NOUS le savons, la société de demain sera informatisée,
les investissements en sont faits. Mais cette société
sera-t-elle celle de l’homme ou celle de l’inhumain ? Le paradis ou
l’enfer (1). Le choix est là et tout est encore possible. Mais
comment se fait ce choix ?
Nous avons l’exemple, instructif, de deux pays le Japon et le Canada.
Au Japon, inspiré par les conclusions du rapport de Rome, un
projet d’une société informationnelle « caractérisée
par une florescence de la créativité intellectuelle humaine
» (2) a été élaboré en 1971. Il prévoyait
les moyens de développer les facultés potentielles de
l’enfant et envisageait une nouvelle « éthique centrée
sur le contrôle de soi et la démocratie pluraliste ».
En un mot, ce plan cherchait à mettre l’information au service
de l’épanouissement de l’homme, mais sans supprimer la loi du
marché.
Qu’en est-il advenu ? Il a été soumis au gouvernement,
lequel l’a repoussé en le déclarant trop cher et trop
ambitieux. Voilà l’exemple d’une nation qui a donné à
l’Etat centralisé le rôle primordial dans ce choix de l’avenir.
Et cet Etat l’a étudié dans le cadre de la loi capitaliste
du marché : fallait- il investir pour développer l’intelligence,
faire fleurir la créativité ? Tout cela n’est pas «
rentable », alors c’est « ambitieux » et on ne trouve
pas d’argent pour cela. Mais l’Etat en trouvera, par contre, pour acheter
ou fabriquer des armes abominables.
Au Canada, tout au contraire, la concertation s’est organisée
au maximum. Particuliers ou groupes ont fait des enquêtes, ont
élaboré des études. Pour les Canadiens : «
les communications doivent émaner du peuple et être établies
par le peuple, pour servir le peuple... Et si telle est notre volonté,
nous pourrons orienter l’exploitation des nouvelles techniques, dès
maintenant et pour les dix ou vingt prochaines années, vers la
mise au point de services qui offriront des voies nouvelles au mieux-être
et au mieux-vivre des citoyens... Les Canadiens ne peuvent s’offrir
le luxe d’attendre pour voir où mène la révolution
de l’informatique ; ils doivent commencer à établir leurs
projets et à agir tout de suite, non pas demain. » (3)
De nombreuses Commissions se sont intéressées à
tous les aspects de la « ville câblée » (transmission
de la télévision par câbles et non par antennes
aériennes) , de l’ordinateur et de son incidence sur la vie privée,
des rapports de la télécommunication et des arts et ont
imaginé tous les moyens d’effectuer une utile et rapide transformation
des communications. Les autorités ont même tenu à
donner la parole au public pour bien connaître les souhaits des
intéressés, exprimés par eux-mêmes (2).
Qu’en est-il résulté ?
On a tout d’abord pu constater que peu de gens ont profité des
possibilités d’information et de choix qui leur étaient
offerts. Il n’y a pourtant rien d’étonnant à cela. L’information
est une habitude à prendre, le désir de juger et de décider
s’apprend, ce qu’omet systématiquement de faire la société
marchande qui compte sur la publicité pour créer des besoins
et trouver ses cibles.
Mais il y a plus grave encore, et plus édifiant. « Le véritable
écueil de l’informatisation au Canada, c’est la télévision
par câble », constatent Lorenzi et Le Boucher. Ils expliquent
que le remplacement des antennes par des fils a permis de multiplier
les chaînes, ce qui aurait pu être un mieux, mais a abouti
finalement à une importation accrue de programmes de la télévision
américaine. Au fond, le public n’était pas mûr pour
juger, il a cédé à la télévision
commerciale. « Même risque » ajoutent les auteurs
de « Mémoires volées », « pour l’informatique
de ce pays, qui est très largement soumise à la domination
du grand frère du Sud, faute d’un potentiel industriel indépendant
».
Voilà un exemple riche d’enseignements à tirer. Tout est
là : la décision appartient en ce monde à ceux
qui tiennent le marché, et cela est lourd de conséquences.
Laissons encore nos auteurs conclure eux-mêmes : « Ceci
veut bien dire que la meilleure volonté du monde ne tient pas
un instant devant la puissance économique des multinationales
de l’informatique et de l’audiovisuel ».
Et en France ? Dans ce pays des Droits de l’Homme, aucune consultation
n’est ouverte. Le colloque gouvernemental « Informatique et Société
» ne fut qu’une entreprise destinée à conditionner
les cibles commerciales que nous sommes.
La politique de nos dirigeants, en ce domaine, n’en est pas une car
elle flotte au gré des pressions financières. Il suffit
de se rappeler l’épopée du (ou des) « Plan Calcul
» destiné à maintenir sous contrôle national
l’industrie de l’informatique utilisé en France, de sa conception
à son utilisation, en passant par toutes les fabrications concernées.
Tout se fit (4) de façon plus ou moins occulté... et aboutit
lamentablement au torpillage de l’ordinateur français par la
« fusion » de la C.I.I. avec Honeywell Bull. Il apparaît
donc que ce sont les grosses « boîtes » américaines
qui décident, à l’heure actuelle, de notre mode de vie
de demain. De même que ce sont quelques gros industriels du nucléaire
qui ont fait le choix du « tout nucléaire », que
le gouvernement s’applique à nous présenter comme une
nécessité. Voici encore une fois la preuve que le véritable
pouvoir est détenu en fait par les banques et les gros actionnaires
qui détiennent quelques gigantesques industries.
Combien dérisoire est un bulletin de vote, une journée
de grève ou un défilé, même « unitaire
», face à une telle puissance occulte !
Et cela durera tant que les Français se désintéresseront
des mécanismes économiques, ou se laisseront berner par
des mots ronflants, obscurs, destinés à les convaincre
que les lois du marché sont des lois immuables qu’ils ne doivent
pas remettre en question, des lois très difficiles à expliquer,
des lois qu’ils sont incapables de comprendre et que par conséquent
ils doivent accepter indéfiniment.
A nous de leur ouvrir les yeux !
(1) Voir. G.R. n` 779, l’éditorial dont celui-ci est la suite.
(2) Voir « Mémoires volées » par J.-H. Lorenzi
et E. Le Boucher, dont nous avons déjà parlé dans
le dernier numéro.
(3) Dans « Instand World » (un univers sans distance), Rapport
sur les télécommunications au Canada, Ottawa, 1971.
(4) Voir « French Ordinateurs » de Jublin et Quatrepoint
(éd. A. Moreau).
