BIEN que n’ayant guère le temps de regarder la télévision,
j’ai tenu, il y a quelques mois à ne pas manquer une émission
qui annonçait une vedette bien connue de nos lecteurs : Alfred
Sauvy, parlant de son dernier livre « La machine et le chômage
».
Une telle autorité a pu ainsi diffuser sur l’antenne sa théorie
rassurante « du déversement ». Théorie très
simple : toutes les fois qu’une entreprise, en se modernisant, augmente
sa productivité en licenciant du personnel, quelqu’un réalise
un profit. Comme ce profit est forcément réutilisé,
Sauvy analyse dans son livre tous les cas possibles de son reversement
: du patron qui, empochant tout, va embaucher un domestique supplémentaire,
à l’ouvrier promu à un niveau plus qualifié qui
voit grossir son salaire et donc va contribuer à augmenter le
nombre des emplois dans l’agriculture en ajoutant du beurre dans ses
épinards. (Pardon, l’expression n’est pas de Sauvy). Et la conclusion
est que dans tous les cas ce profit « crée des emplois
ailleurs » mais... « c’est l’affectation à une personne
titulaire d’un revenu élevé qui est la plus favorable
à l’emploi... il y a donc intérêt, du point de vue
de l’emploi, à pourvoir le riche, plutôt que le pauvre
».
Voilà comment un économiste, soucieux, comme dit encore
Sauvy, de « combattre le grand fléau contemporain, l’élimination
des hommes hors de l’économie nourricière », va
devoir « se placer dans l’optique de Martiens ou autres êtres
extérieurs qui, avec leurs instruments, verraient les divers
actes des hommes et leurs résultats physiques, sans pouvoir apprécier
les mobiles qui les poussent à agir comme ils le font »."
Après quoi il déplore le rôle défavorable
de l’allocation chômage !
Rien d’étonnant, avec des raisonnements pareils, à ce
que sévisse « la loi du plus gros »* économistes
et plein emploi obligent !
*
Pourtant, ce sacrifice des « canards boiteux », contrairement à ce qu’affirme Sauvy, n’est pas la panacée ; d’après un autre économiste, Pascal Salin, qui affirme au contraire que « si l’on considère non pas les évolutions conjoncturelles du court terme, mais les tendances couvrant plusieurs années » on constate « que le taux de chômage dans les pays industriels est d’autant plus élevé que le pays considéré est plus riche ». Alors, Messieurs les économistes, que valent vos méticuleuses analyses ?
*
La vérité, la voici : le chômage a progressé
de 11,1 % en un an le nombre de « demandes d’emploi non satisfaites
» est passé à 1 632 000 en décembre, mois
au cours duquel 248 000 personnes se sont inscrites au chômage
(il y en avait 210 700 en décembre 1979). En un an, le nombre
de licenciements pour motif économique a augmenté de plus
de 59 %, passant de 28 100 en décembre 1979 à 44 800 en
décembre 1980. On observe en même temps une forte augmentation
des « fins de contrat à durée limitée ».
Et ces statistiques dissimulent la multiplication des emplois précaires.
Ajoutons à ces quelques chiffres, pour dépeindre la belle
situation où nous sommes, que nombreux sont les chômeurs
qui ont épuisé leurs droits à l’allocation chômage
(15 000 personnes selon la C.G.T. vont perdre prochainement toute ressource)
et que nombreux aussi sont les jeunes de moins de 20 ans qui non seulement
ne reçoivent pas d’indemnisation mais qui de plus perdent ainsi
le droit aux allocations familiales quand ils appartiennent à
une famille nombreuse.
Les prévisions de l’OCDE n’ajoutent aucune lueur d’espoir à
ce tableau : aux Etats-Unis le chômage exprimé en pourcentage
de la population active, doit passer de 6,1 en moyenne pour les années
1970-1980, à 8 en 1981, au Japon de 1,7 à 2, en République
Fédérale de 2,6 à 4, en GrandeBretagne de 4,6 à
10, en Italie de 6,4 à 8,3 et en France de 4 à 7,5.
*
Dans tout son livre, on sent que Sauvy n’a pas pris conscience de l’accélération
du progrès qui caractérise notre époque. Ayant
consacré beaucoup de temps à analyser les données
du siècle dernier, pour en tirer des conclusions périmées,
il n’a pas vu ce que le Père Noël nous apporte pour la décennie
à venir. Même si, lorsqu’on lui rappelle que l’imprimerie
a créé une foule d’emplois nouveaux, il a l’honnêteté
de répondre que cela ne prouve pas que ce sera pareil aujourd’hui.
Il y a pourtant quelque chose d’intéressant dans son livre. C’est
sa méthode de comptabilité établie en temps de
travail humain. Quand elle est utilisée pour en déduire
le taux de rémunération des travailleurs, en oubliant
tout le travail accompli par les machines pour pourvoir aux besoins
de consommation des hommes, cela ne mène pas à grand’chose.
Mais quand il s’agira, en économie distributive, d’en déduire
la durée de service social obligatoire pour réaliser toute
la production nécessaire, alors sa méthode pourra servir.
Ce jour-là on ne cherchera plus à lutter contre «
le grand fléau ». On saura mettre les machines au service
des hommes, en adaptant les lois économiques, comme l’a proposé
J. Duboin à qui Sauvy reproche d’avoir inspiré (en 1934)
« la confiance générale dans la réduction
à 40 heures de la semaine de travail » et d’avoir «
confirmé le mythe du robot ».
Ce mythe est aujourd’hui réalisé, Monsieur Sauvy !
* Voir « Grande Relève » n° 784.
A une récente émission Cartes sur Table » d’Antenne
2, Michel Rocard indique notamment que « la sécurité,
la stabilité de notre pays appellent l’alternance au Pouvoir
comme une nécessité pour que la France puisse aller vers
le changement. De plus, en ce qui concerne sa conception des nationalisations
qu’il juge nécessaires à condition qu’elles ne se fassent
pas de manière bureaucratique, il nous dit que « ses dossiers
sont ouverts ».
Futurs électeurs, nous nous permettons donc une contribution
à la constitution de ces dossiers. Selon nous, l’alternance au
Pouvoir suppose non seulement un changement d’équipe, mais également
pour sa réussite et surtout sa durée, un changement complet
et fondamental du système économique actuel.
D’ores et déjà, nous formulons de vives craintes que les
nationalisations prévues ne soient étatiques, donc ne
changent pas le système.
