« A vos plumes »... prête ou pas, je pars. Après
tout, on verra bien et puis il y a un certain temps déjà
qu’une sorte de remords me harcèle : c’est la navrante solitude
dans laquelle nous les femmes, et moi en particulier, nous laissons
Marie-Louise Duboin se battre, nous parler d’économie, refaire
la société, comme si, curieusement, nous n’étions
pas concernées. Cette fois son appel m’est irrésistible
et j’ai honte de mon silence.
Tout d’un coup j’ai envie de ne plus me retrancher derrière une
montagne d’excuses, le travail, les enfants, vous connaissez... Et,
la plus insidieuse de toutes ces excuses est « je n’ose pas ».
Insidieuse parce qu’elle repose, à la limite sur l’idée
qu’il n’est pas féminin de parler de ces choses.
Alors, tout d’un coup j’ai envie de dire au contraire qu’être
féministe c’est forcément être socialiste dans la
perspective de l’économie distributive. En effet, n’est- ce pas
vouloir faire respecter enfin les droits de la personne, de chaque personne,
dans une société juste. Etre féministe c’est avoir
débusqué l’Injustice, en avoir identifié les nombreux
masques et se sentir finalement solidaire de tous ceux qui souffrent
à travers le monde. Cette conscience mise en marche doit entraîner
la remise en question de tous les abus qu’engendre la domination. C’est
en supprimant le profit que l’économie distributive peut favoriser
cette évolution des mentalités.
Par la distribution à chacun et chacune de sa part de revenu
ne serait-ce pas reconnaître d’abord l’utilité et la complémentarité
de la participation féminine à la société
? L’égalité des revenus ne mettrait-elle pas un terme
à l’autorité abusive que notre système confère
à celui qui gagne beaucoup ? Les femmes continueront- elles à
accepter cette méprisante conviction que chacun a le salaire
qu’il « mérite » ? II est peut-être temps de
ne plus utiliser nos échelles de salaire comme échelles
de valeurs.
Être féministe c’est aussi être pleinement femme
et donc se révolter de toutes les pratiques économiques
qui visent à dégrader la vie : destruction de produits,
pollution, gaspillage et par dessus tout ces pratiques qui tuent des
innocents par ventes d’armes interposée.
Alors, si nous avons atteint l’âge de la parole, serait-ce le
temps de la Grande Relève des hommes par les femmes ? Vous souvenez-vous
du poète qui croyait que « la femme est l’avenir de l’homme
» ?
Éditorial
MAINTENANT que nous possédons le plan de transition proposé
par André Hunebelle, exposé dans notre dernier numéro,
il nous appartient d’agir, et d’agir TOUS, et sans attendre.
Je crois que nous devons le faire sur deux plans à la fois.
D’une part, approfondir le projet Hunebelle. Cela a déjà
commencé pour quelques-uns de nos lecteurs qui, selon leur spécialité
ou leur personnalité, en analysent plutôt certains aspects
que d’autres. Nous rapporterons désormais leurs réflexions
dans une rubrique spéciale.
Et puis il faut tenter par tous nos moyens de réaliser ce projet.
Et pour cela la première étape consiste à mobiliser
l’opinion, à convaincre un maximum de gens.
Cette action, qui nous concerne tous, doit impérativement être
concentrée sur tous les chômeurs et tous les laissés-pour-compte
de l’économie libérale. Qui d’entre vous ne connaît
pas de chômeur ? Ne connaît aucun de ces jeunes gens qui
se demandent s’ils vont pouvoir un jour bâtir un avenir sur du
solide, ou s’ils sont égarés dans un monde qui ne veut
pas d’eux ? Oui ne connaît ni un entrepreneur, ni un artisan,
ni un paysan qui ne demande qu’à produire, mais cherche en vain
qui pourra utiliser ses produits... tout en l’aidant à vivre
correctement ? Qui ne sait où se trouvent les grandes concentrations
de chômeurs, pour y porter nos convictions ? Nous sommes prêts
à envoyer le dernier numéro à toutes les adresses
que vous nous communiquerez.
Mais dites-leur bien :
LE MONDE DU MARCHE VOUS ELIMINE ?
RÉPUDIEZ-LE !
10 mai 1981 au soir : sous la pluie battante, on danse sur la place
de la Bastille, et l’on chante
Nous avons gagné... ».
Qui a gagné ? Et qu’a-t-il été gagné ?
Je me suis posé ces deux questions en relisant le numéro
de notre journal dans lequel, dès avant les élections,
figuraient des prises de position politiques en faveur de M. MITTERRAND.
Je me les suis posé à nouveau lorsque la Grande Relève
a favorablement salué la victoire du parti socialiste, cherchant
vainement ce qui, au-delà des affinités sentimentales
et subjectives, pouvait bien justifier une telle entorse à la
règle d’or de l’équipe de J. DUBOIN persuader nos contemporains
qu’au delà de toutes les cuisines politiques, seul un abandon
radical de l’économie de marché était en mesure
de résoudre les problèmes nés de l’inadaptation
des hommes aux progrès de leurs techniques.
L’année 1981 s’achève. Où en sommes nous ?
PAUVRE BILAN
Deux fléaux majeurs de notre temps ont puissamment contribué
à la chute des partis au pouvoir depuis plus de deux décennies
: la montée des prix et le chômage. Ces deux fléaux
ne sont pas spécifiquement français, mais mondiaux. Depuis
bientôt 50 ans J. DUBOIN a démontré que tous les
moyens utilisés pour les combattre au sein des économies
marchandes étaient autant de cautères sur des jambes de
bois. Effectivement les prix ont continué de grimper, et le nombre
des chômeurs de s’accroître, chez nous comme ailleurs. Lorsque
nos dirigeants prétendent qu’il s’agit d’un effet d’ombre portée,
ou d’héritage des gouvernements précédents, ils
mentent : ayant délibérément opté pour le
maintien de l’économie marchande, ils n’élimineront pas
ces fléaux et en porteront la pleine responsabilité au
même titre que leurs prédecesseurs.
Par ailleurs, en dehors de l’abolition de la peine de mort et des amnisties,
où sont les vrais changements ? Dans la dévaluation du
franc et dans l’augmentation des recettes de poche, tabac, essence,
allumettes, alcools ? Il me semble pourtant avoir déjà
vu appliquer antérieurement ces innovations géniales.
