateur n’a évoqué sérieusement
la rupture indispensable avec le capitalisme pour "en sortir"
: de nombreux congressistes par contre ont posé, et souvent avec
virulence, la question. J’ai moi-même interrogé un intervenant
"Pensez-vous que le problème du chômage puisse être
résolu dans le cadre d’un régime de marché ?"
Réponse de l’orateur, Professeur d’Économie, très
brillant dans l’analyse de la situation actuelle : "C’est un faux
problème. La question ne se pose pas ainsi, c’est plus complexe
que cela. Compte tenu de la mondialisation de l’Economie, on ne peut
pas... etc... etc..." Bref, l’antenne habituelle : nous sommes
des utopistes.
Il a été beaucoup débattu de la redistribution
des gains de productivité, seule façon d’alimenter les
créations d’emplois dans le tertiaire et de répondre aux
impératifs de solidarité dans la société
d’aujourd’hui et de demain. Pour la même raison, les prélèvements
obligatoires ne peuvent diminuer. Sur ce point, les faits confit confirment
ce que, nous aussi, nous avons toujours soutenu : en 1987 sous la droite
qui devait diminue impôts et taxes, il s’avère que les
P.O ont continué à croître de 0,3 pou atteindre
44,7 %.
C’est une banalité que de constater la pauvreté
du débat politique des élections présidentielles
! La nature du duel, lors du second tour, auquel pensent les candidats
en position de l’emporter et la faible marge prévisible de la
victoire rendent forcément prudents. Seuls les candidats marginaux
peuvent donc se permettre de parler nouveau et clair. Même les
lieutenants restent réservés. Michel Rocard ne parle plus
d’autogestion. Jacques Toubon confond participation, privatisations
et mainmise d’un clan sur les entreprises. Comment donc envisager la
gestion des entités économiques et favoriser l’évolution
nécessaire vers plus de participation effective des personnels
dans les décisions, seul moyen de motiver les travailleurs ?
Ne faisons que pour mémoire référence aux illusions
néo-libérales de capitalisme populaire. Les privatisations
ne sont qu’une caricature d’ouverture au plus grand nombre ; nous l’avons
déjà démontré (1). Quoiqu’il en soit et
même si un nombre important d’actionnaires entraient dans le capital,
il est acquis qu’ils ne s’intéresseraient pas à la vie
interne de la société. Le jeu boursier s’apparente au
loto et au bingo, il ne constitue pas une participation dans le sens
des conseillers du Général de Gaulle (H. Vallon et P.
Langevin) : une alternative au capitalisme et au communisme. Au contraire,
on a pu se demander à bon droit si le système financier
ne jouait pas contre l’industrie et contre les entreprises, déconnexion
favorable à ces dernières jusqu’à présent
préservées dés atteintes du krach boursier d’octobre
1987.
Autre abus de vocabulaire, l’emploi du terme mutualisation pour qualifier
le rachat du Crédit Agricole par ses caisses départementales.
Au-delà des contestations sur le prix "bradé"
de 7 milliards de F et sur la majorité garantie aux "agriculteurs"
dans le conseil d’administration, l’opération ne s’apparente
en rien à une mutualisation. En effet, une mutuelle est, par
essence, ouverte aux membres individuels et tous peuvent y accéder.
Fermée, elle perd tout intérêt.
En Allemagne Fédérale, la cogestion est à l’honneur.
Les représentants syndicaux, véritables potentats, sont
entrés dans les organes qui administrent les entreprises. Outre
que cette solution ne saurait s’appliquer en France, en raison du faible
taux de syndicalisation, on sait que la plupart des syndicats nationaux
sont ici opposés à la prise de responsabilités
dans la gestion. Ils estiment qu’ils convient de ne pas faire de la
collaboration de classes ou pensent qu’il faut séparer le pouvoir
de décision et celui de contestation.
En dehors des sociétés capitalistes pures, d’autres formules
subsistent encore en économie industrielle ou commerciale. Citons
les mutuelles et les coopératives. Les mutuelles déjà
nommées sont intéressantes, il en est de plusieurs sortes
dont celles qui couvrent le domaine social : assurances complémentaires
de tous ordres, mutualité agricole. Certaines ont voulu se lancer
dans le commerce. Beaucoup y ont échoué. La fraternité
et la solidarité s’accomodent mal de la concurrence et du profit.
D’autres n’ont de mutuelles que le nom ; c’est le cas des assurances
générales où certaines pratiquera des tarifs effectivement
intéressants alors que d’autres s’alignent sur leurs congénères.