En effet, ces nationalisations viendront relayer la trésorerie
des grandes entreprises en difficulté et ces dernières
utiliseront leurs propres fonds à des fins plus lucratives.
D’autre part, cette socialisation des pertes ne fera plus obstacle à
l’individualisation des profits à travers l’appareil bancaire.
Et celui-ci continuera à per mettre l’activité de ces
entreprises comme auparavant.
A moins, et le projet socialiste n’en fait pas mention, que l’Etat ne
reprenne « son droit régalien de battre monnaie »
en procédant en même temps à une planification décentralisée
inspirée par la base - communes, départements, régions.
En outre, les nationalisations supposeront toujours l’idée de
profit « alors qu’il faudrait leur substituer la notion de «
service ».
Le but du socialisme n’est-il pas celui de couvrir les besoins réels
des hommes et non les besoins solvables, en organisant la production
et les investissements en fonction de ces besoins réels ?
Jacques Duboin et d’autres penseurs ont envisagé la substitution
du système capitaliste responsable de la crise actuelle par le
moyen d’une technique monétaire appropriée aux réformes
de structures nécessaires conduisant à la socialisation
de la production.
L’heure n’est plus aux méthodes du passé ; les électeurs
attendent dans leur majorité un programme de gouvernement clair,
nouveau et réaliste qui puisse résoudre les problèmes
essentiels qui se posent à l’ère de la télématique.
A bien considérer, tout ce qui est écologiste sent quelque
peu le peuple. C’est un mouvement parti de la base, comme l’on dit.
On n’a jamais vu un maître de forges, un seigneur des finances,
un potentat de l’industrie, un magnat des Affaires, un Régent
de la Banque de France, etc., prendre l’initiative en ce domaine. L’écologie
n’est pas cotée en Bourse.
Lorsque l’on a constaté en haut lieu, que l’idée aguichait
le populaire, c’est-à-dire le magma anonyme, on s’est employé
à la « récupérer ». De là, maints
babils, cancans, coincoins, propos, palabres, y inclus la création
de sous- commissions de commissions. En réalité rien de
sérieux. La preuve ? On a confié à ce pauvre comte
d’Ornano, le soin d’amalgamer la mixture.
L’inanité de ces froufroutages est telle, qu’il convient de rendre
hommage à M. Valéry Giscard, Président de la Cinquième
République Française, pour la seule décision pratique,
palpable, prise et exécutée.
Quoique ne partageant pas toujours ses concepts optionnels, nous devons
admettre, honnêtement, que seule cette Très Haute Personnalité
a vu les choses du sommet et n’a pas lésiné sur les moyens.
Lui, au moins, ne s’est pas contenté de discours. Une élémentaire
reconnaissance devra nous en faire souvenir au moment de déposer
-notre bulletin dans la boîte à urner.
Survolant la belle forêt de Fontainebleau lors de son voyage d’agrément
aux Antilles, l’hôte de l’Elysée fit déverser quelques
milliers de litres de kérosène présidentiel. Une
vidange providentielle qui fut accueillie avec une joie non dissimulée,
notamment par les promoteurs, toujours à l’affut.
« Antenne 2 Midi » qui a signalé ce beau geste a
cru devoir, perfidement, ajouter que c’était en raison du retour
de l’appareil à Orly, pour prévenir un risque d’accident
à l’atterrissage. (Le soir, ce détail malvenu était
censuré). Nous savons qu’il n’en est rien, ce n’est pas une très
problématique possibilité d’accident, qui aurait dicté
un geste aussi beau. Le prétendre c’est abaisser notre condottière
au niveau d’un Tartarin.
On mesurera, au contraire, la valeur de cette initiative, en se remémorant
le prix du carburant, indexé sur le dollar lorsqu’il monte, et
lié au colonel Khadafi quand il s’énerve.
Dès lors, nous voyons mal comment des votes écologistes
iraient se fourvoyer vers un Brise-Lalance quelconque. Pourquoi chercher
la Brise lorsque le vent du Seigneur débonde la marie céleste
? Avec Giscard au Pouvoir, la petite fleur bleue baigne dans l’oil.
Aux Etats-Unis, une gauche syndicale relativement importante se développe autour de l’United Automobile Workers. L’Institut Américain pour le Socialisme Démocratique (dont les liens avec cette gauche sont très forts) avait demandé à des socialistes ou des socio-démocrates européens d’animer une conférence sur « l’Eurosocialisme et l’Amérique ». Parmi les intervenants on a noté F. Mitterand, Olof Palme, P. Hureau (C.F.D.T.). Leurs interventions, centrées sur trois thèmes (la démocratie économique, sociale et politique) ont permis une critique sévère et argumentée des effets néfastes des politiques monétaristes menées en Occident, mais elles n’ont apporté aucune innovation : les socialistes n’ont pas encore élaboré de solutions nouvelles permettant de sortir de la crise. Ce qui conduit le journaliste du « Monde » qui assistait aux débats à écrire : « En ce sens, les leaders de la social- démocratie européenne n’ont peut-être pas répondu totalement à l’attente de leurs interlocuteurs américains. » On cherche le La Fayette de l’économie !
*
« Il y a actuellement quelques raisons de porter sur le gouvernement
français le jugement qu’Alexis de Tocqueville portait sur celui
de Louis Philippe, autre apôtre du « juste milieu »
: il (le gouvernement) avait pris l’allure d’une compagnie industrielle
où toutes les opérations se font en vue du bénéfice
que les sociétaires- pouvaient en retirer. »
Devinez qui parle ainsi du gouvernement de V.G.E.-Barre ? C’est P. Charpy
dans l’organe du R.P.R. « La Lettre de la Nation » du 9-121980.
A ma connaissance il y a toujours des ministres R.P.R, au gouvernement.
Il faut dire que la soupe est bonne, tellement que je suis à
peu près sûr que le R.P.R. appellera à voter pour
V.G.E. au second tour des présidentielles.
*
Un symbole : En « voyage privé » aux Antilles, V.G.E.
a assisté à la messe de minuit dans l’église Sainte
Luce qui est une réplique exacte, mais en dimensions réduites,
de la Basilique du Sacré Coeur de Montmartre .
Au cas où vous l’auriez oublié, je vous rappelle que cette
dernière a été édifiée en témoignage
de reconnaissance au Seigneur... pour avoir délivré la
France de la Commune.