Dans les nationalisations ? Celles réalisées avant le
10 mai auraient-elles par hasard éliminé les problèmes
des fonctionnaires, des enseignants, des cheminots, des agents d’E.D.F.
ou de Renault ? Dans l’impôt sur la fortune, dont chacun reconnaît
aujourd’hui le rendement dérisoire ? Dans l’abaissement de l’âge
de la retraite, alors que les problèmes de financement des allocations
vieillesse sont parfaitement insolubles dans le système actuel
? Dans la réduction de la durée hebdomadaire du travail
et la 5e semaine de congés payés qui contribuent, indéniablement
en économie de marché, à réduire notre compétitivité
internationale ?
Oh l’ancienne majorité a beau jeu pour dénoncer aujourd’hui
l’absurdité des contradictions contenues dans les programmes
et soi- disants remèdes de la nouvelle équipe laquelle
a d’ailleurs non moins beau jeu pour souligner l’inefficacité
d e s programmes d’hier. Mais où est, dans cet échange
d’arguments faisandés, le véritable plan de remise en
ordre de notre économie ?
RECONSTRUIRE SANS HAINE
Lorsque nous faisons campagne pour l’avènement de l’économie
des Besoins, nous proposons tout le contraire de la lutte des classes,
cru nivellement par le bas, et des règlements de compte, préconisés
par certains chevaliers de la rose, au besoin en se reniant eux-mêmes.
Un exemple : l’augmentation de la taxe de francisation sur les bateaux
de plaisance, c’est-à-dire de la vignette des voiliers, présentée
la 10 juin 1981 dans le collectif budgétaire 1981 au Conseil
des Ministres. Elle sera multipliée de 10 à 16 fois d’ici
à 4 ans. Or le gouvernement BARRE avait déjà envisagé
une hausse de cette vignette, s’attirant alors de vives critiques de
M. Michel CREPEAU (Maire de La Rochelle...) et une opposition écrite
catégorique de deux parlementaires du groupe socialiste, rédigée
en ces termes :
« Notre groupe a déjà pris position contre ce projet
qui n’aura aucun effet positif sur l’activité économique,
écrivaient les deux parlementaires. La taxation des navires de
plaisance fait partie de ces mesures dérisoires et vaines par
lesquelles le gouvernement essaye d’accroître les recettes de
l’Etat. Les socialistes ont toujours défendu la nécessité
de réformes profondes tant au niveau de l’économie que
des finances publiques et s’opposeront à un rapiéçage
illusoire en votant contre ce budget. »
Ces deux parlementaires s’appellent Louis MEXANDEAU et Gaston DEFFERRE,
aujourd’hui ministres du gouvernement MAUROY.
Mais, après tout, le port des vestes réversibles n’est
pas plus une nouveauté que les vignettes.
Nous devons donc continuer imperturbablement à combattre pour
la réforme monétaire et le Revenu social, piliers de l’économie
des Besoins conçue par Jacques DUBOIN. Indifférents aux
pétards mouillés et aux engouements d’un soir, aux principes
généreux mais inapplicables, aux bonnes volontés
bafouillantes, nous devons réserver nos applaudissements au premier
parti politique qui l’inscrira sans ambiguïté à son
programme.
Il reste à découvrir.
VOUS allez voir comment « la main invisible » qui, à
en croire Adam Smith, règle harmonieusement les rapports économiques
entre les hommes, fait bien les choses.
Je venais d’assister à la conférence télévisée
du Président de la République, affligeante pour ce qui
a trait aux questions de politique économique, lorsque je suis
tombé sur une information sensationnelle qui semble avoir été
escamotée par les médias. Voici ce que rapporte Jacqueline
Grapin dans un court article du « Monde » (10-12. 81) consacré
au Forum de l’Ecole H.E.C. : « ...L’ancien Directeur de la Banque
d’Italie, M. Guido Carli cita une enquête de l’université
américaine Carnegie - Mellon prévoyant que l’introduction
des robots dans l’industrie va entraîner la suppression de 7 millions
d’emplois ouvriers aux U.S.A. et l’introduction de l’informatique dans
les bureaux conduire à la disparition de 38 millions de postes
d’employés ». La journaliste du « Monde » ajoute
ce commentaire de son crû : « Ainsi 45 millions de personnes
devront changer d’emploi ». C’est vite dit.
Vous voyez, vous, les 45 millions d’Américains expulsés
de la production - mettons d’ici 1990 - par les progrès de la
technologie, retrouver un emploi ? Et ou çà donc ? Dans
la publicité, dans les services de santé, dans l’animation
culturelle, dans le show-business ? 45 millions de chômeurs d’ici
90 plus les 9 millions déja existants, cela représente
plus de la moitié de la population active des U.S.A. Bien sur,
la fabrication et la maintenance des nouveaux équipements informatiques
créeront des emplois, de haut niveau pour la plupart. Mais qui
osera soutenir que ces créations d’emplois compenseront, même
de très loin, les suppressions de postes résultant de
l’introduction des nouvelles technologies ?
Parions clair. Sur la base de l’enquête réalisée
par l’université Carnegie Mellon, ce sont près de la moitié
des salariés américains qui, d’ici 10 ans, seront réduits
au chômage et à la misère. On ne voit pas comment,
compte tenu de l’intégration de l’Europe dans le marché
mondial, les choses pourraient se passer différemment de ce côté-ci
de l’Atlantique.
Face à ces sombres perspectives, les homélies-mélos
du Président Mitterrand qui s’obstine à vouloir concilier
socialisme et libre entreprise et continue d’évoquer la rupture
avec le capitalisme en caressant les patrons dans le sens du poil, paraissent
ce qu’elles sont, de la bouillie pour les chats, de la logorrhée
électoraliste. Mais notre propos n’est pas de dénoncer
le double langage et les palinodies des politiciens, d’autant que les
électeurs eux-mêmes sont paumés et ne savent pas
ce qu’ils veulent.
Ce qui nous paraît beaucoup plus important c’est de montrer que
la logique de l’économie de marché - autrement dit l’exploitation
concurrentielle des ressources et des hommes, à laquelle souscrivent
au plan mondial, aussi bien les tenants du « socialisme démocratique
» que les représentants du « collectivisme bureaucratique
», aboutit inexorablement à l’aggravation de la crise économique
et à la détérioration de l’écosphère.
Que dans cette course à l’exploitation et au picage, le capitalisme
occidental soit plus performant que le capitalisme d’Etat des pays de
l’Est est une question marginale. Le qui compte, c est que les 2 blocs
rivalisent dans la même
boulimie predatrice, dans le même productivisme dévastateur,
avec en rond de tableau, l’affrontement nucléaire.