Les coopératives sont en principe composées de membres
à part entière qui participent aux bénéfices
comme aux pertes éventuelles ; elles sont prônées
par des abondancistes qui y voient une bonne école de gestion
et un moyen d’associer pleinement les travailleurs à la direction
des entreprises ainsi qu’une transition vers l’économie distributive.
Hélas, on ne peut pas écrire que les échecs des
coopératives, aussi bien dans la production (Boimondau, AOIP)
que dans la consommation (Coop) soient très prometteurs. Il en
est de même des communautés qui s’étaient réunies
dans la mouvance des événements de 1968, allant jusqu’à
tout mettre en commun : D’autres expériences plus encoura-geantes
sont les kibboutzim qui s’apparentent souvent, à la fois, aux
coopératives et aux communautés. L’on peut se demander
toutefois si ce système est adapté à nos mentalités
occidentales.
Enfin, d’aucuns voient, dans les implications économiques du
fédéralisme, une autre voie transitoire n’excluant d’ailleurs
pas les propositions précédentes.
Il est certain que l’organisation fédérale présente
le double avantage d’éviter les écueils d’une centralisation
excessive et d’un bureaucratisme souvent envahissant. Prétendant
placer la décision au niveau du besoin, depuis la famille jusqu’au
plan mondial, ce principe parait séduisant et universel. Justement
n’est-il pas trop ambitieux ? Ne se situe-t-il pas bien au-delà
des moyens à notre portée ? Ne manque-t-il pas de pragmatisme
en voulant régler tous les problèmes à la fois
à quelque endroit qu’ils se situent ? Désirant tout résoudre,
ne se condamne-t-il pas à l’impuissance ?
J’en reviendrai donc à une solution de transition déjà
étudiée avec un concours syndical dans le cadre du retour
au pouvoir de la gauche en 1981. Le "statut" préparé
à cette occasion et qui n’a pu être mis en application,
prévoyait, pour commencer, une représentation tripartite
au Conseil d’Administration retenu comme le centre de décisions
de la société. Il s’agissait d’une entreprise ayant le
caractère d’un Etablissement Public Industriel et Commercial
(EPIC) c’est-à-dire assimilable à une "nationalisée
régionale". Le système peut s’appliquer aussi bien
aux grandes nationalisées qu’aux entreprises privées et
présente des avantages sur les deux formules supprimer l’antagonisme
entre le personnel et son employeur (le patron ou l’état-patron).
Le Conseil d’Administration est donc composé de représentants
des trois groupes intéressés par la bonne marche de l’entité
économique : les consommateurs, le personnel et l’employeur (état
ou actionnaires). Bien entendu, nous en resterons à la présentation
du principe susceptible d’applications diverses. En particulier, l’orientation
générale vers l’autogestion serait tempérée
par la représentation de ceux qui sont souvent oubliés,
à gauche comme à droite, et qui constituent pourtant la
finalité même de la production : les consommateurs. Leurs
représentants pourraient être, par exemple, élus
parmi les membres des différentes associations ou fédérations
qui les regroupent à présent.
Qu’il soit bien entendu que ce projet s’inscrit seulement dans le cadre
des mesures propres à faciliter, dans une étape bien ultérieure,
l’accès à l’économie distributive. Applicable dans
le cadre de l’économie de marché, il ne serait qu’une
amélioration limitée de l’économie actuelle.
(1) Voir "Capitalisme populaire ?" G.R. n° 853.
Amis distributistes, AU TRAVAIL ! :
Jean Belaubre et Jean Damblans du groupe de recherches
des Halles de Paris (GRHAP) (ainsi nommé uniquement en raison
de sa localisation) ont présenté à la réunion
du Comité de la Grande Relève du samedi 30 janvier, la
situation des études effectuées par leur groupe, préparées
par l’un mais discutées par tous et mises sous une forme provisoire
non exhaustive.
L’atelier réunit une petite équipe de camarades à
des titres divers mais de formation et d’activités variées
et possédant tous une certaine culture politique. Cette équipe
ne souhaite en aucune sorte se substituer aux groupes abondancistes
existants. Elle pense seulement en conclusion de ses travaux qu’il serait
éminemment souhaitable que soit constitué un ou des groupes
rédactionnels d’un ouvrage de référence présentant
l’analyse et les solutions abondancistes, pour permettre d’entreprendre
ultérieurement une action plus concrète à définir
avec les camarades qu’une forme d’activité éventuellement
plus politique intéresserait.
L’expérience prouve surabondamment en effet qu’il est impossible
de charger les autres de présenter/défendre notre analyse
et de tendre à la concrétisation de nos conclusions...
"Il faut aller soi-même au charbon".
