Editorial
Le journal « Le Monde » passe, aux yeux de beaucoup, pour un des quotidiens les plus « ouverts » et des plus objectifs. Voici pourtant un article que ce journal a refusé parce que, dit son rédacteur en chef, : « Les hommes ne sont pas assez raisonnables » ! Comment le deviendront-ils si leurs journaux ne les y aident pas ? Heureusement que « La Grande Relève » est là...
IL y a un demi-siècle, en 1929, le Président HOOVER, dans un message resté célèbre, assurait ses concitoyens de leur prospérité bien assise. Quelques mois plus tard la plus terrible crise économique terrassait les Etats-Unis et s’étendait au monde entier. Que s’était-il passé ? Le jour du crack pas un grain de blé n’avait disparu des silos, pas une brique des chantiers, pas une marchandise des magasins, pas une machine des usines, aucune crise sociale, aucun changement politique, aucune catastrophe n’étaient intervenus. Seules la Bourse et la spéculation avaient « provoqué » une crise de confiance des Américains envers eux-mêmes. Douze ans plus tard, il n’y avait plus 12 millions de chômeurs aux U.S.A., mais 12 millions d’hommes mobilisés pour la seconde guerre mondiale.
LA RICHESSE D’UNE NATION
« Le Monde » du 18 septembre a publié
un article intitulé : « La guerre pour sortir de la crise
? ». Que se passe-t-il ? Le blé pousse dans les champs,
les machines tournent dans les usines (au tiers ou aux deux tiers de
leurs possibilités). La crise sociale se concrétise principalement
dans le chômage : pas un changement politique n’est intervenu
depuis 20 ans, nulle catastrophe n’a touché notre pays. Simplement,
la valeur de tout ce qui fait la richesse d’une nation est représentée
par la monnaie, dont l’unité en France s’appelle le Franc. Cet
étalon de valeur devrait, par définition. comme tout étalon
de mesure, être invariable. Il ne l’est pas, car comme toutes
les monnaies du monde qui se dit « libre », il est soumis
à des variations constantes parce que sa valeur est « cotée
» sur les Bourses étrangères et parce qu’il est
devenu « marchandise » : il s’achète et il se vend.
On pourrait croire que ces monnaies, reflet de la richesse d’une nation,
sont émises (donc garanties, authentifiées) suivant la
« valeur globale » du produit national brut (PNB) de ladite
nation. Non, elles sont basées sur la valeur d’un autre étalon,
l’or, métal rare dont l’utilisation pratique s’est toujours réduite
à la fabrication des bijoux, des broderies et des dents. C’est
cependant le prix, à chaque heure différent, de ce métal
qui - joint aux fluctuations susdites des monnaies - provoque ce qu’on
appelle « la crise monétaire : on achète et on vend
du papier imprimé appelé monnaie, laquelle est gagée
(aimable fiction : allez donc à la Banque de France demander
100 francs d’or contre un billet de 100 francs !) sur un métal
qui s’achète et se vend aussi et qui ne peut servir à
rien. Et on veut nous persuader que le sort du monde dépend du
cours du dollar et de la valeur de l’or... ce que nous acceptons, les
yeux fermés.
D’autre part, comme on n’arrive pas à « vendre »
la production de terres et de machines que l’effort des hommes rend
toujours plus productrices (tout en diminuant la quantité de
main-d’oeuvre nécessaire à leur exploitation) , on parle
de surproduction (un quart de la planète meurt de faim et manque
de tout) et de mévente. C’est « la crise économique
» qu’on subit comme telle, les yeux fermés.
LA LIBRE ENTREPRISE
Dans les pays industrialisés, le système
économique en vigueur a pour base la libre entreprise, qui permet
à n’importe qui de produire à sa guise n’importe quoi,
n’importe comment, en n’importe quelle quantité, mais de telle
sorte que les débouchés soient assurés par une
vente nécessaire et pour un profit suffisant. D’où une
publicité démesurée, des profits souvent importants
pour les monopoles, et des faillites assurées. Le principe reste
identique dans les relations entre nations qui doivent vendre à
tout prix (c’est le cas de le dire) pour s’assurer, d’une part les bénéfices
espérés des producteurs, mais aussi les devises nécessaires
aux échanges. Il en résulte les effort pour vendre aux
autres ce dont chacune regorge (Marché Commun, avec le conflit
sur le vin, bientôt sur les fruits et légumes de l’Espagne,
du Portugal, de la Grèce) ou ce qui se fabrique en vue de l’exportation
(les armements étant notre base principale des échanges
internationaux). Le commerce national et le commerce international out
donc comme points communs la concurrence et la recherche de débouchés.