Voilà l’avenir que nous prépare la fameuse « main
invisible » chère aux apologistes de l’économie
de marché. N’était-ce pas aussi une main invisible qui
traçait sur les murs du palais de Babylone, au temps de Nabuchodonosor,
l’avertissement fatidique : Mané, Thecel, Phares ?
Si l’on veut comprendre comment le mode de production concurrentiel
conduit le monde à la catastrophe, il faut lire l’ouvrage de
William Kapp « Les coûts sociaux dans l’économie
de marché » (Flammarion) . L’ouvrage de Kapp est une véritable
radioscopie des effets pervers de la « libre entreprise ».
Il met à nu l’économie de marché en montrant que
la règle du jeu pour l’entrepreneur consiste à «
internaliser » les profits en « externalisant » les
coûts sociaux, autrement dit en rejetant une énorme part
dès charges de la production sur la société et
l’environnement. C’est à ce prix que le capitalisme réalise
ses performances, en dévorant les ressources, en polluant la
nature, en broyant et corrompant les êtres humains. Comme le dit
Kapp, il y a une insouciance institutionnalisée de l’entrepreneur
à l’égard des conséquences sociales et écologiques
de sa gestion. Il ne saurait en être autrement car Ia stratégie
qui s’impose à lui, sous les effets combinés de la compétition
et de l’obsolescence technologique, est polarisée par la recherche
du profit maximum et-le renouvellement accéléré
des moyens de production. C’est la stratégie dès Danaïdes
!
Que cette problématique fasse du capitalisme le système
de production le plus irrationnel qui soit dans la perspective du long
terme et de l’utilité sociale, voilà ce que démontre
Kapp.
Au premier rang de ces « coûts sociaux » que le marché
capitaliste ne prend pas en compte, il y a la crise des échanges
et celle des monnaies et l’extension du chômage. A ce propos rien
n’illustre mieux les contradictions du système que l’histoire
de l’industrie française de la machine-outil. On sait que le
gouvernement vient d’affecter 4 milliards de subventions au développement
de cette branche où la France a pris un sérieux retard.
L’objectif est de relever le défi des pays industriels de tête
(USA, Allemagne, Japon) en dotant la France d’un parc de machines automatisées,
assurant le cycle complet de la production sans intervention humaine,
sous le contrôle d’un ordinateur. Il est clair qu’au plan de l’emploi
cette innovation se traduira en France comme aux USA par une forte réduction
des postes de travail. Mais la situation serait pire si la France renonçait
à cet investissement, car son industrie ne serait plus «
compétitive ».
Trois cas de figure - et trois seulement - sont envisageables pour l’affectation
des capitaux l’évasion ou la délocalisation vers les paradis
fiscaux et les bassins de main d’oeuvre à bas prix (les capitalistes
ne s’en privent pas), la thésaurisation et l’investissement productif.
Dans les trois cas, le niveau de l’emploi diminue, le déséquilibre
se creuse entre l’offre et la demande globales.
Crise et chômage sont bien inscrits dans les gènes de l’économie
de marché comme a dû le reconnaître il y a 8 mois
le représentant de l’orthodoxie libérale Pierre Drouin
: « ... la montée du chômage est irrésistible.
L’économie marchande ne peut plus assurer l’emploi. » Un
autre expert du « Monde » Paul Fabra a prédit un
Krach financier du type Wall-Street 1929 et la dislocation du marché
mondial. C’est un diagnostic encore plus pessimiste qu’exprime aujourd’hui
le rapport de l’université américaine Carnégie-Mellon.
Il est grand temps que les hommes reprennent en main leur destin. La
classe politique et les partis, incapables de dépasser des préoccupations
catégorielles à courte vue, sont disqualifiés.
C’est du peuple, des groupes en fusion, comme disait Sartre, que doivent
surgir les mots d’ordre mobilisateurs capables d’arrêter le char
d’Armageddon. A cet égard, des observateurs comme Aurelio Peccei,
fondateur du Club de Rome, Lewis Mumford, René Dumont, Edgar
Morin, René Girard, Konrad Lorenz, Michel Bosquet sont beaucoup
plus représentatifs et porteurs de la conscience humaine que
tous les chefs d’Etat réunis.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au niveau de puissance atteint par
la technologie, la procédure du marché, de même
que celle de la bles sous peine d’anéantissement.
Dans le cadre du marché « libre », le progrès
technologique stimule les capacités productives, mais en même
temps il intensifie et élargit la compétition entre les
hommes. Au lieu d’accroître leur bien-être, comme il en
fournit les moyens, il multiplie les frustrations et les conflits et
développe le malaise dans la civilisation. Trois siècles
avant Freud, et plus profondément que lui, Montaigne avait diagnostiqué
la source du mal : « Science sans conscience n’est que ruine de
l’âme ». Nous pouvons ajouter aujourd’hui :...et des corps
».
C’est cette conscience éliminée par le mercantilisme qu’il
s’agit de réintroduire dans l’organisation de la production.
Contrairement à !a problématique du marxisme, il ne s’agit
pas de « libérer » les forces productives, mais d’en
prendre le contrôle et de les maîtriser. C’est parce que
le marché les déchaîne et pervertit la science et
la technologie que nous le condamnons.
D’une certaine manière, nous disons comme Marx, que les rapports
de production doivent être adaptés à l’état
des forces productives. Mais dans un sens très éloigné
du déterminisme marxiste. Notre proposition exprime une exigence
éthique et non une « nécessité historique
». A l’inverse de Clausewwitz, nous disons que la politique économique
actuelle est la continuation de la guerre et que dans les deux cas,
le coût des moyens mis en oeuvre est devenu prohibitif.
Ce n’est donc pas seulement un moratoire sur la prolifération
des missiles nucléaires que les peuples doivent contraindre les
gouvernements à négocier, mais un moratoire planétaire
sur la confrontation économique. C’est sur ce terrain que doit
se situer le dialogue Nord- Sud. Ce n’est pas seulement « Halte
à-la croissance » qu’il faut proclamer, mais « Halte
à la concurrence, Halte à la compétition destructrice
! ».
Le mot d’ordre central doit être désormais : « Abolition
de l’économie de marché, Planification planétaire
de la Production et de l’allocation des ressources ». C’est dans
le droit fil de la doctrine de Jacques Duboin.