*
Et si l’on parlait des excédents des pays consommateurs de pétrole ? C’est ce que fait Lammers dans le numéro d’« Energies » du 24-10-1980 : « Peut-être serait-il bon de réfléchir, si l’on veut parler en connaissance de cause des « fabuleux » revenus des pays pétroliers, au fait qu’en 1978 ces derniers touchaient 13 dollars par baril vendu en Europe et qu’ils en toucheront sans doute en moyenne 16 en 1980. Mais, dans le même temps, les pays consommateurs percevaient un revenu fiscal au baril raffiné de 13,40 dollars qui sont devenus 17 dollars en 1980. Et l’on n’entend pas dire que les pays consommateurs tirent un profit fabuleux du pétrole... ».
*
La Grèce est devenue le 1er janvier dernier le dixième membre du Marché Commun. Et ça va encore nous coûter cher ! En effet, les producteurs de poires et de raisins de table grecs, de prix de retraits plus élevés que ceux que reçoivent les producteurs français ou italiens. Les prix de retraits, ce sont les sommes que l’on paie pour les quantités de produits retirées du marché et détruites en cas d’excédents.
*
Pour l’ensemble des pays de l’O.C.D.E., le nombre des chômeurs
a été en 1980 de 23 millions, soit 5,8 % de la population
active. La France de Giscard- Barre a fait mieux que la moyenne puisque
le pourcentage de chômeurs a a atteint 6,6 %.
Les experts de l’O.C.D.E. estiment que d’ici huit mois ce taux atteindra
en France 8 % de la population active contre 7,5 pour l’ensemble de
l’O.C.D.E.
*
Selon un rapport du Bureau International du Travail, l’introduction de plus en plus grande de l’électronique dans le commerce et les bureaux risque de priver les femmes des emplois qui leur permettaient de vivoter. Les nouvelles technologies réduisent désormais la capacité d’accueil du secteur tertiaire considérée jusqu’ici comme illimitée. L’ordinateur et la bureautique vont conduire à une réduction des effectifs : une illusion de plus qui s’écroule !
*
Une idée très répandue... mais fausse, celle qui consiste à croire que les bas prix pratiqués par les Japonais sont dûs à des salaires de misère. En fait, la rémunération moyenne dans l’automobile est à peu près la même qu’en France et la retraite moyenne pour l’ensemble des salariés atteint presque le double de ce qu’elle est chez nous, avec un âge de départ à la retraite inférieur de cinq ans.
*
Si l’on en croit André Fontaine (« Le Monde » du 24-12-1980) , le secret de la réussite japonaise, c’est l’obsession d’apprendre et d’enseigner. En effet, 96 % d’entre eux terminent des études secondaires et 39 % des études supérieures.
LORSQUE nos compatriotes ont tendance à rouspéter un
peu trop fort et à se plaindre que tout va de mal en pis, il
est de bonne guerre de leur rétorquer qu’au delà de nos
frontières la situation n’est pas tellement plus réjouissante
; et surtout de leur faire remarquer combien ils ont de la chance d’être
nés au pays des libertés, et de pouvoir exprimer leurs
griefs sans encourir les gros ennuis inhérents aux régimes
totalitaires de tous acabits.
C’est en considération de cette précieuse liberté
d’expression que je me suis permis d’adresser la lettre ouverte ci-après
à l’un de nos sympathiques confrères de la presse parlée :
Monsieur Daniel SAINT HAMOND
Journaliste ORTF
116, avenue du Président Kennedy
75016 PARIS
Paris, le 17 décembre 1980.
Cher Monsieur,
Je ne suis pas un fanatique de l’écoute de FRANCE-INTER sur
lequel sévissent, à mon humble avis, beaucoup trop de
blablateurs entre deux séries de vociférations de soi-disant
chanteurs qui encaissent, paraît-il, des millions en imitant (mal)
les babouins.
Je fais néanmoins une exception pour la revue de presse quotidien.
ne qui nous apporte chaque matin, entre 8 h 30 et 8 h 40 environ, une
physionomie des commentaires journalistiques inspirés par l’actualité.
Cette revue nous est le plus souvent présentée par vous,
et il m’est agréable de constater vos efforts d’impartialité
politique dans l’échantillonnage de vos morceaux choisis.
C’est pourquoi je me permets d’attirer votre attention sur deux points :
1°) Au fil des mois et des années, je suis frappé
par la répétition d’abord lassante, puis décevan
te et irritante, des mêmes clichés et des mêmes ritournelles.
Vous n’y êtes évidemment pour rien, mais vous êtes
mieux placé que quiconque pour apprécier à quel
degré d’inconscience ou de cynisme sont parvenus les experts
économiques qui, depuis des décennies, nous promettent
que demain on rasera gratis mais qu’aujourd’hui il convient d’augmenter
les taxes et de se serrer la ceinture. Je suis convaincu que vous pourriez,
sans même que vos auditeurs s’en aperçoivent, citer des
extraits de journaux de toutes tendances vieux de 20 ou 30 ans... c’est
à peu près toujours la même chanson.
2°) Au fil des mois et des années, j’ai entendu présenter
des articles venus de tous les horizons politiques, de tous les grands
quotidiens nationaux ou régionaux, des hebdomadaires ou des mensuels
spécialisés, des journaux féminins ou écologistes,
etc..., et c’est fort bien ainsi.
Et pourtant, bizarre ! Il existe depuis plus de 40 ans une publication
indépendante de toute appartenance politique et qui n’a jamais
cessé de sortir des sentiers battus en matière économique.
Dénonçant l’absurdité d’un système dans
lequel coexistent l’insatisfaction des besoins vitaux des individus
et le chômage, la faim dans le monde et les destructions volontaires
de denrées. Cette publication fondée par Jacques DUBOIN
propose des solutions constructives basées sur le Revenu Social
et la monnaie de consommation. Que l’on soit ou non d’accord avec ces
réflexions relève évidemment du droit d’appréciation
de tout un chacun. Mais que jamais, je dis bien jamais, les revues de
presse n’aient fait la moindre allusion à la Grande Relève
des Hommes par la Science me paraît absolument extraordinaire
!
Que faut-il en conclure ? Y a-t-il eu des ordres venus de Très
Haut ? Et si oui, serait-ce que nos articles soient considérés
comme dangereusement subversifs ?