L’établissement d’un tel ouvrage de la classe, pour fixer les
idées, de la "Théorie Générale"
de J.M. Keynes (Payot) ou de "Capitalisme-socialisme et démocratie"
de J. Schumpeter (Payot) (si comme nous l’espérons nous en avons
la possibilité intellectuelle) impliquerait pour un homme seul
un travail d’un certain nombre d’années avec évidemment
tous les défauts et lacunes que présenterait une telle
production (sauf pour son auteur d’être enseignant et de ce fait
de pouvoir actualiser en permanence ses références et
débattre à la continue de ses réflexions avec des
interlocuteurs informés et valables).
Pour aboutir rapidement serait envisagée la création d’un
groupe de travail par chapitre du livre en projet, suivant le sommaire
provisoire proposé sur lequel nous pourrions nous mettre d’accord
rapidement. Ces groupes de travail constitués seront évidemment
susceptibles d’intégrer à tout moment tout spécialiste
que chacun d’entre nous dans son entourage intéresserait au travail
en cours.
En matière de forme, pour fixer les idées, les études
scientifiques, économiques actuelles, l’histoire nouvelle (entr’autres
celles de L. Febvre, M. Bloch, F. Braudel, J. Le Goff, G. Duby) nous
ont habitués à des exposés où chaque idée
avancée a été confrontée à celle
de scientifiques, d’économistes, d’historiens, de sociologues
ou autres, si bien qu’un ouvrage comme par exemple : "Le problème
de l’incroyance. La religion de Rabelais" de L. Febvre - Ed. Albin
Michel comporte 25 pages de références bibliographiques
et la liste ne serait pas exhaustive, de même "Les origines
d l’économie occidentale" - Ed. Albin Michel de R. Latouche
comporte quelque 60 pages de références bibliographiques.
Ainsi en parodiant L. Febvre dans le livre précité, page
323 pourrait-on écrire : "Supposons un homme exceptionnel...
qui se montre capable de devancer d’un siècle ses contemporains,
de formuler des vérités qui ne seront tenues comme telles
que cinquante, soixante ou cent ans plus tard... où trouvera-t-il
des appuis ? Nous serons bien forcés de nous rallier à
deux conclusions :
"L’une, que ce qu’a pu dire cet homme n’importe pas... Car nier
c’est dire posément, calmement les raisons qui ne doivent pas,
ne peuvent pas être fragmentaires mais constituer un faisceau
véritable de raisons cohérentes, s’étayant l’une
l’autre et reposant les unes et les autres sur un faisceau de constatations
scientifiques concordantes. Si ce faisceau ne peut être formé,
la négation est sans portée".
"Seconde conclusion : parler d’abondance à une époque
où contre une économie capitaliste, aux prises universelles,
si les hommes les plus intelligents, les plus savants ou audacieux ne
trouvent pas d’appui, c’est un peu parler d’une chimère".
"Quels sont donc les appuis de l’abondancisme ?
Dans l’histoire ? dans les sciences physiques, économiques, monétaires,
dans les technologies à leur point de développement actuel
?..."
Il ne s’agit pas d’énoncer le problèmes des excédents
agricoles rapportés par Newsweek seulement comme ils se présentent
pour nous abondancistes mais bien de les situer dans leur contexte national
et international. Comment oser parler de ces excédents sans avoir
lu sinon parcouru les Rapports généraux sur l’activité
des Communautés Européennes et pour mémoire : "La
politique agricole des États-Unis d’Yves Gazzo - préface
M. Rocard - Revue Economica ainsi que l’article : "La faillite de
l’agriculture américaine dans un monde sous-alimenté"
Florence Baugé - Le Monde diplomatique - Janvier 87, les articles
d’Henri Vallet et de Claude Servolin dans le Monde diplomatique de février
88 ?
Un document disponible : "Synopsis d’un livre à paraître
sur la socialisation de l’abondance" a été établi
antérieurement par le GRHAP. Nous le résumons brièvement
:
1) Naissance, développement, épanouissement puis dépérissement
obligé de l’économie capitaliste :
L’économie antique- les origines de l’économie occidentale
: économie de subsistance et naissance de l’économie de
marché. Apparition du capitalisme. L’épanouissement de
l’économie capitaliste et sa dynamique - son dépérissement
obligé en particulier de l’intérieur.
2) La critique de l’économie politique : ses objectifs actuels
et ses limites obligées du fait même de ses objectifs.
3) L’histoire de la Monnaie et des Monnaies : définitions et antinomie
des usages : détermination/expression de la valeur - moyen d’échange
- accumulation et spéculation. -Analyse des possibilités
et perspectives de la monnaie, (du numéraire), électronique
et de la géofinance.
Nécessité de restaurer l’instrument d’échange :
historique des monnaies de consommation.