La concurrence n’existe pas en vue de mieux satisfaire les besoins.
On n’a jamais demandé aux consommateurs d’exprimer leurs besoins,
ce qui conduit, pour leur imposer les produits fabriqués, à
la publicité susdite, et aussi à un gaspillage insensé
: des gadgets parfaitement inutiles inondent le marché, et on
construit des variétés imbéciles d’une même
gamme, d’automobiles par exemple. La concurrence condamne les plus faibles
à la disparition, et les plus forts, malgré leurs concentrations,
à la hantise du dumping grandissant du fait des faibles salaires
du tiers-monde. La concurrence constitue le fondement même de
la « libre entreprise », fille de l’économie de marché,
mais impose toutes les contraintes, mères des conflits sociaux.
Dans la recherche des débouchés extérieurs, un
décèle sans effort les relents de la politique de la canonnière
(ex-colonies, puis Vietnam, Chili, Angola, etc.) et la guerre économique
mondiale en cours est analysée par les meilleurs auteurs (1)
.
Cependant, la concurrence entre les nations conduit à cette nécessité
de l’expansion, de cette croissance constante, qui ne tiennent aucun
compte des besoins : ici non plus on n’a jamais demande aux consommateurs
ce qu’ils désirent. On produit et on fait tout pour vendre. Et
comme on veut produire toujours plus, on a de plus en plus de mal à
vendre. Et comme on investit toujours plus, on fabrique l’inflation
qu’on veut combattre. Et comme la productivité améliore
le rendement de la machine par rapport à celui de l’homme, on
a le chômage, qu’on veut minimiser. Telle est la crise, créée
de toutes pièces, les yeux fermés.
L’AUSTERITE
C’est alors qu’on nous parle d’austérité. On a trop de tout, mais on manque d’argent, d’argent que tout banquier produit d’un trait de plume, que tout spéculateur gagne d’un ordre en Bourse, qu’un cultivateur touche parce que le prix de la pomme de terre a baissé, qu’un industriel réclame parce que la concurrence étrangère est insupportable... On a trop de tout, alors on détruit la dite pomme de terre parce que l’abondance fait baisser son prix, on ralentit la production des machines parce que la rareté crée la « valeur marchande », mais on travaille 40 heures parce qu’à moins le salarié ne pourrait survivre, et qu’on préfère payer les chômeurs à ne rien faire. On préfère aussi payer des travailleurs pour payer des armes. C’est vrai qu’avec toutes les industries nécessaires à la guerre - du soulier du fantassin à la tête chercheuse des fusées - on peut craindre que 20 %, des travailleurs soient mis hors d’activité le jour où on désarmerait. C’est vrai aussi que les ventes d’armes procurent les « devises » indispensables au commerce extérieur, tel qu’il est actuellement conçu, et à la « balance des paiements », exigence comptabiliste qui suffit à condamner ce régime économique. Mais on prône aussi, sans vergogne, le désarmement, tout en surarmant des gens qui n’ont d’autres ennemis que leurs gouvernements. Dans des pays qui ont vu naître Descartes, Shakespeare, Dante, Goethe ou Franklin, tels sont les faits ahurissants qu’on accepte, les yeux fermés.
L’ARGENT FAIT LOI
Les yeux fermés parce que l’argent donne, à ceux qui en ont, le pouvoir sur ceux qui n’en ont pas, parce que l’industrie et le commerce comme l’agriculture et la pêche ont comme moteur le profit, parce que la valeur des choses donne à leurs possédants le sentiment de la sécurité, parce que le mot « charité » n’a pas encore cédé la place au terme « satisfaction des besoins », parce que les efforts de l’homme pour accroître les richesses sont contrecarrés par ses efforts pour conserver, par leur rareté, la valeur marchande de ces richesses, parce qu’on n’a pas encore conçu que l’achat et la vente pourraient s’effacer devant une juste répartition, parce qu’on entretient la folie de penser à une guerre entre nations à l’abri du besoin, en place d’un effort collectif et désintéressé pour mettre un terme à cette autre folie qu’est la faim dans les autres nations, parce qu’on ne sait plus que faire des biens de consommation mensongèrement qualifiés de surabondants. Alors on nous propose, les yeux fermés, l’austérité ! Les yeux fermés, on invoque la récession...