Mais peut-être, après tout, n’ai- je pas eu de chance ou
ai-je mal écouté. Peut-être allez-vous me faire
connaître les jours où vous avez bien honnêtement
distillé à vos chers auditeurs quelques bribes de nos
fumeuses utopies, et soyez bien persuadé alors que je m’empresse.
rai de faire publiquement amende honorable auprès de nos lecteurs.
Mais peut-être aussi n’aviez-vous jamais eu connaissance de l’existence
de notre journal et que, cette lacune comblée, vous allez bientôt
nous réserver une heureuse sur. prise ?
C’est dans cet espoir que je vous prie d’agréer, Cher Monsieur,
l’expression de mes meilleurs sentiments.
Nous poursuivons l’analyse et la critique des programmes annoncés
par les futurs candidats à l’Elysée, en présentant
ce mois-ci ce qui semble devoir constituer le fonde. ment de la campagne
du Parti Socialiste. Nous avons pour cela pris connaissance du Projet
Socialiste, mis au point et rédigé par les instances du
parti, compte tenu des conclusions de la Convention Nationale des 12
et 13 janvier 1980.
Il pourra évidemment être l’objet de modifications mineures
pendant la campagne, mais il restera pour l’essentiel, la bible du ou
des candidats.
Voici donc les éléments d’une lettre à adresser,
suivant la proposition de notre camarade J.M., de Pagney, soit au candidat
du P.S., soit à tout autre membre du P.S, que vous connaissiez,
soit encore pour profiter de la création du quotidien socialiste
(qui doit être prêt à publier les lettres de ses
lecteurs), au journal « Combat Socialiste » 10, rue de Solférino,
75007 Paris.
LE PROJET SOCIALISTE
Le projet socialiste que -vous proposez comporte trois thèmes :
« comprendre », « vouloir » et « agir
», qui peuvent être ainsi résumés :
« Comprendre » c’est l’explication philosophique
du partage économique et politique actuel du monde en deux blocs.
L’un de ces derniers est dominé par le « capitalisme impérialiste
» (USA-Europe occidentale, Japon) dirigé par les «
multinationales » inspirées par la « Commission Trilatérale
» avec son « redéploiement industriel mondial ».
L’autre, par « l’impérialisme totalitaire soviétique
« colonisant » des pays de plus en plus nombreux (Cuba,
Angola, Ethiopie, Afghanistan).
« Vouloir » c’est reconstituer les valeurs fondamentales
de la démocratie (égalité, liberté, responsabilité).
« Agir » avec quatre priorités croissance
sociale, droit à l’emploi des hommes et des jeunes, temps et
goût de vivre : une France indépendante et ouverte sur
le Monde.
Cette action doit être collective avec l’aide de toutes les classes
sociales pour aboutir à un « socialisme à visage
humain » qui instaurera une société « autogestionnaire
» dans tous les domaines de manière à aboutir à
la vocation fondamentale du Parti « la transformation socialiste
de la société ».
Les tâches ainsi fixées aux militants demandent persévérance
et courage car le Parti n’en cache pas la complexité ni les difficultés.
Mais le projet ne fait aucune mention de la politique financière
sur laquelle s’appuiera cette action pour parvenir à ses fins.
Je ne doute pas de la bonne foi et de la résolution de ceux qui
ont participé à l’élaboration et à la présentation
d’un tel programme, mais je crains que « l’accélération
de l’histoire », c’est-àdire l’évolution trop rapide
de la conjoncture présente ne nous oblige à aller au delà
des propositions apparemment réformistes préconisées
par le Parti Socialiste.
Aujourd’hui, les salariés sont angoissés par la peur du
chômage, les petits industriels sont contraints de fermer leurs
usines ou de se laisser absorber par la grosse industrie, les commerçants
disparaissent au profit des grandes surfaces, les retraités voient
fondre leur pouvoir d’achat.
En tant que consommateurs tous savent pertinemment qu’ils sont les victimes
de l’inflation, c’est-à-dire de la montée des prix et
ils constatent que les droits de l’homme les plus élémentaires
sont bafoués, que les scandales financiers sont de plus en plus
nombreux et, enfin, ils ont peur d’un conflit armé.
Alors, pourquoi ne pas avoir signalé et analysé dans le
Projet Socialiste les causes réelles de la crise économique
nationale et mondiale à laquelle nous assistons et dont nous
subissons les conséquences ?
Pourquoi ne pas reconnaître que le progrès extrêmement
rapide des sciences et des techniques, imprévisible à
l’époque des grands penseurs marxistes et socialistes, atteint
un tel niveau que la rupture se produit et qu’il y a un décalage
constant entre les moyens de produire et la répartition des produits
créés, entre les consommateurs potentiels ?
Pourquoi avoir peur de constater que la « Condition Ouvrière
» se transforme au fur et à mesure que les outils ultra
perfectionnés remplacent l’homme dans tous les secteurs de production
?
Pourquoi ne pas avouer qu’une économie basée sur l’échange
est une des principales causes de la crise qui atteint aussi bien les
nations capitalistes que les nations à « socialisme autoritaire »
?
En vous inspirant des écrits de Jacques Duboin, François
Perroux, André Gorz et Alain Toffler qui montrent la voie, mes
camarades et moi, nous vous demandons de proposer aux militants de nouvelles
structures de production et de distribution par une technique financière
et monétaire appropriée, substituée aux mécanismes
actuels de solvabilisation des prix, des salaires et des profits.
Cette technique associée à une planification diversifiée
ouvrirait des perspectives autogestionnaires répartissant le
travail et les richesses.
De plus, cette amorce de nouvelles structures abondamment exposées
et développées par les « Media » à
l’occasion de la Campagne des élections présidentielles
gagnerait à la cause du socialisme de nouveaux électeurs.
Nous sommes témoins en effet que beaucoup d’hésitants
ne demandent qu’à être éclairés sur les réalités
d’un socialisme tout à fait nouveau et logique qui les changerait
des phrases creuses qu’ils entendent constamment, alors qu’ils ont peur
de l’avenir.
E.B. et A.D.
A l’occasion des élections, un de nos camarades écrit aux candidats pour leur faire comprendre nos thèses et la nécessité de les proposer au plus vite. Voici la presque totalité de sa lettre, dont nos lecteurs peuvent s’inspirer.