4) Les options politiques actuelles L’option néolibérale :
historique-finalitémotivation réelle et perspectives.
Les options socialistes et social-démocrate.
5) La mutation en cours - ses preuves Les données statistiques
de l’OCDE prouvent la pertinence de notre analyse. Mais il faudrait
reprendre contact avec les auteurs d’études conjoncturelles pour
entendre leurs arguments - les développer et réfuter si
besoin.
6) Les difficultés des hommes à se rendre intellectuellement
disponibles et ouverts aux idées nouvelles, quel que rationnelles
qu’elles puissent paraître, et être, effectivement.
7) Quelle organisation dans la période de transition nécessaire :
-Secteur de la nécessité - nationalisé pour la
production aussi automatisée que possible des produits abondants
reconnus socialement utiles - monnaie de consommation millésimée.
- Secteur de l’autonomie - production en régime de capitalisme
libéral sans intervention de l’Etat - monnaie nationale.
8) Monnaie (de préférence : numéraire) de consommation
: (mais ce terme numéraire impliquerait un exposé qui
sortirait du cadre de ce bref article). Définition et moyen d’émission.
Méthode de régulation du rapport : monnaie de consommation
(en circulation) /monnaie nationale (en circulation). (Réalisation
d’une simulation pour confirmer les modalités d’introduction
de la monnaie de consommation et les possibilités de régulation
envisagées.
9) Examiner les répercussions et incidences au plan international
de l’instauration d’une telle monnaie de consommation nationale.
10) Conclusion : Les politiques pourront-ils vaincre leur incurie, dépasser
leur pusillanimité et leur égocentrisme.
-Un certain nombre de dossiers ont été
établis et discutés avec indication des bibliographies
de référence. Ils seront à reprendre, à
compléter éventuellement et à rédiger.
-Choisissez le ou les rubriques susceptibles de vous intéresser
dans l’ordre.
Pour une information qui vous paraîtrait nécessaire, demandez-nous
préalablement les deux documents : " Socialisons l’abondance"
et "Synopsis d’un livre à paraître". Prix 10
F franco l’un.
"Le paysan biologique" (1) reprend sous la signature d’Alain PILOTE des informations sur une controverse devant le Congrès des Etats-Unis et les tentatives d’Alan GARCIA, président de la République du PÉROU extraites de "Vers demain" l’organe des créditistes canadiens". Le premier article est Intitulé "Le Sénateur américain Jack Metcalf veut redonner au Congrès des Etats-Unis le pouvoir d’émettre l’argent". En voici de larges extraits :
L’Histoire politique des Etats-Unis, spécialement
celle des 100 premières années (1776-1876), peut se résumer
dans la bataille entre les banquiers internationaux et le gouvernement
légitimement élu de la nation pour le contrôle et
l’émission de la monnaie. Les banquiers semblaient avoir eu le
dernier mot dans cette bataille lorsqu’en 1913, le Congrès des
Etats-Unis votait le "Federal Reserve Act", qui enlevait au
Congrès lui-même le pouvoir de créer l’argent et
remettait ce pouvoir à la Réserve Fédérale
(Banque centrale des EtatsUnis).
Mais voici qu’un sénateur de l’Etat de Washington, M. Jack Metcalf
se lève et part en campagne contre la "Réserve Fédérale" ;
pour redonner au Congrès son pouvoir d’émettre l’argent,
pouvoir qui est clairement inscrit dans la Constitution américaine.
Et ce qui est le plus surprenant, c’est que la nouvelle est rapportée
en page couverture du porte-parole des milieux financiers et grand défenseur
des banquiers, le "Wall Street Journal", édition du
16 juillet 1987, sous le titre : "Fed Up with the Fed, a State
Legislator Moves to Abolish it" (En ayant plein de dos de la Réserve
Fédérale, un législateur d’Etat prend des mesures
pour l’abolir).
Le sénateur voyage à travers tout l’Etat et il a gagné
l’appui de plusieurs groupes populaires en vue de ce référendum.
C’est une véritable campagne d’éducation sur le fonctionnement
du système bancaire qu’il a entreprise, et il parle pour être
compris de son auditoire. . un groupe de chefs syndicaux réunis
à Seattle par exemple, il raconte l’histoire du "Saloon
de la Réserve Fédérale" :
"Quatre cowboys déposent leurs avoirs comme garantie pour
emprunter un jeu de cartes. Le problème est que chacun des quatre
doit rapporter 14 cartes à la fin de la soirée - une impossibilité
mathématique (il n’y u que 52 cartes en tout, soit 13 pour chacun).