Hypothèse de travail : éliminons la guerre. D’abord parce qu’on ne voit pas qui pourrait la faire, à qui, et pourquoi. Dans son livre VODKA- COLA, le syndicaliste international canadien LEVINSON démontre que les liens économiques établis entre les U.S.A. et l’U.R.S.S. sont si étroits et si nombreux qu’un échange de bombes ne peut remplacer « avantageusement » ces échanges de marchandises et de services. Si donc les grandes puissances financières et industrielles n’ont pas intérêt à la guerre, peut-on imaginer que les dirigeants des nations, représentants avoués ou non des dites puissances, en déclencheraient une pour eux-mêmes ? Quant aux peuples qui ont faim, et qui n’auraient que ce moyen si continuait notre carence à leur égard, ils ne sont pas encore en état de faire la guerre.
LA SOLUTION
Pour sortir sans guerre de la crise, il semble judicieux
d’en supprimer les causes. Puisque la monnaie est dangereuse parce qu’elle
est instable et convertible (le sort du CHILI d’ALLENDE attend tout
pays dont la politique déplairait à la Finance Internationale)
pourquoi ne pas la remplacer par un étalon enfin stable - parce
que basé sur la richesse de la nation - et réservé
à la consommation intérieure, c’est-à-dire inattaquable
sur les Bourses étrangères : sécurité et
indépendance seraient ainsi assurées. Puisque l’argent
thésaurisable est un moyen du pouvoir d’hommes sur d’autres hommes,
pourquoi ne pas le remplacer par une monnaie de consommation ? Réservée
à l’acquisition des biens produits, elle ne serait pas thésaurisable
car elle n’aurait sa valeur que pendant un court laps de temps, et sur
le seul marché intérieur. Le marché extérieur
pourrait alors être assuré par le système de la
« compensation » en usage constant dans les échanges
Est-Ouest. Avec les producteurs de pétrole aussi cet échange
de biens et de services remplacerait la dictature du dollar et entraînerait
la disparition de cette mini- crise, providentiellement intervenue en
1973 pour permettre de « justifier » faussement la vraie
crise, celle que nous tentons de démystifier.
Puisque la libre entreprise fait fi des besoins réels, pourquoi
ne pas faire l’inventaire de ces besoins par des sortes de petits référendums
locaux, à l’échelle de la commune ou du quartier ?
Ces besoins recensés et collationnés
par les moyens puissants de l’informatique, pourquoi ne pas en confier
la production aux organismes agricoles et industriels qui seraient assurés,
en échange de ces produits, de la fourniture des matières
premières et de la main-d’oeuvre nécessaires ? Puisque
le chômage est irréversible, si l’on Veut bien utiliser
à plein les machines pour diminuer la peine des hommes, pourquoi
ne pas reconnaître que le plein-emploi est devenu un mythe (2)
qui doit céder la place à un travail de bien plus courte
durée, et qui ne serait plus la source de la vie ?
Pourquoi en effet, puisque l’angoisse du lendemain est la condamnation
du salariat, puisque la concurrence et les « lois du marché
» menacent chaque jour chaque industriel et chaque commerçant,
pourquoi ne pas remplacer les gains aléatoires des uns et des
autres par une répartition des biens de la nation à tous
ses citoyens ? Pourquoi ne pas leur assurer ainsi la sécurité
de l’existence, tout au long de leur vie ?
Pourquoi revivre 1929 ? Les yeux fermés.
(1) Jacqueline GRAPIN et J.-B. PINATEL : « La
guerre civile mondiale ».
(2) Simon NORA l’a démontré dans son rapport sur l’Informatique.