Conscient des dangers que nous courons, qu’il me soit permis, Monsieur
le ..........., en tant que simple citoyen, de vous exposer ici les
réflexions nées de la situation dans laquelle se trouve
notre pays et aussi, il faut bien le dire, du monde qui nous entoure.
Avant de poursuivre, permettez- moi de me présenter. Ouvrier
plombier dans une usine métallurgique de Saint-Denis depuis bientôt
40 ans, militant syndicaliste C.G.T. depuis 1936, n’ayant jamais appartenu
à aucun parti politique, j’ai toujours été animé
de sentiments humains envers mon prochain. Et c’est à partir
de l’âge de raison que mes aspirations d’honnête homme m’ont
fait découvrir les tares et les méfaits du régime
dans lequel nous nous débattons tout comme des crabes dans un
panier.
Certes, nous ne sommes pas des saints ni les uns ni les autres et nous
avons, chacun dans notre petite sphère, notre part de responsabilité
dans le fonctionnement de la Société dans laquelle nous
vivons. C’est de cela que je veux vous entretenir.
Aigri par tous ces scandales financiers, économiques, par toutes
ces destructions de richesses pendant que des gens sont privés
du nécessaire ou meurent de faim, par ces lois périmées
et par cette foire d’empoigne où le profit règne en maître
dans tous les domaines, mais soucieux de la gravité de l’ampleur
que prend de jour en jour l’incivisme, l’égoïsme et le j’menfoutisme,
je ne puis taire la grande amertume que je ressens. Je m’adresse donc
à vous, poussé par un irrésis. tible besoin d’aider
mes semblables à comprendre pour ne pas périr, pendant
qu’il en est temps encore. Je m’explique.
Des élections vont avoir lieu prochainement. Les Français
et les Françaises vont retourner aux urnes avec l’espoir que
ça changera.
Cependant, me référant aux événements de
1936 et plus près de nous à ceux de 1968, je ne peux que
constater que les Français n’ont rien appris de la grande Révolution
née du progrès des sciences et des techniques.
Depuis 1945, tous les gouvernements qui se sont succédés,
avec beaucoup de discours, de promesses et de replâtrages n’ont
fait que précipiter le désarroi parmi nous.
Je constate amèrement que tous les partis politiques et même
ceux de gauche, commettent les mêmes erreurs que celles de leurs
prédécesseurs, à savoir : que l’on ne peut apporter
de véritables réformes de structures en restant dans le
cadre vermoulu du régime capitaliste. Il faut donc sortir des
sentiers battus, ce qui suppose en premier chef le remplacement du franc
actuel - dont la valeur tend vers le zéro - par une monnaie de
consommation gagée sur la production et s’annulant à l’achat.
Il faut que l’Etat revienne à son droit régalien de battre
monnaie et de par là même instaurer un revenu social pour
tous - de la naissance à la mort - avec pour corollaire un service
social où chaque membre de la Société aura sa place
en fonction de ses aptitudes physiques ou intellectuelles. Je suis parfaitement
convaincu que toute la gauche française ne pourra résoudre
les problèmes qui découlent de la situation dans laquelle
nous sommes, tant qu’elle restera prisonnière du, système
capitaliste et je suis non moins convaincu que Marx, Engels, Lénine,
Jaurès seraient déçus - s’ils revenaient - de voir
les hommes du 20e siècle s’entre-déchirer dans le sacro-saint
régime des prix. salaires-profits.
La lutte des classes est maintenant dépassée tout comme
les nationalisations qui ne survivent que grâce aux subventions
puisées dans la poche des consommateurs.
En vérité, ce n’est que par la socialisation des grands
moyens de production que nous mettrons fin à cette oligarchie
financière et économique et que nous aurons la possibilité
de mettre hors d’état de nuire le profit égoïste
des hommes pour en faire un bien-être collectif.
Utopie, direz-vous ? Les utopistes sont ceux qui s’acharnent à
faire revivre un passé qui est définitivement mort.
La France qui a toujours été à l’avant-garde des
révolutions a, à cette heure tragique de notre histoire,
la possibilité et le devoir de montrer au monde que nous ne voulons
devenir ni des assassins, ni des assassinés.
Pendant qu’il est encore temps - car demain il sera trop tard - il est
urgent de redresser la barre et d’insufler aux Français cette
ère nouvelle qui doit nous conduire vers le Socialisme Distributif.
Ce n’est plus dans la rue que doit se faire la révolution, c’est
avant tout dans les esprits et dans le coeur des hommes.
En vous priant d’excuser le style d’un simple citoyen et non sans vous
rappeler que ce ne sont pas les idées qui sont en avance, mais
les hommes qui sont en retard, je vous prie de croire, Monsieur le .....,
à l’expression de mes sentiments distingués.
M.R., Stains.
Notre économie n’est pas une science. C’est un monument d’inconscience.
C’est une économie qui fait vivre des parasites au détriment
des vrais travailleurs.
Nos experts économiques ne sont en fait que des inconscients
qui n’ont jamais pratiqué l’étude pluri-disciplinaire
alliée à la pensée réfléchie.
Ce qu’on appelle la science économique n’est qu’un tissu de mensonges
soigneusement entretenu par le système financier.
Ces mensonges conditionnent les travailleurs de l’utile et de l’inutile
qui se conduisent comme les moutons de Panurge.
Et si un jour la conscience des peuples surgit, il restera la guerre
qui brisera l’élan des libertés.
ETRANGER
A la différence des Etats-Unis où l’aide sociale n’existe
que sous une forme fragmentaire et toujours révocable, la plupart
des nations de l’Europe de l’Ouest possèdent, depuis des années,
des systèmes particuliers qui permettent la prise en charge du
citoyen par la communauté tout au moins face aux grands problèmes
de la vie que l’individu a peu de chances de résoudre seul. En
effet, nos sociétés sont devenues plus complexes, la division
du travail tend à s’accentuer et il est donc normal que certains
services essentiels soient assurés collectivement.
C’est ainsi que, dans le but de créer des sociétés
plus humaines les gouvernements, parfois de leur propre initiative comme
ce fut le cas en ,Angleterre dès 1945, souvent sous la pression
des électeurs, se sont efforcés de mettre un écran
entre les vieux, les malades et les infirmes et la misère à
laquelle les condamnait impitoyablement un système où
chacun doit assurer sa propre subsistance. Certes, les familles avaient
déjà partiellement résolu le problème, chacun
selon ses possibilités. Mais il y a des sans famille et aussi
des familles pauvres. D’où la, nécessité d’organiser
une protection à l’échelon de la nation qui seule permettait
d’établir une certaine justice et satisfaisait la raison.