NOUS attirions tout dernièrement l’attention des groupes écologistes sur la nécessité absolue de changer de régime économique si l’on souhaite vraiment donner une efficacité réelle aux efforts entrepris pour la protection de la Nature et l’amélioration de la qualité de la vie. Nous allons aujourd’hui revenir sur ce sujet, en empruntant à l’actualité quelques exemples typiques de la véritable paralysie résultant de contraintes inhérentes au dit régime et qui disparaîtraient totalement en Economie des Besoins.
PROTECTION DES ESPECES ANIMALES
Chacun connaît l’histoire des bébés-phoques, dont la destruction insensée continue en dépit de toutes les campagnes à grand spectacle lancées ces dernières années. Mais, dans une émission de télévision du 4 septembre 1979 sur Antenne 2, l’explorateur P.-E. Victor évoquait un autre drame, moins connu du public : le massacre des grandes baleines dont il resterait environ 200 000 exemplaires sur plus d’un million. Malgré les accords internationaux, et l’interdiction théorique des navires-usines, les pirates continuent leurs ravages en toute impunité, et le Commandant Cousteau, au cours de la même émission, déclarait avoir rencontré seulement 2 baleines et presque plus de phoques en trois mois de voyage dans l’Antarticque.
LA CRISE DU PETROLE
Quant aux problèmes énergétiques, tarte à
la crème de la grande presse et des médias, ils sont peut-être
encore plus typiques.
Il y a plus de 20 ans, nous dénoncions déjà dans
notre journal l’absurdité d’une politique conduisant, pour des
motifs de pure rentabilité financière, à orienter
délibérément toute la production d’énergie
électrique sur le pétrole sous prétexte que le
prix du kilowatt ainsi obtenu était inférieur à
celui du kilowatt hydraulique ou marémotrice.
Mais voici qu’aujourd’hui, devant l’escalade du prix du baril d’or noir,
le même raisonnement incite nos dirigeants à miser sur
le tout-nucléaire. Et dans une émission sur FR3 (1), M.
Chapuy, Directeur d’EDF, précisait que depuis 1978 le kilowatt
d’origine nucléaire était devenu compétitif avec
un prix de revient de 10 centimes, contre 14 centimes pour le kilowatt
des centrales au charbon et 16 centimes pour celui des centrales au
fuel. Voilà pourquoi on passe outre aux risques de fuites de
radiation et aux dangers du stockage des déchets inutilisables,
dangers pourtant mis en évidence, au cours de la même émission,
par M. Gauvenet, directeur général du Centre d’Etudes
Atomiques. Voilà pourquoi « Le Figaro » (2) ose avouer
: « Faudra-t-il sacrifier des installations de sécurité
très chères pour rendre le kwh produit par Super Phénix
compétitif ? ». Pourtant, il eut été parfaitement
possible de réserver les centrales nucléaires à
la seule production de l’accroissement de consommation d’énergie
électrique du pays, accroissement très contrôlable
dans un régime économique permettant l’élimination
des gaspillages et de l’actuelle fuite en avant pour échapper
au chômage.
Et puis, c’est au tour du « Figaro » (3) de nous avouer
les véritables motifs de l’étonnant succès des
récents forages de pétrole et de gaz sur le territoire
métropolitain. Devenue rentable, la production française
de pétrole (1,1 million de tonnes) va vraisemblablement doubler
; le gisement de Pécorade fournira 600 000 tonnes de gaz par
an, prenant ainsi le relais de Lacq. On va également intensifier
les recherches sous-marines en mer d’Iroise et dans le Golf de Gascogne
: P.-E. Victor rappelait pourtant en septembre dernier que les forages
off-shore sont extrêmement dangereux et pourraient déclencher
une catastrophe mondiale plus grave qu’un cataclysme nucléaire.
Les esprits réalistes nous rétorqueront que nous n’avons
pas le choix, et c’est hélas vrai dans le cadre du système
économique actuel. Mais faut-il leur rappeler, comme le soulignait
Edouard Sablier dans sa chronique radiophonique du 29 juin 1979, l’écrasante
responsabilité des grandes compagnies pétrolières
américaines dans la hausse des prix du pétrole, et le
rôle néfaste des achats américains sur le marché
noir de Rotterdam subventionnés par une prime de 5 % du Président
Carter aux importateurs de pétrole ?
LA VOITURE ELECTRIQUE
Unes des solutions possibles à la crise du pétrole serait
bien évidemment la généralisation des véhicules
électriques. Pourquoi les pouvoirs publics n’agissent-ils pas
dans ce sens, ni en France, ni dans les autres pays ?
Voici les explications données par « Le Figaro »
(4) :
« Depuis des années, on en parle. Même avant la crise
du pétrole, il était question de ce fameux véhicule
électrique qui présente, dit-on, tous les avantages :
silencieux et non polluant. En fait, que constate-t-on ? A Paris et
dans la région parisienne, 300 bennes électriques assurent
la collecte des ordures ménagères. Mais cet achat n’est
pas renouvelé - ce matériel dure longtemps et la société
qui les fabriquait, la SOVEL, filiale de SAVIEM, a dû arrêter
sa production, faute de commandes. Son équipe technique a été
reprise par Renault Véhicules Industriels et aujourd’hui la SITA
(Société industrielle de transports autonomes), qui construit
des bennes à ordures, a réalisé un prototype électrique.
« Va-t-elle le vendre ? Les responsables des municipalités
ne sont pas encore convaincus de l’intérêt de ce matériel
: il a l’inconvénient de coûter un peu plus cher à
l’achat, 1,7 fois plus qu’un véhicule thermique. C’est dur pour
les finances municipales budgétisées annuellement. Même
si la durée de vie de ces véhicules est de deux fois à
deux fois et demie plus longue que les autres.
« Les mêmes problèmes se posent pour les autobus.
Ainsi jusqu’à présent, un seul maire, Jean Royer à
Tours, s’est lancé à fond depuis 1976 dans l’expérience.
Il a réinvité le 18 décembre 1979 dans sa ville
les municipalités pour en parler. Il projette lui-même
de faire rouler 30 autobus locaux au moyen d’électricité,
produites par des turbines placées sur le Cher. Il veut aussi
faire marcher des véhicules municipaux à l’alcool produit
par une distillerie alimentée en chaleur par l’incinération
des ordures ménagères.
« En fait on en est encore au stade expérimental. Les batteries
d’accumulateurs au plomb ne présentent que des performances médiocres
moins de 100 km d’autonomie. Les nouvelles batteries au nickel, plus
intéressantes, sont 3 fois plus cher et en France les recherches
sur les piles à combustible ou les accumulateurs sodium-soufre
n’ont pas encore de débouchés industriels. Peut-être
en 1985 ?