A part l’ex-premier économiste de France qui persiste et signe
dans ses déclarations, de plus en plus de gens s’aperçoivent
que la théorie économique a besoin d’être sérieusement
révisée : c’est qu’en effet la crise mondiale ne cesse
de s’amplifier. On comptait 18 millions de sans-emploi à l’automne
1981 dans les sept pays les plus développés contre 15,5
et 13 aux époques comparables de 1980 et 1979. L’échec
des théories monétaristes et assimilées est patent.
Il n’y a plus de « miracle Allemand » (on va dans ce pays
dépasser les deux millions de chômeurs) ni de « modèle
suédois ». Le plan de Regan a débouché sur
la récession. Le déficit du commerce extérieur
des Etats-Unis pour 1981 est de l’ordre de 42 milliards de dollars.
Fin décembre, le chômage frappait 9 millions et demi d’Américains,
soit pratiquement 9 °/U de la population active (17,4 % dans la
population noire, 21,7 % chez les jeunes !). La situation des chômeurs
est d’autant plus dramatique que Reagan a pratiqué des coupes
sombres dans les dépenses sociales. Tout cela fait quand même
l’affaire, pour le moment, du patronat américain qui arrive à
faire accepter à ses salariés des diminutions de salaire
(10 % à la Western Airlines). Les revenus des agriculteurs sont
eux aussi en baisse : selon les statistiques officielles, les prix agricoles
à la production ont baissé de 13 % en un an alors que
les coûts d’exploitation ont augmenté de 4,2 %, si bien
que l’endettement des fermiers américains s’est accru de 30 %
au cours des deux dernières années et atteint 180 milliards
de dollars.
Tout ça, c’est la faute à l’Europe ! Le département
de l’agriculture vient de publier un rapport dans lequel on peut lire
: « une réforme de la politique agricole européenne
visant à modérer la production et à stimuler la
consommation intérieure serait la solution la plus favorable
car elle diminuerait les désordres et l’instabilité que
l’exportation des excédents de la C.E.E. provoquent sur les marchés
mondiaux. »
Ils ne manquent pas de culot, les Américains ! Car malgré
tout ce qu’ils peuvent dire sur la Pologne et l’Afghanistan, ils continuent
tranquillement à commercer avec l’Union Soviétique pour
sauvegarder les intérêts des agriculteurs américains...
*
La « crise » n’est évidemment pas uniquement américaine, elle est mondiale . l’appareil productif de l’ensemble des pays de l’O.C.D.E. n’est utilisé qu’à 70 % de sa capacité. Et la crise des pays développés se répercute sur les pays en voie de développement. C’est qu’en effet, le Nord détient 93 de la capacité de production industrielle et contrôle plus de 93 des échanges mondiaux ; il a le monopole des transports maritimes et aériens internationaux ; les grandes organisations monétaires et financières internationales qu’il contrôle lui permettent d’orienter la politique dans le sens de ses intérêts.
*
Dans son « Plaidoyer pour un Monde Nouveau », M. Edem Kodjo,
Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité
Africaine, écrit :
« On ne peut que s’étonner de la résurgence de certaines
doctrines dont le passéisme n’a d’égal que l’inadéquation
à résoudre les problèmes de ce temps. La glorification
du marché libre, la croyance dans les vertus et l’automaticité
du libéralisme proclamées dans certaines enceintes internationales,
et non des moindres, ont de quoi surprendre.
Le marché libre, lorsqu’il existe - que dire en effet des prix
des matières premières qui sont fixés non par le
marché mais par les spéculateurs en Bourse ? - a engendré
dans le passé et continuera d’engendrer une croissance en cycles,
une évolution en dents de scie, caractérisées par
l’imprévisibilité et l’incertitude. L’imprévisibilité.
l’incertitude, ce sont à coup sûr, le marasme pour les
revenus des producteurs de matières premières, les taux
d’intérêts erratiques, les fluctuations absurdes sur le
marché des changes. L’imprévisibilité, c’est l’impossibilité
d’une planification rationnelle, c’est la réticence à
investir pour la relance et le progrès social. »
*
Toujours à propos de l’impuissance des économistes, L.
Lammers écrit dans « Energies » du 6-11-81 : «
Les efforts infructueux des gouvernements pour enrayer la crise économique
internationale conduisent à s’interroger sur la capacité
de Ia pensée économique et en particulier de la macro-économie
à poser les problèmes et à suggérer des
solutions convenables. En ce moment, des analyses et des solutions opposées
sont admises simultanément. »
« Il faudra une longue persistance de la crise et de l’inflation
pour qu’enfin apparaisse le doute dans le cerveau des banquiers, des
gouverneurs et des ministres des Finances...
En conclusion, il faut considérer qu’aujourd’hui un moment de l’histoire économique se renouvelle dans ses principes. Les révolutions industrielles sont des étapes de l’Histoire. Les remous et les perturbations proviennent de ce que les vieux principes ne sont plus adaptés Comme pour un vêtement, il faut réajuster le costume de l’économie à ses nouveaux usages, à ses nouvelles dimensions, à ses nouveaux mouvements.
Flamberge au vent, jurant leur indéfectible attachement à
la classe ouvrière polonaise en révolte, étaient-ils
courageux, émouvants, ces preux chevaliers réunis au Club
de la Presse, volant dans les plumes de leur collègue communiste
voué aux gémonies !
De deux choses l’une : ou bien le soulèvement polonais revendique
seulement les libertés syndicales, l’autogestion, l’élection
des chefs d’entreprises, toutes choses dénoncées, chez
nous, par ces mêmes journalistes, comme le péché
suprême à l’égard de la libre entreprise ; ou bien
il s’agit d’un mouvement de fond à but politique visant à
changer de société ; changement qui, toujours selon les
mêmes, rallierait la majorité des polonais. Mais alors,
pourquoi tenir un autre langage en ce qui concerne l’alternance décidée
en France par une majorité de Français ?