La crise économique a apporté avec elle la raréfaction
des emplois, donc des cotisations nécessaires au fonctionnement
du système, ainsi que des impôts plus lourds pour ceux
qui travaillent. Le chômage croissant ne peut être indemnisé
qu’en puisant davantage dans les poches des contribuables qui commencent
à crier grâce ou, en fabriquant de la monnaie de singe,
pour combler les déficits budgétaires.
Par son organisation pesante, l’aide sociale sous toutes ses formes
donne naissance à une bureaucratie budgétivore ainsi qu’à
des abus manifestes. Par exemple, les Danoises qui travaillent moins
de quarante heures par semaine touchent une indemnité de chômage
compensatoire. C’est à ce titre qu’une dentiste de la Sécurité
Sociale qui gagnait 180 000 francs par an pour 29 heures hebdomadaires
recevait aussi 22 500 francs par an au titre du chômage partiel.
La facture de l’aide sociale s’est donc élevée au Danemark
passant de 12 milliards de francs en 1970 à 56 milliards en 1980.
De telles distorsions sont génératrices d’inflation.
En Suède, où les impôts représentent 52 %
du revenu des personnes physiques, un travailleur bénéficiant
du salaire unique et ayant deux enfants gagne, par exemple, 85 500 francs
par an. Après déduction des impôts et compte tenu
des allocations familiales, il perçoit en fait un peu moins de
60 000 francs net. S’il travaille à mi-temps ses revenus diminuent
de 8 000 francs seulement.
Le problème des retraités est également aigu. Toujours
en Suède, 4,2 millions de travailleurs font vivre 1,2 millions
de retraités. Or, selon une commission d’experts, le nombre de
personnes dont l’âge va de 80 à 90 ans va doubler dans
les dix prochaines années. Leurs enfants, bien sûr, ne
pourront pas subvenir à leurs besoins étant eux-mêmes
retraités.
On pourrait multiplier les exemples et montrer à quel point les
budgets nationaux sont grevés par des dépenses d’aide
sociale dont l’ascension est vertigineuse. L’idée équitable
de nos sociétés, idée qu’il ne s’agit pas d’abandonner,
est en fait pervertie par les pesanteurs d’un système économique
où le profit réalisé par quelques uns et le travail
intensif de quelques autres doivent permettre de faire vivre une partie
de la population qui, elle aussi, croît. Cette situation est malsaine
et engendre des jalousies et des tensions entre catégories sociales,
certains se plaignant, non sans quelque raison, d’être exploité
à l’avantage de « paresseux ».
Aux Etats-Unis on a vu ces dernières années de véritables
révolutions de citoyens obligeant les responsables de leur Etat
à diminuer les impôts, donc l’aide sociale et les services
publics, toujours les premiers à souffrir dans ce cas. Les défavorisés
vont être encore plus défavorisés et ce n’est pas
M. Reagan qui va aller contre ce courant.
Il est manifeste que seule une révision fondamentale, celle que
propose l’Economie Distributive, peut permettre de préserver
l’idée de justice et d’égalité face à la
vie et les impératifs d’une saine gestion de l’Etat. Il est temps
qu’on s’en persuade avant de faire fausse route et de régresser
vers un type de société égoïste et farouchement
individualiste dont le spectre se profile à l’horizon.
Sous cette rubrique, lancée par G. Steydlé, nous poursuivons la collection des textes qui prouvent que nos idées se répandent :
• AVOIR OU ETRE, de Erich Fromm, collections réponses, éditions Robert Laffont.
La plupart des maux des sociétés actuelles, capitalistes
ou communistes, disparaîtraient avec l’instauration d’un revenu
annuel garanti.
L’essentiel de cette idée est que tous les individus, qu’ils
travaillent ou non, auront le droit inconditionnel de ne pas mourir
de faim et de ne pas être sans abri. Ils recevront juste ce qu’il
faut pour se sustenter, mais n’en recevront pas moins. Ce droit exprime
un concept nouveau pour notre époque, bien qu’il s’agisse d’une
norme très ancienne, exigée par le christianisme et pratiquée
par un grand nombre de tribus « primitives » : que les êtres
humains aient un droit inconditionnel à la vie, qu’ils accomplissent
ou non leur « devoir envers la société ».
C’est un droit que nous garantissons à nos chats et à
nos chiens, mais non à nos semblables.
Le domaine de la liberté individuelle serait considérablement
élargi par une telle loi ; aucune personne économiquement
dépendante d’une autre (d’un père, d’un mari, d’un patron)
ne serait plus obligée de se plier au chantage de la faim.
Le revenu annuel garanti assurerait une liberté et une indépendance
réelles. C’est pour cette raison qu’il est inacceptable pour
tout système fondé sur l’exploitation et le contrôle
autoritaire, et, en particulier, les différentes formes de dicta.
Cure. Il est caractéristique du système soviétique
que les dispositions visant à la gratuité de certains
biens ou services, même les plus simples (par exemple, les transports
publics et les distributions gratuites de lait), ont été
régulièrement repous sées. L’assistance médicale
gratuite est la seule exception, mais seulement en apparence, puisque,
ici, le service gratuit dépend d’une condition claire et nette
: pour en bénéficier, il faut être malade.
L’idée peut paraître irréalisable ou dangereuse
à ceux qui pensent que l’« homme, par nature, est fondamentalement
paresseux ». Ce lieu commun, en fait, n’est absolument pas fondé
; il est tout simplement un slogan qui sert à rationaliser la
résistance à la volonté de rendre un sentiment
de puissance à ceux qui sont sans défense.
(Envoi de J. Bourgoin, St-Quentin)
Y VIENDRAIENT-ILS ?
De qui sont ces lignes :
• « Dans la société scientifique, l’investissement,
du fait de la télématique, devient réducteur d’emplois,
sans créer parallèlement d’emplois de substitution, loin
de là. La masse des biens et des services nécessaires
pour une production constante de biens et de services évolue
négativement ».
« A terme, le problème sera de faire bénéficier
de larges couches de la population du progrès technique ayant
entraîné cette gigantesque accumulation de capital. La
seule réponse se trouve dans des mécanismes de transfert
direct du revenu provenant de la détention de ce capital et des
ressources naturelles vers la population.