« Pour l’instant les projets français ont consisté
à lancer un concours international pour des fourgonnettes et
des camionnettes. Les prototypes longuement testés ont été
réalisés et une commande d’un millier de véhicules
doit être passée par les services municipaux, les services
d’EDF et des PTT. S’ils sont d’accord.
« Au stade de l’expérimentation encore, le ministère
des Transports a retenu le projet d’un autobus à accumulateurs,
d’une vingtaine de places, pour assurer notamment la desserte des centres
villes. Ce n’est guère avant 1985 que la commercialisation pourrait
s’effectuer, et seulement dans les années 90 que la construction
en série pourrait commencer. Quant aux voitures individuelles
électriques, leur réalisation semble repoussée
aux calendes grecques. »
Comparez avec ce qui pourrait être réalisé en économie des besoins, et concluez.
NOUS N’AVONS PLUS LE TEMPS
Chacun de vous, en feuilletant la presse ou en regardant la télévision
peut se livrer à ce petit jeu et accumuler les preuves du blocus
économique et financier imposé à toutes les tentatives
écologiques.
Entendons-nous bien. Les efforts actuellement entrepris sont très
loin d’être inefficaces et dans bien des domaines des résultats
presque inespérés ont été obtenus grâce
aux prises de conscience provoquées par les déclarations,
les écrits et les actes d’hommes et de femmes courageux, animés
d’une foi à toute épreuve alimentée par leurs connaissances
scientifiques et leur lucidité.
A une autre époque, et si les dangers pour la survie de l’humanité
étaient moins pressants, il eut sans doute été
possible d’attendre que de telles actions, en se multipliant, finissent
par renverser le courant. Malheureusement, nous n’avons plus le temps
et il est même déjà trop tard dans beaucoup de domaines
où les dégâts sont dès maintenant irréversibles.
Pour sauver le reste, l’urgence impose de faire sauter tous les verrous,
et d’éliminer au premier chef le régime économique
actuel, principal responsable des pollutions actuelles et obstacle n°
1 sur le chemin du salut.
Alors, une nouvelle fois, nous invitons nos amis écologistes
à nous rejoindre et à combattre avec nous pour un monde
plus sensé et plus équilibré, où le progrès
technique sera enfin mis au service des Besoins de l’homme.
(1) Le 4 mai 1979.
(2) Du 15 décembre 1979.
(3) Du 12 décembre 1979.
(4) Le 8 décembre 1979.
L’O.C.D.E. retarde d’une cinquantaine d’années : une conférence
qu’elle a organisée les 16 et 17 avril 1980 a ratifié
le principe élémentaire du « droit au travail »
pour tous, hommes et femmes.
Dès 1934, Jacques Duboin avait changé le « Droit
au travail » qu’il avait créé en « Droit au
revenu garanti » ou économie distributive.
*
Exode cubain. - 10 000, 50 000 indésirables ou indésirés
ont pris le large et leurs distances avec un régime dit «
d’oppression », ce qui est peu au regard des quelques 8 millions
de Cubains continuant à vaquer à leurs occupations. Dans
les pays de « liberté » le taux des mécontents
atteint de tout autres proportions. Après la révolution
castriste, les opprimés comptaient principalement parmi les milliardaires
américains privés de leurs somptueux palaces, de leurs
plages privées, les prostituées, de luxe, les chauffeurs
de taxis, la maffia des jeux, les commerçants et les ex-grands
propriétaires des plantations.
Si, en raison du blocus économique de la part des Américains
et des accidents survenus aux récoltes, du départ d’un
certain nombre de cadres et d’une insuffisante qualification de la main-d’oeuvre,
le décollage de l’économie cubaine accuse aujourd’hui
un certain retard, du moins les Cubains sont-ils libres, aujourd’hui,
de nourrir leurs familles, de se soigner, de s’instruire et de se loger.
Et ils votent.
A tout prendre, il semble que les Cubains soient plus libres que les
clandestins mexicains travaillant à Los Angelès, jouant
à cache-cache avec les autorités. Dénuée
de scrupule, la libre entreprise profite de la situation pour exercer
un chantage sur leurs salaires. Pour ces gens le mot liberté
ne saurait guère avoir de sens.
Ce mini-exode cubain aura servi de support à un délire
de propagande anti-castriste. Qui prétendrait que les libertés
étaient mieux garanties à l’époque du régime
pourri et dictatorial de Baptista ? Nombre de réfugiés
s’imaginent-ils que l’accueil qu’ils reçoivent dans les camps
de transit du Costa-Rica, perdurera lorsqu’ils devront s’intégrer
à la dure réalité du libéralisme yankee,
l’un des plus cruel, des plus déshumanisés des régimes
?
Des milliers de Haïtiens débarquent, chaque année,
en Floride, fuyant la dictature qui règne dans leur pays. Mais,
ici, pas de tamtam pour ameuter l’opinion mondiale. Haïti n’a pas
le régime de Cuba.
(Tiré du Bloc-Note de H. Muller)
*
Parlant de la militarisation à outrance qui se développe partout dans le monde, capitaliste et socialiste, J. Madaule conclut son article : « Le pouvoir au bout du fusil » ( Le Monde » du 20-5-1980) :
« Si nous ne voulons pas que l’humanité connaisse, un
jour prochain, le plus grand désastre de son histoire, il faut
lutter avec lucidité pour le désarmement. Cela veut dire
sans illusion sur les énormes difficultés économiques
et politiques qu’il faudra vaincre pour aboutir, car le militarisme
technocratique d’aujourd’hui est lié à toute la technostructure
de nos sociétés « avancées ».
Si l’on veut aboutir, il faut se mettre de la cire dans les oreilles
pour ne pas entendre le chant des sirènes qui voudraient nous
faire croire que la course aux armements, ce sont ceux d’en face qui
la relancent quand elle tend à ralentir. Il n’y a pas d’innocents
dans cette affaire.
C’est une révolution qu’il faut partout entreprendre, mais une
révolution tout autre que celle dont on nous parle depuis plus
d’un siècle. »
*
Comment on freine le progrès : Aux Etats-Unis la mécanisation
de l’agriculture ; se poursuit à un rythme soutenu. En Californie,
depuis le début des années 60, on utilise des machines
à récolter les tomates. Dans de nombreuses universités
on poursuit des recherches où l’on développe des prototypes
de machines destinées à ramasser les laitues, à
cueillir les raisins, les melons, à secouer les citronniers,
etc...