. la fin, un joueur se retrouve avec seulement 10 cartes et perd tout
ce qui lui appartenait... C’est cela le problème avec la Réserve
Fédérale. Elle créé l’argent pour les prêts
mais ne créé pas l’argent pour payer les intérêts...
Le Wall Street Journal termine son article en essayant de discréditer
le Sénateur Metcalf avec toutes sortes de faussetés et
d’insinuations, et voudrait bien que les gens votent contre son référendum.
Cela n’est pas surprenant de lu part des banquiers, car lorsqu’ils sentent
la soupe chaude et leur pouvoir menacé, ils sont prêts
à employer les ruses et stratagèmes les plus déloyaux
et perfides pour que leur monopole de la création de l’argent
ne soit pas contesté. lis ont employé les mêmes
tactiques contre C.H. Douglas et Louis Even, mais lorsque la vérité
éclate en plein jour et que la lumière est faite sur leur
système voleur, les banquiers ne peuvent plus l’arrêter,
malgré tous leurs millions et les efforts de -leurs fidèles
serviteurs lèchebottes pour tenir lu population dans l’ignorance
de leur vol.
***
APPEL AU PUBLIC
La Sénateur Metcalf sait très bien que les financiers
peuvent corrompre et acheter quelques représentants élus,
mais ils ne peuvent acheter toute une population, c’est pourquoi il
fait appel au peuple par la méthode d’un référendum,
pour que la. question "Qui doit créer l’argent ?" soit
connue du public le plus largement possible. "C’est la question
la plus importante devant n’importe quelle législature de n’importe
quel Etat de l’Union cette année", dit Metcalf.
Metcalf soutient qu’il est absurde que le gouvernement paye des intérêts
à un système bancaire privé pour l’usage de son
propre argent, qu’il pourrait émettre luimême sans intérêt.
Et il soutient aussi que le Congrès, lorsqu’il a délégué
à la Réserve Fédérale en décembre
1913 le pouvoir de créer l’argent, n’avait pas l’autorisation
constitutionnelle de déléguer ce pouvoir.
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QUI DOIT CRÉER L’ARGENT NOUVEAU ? LA SOCIÉTÉ
Qui doit créer l’argent nouveau ? Les créditistes le savent
depuis longtemps, c’est la société, et plus précisément,
le gouvernement agissant au nom de cette société. L’argent
nouveau appartient à la société, et non pas au
banquier, car cet argent est basé sur la production de la société
; le banquier n’a absolument rien produit dans le pays, il n’a fait
qu’apporter des chiffres. Sans la production de tous les citoyens du
pays, les chiffres du banquiers ne valent rien. Mais le banquier agit
comme si cet argent nouveau lui appartenait, le prête et réclame
un intérêt sur ce prêt par-dessus le marché.
C’est un double vol.
C’est ce qui fait que plus le pays se développe, plus la production
augmente, plus le pays s’endette. Plus le puys est riche, plus il est
endetté ! C’est contradictoire, mais ça démontre
justement que c’est le système des banquiers qui est à
l’envers. Sous un tel système de fou, ceux qui ont bâti
le pays, la population, le doivent à ceux qui n’ont absolument
pas levé une seule pelletée de terre. les banquiers n’ont
fait qu’écrire des chiffres pour permettre à la population
du pays d’utiliser su propre capacité de production et faire
usage de ses propres richesses.
La justice et le simple bon sens exigent que ce soit le gouvernement
qui émette lui-même son argent, sans intérêt,
sans passer par les banquiers privés. Le gouvernement, par l’intermédiaire
d’un office National de Crédit (ou d’une autre institution, qui
pourrait même être la Banque du Canada pour les Canadiens,
et la Réserve Fédérale pour les Etats-Unis, mais
cette fois-ci réellement mise au service de la population, et
non pour servir les intérêts de banquiers privés),
établirait une comptabilité exacte, où tout endettement
serait impossible : l’argent nouveau serait émis au rythme de
la production, et retiré de la circulation au rythme de la consommation.
On aurait ainsi un équilibre constant entre l’argent et les produits,
et l’argent garderait toujours sa même valeur.
C’est cela que propose entre autres le Crédit Social, qui en
plus de son dividende à chaque citoyen et sa fameuse technique
de l’escompte sur les prix, garantirait à chaque citoyen, le
nécessaire pour vivre et empêcherait toute inflation des
prix. L’argent serait enfin mis au service de la personne humaine.
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Voici maintenant d’autres passages d’un article sous
le titre : "Le Pérou lutte contre les banquiers internationaux
- Alan Garcia instaure la "démocratie économique."
La police utilise les grenades lacrymogènes contre les banquiers"
: ... Le président du Pérou, Alan Garcia, continue su
lutte contre les banquiers internationaux. Le 28 juillet 1987. il annonçait
un projet de "démocratie économique" pour le
Pérou, qui comprend la "nationalisation de la Banque".