Aux Etats-Unis, le professeur Richard BELLMAN, de l’Université
de Californie. précise que « 2 % de la population suffiraient
à produire tout ce qu’elle consomme aujourd’hui.
Nous publions ci-dessous des extraits d’un rapport du Professeur JACOB remis au Président de la République sous le titre général de « Sciences de la Vie et Société ».
Le Monde (15 novembre 1979)
BIOLOGIE ET SOCIETE
II. - Droit à la santé et qualité de la vie
« ... La conjugaison d’une formule démographique
profondément modifiée et de l’accroissement toujours constant
de la productivité du travail ne risquerait pas seulement de
rendre plus aigu le problème du « Troisième âge
». Il obligerait surtout à répartir autrement les
activités et responsabilités entre les différentes
tranches d’âge. Peut-être conduirait-il même à
considérer de manière nouvelle certaines relations, par
exemple entre travail et loisirs, que notre société refuse
de réexaminer malgré les progrès de la mécanisation
et de l’automatisation. Ou encore certaines « vérités
» aussi profondément ancrées dans notre culture
que la nécessité de travailler pour « gagner sa
vie ».
... La quantité de travail industriel nécessaire tendra,
semble-t-il, à demander moins de travail humain, moins d’intelligence
et d’entreprise de la part des individus.
» Si ce schéma doit se vérifier. on peut attendre
une profonde refonte économique des systèmes occidentaux,
ne serait-ce que par la nécessité de définir autrement
l’allocation sociale des moyens de subsistance aux membres de la collectivité.
... » Qui sait si, quelques décennies après le changement
qui s’amorce dans l’équilibre des âges, la Sécurité
Sociale n’est pas destinée à se transformer en institution
de complète prise en charge sociale de l’existence, de la
naissance à la mort des individus ? (1).
Quelles seraient alors les contreparties de service social
(1) et de formation humaine qui devraient être demandées
aux individus, à la fois pour le bien de l’ensemble et pour conserver
aux individus leur dignité humaine ?
... » C’est donc d’un remodelage de la vie sociale qu’il pourrait s’agir. »
François JACOB
Prix Nobel de Médecine
(signalé par R. Thuillier)
(1) C’est nous qui soulignons.
N.D.L.R. - Muni de ce long rapport dont nous n’avons publié que des extraits faute de place, le Président de la République va immédiatement demander à son Premier ministre d’avoir l’obligeance de bien vouloir étudier très sérieusement la mise en place rapide de l’Economie Distributive.
CHICHE !
Science et technique :
Cet article fait suite à celui publié dans notre numéro 776 « L’énergie vient aussi de la mer ». Il fait partie d’une série consacrée aux diverses sources d`énergie actuellement à l’étude et destinée à montrer qu’il n’y a pas que le nucléaire avec ses dangers qui puisse prendre la relève du pétrole.
PLUSIEURS milliers de mégawatts par kilomètre
carré, telle est la puissance théorique de la houle(*).
Sur l’Atlantique Nord par exemple, un mètre de vague soulève
une énergie de 90 kw, ce qui signifie qu’une bande de 10 km de
long pourrait fournir autant d’énergie qu’une centrale nucléaire.
Comment capter cette énergie ? Plusieurs centaines de brevets
ont déjà été déposés. Quelques-
uns ont été utilisés jusqu’à des applications
pratiques. Un livre a fait le point sur cette question : « Le nouvel
homme et la mer » par Yves La Prairie. Il rappelle que des balises
fonctionnent sur ce principe, ainsi qu’un phare dans la baie de Tokyo.
*
Les recherches les plus récentes sont effectuées
par les Anglais et les Japonais.
Le gouvernement anglais y a consacré un million de Livres Sterling
en 1974, puis 2,5 millions en 1977, ce qui a permis d’aboutir à
4 grands projets.
Le premier est celui de S. Salter, de l’Université d’Edimbourg.
Il consiste à placer, perpendiculairement au déplacement
des vagues, des caissons flottants, arrimés au sol par l’intermédiaire
d’une bouée, et susceptibles de tourner autour d’un axe horizontal.
A chaque fois qu’une vague heurte un caisson, elle lui fait accomplir
une rotation et celle-ci entraîne une pompe reliée à
un générateur d’électricité. Le rendement
en laboratoire atteint 66%. En mer, la liaison entre plusieurs caissons,
disposés en batterie, pose encore des problèmes techniques.