Les propos que se renvoient la Droite et la Gauche depuis le début
de l’affaire polonaise, ne débouchent que sur des mots, sur des
voeux pieux. Sans doute la question de fond reste-t-elle posée
: un peuple peut-il demeurer sous le joug d’un Pouvoir qu’il récuse
? Plus que l’idéologie et le droit, c’est la géographie,
l’Economie et l’Histoire qui arbitrent en la matière. Pouvoir
politique et pouvoir économique sont deux formes de dictature,
celle de l’argent n’étant guère moindre. Isolée
au coeur de l’Europe, la Pologne n’a cessé d’être démembrée
et remembrée par ses voisins, convoitée pour son sous-
sol, pour la fertilité de ses plaines et depuis quelque temps,
en raison de sa main d’oeuvre qualifiée, docile et peu coûteuse,
qualités appréciées par les multinationales occidentales
pressées d’exploiter un tel filon. Intégré au bloc
capitaliste, ce pays perdrait son attrait, à la fois pour les
Soviétiques et pour les multinationales qui font la loi à
la Maison Blanche. Il faut voir là, probablement, l’un des motifs
de la prudence américaine à l’égard du statu-quo
polonais.
Notons que l’Occident s’est fort bien accommodé du régime
franquiste, du Portugal de Salazar et de la Grèce des Colonels,
de l’écrasement de la rébellion turque, de l’extermination
des Indiens d’Amérique, de l’ère coloniale et les négriers
nantais ont fait de belles fortunes grâce à l’esclavage
noir dans les Etats du Sud. Aujourd’hui, les nations socialistes offrent
de fructueux débouchés aux Economies capitalistes encombrées
de leur abondance et il ne sied guère d’en faire des concurrents.
Il y a ainsi deux langages que tiennent les dirigeants des Etats selon
qu’ils s’adressent à leur électorat nourri d’idéologie
ou qu’ils s’expriment en tant que délégués des
milieux d’affaires pour lesquels l’argent n’a pas d’odeur.
Faisant feu de tout bois, nos politiciens de droite tentent d’utiliser
la révolte des ouvriers polonais de Solidarité pour régler
leur querelle avec le Pouvoir « socialocommuniste ». A les
entendre, il suffirait au Gouvernement français de renvoyer les
quatre ministres communistes pour marquer concrètement sa réprobation
à l’égard de l’Union soviétique qui, toute honte
bue, s’empresserait naturellement de refiler la Pologne, ses richesses
minières et agricoles, au bloc capitaliste, rendant la liberté
aux Polonais.
Quatre ministres contre 40 millions de Polonais ! Qui aurait cru que
nos communistes valaient si cher en terme de troc ?
Radio Free Europe. - Bastion avancé de La Voix de l’Amérique
face aux pays de l’Est qu’elle arrose de sa propagande (écoute
polonaise à 95 % selon J. d’Ormesson ...) , Radio Free Europe,
installé à Munich, avait déjà joué
un rôle important au moment de l’insurrection hongroise de 1956,
jetant à pleines marmites l’huile sur la braise. On la croyait
mise hors d’usage à la suite d’un récent plasticage de
ses installations jugées sans doute intempestives si près
de la poudrière polonaise. La CIA qui n’est pas à 200
milliards de dollars près quand il s’agit d’une bonne cause,
aura mis les bouchées doubles.
Certes tout le monde n’est pas, loin s’en faut, vêtu de lin blanc,
innocent dans le déclenchement du drame polonais encore lourd
d’imprévus. Dans l’ombre grouillent des légions de séides
dont la mission est d’ouvrir le débouché d’une guerre
mondiale dont toutes les économies’ ont un besoin urgent pour
les sortir de leurs crises d’abondance, raffermir les prix, relancer
les profits et l’emploi.
SUEZ - HONGRIE, GOLAN - POLOGNE.- Qui donc disait que l’Histoire ne
repassait pas les plats ?
A propos du projet Hunebelle
...« C’est très bien la proposition de transition vers
l’économie distributive, d’André Hunebelle. C’est une
bonne idée aussi que de demander aux lecteurs de nous faire part
de leurs initiatives, de leurs expériences et de leurs idées
pour l’aider et aider les chômeurs et les autres défavorisés.
Le gouvernement socialiste, s’il est vraiment socialiste, ne pourrait
qu’en être satisfait.
Il faudrait beaucoup d’informateurs et d’animateurs pour créer
des mouvements de solidarité. Les idées ne doivent pas
manquer : magasins spéciaux, fabrication artisanale, remise en
état des maisons d’habitation, entretien des jardins... aides
diverses aux pensionnés, vieillards et handicapés. Dans
les quartiers créer des réunions de chômeurs (discussions
et réflexions sur ce que l’on peut faire et ne pas faire, tenir
un fichier des différents corps de métier, etc...) pour
un changement de société.
Tout est possible à ceux qui le veulent. Il faut surtout des
initiatives. Il ne manque que la volonté de vouloir. Oui, tout
cela serait une transition vers l’économie distributive. Ce serait
mobiliser les énergies et les initiatives populaires pour appuyer
les changements que veut le gouvernement socialiste.
Résorber le chômage signifie Employer tous les chômeurs
de la façon la plus utile. »
A propos du projet Hunebelle
...« Nous sommes nombreux à penser que « La Grande
Relève » prend la position que nous comptions qu’elle devrait
adopter, face à l’Economie de marché qui n’a aucune raison
de céder le pas à une « Economie Distributive »
(bien que ce soit la meilleure solution).
En effet, les « Régimes » se sont toujours superposés,
et rarement annulés : la tribu, le royaume, la noblesse, les
congrégations, les coopérations, les républiques,
les multinationales (et j’en passe...).
L’Economie de marché... « marchera » un bon bout
de temps encore... C’est donc, en effet, à côté
qu’il faut mettre en route une certaine forme d’Economie Distributive.
10 %, actuellement, des travailleurs sont « en chômage »,
pourquoi ne pas créer, pour eux, une « économie
à part », vous avez raison, bien distincte de l’autre et
n’ayant aucun rapport avec le circuit mercantile actuel.
Certains pourraient continuer à recevoir des indemnités
de chômage ; mais ceux qui le voudraient pourraient créer
des coopératives de production et de consommation, avec l’aide
de l’Etat et des Collectivités locales. Le Plan est tout indiqué
pour « prévoir » l’activité marginale de ce
secteur. (Voir Michel Rocard).
Ce pourrait être des sortes de Kibboutz en circuit fermé,
où les familles trouveraient une occupation, des services communs,
des écoles, des crêches, avec une monnaie intérieure
(monnaie fondante, tout à fait différente de celle de
l’extérieur).
Pas de concurrence avec les « capitalistes » ; mais donner
une vie agréable et utile à tous ceux qui, inéluctablement,
sont et seront éjectés du circuit économique actuel.