Et le 13 août 1987, le parlement péruvien approuvait le
projet de loi prévoyant la nationalisation de 10 banques, de
6 sociétés financières et de 17 compagnies d’assurances...
Et le "Toronto Star" du 5 août 1987 rapportait la nouvelle
suivante, avec le titre assez spectaculaire : "La police péruvienne
utilise les grenades lacrymogènes contre les banquiers" :
"LIMA (Reuter) - La police a utilisé les gal lacrymogènes
contre les cadres et les employés de banque marchant à
travers un quartier sélect de Lima hier pour protester contre
la nationalisation proposée des banques privées du Pérou.
"Environ 500 secrétaires, caissiers et directeurs de banque
privées et compagnies de crédit ont marché à
travers le chic quartier de San Isidro portant des affiches avec l’inscription
: "A bas la nationalisation".
"Tous sauf environ 150 marcheurs qui s’arrêtent devant la
banque Mercantile se sont dispersés lorsque la police est arrivée.
Le reste s’est enfui lorsque les grenades des lacrymogènes remplirent
l’air de nuages".
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GARCIA DEVIENT PRÉSIDENT
Le 28 juillet 1985, Alan Garcia, à 36 ans devenait président
du Pérou,. ce qui en faisait le plus jeune président élu
du monde entier. Il prenait le pouvoir dans des circonstances difficiles,
entre autres une dette extérieure de $ 14 milliards, énorme
pour l’économie de ce pays. Le jour même, il prenait position
contre les banquiers internationaux en annonçant que son pays
ne consacrerait désormais pas plus que 10 pour cent des revenus
des exportations pour le service de la dette. Garcia faisait passer
l’intérêt de son peuple avant celui des banquiers : "J’ai
été élu parle peuple et non par un cercle de banquiers" ;
dit Garcia.
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L’ARGENT N’EST QU’UN CHIFFRE
Garcia savait que le Pérou n’avait rien à perdre en ne
recevant plus d’argent des banquiers étrangers, car l’argent,
ce n’est qu’un chiffre. L’argent n’est pas la richesse, mais le signe
qui donne droit à la richesse. Enlevez les produits, et l’argent
ne vaut plus rien. Ce sont les produits du Pérou qui donnent
la valeur à l’argent. Les banquiers ne produisent absolument
rien, ils n’ont que des chiffres à offrir. Et ces chiffres-là,
le Pérou peut très bien les faire lui-même sans
s’endetter envers les banquiers internationaux.
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AU SUJET
DE LA NATIONALISATION
La nationalisation des banques effectuée par Garcia n’est pas
du même genre que la nationalisation prônée par les
socialistes, tel que veut le faire le Nouveau Parti Démocratique
(NPD) au Canada, ou comme l’a déjà fait Mitterand en France,
ou lorsque le gouvernement travailliste de l’Angleterre avait nationalisé
la "Banqué d’Angleterre". Le gouverneur d’alors de
la Banque d Angleterre, Montagu Norman, avait dit : "La nationalisation
? Nous lui souhaitons la bienvenue".
Ce genre de nationalisation prôné par
les socialistes ne fait pas de mal aux banquiers et les laisse passablement
indifférents, car il leur laisse le pouvoir de créer l’argent
nouveau, selon leur bon plaisir. C’est une nationalisation qui ne fait
que changer l’écriteau sur la façade de la batisse, la
politique de la banque demeurant inchangée, les banquiers ne
sont pas dérangés dans leur vol.
Les socialistes n’ont jamais un mot à dire contre le système
financier. lis blâment tout le système capitaliste, tout
excepté la seule chose qui va mal, le système financier.
les créditistes ne font pas cette erreur, et ils savent que dans
le capitalisme, il faut faire la distinction entre deux choses : le
système producteur, qui fait les produits, et le système
financier, qui fait l’argent...
Mais Garcia a effectivement enlevé aux banques ce pouvoir de
créer l’argent nouveau, pouvoir qui revient de droit au gouvernement,
et c’est pourquoi les banquiers sont dans tous leurs états. Le
Crédit Social n’exige pas la nationalisation des banques, le
gouvernement peut laisser aux banques les opérations d’ordre
strictement bancaire, celles ayant trait à l’épargne et
aux prêts, mais il doit absolument enlever aux banques les opérations
ayant trait à l’émission et au retrait de l’argent, car
c’est là une fonction qui appartient au gouvernement. Garcia
a repris cette fonction, et c’est ce qui compte.