* Réponse :
- De Michel Poniatowski, citées par Gérard Morice dans
un article de « Science et Vie » n° hors série
132, intitulé « La trompeuse malédiction des machines
». L’auteur poursuit
Ce qui signifie que ce n’est plus le travail de l’individu qui permettra
de financer sa consommation.
(Envoi de C. Gaudas, Draveil)
*
• Est-ce que la gloire d’un Etat ne devrait pas être, puisque de toute façon, semble-t-il, chômage il y a, malgré les spécialistes chargés de le résorber, d’assurer à chaque individu, qu’il travaille ou non, un revenu annuel garanti ?
* Réponse :
- de Henri Laborit dans « Copernic n’a pas changé grand’ chose ».
(Envoi de N. Spanjaard, Sèvres)
*
• L’espèce humaine a mis des milliers d’années pour atteindre le niveau du P.N.B. de 1950, lequel a triplé en une seule génération... mais les inégalités entre les hommes se sont grandement accentuées et pour ma part je considère que le développement, jusqu’à la fin du siècle, ne peut se faire que sous le signe de l’égalité : un changement fondamental à l’échelle globale doit inévitablement survenir.
* Réponse :
- du Yougoslave Janez Stanovnik.
(Documentation UNESCO)
Soit dit en passant
La campagne présidentielle, je ne vous apprends rien, commencée
avant même d’être ouverte, bat son plein. Et c’est la bousculade
faubourg St-Honoré. On n’avait jamais vu ça.
C’est que la place est bonne. Semaine de 40 heures, salaire minimum
garanti, sauf en période électorale où il faut
faire des heures supplémentaires, vacances payées à
Brégançon, sans compter les petits cadeaux. Et la cantine
qui n’est pas mal non plus. J’allais oublier la retraite. Giscard, rassurez-vous,
s’il était obligé en mai prochain de quitter l’Elysée
où il est si bien, ne serait pas réduit à la soupe
populaire ou à finir ses jours chez les petits vieux de Nanterre.
Sachez que le président de la République, lorsqu’il cesse
ses fonctions, bénéficie du traitement alloué aux
membres du Conseil Constitutionnel dont il est membre à vie.
Ce traitement supplémentaire est d’environ 22 000 francs
par mois. Avec les petites économies qu’il a pu réaliser
durant son septennat, les cadeaux d’amis ou de « parents »
qu’il a reçus, Giscard peut attendre la retraite à Chamonat.
Et ce n’est pas demain qu’il ira mettre ses diamants au Mont-de-Piété
pour nourrir sa famille, ou qu’on le verra faire la manche avec son
accordéon dans les couloirs du Métro.
Voyez-vous qu’on en soit réduit à organiser une quête
sur la voie publique pour le président ? Ou une soirée
de gala dont Coluche pourrait prendre l’initiative ? On n’en est pas
encore là, heureusement.
Oui, la place est bonne. Et même convoitée, C’est ce qui
explique le nombre des postulants dans la course à l’Elysée.
Pas comme à la Maison-Blanche où, pour les dernières
élections, malgré toute la publicité faite à
l’événement, on n’a pu trouver que deux candidats et même
pas présentables. Pauvres Américains ! Si on n’avait pas
peur de les vexer on leur refilerait bien notre excédent pour
la prochaine.
Parce que chez nous, on n’a toujours pas de pétrole, mais, cela
commence à se savoir, on a de la matière grise. Et des
mecs à la hauteur. Pas des marchands de cacahouètes ou
des cow-boys pour patronages et autres ringards. On a des économistes,
nous. Avec des plans de redressement plein leurs tiroirs. Et qui sont
prêts à faire don de leur personne à la France.
On ne leur en demande pas tant, remarquez. On ne leur demande - est-ce
être trop exigeant ? - que de tenir leurs promesses électorales.
Ce qui ne va pas être facile au train où ils vont. Et je
plains le gagnant du grand prix de l’Elysée, le lendemain du
scrutin, qui va se retrouver seul, les lampions éteints, avec
ses promesses, un déficit budgétaire accru, une inflation
devenue galopante, un franc de plus en plus flottant et mergiturant,
è deux millions de chômeurs en colère.
Au cas où il serait à court d’idées pour redresser
la situation, je me permets de lui en suggérer une. Elle vaut
ce qu’elle vaut, mais au point où l’on en est...
Mon idée la voici. Pour sortir de cette pagaille, il faut du
fric. Mais ce fric, comment l’extraire sans douleur de la poche du contribuable,
en admettant qu’il en reste encore après la dernière ponction
du ministre des Finances ? C’est tout simple : il y a la loterie nationale,
le loto è le tiercé. Pourquoi n’organiserait-on pas un
tiercé pour la course à l’Elysée ? Un tiercé
qui serait obligatoire è dont le bénéfice pourrait
alimenter la caisse de secours des betteraviers ou celle des banquiers
nécessiteux. On m’objectera que ce n’est pas avec un tiercé
tous les sept ans que l’on pourra aider les bonnes oeuvres et s’offrir
un nouveau sous- marin nucléaire. Je sais. Mais qui empêche
d’en faire un tous les jours ? On m’objectera encore qu’un président
tous les jours c’est peut-être bon pour le changement mais pas
pour la continuité. Alors, mais on va dire que je suis têtu,
ne parlons plus de faire courir, les présidents, mais gardons
l’idée que je m’obstine à trouver bonne. On pourrait faire
courir des escargots, par exemple. Je jouais à ça quand
j’étais môme avec les copains.
Mais il y a mieux. Le dessinateur humoriste Topor s’est rendu célèbre
en Amérique où, débarqué un beau matin avec
une valise pleine de camemberts, il avait organisé une course
de fromages.
Avec sa permission on pourrait organiser chez nous des courses de camemberts
sur les ChampsElysées, où tous les Français viendraient
faire leur tiercé quotidien. Le bénéfice en serait
réservé, comme il se doit, à l’amélioration
de la race des camemberts. C’est-à-dire qu’il pourrait servir
à résorber les excédents de produits laitiers.
Les betteraviers è les éleveurs de veaux aux hormones
attendront.
DE nombreux lecteurs nous ont signalé que la rubrique «
Actualités Historiques » de la revue HISTORIA de décembre
1980, soulignait les idées très en avance sur son temps
de Jacques Duboin, en matière de stratégie. Nous donnons
ci-dessous quelques extraits de cette rubrique intitulée :
En 1922, un député réclamait une armée
qui sente le pétrole et non le crottin.