Le second projet est celui de Sir Christopher Cockerell. Il remplace
les caissons oscillants par des radeaux associés deux à
deux pour alimenter une pompe laquelle est entraînée par
leur mouvement relatif. Ce système a un rendement moins bon que
le précédent mais coûte moins cher, si bien que
son exploitation commerciale est en route. On prévoit que des
radeaux de 50 mètres sur 100 pourraient fournir 2 mégawatts
chacun. Pour produire 1 000 mégawatts il faudrait une surface
maritime de 2,5 km2. Si cela paraît beaucoup il convient de rappeler
qu’une centrale nucléaire occupe 2 km2... de surface terrestre.
Le kilowatt heure, avec ces techniques, aurait un prix de revient moyen,
à mi-chemin entre le nucléaire et le thermique classique.
Le projet du National Engineering Laboratory de Glasgow est celui d’une
colonne d’eau oscillante. Enfin, celui du laboratoire de recherches
hydrauliques près d’Oxford, repose sur l’utilisation des variations
de hauteur dues aux vagues, grâce à des réservoirs
munis de clapets.
*
C’est l’équivalent de quelque 4 millions de nos francs que les Japonais ont consacré, et dès 1074, à leurs recherches sur l’exploitation de l’énergie, des vagues. Il est vrai que celle-ci atteint sur leurs côtes de 27 000 km, près de 400 000 mégawatts. Ils utilisent, pour absorber cette énergie, des pistons pneumatiques qui entraînent des turbines à air, productrices d’électricité. Un prototype de 500 tonnes vient d’être lancé récemment en mer. L’Agence de la Science et de la Technique prévoit une station au large de Tsuruoka en 1980.
*
Les inconvénients de ces projets sont, outre
l’aspect peu esthétique de ces installations très étendues,
le fait que le captage des vagues près des côtes diminue
l’intensité des vagues de l’autre côté de l’installation
et abaisse de quelques degrés la température de l’eau
des plages avoisinantes.
La principale difficulté technique de tous ces projets provient
de ce que la houle est si puissante qu’elle casse tout. Aucun matériel
ne lui résiste longtemps. Il faut donc de gros investissements
pour le renouveler.
Mais les recherches se poursuivent et les progrès feront baisser
les coûts. Citons le Centre National d’Exploitation des Océans
: « Ainsi en 1973, un kilowatt produit par une centrale de la mer
coûtait dix fois plus cher qu’un kilowatt issu d’une centrale
à pétrole. Aujourd’hui il coûte deux fois plus cher
».
Les avantages de cette source d’énergie sont énormes.
Non seulement il s’agit d’énergie perpétuellement renouvelable,
mais aussi d’énergie propre et sans danger pour l’homme. De plus
sa pointe de production se situe en hiver, c’est-à-dire quand
les besoins d’électricité sont les plus grands. Enfin
la quantité d’énergie qu’on peut en attendre n’est pas
dérisoire, les Anglais ou calculé qu’avec les projets
qu’ils ont à l’étude ils pourront obtenir 750 mégawatts
!
Aucune recherche importante n’est entreprise en France dans ce domaine.
Ce n’est pas seulement parce que la politique actuelle est au « tout
nucléaire ». C’est aussi, sans doute, parce que nos côtes
ne sont pas « à vagues fortes ». Le golfe de Gascogne
ne fournirait que 30 kw par mètre.
(*) D’après A.-M. Lafaurie « les vagues, pétrole de l’An 2 000 ? »" publié par le magazine Industries et techniques, n° 388.
J’AI été amené à écrire
« La Société Amicaliste » pour répondre
à cette question : « Les hommes étant sensibles
aux inconvénients de la société où ils vivent,
pourquoi n’en changent-ils pas ? ». Je crois avoir trouvé
quelques réponses, mais, ultérieurement, mis en contact
avec le groupe de l’ECONOMIE DISTRIBUTIVE, que je ne connaissais pas
lorsque j’ai écrit, j’ai dû m’interroger à nouveau
: pourquoi la théorie géniale de Jacques Duboin a-t-elle
eu si peu d’échos ?