Enfin sous le titre "Alan Garcia instaure la démocratie
économique" l’auteur rappelle les principes du Crédit
Social :
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DEMOCRATIE ECONOMIQUE
Sous un régime créditiste, l’argent ne serait émis
ni selon le bon plaisir des banques ni du gouvernement, mais selon les
statistiques : l’argent nouveau serait mis en circulation au rythme
de la production, et retiré de la circulation au rythme de la
consommation. Il y aurait ainsi un équilibre constant entre les
prix et le pouvoir d’achat.
Et cet argent nouveau serait remis directement entre les mains des consommateurs.
C’est ce que Douglas, l’auteur du Crédit Social appelle la "démocratie
économique" et Louis Even l’explique en comparant l’argent
à un bulletin de vote : les consommateurs, ayant ainsi de l’argent
dans leurs poches, pourraient exercer leur choix par leur "argent-vote",
et "voter" pour les produits et services qu’ils désirent,
pénalisant ainsi les producteurs dont ils ne désirent
pas les produits et services. Pour rester en affaires, les producteurs
chercheraient à produire ce que les gens désirent. Ce
sont les consommateurs qui, en fin de compte, décident quelle
production sera faite, ce qui est une véritable démocratie
économique. (Voir l’article de Louis Even à ce sujet dans
le présent numéro de Vers Demain).
D’ailleurs, le premier livre que le Major Clifford Hugh Douglas a écrit
sur le Crédit Social, en 1919, était intitulé "Economic
Democracy" (Démocratie Economique). Ce n’est que plus tard
qu’il a désigné ses propositions financières sous
le nom de "Crédit Social". "Démocratie
économique" et "Crédit Social" c’est synonyme.
Et lorsqu’on apprend que le Président Garcia désigne sa
réforme sous le nom de "Démocratie économique",
tout porte à croire que c’est une réforme dans la ligne
du Crédit Social, il y a donc là de quoi se réjouir
(transmis par R. Q, Rive de Gier).
(1) 5, rue de Renac - 44143 CHATEAUBRIANT CEDEX
CES BONS BANQUIERS,
Dans son numéro du 13-19 février, le
"Monsieur Loyal" de l’hebdomadaire "The Economist"
présente le nouveau cirque des "fonctions bancaires de l’entreprise"
et ses fauves mal apprivoisés ; je traduis mot à mot l’article :
"Bankers to both sides", ou banquiers entre deux feux, (entremetteurs)
pigeons, ou agents doubles ?).
"Quand un prédateur menace d’OPA une compagnie, il a souvent
sur elle des informations absolument confidentielles... Fini le temps
où une entreprise n’attendait de son banquier rien de pire que
des capitaux pour fonctionner, des fiches de comptes et un bon déjeuner...
La concurrence sur les marchés financiers détruit les
vieilles traditions. Le krach d’octobre 1987 a envenimé les conflits
(OPA) en Grande-Bretagne et aux USA, et une seconde vague d’achats fait
encore plus hurler à la trahison. Des sociétés
qui pensaient conserver une relation privilégiée avec
leur banque la découvrent brandissant sur elles un fusil de chasse
encore fumant, et le banquier est en train de recharger.
Exemples :
Pearson, société britannique (propriétaire indirect
d’une moitié des part de "The Economist") était
cliente du groupe d’investissement S. G. Warburg. Elle s’est trouvée
fort lésée quand l’antenne commerciale de Warburg a acquis
4,9% de Pearson pour Carlo de Benedetti, europrédateur international.
Pearson a changé d’experts.
Citibank prêtait à la firme britannique DEE (réinvestisseurs) ;
elle était son courtier pour l’émission d’obligations
et pour le marché américain de ses actions. Durant l’été
1987, Citibank avait proposé à DEE une cession de dirigeants
que DEE avait repoussée. Citibank a alors engagé une coopérative
bancaire pour cofinancer une offre meurtrière de deux milliards
de livres pour le compte d’un autre groupe britannique, Barker and Dobson.
Alec Monk, patron de DEE, a déclaré que Citibank avait
agi d’une façon "très vilaine" et DEE a dû
modifier une partie de ses activités...
Le plus gros coup s’est produit en janvier 1988 ; Morgan Guaranty, grand
prêtre en relations d’experts bancaires a conseillé et
monté une offre hostile d’Hoffman la Roche contre Sterling Drug.
C’était la première OPA de plusieurs milliards de dollars
US jamais pilotée par une banque commerciale ; Morgan étant
prêteur à Sterling, et ayant en charge son émission
de bons, était dépositaire et agent de transfert de ses
actions. Le président de Sterling a accusé sa banque de
conduite contraire à l’éthique et modifié ses relations
avec Morgan. Comble de déconfiture pour cette banque... l’offre
d’Hoffman a été repoussée !