« Si le général de Gaulle a su magistralement exprimer
en 1935 dans un livre, l’idée d’une armée modernisée
par le moteur et la vitesse, c’est-à-dire par l’apport d’un corps
cuirassé, il n’en est pas le seul père. Tout le mondé
s’accorde à reconnaître que le général Estienne
et d’autres l’avaient déjà lancée. Ce que l’on
sait moins, c’est qu’un jeune député de la Haute-Savoie,
Jacques Duboin, en démontra vainement la nécessité
à la Chambre des Députés le 14 mars 1922, consacrée
au projet de loi sur l’organisation de la défense nationale par
André Maginot.
Au député qui lui avait demandé « Qu’est-ce
que cela veut dire moderniser une armée ? » il avait répondu
: « Une armée moderne, c’est une armée qui se reconnaît
à l’odorat : elle sent le pétrole et ne sent pas le crottin.
C’est une armée où le moteur mécanique joue le
principal rôle ».
Au ministre qui lui avait demandé de définir l’armée
moderne, il avait répondu : « C’est une armée dans
laquelle vous ne compterez plus un seul cheval. Quand on veut moderniser
une industrie, la première modification que l’on opère
consiste à la « moteuriser ».
La tactique est d’une brutale simplicité : voici les chars de
rupture sous le couvert de la nuit, ...écrasant tous les obstacles.
L’infanterie blindée, l’artillerie d’accompagnement les suivent,
profitent d’un chemin tracé. Les premières lignes ennemies
surprises sont rompues, et voici les rapides chars d’exploitation qui
s’élancent - comme jadis la cavalerie pour hâter la victoire...
».
« Supposons, dit Jacques Duboin, que les Allemands auxquels nous
pensons toujours, forcément, lorsque nous nous occupons de choses
militaires, réalisent l’armée moderne dont je viens de
parler... »
Cela se passait en imagination, en 1922, le 14 mars, et cela s’est passé
réellement et tragiquement pour les Français le 10 mai
1940.
Après ce que’ l’on sait des insuffisances graves des armements
de l’armée française, on conviendra qu’elles ne manquent
pas de piquant, les paroles suivantes, prononcées le 14 mai 1922,
par le colonel Fabry, rapporteur général du projet de
loi en discussion
Les idées exposées par notre collègue Duboin, (qui
fut très souvent interrompu) méritent d’être écoutées.
Il peut apparaître ici peut-être comme un précurseur,
mais ce sera le seul reproche qu’on pourra lui adresser. Il va beaucoup
trop vite. »
Nous qui connaissons aussi l’oeuvre économique de J. Duboin,
nous pensons que « Pour les économistes, il va encore plus
vite... »
On pourrait aussi écrire à « Historia » que
J.D. a beaucoup écrit en matière d’économie.
Le premier paragraphe du « Fil des Jours » du mois dernier (G.R. n° 785) m’a valu une longue lettre de notre camarade Maurice Laudrain dont je donne l’essentiel ci- dessous :
« A mon avis, ce qu’il faut reprocher à Barre, ce n’est
pas la phrase que vous citez mais tout ce qu’il ne dit pas. L’abondance
n’existe pas dans un pays qui exporte plus de 40 % de sa production
alors que sa croissance est autoritairement limitée.
Si Giscard et Barre organisent « l’austérité »
des masses populaires - et cela est indéniable - c’est pour permettre
aux entreprises exportatrices d’être en mesure d’exporter plus
de 40 % de la production nationale. D’ailleurs, ils :tee leur ménagent
pas l’aide financière de l’Etat, la nôtre. Etant donné
le taux actuel de la croissance économique qui ne dépasse
pas de beaucoup le 1 %, un tel taux d’exportation n’est possible que
si une grande partie des travailleurs ne disposent plus que de très
faibles revenus. Le gouvernement fait le nécessaire pour qu’il
en soit ainsi. Certains pensent que, cependant, il suffirait que l’Etat
ne limite plus, comme il le fait, les crédits bancaires pour
investissements, pour obtenir un taux de croissance permettant de solvabiliser
l’ensemble des travailleurs et les autres. Mais Barre sait que notre
système financier (il l’expose dans son traité d’économie
politique) engendre inévitablement l’inflation monétaire
par les crédits à long terme.
De plus, dans ce régime il y a encore inflation avec une croissance
zéro, c’est l’inflation par les profits. Le chou à la
crème du pâtissier, qui n’est qu’un petit profiteur, l’illustre
: il multiplie presque par quatre le prix de ce gâteau en le vendant
4 F. Ce coefficient était, en 1965, celui appliqué par
le cartel Saint Gobain-Boussois pour le prix de fabrique du verre à
vitre !
Dans sa brochure « Pourquoi manquons-nous de crédits ?
», Jacques Duboin écrit page 28
« Le danger ne consiste jamais à créer la monnaie
dont les échanges ont besoin dans une économie qui se
développe mais à en créer bien davantage. Si le
volume monétaire croît de 10 % pendant que la production
des biens de consommation demeure la même, il est sûr que
les clients se disputent les marchandises qui sont en quantité
insuffisante : leur prix hausse pour résorber l’argent excédentaire
» ... ». Et page 29 : « Le fonctionnement de notre
système financier provoque lui- même la hausse par l’étrange
manière dont la monnaie nouvelle entre en circulation... Aujourd’hui
toute monnaie nouvelle a son origine dans les écritures comptable
des banques qui accordent des crédits... ».
Ne laissons donc pas croire aux camarades qui nous lisent qu’il y a
actuellement abondance. Non, celle- ci part à l’étranger
et on fabrique la rareté pour conserver une société
capitaliste.
Mais, comme toujours, c’est le maintien d’un tel régime, si contraire
au bien public, qu’il faut dénoncer. Et là dessus, nous
sommes vous et moi bien d’accord. »
Afin de raffermir les connaissances économiques de nos lecteurs, nous leur conseillons vivement de se procurer l’ouvrage de Maurice Laudrain « Sortir de la Pagaille ». Ils y trouveront, entre autres choses, la description du mécanisme de l’inflation monétaire par les crédits à long terme. Le tableau de la page 35 permet notamment de constater une étonnante relation entre les crédits d’investissement et la hausse des prix.