Cela se traduit évidemment par d’importantes pertes d’emplois
dans l’agriculture : de 1964 à 1972 le nombre des travailleurs
de la tomate est passé de 50 000 à 18 000 ! Ce qui a conduit
le Secrétaire fédéral à l’agriculture à
déclarer qu’il fallait que le gouvernement supprime les crédits
destinés à des recherches qui pourraient priver d’emploi
les ouvriers agricoles.
C’est une position qui a au moins le mérite d’être très
claire. D’autres, plus hypocrites, nais recherchant le même but,
disent que mécaniser l’agriculture, « c’est renoncer à
une certaine façon de vivre ». Le dos courbé sans
doute ?
*
Quelques chiffres d’actualité :
France : aggravation, du chômage au mois d’avril : 1,7 % de plus
qu’en mars, soit 6,6 % de plus en un an. Pendant ce même intervalle
de temps la productivité de l’industrie a augmenté de
6 %, les sociétés produisant plus, avec moins de personnel,
et un temps de travail plutôt écourté. Ce qui n’a
pas empêché les prix industriels d’augmenter. On accuse
bien sûr la hausse du coût des matières premières
mais pendant ce temps les milieux boursiers déplorent le baisse
du prix de l’argent métal, le repli des cours de l’étain
et l’effondrement du plomb qui se trouve à son niveau le plus
bas depuis vingt mois...
Démographie
IL y a exactement quinze ans, en 1965, les démographes britanniques
prévoyaient qu’il naîtrait dans leur pays 1 150 000 enfants
en 1978. II en est né en fait 687 000 (soit une erreur de plus
d’un tiers). Aucune explication sérieuse ne peut être donnée
à ce renversement de tendance, qui a d’ailleurs affecté
les autres grands pays européens.
Si on considère les graphiques qui montrent l’évolution
de la population des pays, on constate des variations souvent considérables
d’une décennie à l’autre. Certains événements
majeurs, comme les guerres, expliquent sans doute des changements profonds.
Mais, là encore, la prudence s’impose. Si nous reprenons le cas
de la Grande-Bretagne, nous constatons que le taux de natalité
a considérablement chuté pendant la première guerre
mondiale mais s’est, par contre, assez régulièrement élevé
durant la seconde qui n’était pourtant pas plus joyeuse. Bien
sûr, dans les deux après- guerres, le taux s’est élevé
rapidement pendant un ou deux ans.
Ces remarques ne visent qu’à montrer à quel point il est
difficile de prévoir avec précision l’évolution
de la population mondiale. Or, cette évolution nous touche tous
de près. Quelques milliards d’hommes ou de femmes en plus ou
en moins sur la planète et tout peut fortement changer. II faut
donc être très prudent avant d’annoncer ce que sera l’avenir.
Certes, des tendances semblent se faire jour ; des similitudes apparaissent.
Ainsi, certains chercheurs ont cru remarquer que la natalité
avait encore tendance à croître dans les pays où
la population est en bonne partie rurale et pratique une religion. La
France peut prouver le contraire, la croissance de la population étant
restée voisine de zéro de 1840 à 1950, si l’on
ne tient pas compte de l’apport des immigrants.
D’autres pensent que la contraception est responsable de la dénatalité
des pays industriels. Or, toujours en Grande-Bretagne, le taux de natalité
dans les années 30 n’était pas plus élevé
qu’il l’est en 1980. Ceci semblerait prouver que, si la tendance est
à la diminution du nombre des naissances les effets sont assurés
par des méthodes quelconques qui, selon les époques, ont
pu être l’abstinence et l’avortement ou la pilule.
A l’échelon mondial, qui nous préoccupe au moins autant
que l’échelon européen, les prévisions font apparaître,
comme on peut s’y attendre que, d’ici l’an 2000, les pays développés
verront leur population croître presque imperceptiblement (à
condition que la tendance ne se renverse pas dans les pays où
le taux de natalité dépasse 2,1). Par contre, les pays
moins développés connaîtront une expansion beaucoup
plus nette si bien que, en faisant une moyenne, on peut dire que la
population mondiale passerait d’un peu plus de 4 milliards d’individus
en 1975 à près de 6,5 milliards en l’an 2000.
C’est beaucoup. En fait, les pays à forte natalité ne
font pas toujours les efforts nécessaires pour faire baisser
le taux des naissances. Les gouvernements s’y heurtent souvent à
des tabous sociaux et religieux contre lesquels ils sont mal armés
pour lutter. Parfois, ces pays connaissent une réelle prospérité
économique, comme le Kenya, et ne voient pas de raison de se
refuser une population jeune.
Les organismes internationaux s’efforcent bien de promouvoir la limitation
des naissances là où il semble qu’elle s’impose, mais,
pour ce faire, il leur faut de l’argent que les pays riches leur versent
à regret puisqu’il ne représente pas un investissement
direct générateur de commerce.
Est-ce à dire qu’on ne peut guère agir sur l’évolution
de la population mondiale ? La parole est à chaque pays. A cet
égard, l’exemple de la Chine est intéressant. Si elle
atteint son objectif d’un enfant par famille, toutes les prédictions
sur les variations de la population mondiale pourraient bien être
déjouées si l’on pense qu’elle a, à présent,
environ un milliard d’individus, soit le quart des hommes.
Plus palpable est le changement survenu à Singapour où,
selon les statisticiens, la croissance a été stabilisée
en 12 ans, de 1966 à 1978. De tels résultats sont plus
facilement obtenus dans des pays de petite taille surtout s’ils se sont
dotés de gouvernements autoritaires.
La solution au problème de la démographie mondiale viendra
peut-être tout simplement de l’évolution. Les pays qui
entament leur croissance économique ont en général
des taux de natalité élevés. A mesure qu’ils progressent,
ces taux devraient baisser pour rejoindre ceux des pays industrialisés.
Malgré cela, il est vraisemblable que la population mondiale
continuera à croître jusque vers 2030. L’humanité
n’a trouvé qu’un moyen de réduire ses effectifs. Puissions-nous
en être préservés.
Soit dit en passant
On n’est pas encore sorti du tunnel, mais ça vient. Les «
affaires » reprennent. Timidement. On doit peut-être ce
démarrage . à M. Alain Peyrefitte qui, désireux
de laisser un grand souvenir de son passage place Vendôme et de
montrer qu’on ne le paye pas à roupiller comme un vulgaire balayeur
du métro, s’est mis en tête de réformer le Code
pénal. Vous ne voyez pas le rapport ? Attendez qu’on vous explique.