Comme le Progrès ne fera que « dégraisser »
les entreprises de leurs ouvriers, employés et cadres, le «
secteur d’Economie Distributive » s’amplifiera sans cesse et c’est
ainsi qu’on le préfèrera progressivement à l’autre.
Bravo, encore une fois, pour le « remède » que préconise
André Hunebelle avec son Economie de chômage.
Il faut poursuivre la discussion autour de cette idée intéressante
et tâcher d’aller proposer des « expériences »
dans ce sens à l’équipe actuellement au pouvoir. ».
C.C., Vannes.
A propos du projet Hunebelle
La liberté est un mot qui a fait le tour du Monde et qui n’en est pas revenu.
Henri JEANSON
C’EST LE « LIBERALISME » QUI - PARTOUT DANS LE MONDE - A TRANSFORME LE CHOMAGE EN CATASTROPHE SANS PRECEDENT.
LE « LIBERALISME » est un vieux
mythe qui sert depuis toujours à camoufler les plus odieuses
combines du grand capitalisme. En effet, sa fameuse devise « Laisser
faire, laisser passer » a trop souvent dégénéré
en laxisme coupable et servi d’excuse à de regrettables abus,
à d’innombrables scandales dont le désastre de l’Amoco
Cadix (qui ne sera jamais indemnisé par les richissimes responsables),
les polluants lavages en mer des cuves à mazout (toujours impunis
parce que leurs auteurs naviguent sous « pavillons de complaisance
»), et les somptueux « pots de vin » de Lockheed,
ne sont que de maigres échantillons encore présents à
toutes les mémoires.
Après ce rappel des tristes réalists je ne résiste
pas au plaisir de vous citer une définition humoristique de cette
sacro-sainte « Economie Libérale » parue en 1937
dans un hebdomadaire économique et politique dont j’étais
Administrateur et qui me paraît tout à fait actuelle :
- « Le Libéralisme Economique est la liberté donnée
à n’importe qui, de faire n’importe quoi avec de l’argent (qui
bien souvent ne lui appartient pas) pour réaliser dans le minimum
de temps, avec le moins de mal, le maximum de profits, presque toujours
au détriment des autres - en restant dans une limite d’illégalité
(tolérée) ou de fraude (bien camouflée) afin d’éviter
tout ennui sérieux - et sans se soucier des conséquences
morales, sociales et humaines qui en résultent. »
N’est-il pas opportun de rappeler ici que V.G.E. en nous quittant a
déclaré bien haut :
- « S’il ne reste en France qu’un seul partisan du Libéralisme,
ce sera moi ! »
et que le Président Reagan proclamait à la T.V. américaine
:
- « C’est le Libéralisme Economique qui sauvera l’Amérique
! »
Ne lui jetons pas la pierre puisqu’il vient de convenir publiquement
que son fameux « sauvetage » ressemble bien à un
« naufrage ».
Ceci dit, il faut reconnaître qu’en période de rareté,
après des désastres comme le dernier conflit mondial,
le Libéralisme se révèle comme le régime
le plus efficace car il suscite, mieux que tout autre, l’initiative
individuelle. Mais son influence qui est grande (car il a toujours derrière
lui les plus grosses puissances d’argent) se manifeste toujours en faveur
des Chefs d’entreprises et, en ce qui concerne le chômage, la
solution qu’il a inspirée est tout à leur avantage.
Pour nous en convaincre, examinons-la d’assez près et démontons-en
les rouages :
C’est le Libéralisme, en effet, qui a permis aux employeurs de
réaliser d’énormes bénéfices en faisant
travailler (à plein) toute la main d’oeuvre disponible, à
l’époque où le machinisme n’avait pas encore donné
un coefficient de productivité très élevé
à chaque ouvrier.
C’est encore le Libéralisme qui a permis à ces mêmes
employeurs d’investir une partie des bénéfices réalisés
- grâce à leur « association de fait » avec
leur main d’oeuvre - en achat de machines plus modernes, faisant davantage
de travail avec beaucoup moins de salariés, donc finalement de
gagner beaucoup plus.
C’est toujours et encore le « libéralisme » qui a
permis aux employeurs de renvoyer (sans scrupules) ceux dont le travail
a contribué à édifier leur fortune et leur a fait
gagner cet argent qu’ils viennent d’investir en machines. Ils n’ont
pas le moindre souci à se faire pour ceux qu’ils rejettent tout
bonnement sur le pavé comme un « trop-plein » devenu
encombrant. Ils comptent sur un « Service National de Poubelles
» pour les recueillir et s’en occuper. Ainsi ceux qu’ils évacuent
comme des déchets ne seront plus du tout à leur charge
mais à celle de la « collectivité » du pays
(c’est-à-dire vous et moi !).
Qu’a-t-elle donc fait au bon Dieu cette malheureuse collectivité
qui était jusque-là tout à fait en dehors du coup,
pour qu’on la pénalise de toutes les conséquences néfastes
d’une décision, arbitraire mais légale, qu’un patron vient
de prendre, alors que ce renvoi et l’utilisation des nouvelles machines
(produisant davantage, à un prix de revient plus bas, avec moins
de main d’oeuvre) ne profite qu’à lui.
Qui se mettra demain davantage de bénéfices dans la poche
?
- L’employeur.
Qui paiera tous les frais de cette opération ?
- La collectivité, c’est-à-dire l’Etat... qui sera dans
l’obligation pour équilibrer son budget de répercuter
cela sur les contribuables, c’est-à-dire « vous et moi
».
C’est donc finalement vous et moi qui payons pour permettre à
un industriel de gagner davantage. Celui qui a mis au point ce «
tour de passe-passe » n’est pas tombé de la dernière
pluie. C’est un recours de plus des employeurs à l’Etat-Providence
dont ils obtiennent ainsi une subvention déguisée.
Mais les exigences de l’Economie Libérale ne s’arrêtent
pas là. Elle a obtenu de tous les Gouvernements Libéraux
qui se sont succédés au pouvoir pendant si longtemps,
qu’ils imposent à ces « rejetés » de rester
bien sagement à se croiser les bras, de se considérer
comme des « interdit-de-travail » à vie, pour avoir
droit à l’indemnitévitale qu’ils iront mendier aux caisses
de l’Etat, chaque mois. Le fait d’imposer cet « interdit »
aux chômeurs révélait chez les Chefs d’entreprises
une inquiétude latente :
- « Si on leur laissait faire quoi que ce soit de leurs dix doigts
et de leur intelligence, cela pourrait peut-être un jour devenir
inquiétant. »
« N’est-il pas préférable qu’ils restent, pour toutes
les années qu’ils ont encore à vivre, à organiser
entre eux de petits loisirs de misère ? On doit les contraindre
à rester passivement dans cette situation sans issue. Il ne tient
qu’à eux de voir la vie en rose, en limitant leurs ambitions...
car il faut à tout prix éviter que l’envie leur vienne
un jour d’améliorer leur sort, de s’organiser pour retravailler
et produire... et de se mettre à vendre des biens de consommation
concurrentiels sur un marché devenu déjà difficile.