Qu’est-ce qu’une relation en matière de banque
?
Les banques ont toujours eu des conflits avec des clients qui s’affrontaient
dans des OPA, maintenant ces conflits se multiplient et s’aggravent.
Les banques d’investissement sont très mobilisées dans
des affaires de fusions et d’achats. Et les grandes.’ banques commerciales
se précipitent sur leurs chasses gardées. Plus personne
n’est d’accord sur les prérogatives...
L’un des droits légaux assez clair est la discrétion.
Les banques qui contresignent des obligations ont des informations confidentielles.
Les agents de courtage détiennent des listes d’actionnaires.
Tout conseiller en restructuration connaît parfaitement les comptes
de la compagnie. Même des prêteurs ordinaires tiennent des
fiches sur les emprunteurs. Une compagnie britannique ou américaine
peut attaquer un expert financier si elle a la certitude qu’il utilise
contre elle des informations confidentielles. La Gencorps américaine
fait actuellement un procès à sa banque d’investissement
Shearson Lehman. Mais ce type de procès ne réussit presque
jamais. Warburg, Morgan Guaranty et Citibank affirment que les informations
confidentielles sont absolument protégées par des écrans
"chinois" et leurs clients mécontents n’ont pu infirmer
cela devant les tribunaux. La réalité du débat
porte non pas sur un usage malveillant de l’information, mais sur, la
loyauté des opérations.
Si une banque protège un secteur particulier d’une société,
doit-elle s’abstenir d’agir dans les autres, comme c’est le cas pour
un avocat ou pour un comptable ? Ce sont les sociétés
elles-mêmes qui ont fait beaucoup pour ruiner le "banquisme
relationnel" et ceci à leur avantage. A partir de 1975,
elles ont préféré s’adresser pour moins cher aux
marchés de capitaux. Elles ont ensuite exploré le marché
pour d’autres services. Il n’existe pratiquement plus une seule grande
entreprise liée à une seule banque commerciale, et beaucoup
séparent leurs engagements de finance propre de ceux de courtage
qu’elles distribuent à des banques d’investissement différentes.
La loyauté est une bonne chose, mais elle s’applique dans les
deux sens.
Beaucoup de banque se refusent toujours à lancer une offre hostile
contre un de leurs clients, mais elle exigent de plus en plus, avant
d’adopter une entreprise comme client. Les liens importants, étroits
et multiples sont protégés ; des amitiés moins profitables
peuvent être rompues sans entorse légale et sans problèmes.
C’est ainsi que fonctionnent les marchés. Un danger majeur est
que la stratégie de certaines banques se limite à des
profits à beaucoup trop court terme ; aujourd’hui les opérateurs
à tout va offrent des profits étincelants, mais les corporations
retournent au mode de crédit bancaire lorsque le marché
des obligations devient moins accueillant. Si, enivrées par la
déréglementation, les banques se mettent à jouer
trop vite, elles perdent sur leurs vieux clients et ont du mal à
en trouver de nouveaux. Souvenons-nous de l’adage : "Dans le doute,
abstiens-toi", ainsi il y aura des chances pour que la "fonction
bancaire" ou le banquisme de relation ne soit pas réellement
mort, mais au repos pour quelque temps".
Quel rapport avec l’économie trouvée dans ce cirque ?
Les "sociétés" et leurs chefs, troupeaux de
chevaux de labour et ours affreux, se débattent pour continuer
à produire, ils s’insurgent contre les hyènes nettoyeuses
et les cochons-rois du système bancaire...
Pourtant ce petit monde pose des problèmes délicats de
loyauté... Mais grâce à la main invisible du dieuargent
du marché, la mystérieuse continuité du monde bancaire
prospère et, raffinée ne peut que se rétablir....
Ce texte illustre l’agilité morale des chantres du banquisme.
Il n’est pas possible de formuler aussi joliment le dépeçage
des économies par l’aberration bancaire des six derniers mois.
les "experts" se recopient, quel que soit le tableau délirant
du gaspillage que nous offre le système, moteur des crises et
des guerres depuis cent cinquante ans. Et les "experts" continuent
de cautionner les traditions de servilité des médias et
des gouvernants, devant la fine élite des rois du marché
bancaire !
Dans ce conteste, l’Europe fait déjà figure d’accusée
rétrograde : elle n’est même pas capable de centraliser
ses places boursières autour d’un écu de référence,
de "réserve" : voici qu’elle pourrait bien se rattraper
économiquement grâce aux déphasages Frankfort-Londres-Paris...
qui permettent aux investisseurs productifs, ours et lions de chez nous,
d’échapper partiellement à la férule bancaire.
Pourvou que çà doure !