Le projet de réforme du ministre, inspiré peut-être
de son séjour chez Mao-Tsé-Toung - non, il n’y a pas la
moindre chinoiserie dans cette histoire - qui a été soumis
à l’approbation du gouvernement, sera discuté en fin de
session au Palais-Bourbon. Et s’il n’y a pas un coup fourré d’ici
là ou au cours des débats, on espère que la lumière,
toute la lumière, sera faite sur « l’affaire » de
Broglie - pour ne parler que de celle-là - dont le dossier attend
toujours qu’un juge curieux le sorte du tiroir poussiéreux où
il moisit depuis trois ou quatre ans.
M. Peyrefitte entend réveiller notre Thémis somnolente.
La lenteur de la justice, en effet, est l’une des conclusions auxquelles
il s’est arrêté au cours de son enquête : «
Il y a actuellement 40 000 détenus dont 19 000, soit près
de la moitié attendent leur jugement. Ils attendent parfois plusieurs
années ». C’est le ministre lui- même qui nous l’apprend
dans une interview au « Journal du Dimanche ». Il n’en dit
pas plus mais on devine qu’il serait prêt à nous rassurer
en expliquant :
Primo, que ces 19 000 détenus en attente se les roulent aux frais
de la princesse, nourris, dorlotés, dans des prisons de luxe
(trois étoiles) avec télé en couleurs où
nos smigards seraient heureux de passer leurs vacances ; Secundo, que
certains hauts personnages impliqués de près ou de loin
dans l’affaire « de Broglie » - entre autres - sont encore
en liberté.
Soucieux de mettre tout ce joli monde à l’abri des intempéries
et des accidents, M. Peyrefitte s’inquiète devant l’aggravation
de la criminalité qui emplit les prisons au point que l’on risque
de manquer de place. Il faut donc accélérer la procédure.
Comment ? Mais en débarrassant le Code de tout le fatras dont
il est encombré et qui ne fait que ralentir l’action judiciaire.
Notamment, mais sans le désigner nommément, l’article
439 dont on a beaucoup parlé. Ce qui permettrait au Garde des
Sceaux de remplacer - progrès oblige - l’éteignoir par
le vote à la sauvette. Et rendrait le sourire à M. Poniatovski.
J’abandonne aux exégètes et autres coupeurs de cheveux
en quatre cet article que l’on voudrait - je me demande pourquoi - escamoter,
et je livre à vos réflexions le passage de l’interview :
« En France, entre 1972 et 1978 le nombre des faits de grande
criminalité a plus que doublé (+ 115,5 %). Si notre production
avait suivi la même courbe nous serions aujourd’hui le peuple
le plus riche du monde. »
Et alors ? On n’est pas le peuple le plus riche, mais on n’est pas des
fauchés. Si M. Peyrefitte en doute qu’il demande à Raymond
Barre. Le premier économiste de France se fera un plaisir de
lui apprendre, s’il est de bon poil - ça arrive - que, question
de pépètes, depuis qu’il est, lui, à Matignon,
la France n’a pas à se plaindre. Et que, s’il les lâche
avec un élastique aux smigards et autres mendigoteurs jamais
contents, il trouve toujours le fric nécessaire pour assainir
les denrées excédentaires que l’on ne réussit plus
à vendre, ou pour doter de temps à autre la France éternelle
d’un nouveau sous-marin nucléaire en vue du grand feu d’artifice
de l’an 2000.
Enfin, pour en revenir au taux de criminalité, et puisque le
Garde des Sceaux aime les statistiques, qu’il se renseigne auprès
du ministre du Travail sur l’accroissement du chômage. C’est pas
meilleur. Il en arrivera à cette conclusion que le nombre des
sans emploi suit sensiblement la même courbe que celui des grands
délinquants.
Alors, entre nous, si la société libérale dite
avancée n’est même pas foutue de donner du travail avec
l’espoir de créer un monde plus fraternel à tous les jeunes
qui entrent dans la vie, je ne vois pas comment le Code pénal
revu et corrigé, même en escamotant l’article 439, ferait
de tous les révoltés des agneaux bêlants disposés
à se laisser tondre.
P.S. - L’article 439, à ce qu’on dit, punit de la réclusion criminelle quiconque aura détruit ou dissimulé un document de nature à faciliter la recherche de crimes ou délits. Mais qui cela peut-il concerner ?
Comme il nous l’avait promis dans le dernier numéro, Hilarius emploie le langage des économistes distingués...
La spécificité de notre compétitivité serait une contre-performance si elle était répétitivitée. Occulter le performant de notre module dans notre espace ludique, même en enclos privatif, est une action ponctuelle, du moins optionnelle. Si, à notre briefing, sont matériellement représentés des trisomiques 21, le contexte fera dispatcher le stress d’une tentative d’autolyse vers le quart monde des catégories subéconomiquement chétives. Cette plate- forme non-phallocratique, dans sa quotidienneté obsolescente donc antisophistiquée, recherche l’impact chez l’être immature. Impulser l’informel dans les infrastructures d’un know-how logistique au niveau du produit lessiviel brut, managé par un parallèle promotionnel de notre timing y compris dans le tissu urbain. C’est radicaliser et verbaliser les problèmes et, consécutivement, traumatiser le sécurisant par un vecteur protubérantiel.
« Ces mots sont obscurs peut-être ? Ils le sont moins que je ne l’ai voulu » (Paul Eluard). Il n’en demeure pas moins qu’à l’avenir et désormais c’est ainsi que le filandreux Hilarius va s’exprimer afin de se faire comprendre des éclairés obscurantistes des « Mass-Média » (un de plus ou de moins... !) afin qu’ils daignent aplatir leur regard nébuleux sur l’Economie distributive. Les mécontents sont priés de s’abonner au FIGARO (ou aux autres quotidiens, de toutes façons c’est toujours du Hersant).
SCIENCES ET TECHNIQUES
A mesure que les réserves de pétrole
s’épuisent et que les prix montent en flèche, l’énergie
solaire devient de plus en plus compétitive. Aujourd’hui. même
les pays de la zone tempérée envisagent de satisfaire
une partie de leurs besoins grâce à cette source d’énergie
diffuse, mais constante, cependant que les pays en voie de développement
situés dans la « zone solaire » voient en elle une
ressource énergétique de première importance.