»
« Et même, sait-on jamais, s’il leur prenait un jour l’extravagante
fantaisie - puisqu’on les a exclus de la grande communauté générale
actuelle - d’organiser leur petite communauté sur des bases nouvelles,
sur des principes économiques nouveaux, compatibles avec la production
abondante du machinisme... Où irions-nous ? »
Mais ces hypothèses-là étaient à l’origine
purement théoriques car avec les Gouvernements Libéraux
au pouvoir, il n’y avait rien à craindre.
Si j’ai fait ici l’analyse un peu longue de cette situation, c’est qu’elle
aidera sans doute à mieux comprendre des conclusions auxquelles
j’arrive un peu plus loin.
Mais regardons d’un peu plus près le comportement des Gouvernements
Libéraux vis-à-vis des Chefs d’Entreprises. En leur consentant
les énormes avantages que nous avons énumérés,
les représentants de l’Etat ont-ils été dupés
? Bien au contraire, ils ont toujours été « complices
», car ils étaient beaucoup plus amis avec les Chefs d’Entreprises
qu’avec les ouvriers... et il faut toujours faire plaisir aux amis,
c’est bien connu ! Et puis, on a quelquefois besoin d’eux pour le financement
de périodes électorales... et il est toujours préférable
d’être « bien » avec leur Presse qui est très
puissante (elle en fait souvent la démonstration !).
Cependant les gouvernements libéraux ont jugé plus prudent,
pour ménager l’opinion et l’opposition d’alors, de mettre bien
en évidence des excuses apparemment valables pour camoufler cette
complicité, et la Grande Presse du Patronat dont nous venons
de parler, les y a aidés de son mieux.
Alors, on nous a fait un vigoureux « bourrage de crâne » :
- « Ne vous plaignez pas que les entreprises soient prospères.
Elles deviennent ainsi mondialement compétitives. Cela assure
de confortables bénéfices à leurs propriétaires
et c’est très favorable pour la « Balance Commerciale »
de la France. » Et l’on nous a chanté, comme de beaux refrains
charmeurs, de belles formules trompeuses pour tenter de justifier l’attitude
du Pouvoir favorisant outrageusement les entreprises, contre les intérêts
des particuliers et des consommateurs
- « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain
qui feront les emplois d’après- demain. »
Mais cet après-demain n’arrivera jamais car il y a longtemps
que la seule raison d’être de leurs investissements est, pour
les entreprises, de placer dans des machines l’argent qu’elles ne donneront
plus à leur main d’oeuvre congédiée, ce qui leur
permet de gagner bien davantage puisque l’heure d’utilisation de la
machine (entretien et amortissement compris) coûte cinq à
six fois moins cher que celle de la main d’oeuvre nombreuse qu’elle
remplace, et que toute cette main d’oeuvre excédentaire congédiée
est prise en charge par l’Etat.
Malheureusement, cette subtile combinaison qui fait supporter par l’Etat,
c’est-à-dire par vous et par moi, tout ce que coûtent les
chômeurs présents et à venir - pour permettre aux
Chefs d’entreprises de gagner davantage - est tellement ruineuse que
nous n’allons plus parvenir à nous en sortir. Et, pour conclure
cette première partie de mon exposé, j’espère vous
avoir clairement démontré que :
C’est le Libéralisme qui, par ses exigences, nous a conduit
- avec la complicité des Gouvernements Libéraux - à
la situation très grave où nous nous débattons
aujourd’hui.
Que cela ait été si bien et si longtemps camouflé,
pour éviter un scandale, par tous les gouvernements libéraux
complices qui se sont succédés au pouvoir avec une rare
constance, on le conçoit aisément. Mais pourquoi notre
Gouvernement Socialiste n’a-t-il jamais formulé à ce sujet
la plus timide observation ? Il aurait dû au moins exposer, aussi
clairement que je me suis efforcé de le faire la rouerie du système
en place et ses conséquences néfastes et ruineuses pour
l’Etat et l’ensemble des Français. Il aurait dû dénoncer
les tripatouillages complices des Gouvernements Libéraux qui
l’ont précédé, qui portent, de ce fait, avec le
« Patronat » ; toute la responsabilité de la gravité
sans précédent de la situation actuelle. Cela aurait sans
doute incité ce Patronat, l’opposition, et leur fameuse Presse
à un peu plus de décence... et même, sans doute,
à adopter pour l’avenir une attitude beaucoup plus prudente.
Cette situation est un vrai scandale !... soit, mais notre propos n’est
pas de nous en indigner.
Nous pensons plus utile et concret d’exposer ce qui peut encore être
tenté efficacement pour nous sortir du pétrin.
Soit dit en passant
UN lecteur de « La Grande Relève », M. Clause, ayant
pris connaissance d’un de mes récents articles dans lequel il
est question des extra-terrestes, ces objets volants plus ou moins identifiés,
et qui n’a pas pris la chose à la rigolade, m’écrit pour
me révéler que les extra-terrestres, quoiqu’en pensent
les incrédules, existent, et qu’eux seuls détiennent la
solution de tous les problèmes posés par les foudroyants
progrès des sciences et des techniques à notre monde en
pleine mutation. Problèmes sur lesquels les grosses têtes
qui nous gouvernent passent d’interminables nuits blanches.
J’avoue que pour n’en avoir jamais vu ni de près, ni de loin,
sinon au cinéma, je n’y croyais guère jusqu’à ce
jour, à ces êtres fabuleux dont tout le monde parle sans
savoir, pas plus qu’à Croque-mitaine, au Père Noël,
à la mère Michel, au serpent de mer, au monstre du Loch-Ness,
et autres êtres imaginaires qui ont bercé nos rêves
d’enfants.