Ancien président de l’association internationale de l’énergie
solaire, le Dr William H. Klein, président du Smithsonian Radiation
Biology Laboratory de Rockville, Maryland (Etats-Unis), brosse ici le
tableau de ce que nous réserve « l’avenir solaire »
immédiat et plus lointain. Le présent article est tiré
d’une interview radiophonique enregistrée lors d’un colloque
sur les grands problèmes de l’énergie dans le monde, organisé
par l’Unesco en juin dernier à Saint-Jacques de Compostelle.
L’AVENIR de l’énergie solaire réside dans la diversité
de ses applications, tant du point de vue technique que géographique.
Dans les petites communautés rurales faiblement peuplées
des pays en développement, elle peut servir à l’éclairage,
à la cuisine, au pompage de l’eau et à l’irrigation. Dans
le monde industrialisé, on met au point des centrales solaires
destinées à servir les besoins de villes d’une centaine
de milliers d’habitants.
Pour l’essentiel, ces centrales consistent en une tour ou récepteur
central, équipé d’un champ d’héliostats qui concentrent
les rayons du soleil sur une chaudière. L’eau de la chaudière
transformée en vapeur actionne une génératrice
qui alimente en électricité un réseau de type classique.
Un système de stockage permettra à la centrale de fonctionner
la nuit. Le prototype d’une tour de ce genre est en cours de construction
à Barstow, en Californie. Il devrait entrer en service en 1981-82.
Dans un avenir plus lointain, il devrait être possible de fournir
de l’énergie à des agglomérations plus importantes
grâce à des installations de type modulaire auxquelles
on ajouterait des éléments à mesure que les besoins
de la communauté augmenteraient.
Dans les pays en développement, où les petites communautés
rurales se trouvent à l’écart des grandes routes et du
réseau central d’électricité, on aura recours aux
techniques photovoltaïques - qu’il s’agisse de mosaïques bidimensionnelles
de cellules à silicium, ou de systèmes de cellules solaires
à concentration - pour transformer directement le rayonnement
solaire en électricité. Le courant ainsi obtenu serait
suffisant pour alimenter de petits moteurs de 3,5 kilowatts environ,
capables d’actionner une pompe pour l’irrigation.
Un panneau de cellules photovoltaïques actuellement à l’essai
à Mead, dans le Nebraska, assure à la fois l’irrigation
en été et le séchage des récoltes à
l’automne en vue de leur conservation.
La réalisation des cellules photovoltaïques est actuellement
fort onéreuse : environ 9 dollars par watt-heure de crête.
Mais les recherches se poursuivent et il semble que d’ici à 1982
on pourra ramener leur prix à 50 cents.
L’énergie solaire deviendrait ainsi compétitive par rapport
aux formes d’énergie classiques. Déjà elle soutient
la comparaison dans certaines régions avec le chauffage électrique
par effet joule. Et au rythme auquel le prix de l’essence augmente,
elle pourrait concurrencer d’ici deux à trois ans le chauffage
de l’eau et des maisons.
Les systèmes de chauffage solaire, en usage depuis longtemps
en Australie, aux Etats-Unis, en Israël et ailleurs, sont en mesure
de fonctionner même dans des pays à climat tempéré,
à condition qu’il y ait un nombre suffisant de journées
d’ensoleillement.
Le coût d’installation de ces systèmes - actuellement d’environ
2 000 dollars - pourrait être réduit de 75 pour cent, à
condition de fabriquer des modèles plus simples, sans dispositifs
automatiques, fondés sur le principe de la convection.
La transformation biologique de l’énergie solaire par le processus
de la photosynthèse fournit chaque année, sous forme de
biomasse, une réserve d’énergie égale à
environ dix fois la consommation mondiale annuelle. Certes, ce processus
a une efficacité globale très réduite, mais il
existe et peut être exploité sur la plus grande partie
de la planète. Le bois, par exemple, fournit un sixième
des ressources en combustibles utilisées dans le monde, et environ
la moitié des arbres abattus chaque année le sont pour
les besoins de la cuisine et du chauffage. Dans les, pays en développement
qui ne sont pas membres de l’OPEP, où résident plus de
40 pour cent de la population du globe, les combustibles non-commerciaux
fournissent souvent jusqu’à 90 pour cent de l’énergie
utilisée. Ils comprennent, outre le bois, le fumier et les déchets
agricoles.
Il s’agit de trouver des procédés permettant d’exploiter
de façon plus efficace la photosynthèse naturelle qui,
par le passé, nous a donné charbon, pétrole, gaz,
bois combustible, fibres et produits chimiques. On envisage par exemple
de créer des « fermes énergétiques »
où la biomasse serait cultivée en vue de produire de l’énergie.
La NouvelleZélande, qui possède une agriculture très
avancée mais une faible densité de population et qui dépense
une grande partie de ses devises pour acheter du pétrole, étudie,
semble-t-il, la possibilité d’utiliser la biomasse comme source
de combustible. Le seul problème qui se pose à cet égard
est que ces projets risquent d’entrer en concurrence avec l’agriculture.
Aujourd’hui, les terres arables sont essentiellement consacrées
à la production alimentaire et, à mesure que la population
augmentera, cette tendance ne peut que s’intensifier.
Gaz à base de maïs et de... choux
Au nombre des produits énergétiques qu’on pourrait tirer
de la biomasse, citons l’électricité, l’ammoniaque, le
méthanol, l’éthanol et peut-être le gaz pauvre.
Des études ont montré que la production de vapeur et d’électricité
et la digestion anaérobique sont les techniques de transformation
les plus réalisables sur le plan économique. Du point
de vue du prix de revient, elles sont souvent compétitives avec
l’énergie produite à partir de combustibles fossiles.
Outre les arbres, on peut envisager comme plantations énergétiques
divers arbustes et herbes, les algues et les résidus de certaines
plantes vivrières. En Australie, cinq espèces d’herbes
sont à l’étude et des résultats prometteurs ont
été obtenus dans certains cas. D’autre part, l’alcool
à base de manioc s’est révélé être
une solution économiquement viable, et des rapports font état
des résultats obtenus avec de l’alcool tiré des pins et
du biogaz à base de maïs et même de choux. Aux Philippines,
une étude a montré qu’une plantation de bois d’un peu
plus de 9 100 hectares pouvait alimenter une centrale à vapeur
de 75 mégawatts.
Une autre étude récemment effectuée en France indique
qu’à long terme le pays pourrait produire à partir des
ressources de la biomasse des combustibles liquides et solides, représentant
11 et 14 pour cent respectivement de ses besoins globaux en énergie
; le problème de l’utilisation de terres arables reste cependant
entier. En Suède, une autre étude souligne que, d’ici
à 2015, des plantations énergétiques occupant 7
pour cent de la superficie du pays pourraient permettre de subvenir
aux deux- tiers des besoins nationaux en énergie.
Cependant, le programme le plus ambitieux a été élaboré
au Brésil, où l’on se propose de tirer de l’alcool de
plantes telles que la canne à sucre, le sorgho et le manioc.
Mélangé à l’essence dans une proportion n’excédant
pas 20 pour cent, cet alcool pourrait permettre de satisfaire un cinquième
des besoins du Brésil en carburant.
La firme Volkswagen met au point un moteur fonctionnant à l’alcool
qui fera l’objet d’essais au Brésil en 1980.
Des générateurs dans l’espace
Je n’ai évoqué jusqu’ici que des projets terrestres. Mais si les Etats-Unis construisent une navette spatiale et mettent un laboratoire sur orbite au- dessus de notre planète, il serait possible d’envisager une centrale solaire spatiale qui capterait l’énergie du soleil, la transformerait en électricité et l’acheminerait à terre à l’aide de micro-ondes. Ce « satellite photovoltaïque » présenterait un grand avantage : étant toujours tourné vers le soleil, il en absorberait l’énergie et produirait de l’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Aucun système de stockage ne serait donc nécessaire. C’est sans doute une entreprise qui mérite d’être envisagée pour l’avenir.
* Cet article est reproduit du n° 747 de « Informations UNESCO ».
Dans tous les domaines de la production et de la distribution, tout
se trouve dans les mains des vrais producteurs, c’est-à-dire
dans les mains des salariés. Le système financier leur
met tout dans leurs mains, mais il fait en sorte de ne rien leur mettre
dans la tête. C’est cela leur seule puissance. Les forces du pouvoir
ont pris le plus grand soin de les conditionner à un système,
de façon à ce que tous les hommes, manuels ou intellectuels,
croient que l’argent est nécessaire pour vivre.
Oui, les salariés ont tout en mains pour préparer la grande
révolution pacifique et la noble évolution. Il ne leur
reste plus qu’à vaincre leur ignorance et à bien vouloir
se déconditionner.
Mais cela est une autre révolution !...
*
Nous vivons dans la confusion économique la plus totale. Chacun
s’y débat sans bien s’en rendre compte ou sans rien comprendre,
sans en chercher la cause. Et par conséquent sans pouvoir y apporter
une solution valable.
Nous vivons sans cesse sous l’effet de l’ignorance héréditaire
soigneusement entretenue par les puissances de l’argent.
Comment dessiller les yeux des dirigeants et des dirigés ? L’homme
est prisonnier de lui-même. Va-t-il encore se soumettre longtemps
aux imbécillités administratives et commerciales ? Va-t-il
croire à la politique d’aujourd’hui qui n’est en fait qu’une
politique d’inconscience ? Va-t-il encore se soumettre à payer
des impôts de toutes sortes qui lui créent des difficultés
inouïes, des fatigues, des énervements et des pertes de
temps ? Va-t-il enfin vaincre son ignorance et sa passivité ?
Pourra-t-il un jour, se servir des puissants instruments qu’il a entre
les mains, à savoir les grèves intelligentes, instructives
et humoristiques, des grèves qui produisent et distribuent ?
Bref des grèves utilitaires qui rendent service à tous
les hommes.
« La chasse au gaspi : un genre de guignolerie. La journée
du soleil : une faribole. Le rôle du médiateur : de la
poudre aux yeux. Partout, on fait semblant. Le mensonge est devenu un
moyen de gouvernement. La publicité : elle crée de faux
besoins et constitue un intolérable facteur de gaspillage. Les
escroqueries cautionnées par l’Etat rempliraient un bouquin.
»(1)
Suite de conversations à bâtons rompus, écrit dans
un style sans fioritures, le livre d’Haroun Tazieff respire la sincérité,
rappelant, par le ton, cet autre livre : La France Pauvre, publié
il é a une quinzaine d’années. Plus qu’un constat c’est
un réquisitoire que dresse H. Tazieff à l’encontre de
tout ce qui ne va pas dans notre « démocratie » livrée
à l’hypocrisie, au mensonge, aux injustices.
Il dénonce avec feu les gaspillages qui permettent au capitalisme
d’alimenter ses débouchés industriels et miniers, tandis
que le maudit problème, celui du revenu agricole, ne trouve pas
d’autre solution que le malthusianisme, la mobilisation des contribuables
pour financer les stockages, les exportations, les aides extérieures
et les destructions de récoltes.
H. Tazieff ne se prétend pas économiste. Il s’abstient
donc de faire référence aux travaux des chercheurs en
ce domaine. Il y a chez H. Tazieff un mélange de lucidité
et d’ingénuité. Lucidité quand il décortique
les tares d’un régime pourri, décadent, exsudant le scandale
; ingénuité quand il croit à un sursaut de bonne
conscience pour mettre un terme, sans révolution économique,
à cette accumulation de turpitudes dont sont victimes les populations.
En fait, les vices de notre civilisation, stigmatisés sans relâche
par l’auteur, sont la conséquence d’une règle du jeu,
d’usages monétaires qu’il faut avant tout changer pour que change
tout le reste.
Ainsi la pollution est-elle associée au conflit rentabilité-utilité,
c’est-à-dire aux usages monétaires eux- mêmes. Pour
lors la dépollution n’est rentable qu’au niveau des entreprises
fournissant les coûteux matériels d’épuration.
Rappelées dans le livre, certaines propositions de l’U.F.C. ont
séduit H. Tazieff qui n’en discerne pas l’irréalisme :
augmenter les durées d’usage n’est qu’un voeu pieux face à
la rage de vendre laquelle constitue le credo de la libre entreprise.
N’exigeons pas. de même, d’une entreprise qu’elle s’intéresse
aux difficultés de transport de sa main-d’oeuvre. Enfin. l’U.F.C.
voudrait ruiner la très puissante industrie des transports routiers
au bénéfice du rail et de la voie d’eau. Le morceau est
vraiment gros à avaler.