A la réflexion, pourtant, quand on regarde le ciel nocturne -
mais qui regarde le ciel aujourd’hui ? - avec ses milliards de milliards
d’étoiles qui illuminent nos nuits, ses milliards de milliards
de planètes faisant comme la nôtre leur éternelle
ronde autour de leur soleil, on se demande si la vie n’existe pas ailleurs,
dans l’un de ces mondes lointains qui gardent pour nous tout leur mystère.
Il est peu croyable, en effet, que la planète Terre soit la seule
dans tout l’univers sur laquelle la vie est apparue un jour, et qu’il
n’existe pas dans l’infini de l’espace d’autres planètes, à
des milliards d’années lumière de la Tour Eiffel, habitées
par des êtres vivants, apparus avant nous, plus intelligents peutêtre
- même si ça vous défrise et que l’envie démange
de venir voir ce qui se passe sur cette petite boule ronde qui les intrigue.
A cette pensée je me sentais tout disposé, si par hasard
l’un d’entre eux venait atterrir chez moi dans mon jardin de banlieue,
à le recevoir en ami et, histoire de faire connaissance, à
déboucher la dernière bouteille de Château- Lafitte
(exonérée de l’impôt sur la fortune) que je garde
dans ma cave.
Restait qu’à savoir la gueule qu’ils ont, ces mecs, et s’il est
possible de discuter avec eux. Eh bien, ça va peut-être
vous épater, mais le Château-Lafitte n’y est pour rien,
j’en ai rencontré un, d’extraterrestre, venu passer ses vacances
sur notre terre dont il rêvait depuis longtemps et qui, après
l’avoir visitée en faisant de l’auto- stop, attendait, place
de la Concorde, la fusée aérospatiale qui devait le ramener
sur sa planète d’origine, avec, dans ses bagages, de quoi épater
les copains à son retour.
Plutôt sympa, ce garçon. Et bien qu’il s’exprime dans un
mélange d’espéranto, de bas breton et de volapuk, on arrivait
à se comprendre. Mais il était déçu.
- C’est à ne pas y croire, me dit-il. Vous avez d’admirables
savants qui, grâce aux fantastiques progrès des sciences
et des techniques, ont su réaliser ce miracle créer des
machines capables de produire de mieux en mieux et de plus en plus,
avec le minimum de main d’oeuvre, tout ce dont les hommes ont besoin
pour vivre heureux. Mais vous avez, hélas, des politiciens attardés
et des économistes poussiéreux qui, n’ayant rien compris,
s’obstinent à vouloir réaliser cet autre miracle : résorber
par tous les moyens, même aux frais du contribuable, une production
devenue excédentaire parce qu’on n’arrive plus à la vendre,
et à créer des emplois pour les travailleurs réduits
au chômage par la machine.
- Tout d’abord, reprit l’extraterrestre, après un moment de silence,
je croyais rêver. Mais j’ai vu par la suite, à travers
les campagnes florissantes que je parcourais, des cultivateurs en colère
barrer les carrefours et déverser sur les routes des tonnes de
choux- fleurs, de betteraves ou de melons « excédentaires
» qui auraient pu sauver des milliers d’enfants sous- alimentés
du Tiers-monde. Non, je ne rêvais pas. Mais je suis d’un naturel
optimiste et j’ai assisté par la suite à deux manifestations
de de genre qui m’ont donné de bonnes raisons d’espérer.
La première, le jour où, visitant l’Algérie, alors
Française, le Premier ministre de l’époque était
reçu avec tous les honneurs dûs à son rang, sous
un bombardement de tomates, bien entendu excédentaires, mais
qui ne firent d’autre victime que lui-même. Et la seconde, le
jour plus récent où Giscard, encore président de
la République, mais pas pour longtemps, venu haranguer les normands
à Valognes (Manche) recevait le même genre d’accueil, mais
avec des pommes, cette fois.
C’est-il pas mieux, quand on veut se débarrasser des excédents,
d’en faire profiter les amis ? On était sur la bonne voie. Ce
problème réglé il ne restait plus que celui du
chômage.
Hélas, c’était trop beau. Sous le nouveau septennat ce
genre d’accueil semble abandonné.
Mais tous les espoirs sont encore permis.
Adieu. Je reviendrai.
A l’époque des étrennes, pour le cas où vous envisageriez
d’offrir ou de vous faire offrir une fourrure, alléchés
par les placards publicitaires des journaux, les photos, les mannequins
élégants, sachez que :
- plus de 30 millions d’animaux sont exterminés chaque année
dans le monde pour le commerce
de leur fourrure
- dont près de deux cent mille bébés phoques au
large de Terre Neuve dans des conditions abominables : les chasseurs
envahissent les pays du Grand Nord, au mois de mars, quand les mères
allaitent leur nouveau-né, la tuerie s’effectue quand les petits
n’ont pas plus de cinq semaines, pour que leur fourrure soit encore
blanche. Ces jeunes animaux sont assommés à coups de gourdin,
le sang éclaboussant la mère qui hurle de désespoir
en entendant le craquement des crânes qui éclatent. Les
bébés phoques sont souvent éventrés vivants,
pour aller plus vite. Les peaux rasées, traitées et teintes
en Europe sont ensuite expédiées au Japon, mais près
de 10 000 sont gardées en France par les industriels de la maroquinerie
qui les transforment en gadgets, comme ces porte-clefs vendus dans les
stations de sport d’hiver :
- les astrakans nouveau-nés sont tués à la naissance,
sous leur mère, à l’aide d’un pistolet qui leur percute
la cervelle ;
- des coyotes sont pourchassés par des hommes en jeeps ;
- des loups sont massacrés par une pluie de balles tirées
d’un avion ;
- on décime les renards, en les accusant d’avoir la rage ;
- les félins, animaux nocturnes, sont attirés vers un
piège grâce à un appât, qui est souvent une
chèvre effrayée. Si le collet d’acier les saisit par le
cou, ils meurent vite. Mais s’ils sont attrapés par une patte,
ils agonisent longtemps dans des douleurs atroces ;
- malgré bien des campagnes, tout un peuple de petits animaux,
les lièvres, les castors, les hermines, les loutres, les visons,
les martres sont couramment attrapés par des pièges à
mâchoires dentées qui les gardent prisonniers avant qu’ils
ne meurent, dans d’abominables souffrances, d’épuisement, de
froid et de faim.
Les journaux, et tous les médias, ne manquent pas d’informer
le public sur les autres massacres perpétrés par la race
humaine. Mais ceux-là font la fortune des fourreurs, alors on
n’en parle pas trop !