A propos de l’information nucléaire : « ce qui m’inquiète
le plus, écrit-t-il, c’est le manque de franchise qui caractérise
la conception du programme nucléaire depuis ses coûts jusqu’à
ses défaillances éventuelles ». Et il ajoute : «
EDF et l’Etat redoutent à tel point toute clarification qu’ils
pèsent d’un poids très lourd sur les médias et
sur la Presse pour que le silence se poursuive aussi longtemps que se
pour. suit la construction des centrales que certains groupes de pression
imposent à la nation française. »
Encore à propos d’EDF : « La nationalisation a conduit
à une certaine excellence technologique mais elle a permis la
trahison des intérêts mêmes de la population au bénéfice
d’énormes intérêts privés. »
Selon H. Tazieff les sociétés suisses et américaines
pratiqueraient une tout autre démocratie ; jugement qu’il convient
de nuancer. Le panégyrique des moeurs politiques de la Suisse,
repaire de la fraude mondiale et coffre-fort de l’argent du crime, semble
quelque peu idéalisé. Les hommes d’affaires suisses, en
dépit de leur courtoisie légendaire, se sont taillés,
dans le monde, une solide réputation de rapacité. De même,
radio et télévision américaine sont peut-être
indépendantes du Pouvoir politique, mais elles sont solidement
tenues en main par le Pouvoir économique lequel commande le Pouvoir
politique, quand il ne se confond pas avec celui-ci. « En un quart
de siècle, dit H. Tazieff, les trusts internationaux ont réduit
les Etats à un rang subalterne. »
L’alternance du Pouvoir tient toujours le black power sur la touche.
Républicains et démocrates sont pareillement conservateurs,
attachés au règne de l’argent. Bien piètre idéal
qui débouche inévitablement sur un gaspillage insensé
d’énergie et de ressources naturelles. sur des guerres incessantes,
indispensables débouchés d’appoint pour l’industrie américaine,
sources d’énormes profits pour les « intérêts
supérieurs américains ».
Pour protéger la petite sécurité qu’ils possèdent,
observe à son tour Claude Mossé, les gens par paresse
ont peur de tout. De là résulte l’acceptation silencieuse
de situations inacceptables dont aucune justice ne viendra jamais modifier
le cours ».
« Ouvrez donc les yeux » : un livre qui dérange,
qui trouble le ronron de la pensée conformiste, un livre courageux,
bravant le Pouvoir, téméraire, audacieux dans ses jugements.
H. Tazieff dit tout haut et clairement ce que le public, livré
au panurgisme, ne peut exprimer au sein d’une démocratie qui
triche avec la règle.
Un livre qui ne connaîtra ni les honneurs d’APOSTROPHES ni le
tremplin de la presse bien pensante. « Ouvrez donc les yeux »
ne saurait plaire à ceux dont le souci majeur est d’enfouir dans
le sable la tête des autres.
(1) Par Haroun Tazieff, publié chez R. Laffont, éd., 1er tr. 1980.
Chronique de l’Elysée-Palace
Confidences recueillies par Jacques VEAU (ex Bonhomme) Français Moyen et rapportées par E.R. BORREDON.
Je pourrais, sans risque d’être contredit par l’intéressé,
attribuer cette boutade à Cicéron et continuant sur ma
lancée préciser que Cicéron c’est point Barre,
auquel cas rappelant Talleyrand au travers de Cambronne, conclure que
cela Bas de soie !
Mais glissons sur le contenu de ce dernier avec l’espoir que cela nous
portera bonheur !
Et revenons à nos moutons quoi qu’en pensent nos amis d’outre-Manche
qui n’ont certainement pu s’empêcher d’évoquer Waterloo.
En fait, il m’a paru honnête de vous donner des précisions
complémentaires sur ce que les historiens de mon présent
septennat désigneront sans doute comme le cas Barre.
Lorsque vous m’avez élu en 1974, je pensais sincèrement
possible un redressement rapide de la situation économique et
sociale de notre pays.
Après deux ans d’aggravation que trop d’entre vous étiez
tentés de mettre à la charge de mon incompétence,
j’ai dû me rendre à l’évidence que je ne pourrais
plus m’en tirer qu’en me mettant à l’abri d’une personnalité
providentielle d o n t personne ne serait en mesure de contester l’autorité.
Et c’est ainsi que j’ai été amené à faire
appel à la sommité qui est depuis mon Premier Ministre
et qui le restera, du moins je l’espère, jusqu’à la fin
de ce sacré septennat.
Voici d’ailleurs ce qui a emporté ma décision. Je cherchais
naturellement l’homme idoine parmi les spécialistes des sciences
économiques, me réservant le social qui est tout de même
davantage à ma portée. Je pris donc connaissance de leurs
publications caractéristiques et celle qui me frappa le plus
fut justement le Précis d’économie politique du professeur
de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de
Paris, Raymond Barre.
Je dois cependant avoue r qu’ayant entrepris de lire et d’assimiler
cette oeuvre fondamentale, je n’ai pu en dépasser les deux premiers
titres sur la quinzaine qu’en comporte l’ouvrage.
Il m’est apparu qu’il s’agissait d’une laborieuse compilation, consciencieuse
et appliquée, mais indigeste et sans ouverture d’esprit, sans
créativité, et présentant sans doute peu d’attrait
pour les étudiants qui suivaient les cours de son auteur.
Si un tel enseignement avait figuré au programme de Polytechnique,
je crains bien que je n’aurais jamais été admis au concours
de notre prestigieuse école ! Mais tout cela m’a confirmé
dans le choix d’un Premier Ministre dont j’étais assuré
que nul, parmi les autres membres du gouvernement et les élus
de la nation, ne serait en mesure, en se référant à
son oeuvre, de contester la compétence.
Sur ce point, comme nous le constatons depuis quatre ans, je ne me suis
pas trompé.
Notre économiste distingué poursuit sa route, sûr
de lui et de sa doctrine, buté sur les concepts d’une économie
de marché basée sur la rareté et la concurrence
sauvage, ignorant avec un orgueilleux dédain, quand il n’est
pas méprisant, les réalités humaines et techniques
qui condamnent tous les jours davantage ses conceptions.
Je ne donnerai pour exemple de ce comportement que la superbe ignorance
réservée par son enseignement au pionnier de l’économie
distribution Jacques Duboin, dont les conférences et les ouvrages
ont cependant marqué la moitié de ce siècle.
Mais Jacques Duboin n’était ni professeur, ni philosophe. Son
raisonnement était à base d’intelligence, de bons sens
et d’humanité, ce qui lui enlevait d’office toute valeur.
Où irions-nous si la totalité des êtres humains
pouvait bénéficier des facilités de vie qui devraient
raisonnablement découler des progrès des techniques de
production et de distribution, et s’il n’y avait plus en conséquence,
d’intérêt majeur aux promotions sociales par le savoir
faire et le savoir combiner, dont je suis personnellement, je le crois,
un exemple particulièrement convaincant ?
Que vous n’avez pas manqué de sanctionner par le vote qui, en
1974, m’a porté à la Présidence de notre République.