Je comprends qu’elle soit repoussée par les hommes politiques
et tous les privilégiés, mais les autres, cette grande
majorité d’insatisfaits brandissant en permanence, symboliquement
ou réellement des banderoles réclamant plus de liberté,
de justice, d’égalité, ceux-là, comment réagissent-ils
devant l’Economie distributive ? Par l’indifférence ou l’ironie
!!
On peut trouver et il existe, naturellement, de nombreuses explications,
mais si l’on veut aller réellement jusqu’au plus profond des
choses, j’ai bien peur que l’on ne découvre une raison fondamentale
et bien désagréable : les hommes n’aiment pas l’égalité
!
Ce n’est pas un paradoxe : lorsqu’une classe sociale se bat contre les
inégalités, elle cherche en fait à s’élever
au niveau de ceux par qui elle est dominée, à l’arrière
plan se profile le désir de renverser à son profit une
situation dont elle souffre. Ce n’est pas une vue de l’esprit, toutes
les révolutions le démontrent, et seule une toute petite
minorité de doctrinaires purs y échappent en transposant
leurs avantages sur un plan purement moral ou intellectuel.
Personne n’aime avouer, serait-ce à lui-même, qu’il est
fabriqué avec un matériau à base d’orgueil, d’égoïsme
et d’ambition, mais c’est un fait contrôlable par quiconque est
capable d’une autoanalyse sérieuse. La recherche de l’égalité
est inconsciemment ressentie comme la possibilité pour une personne
supérieure, c’est-à-dire MOI, de donner la pleine mesure
de ses possibilités, de supprimer les obstacles à son
épanouissement. C’est une expression de ce que j’ai appelé
le « Dynamisme possessif » et que l’on trouve à la
base de tous nos comportements et à l’origine de tous les problèmes
sociaux. (1)
Sous cet éclairage psychologique on aperçoit mieux pourquoi
les foules n’ont pas réagi devant l’Economie distributive avec
l’enthousiasme que cette doctrine mérite.
Elle donnerait à l’humanité un nouveau départ pour
reconstruire la société sur une base d’égalité
et de justice.
Elle mettrait fin rapidement au sentiment de pénurie qui bloque %0
Nos gouvernants voudraient nous faire croire
que, si tout va mal en France, c’est à cause du prix du pétrole.
Nous allons donc nous aussi vous parler du pétrole.
« Sur la base 100 en 1974, le coût de
la tonne de pétrole importée, vendue en France, fixée
en Francs constants, est passé de l’indice 98 en 1976 à
l’indice 85 en 1978 (soit une diminution de plus de 13 %) et restait
à l’indice 94 en avril 1979. »
C’est ce que déclarait M. Chirac lors de la discussion budgétaire
à l’Assemblée Nationale. Apparemment il n’a pas été
démenti...
*
En 1975 et 1976 les taxes prelevées par l’Etat sur l’essence et le super étaient respectivement de 56 et de 55 %. En 1977 elles étaient passées à 61 et 60 %. Ce qui montre bien qu’il n’y a pas que les producteurs de pétrole qui augmentent leurs prix.
*
Entre l’Etat et les producteurs il y a aussi les compagnies pétrolières qui se sucrent : pour le premier semestre 1979, le bénéfice net de la Compagnie Française des Pétroles s’élève à 2,2 milliards de francs (nouveaux, bien sûr) alors qu’il n’avait été que de 309 millions pour la même période de 1978. Et ce bilan ne tient pas compte de tout ce qui a été stocké.
*
C’est à peu près partout la même
chose dans le monde occidental : au moment où l’Américain
moyen s’aperçoit que le prix du fuel domestique vient de subir
une forte hausse par rapport à l’an dernier, les grandes compagnies
pétrolières américaines (les majors, comme on les
appelle) annoncent des profits énormes. Entre juillet et septembre
1979 les profits réalisés par Exxon sont en hausse de
118 % sur le trimestre correspondant de 1978 ; ils sont de 131 % pour
Mobil, de 158 %, pour Texaco, de 191 % pour Standard Oil of Ohio et
de 97% pour Gulf Oil. Le président de cette dernière compagnie
a, sans pudeur, déclaré à la télévision
américaine que ces profits sont « une bonne nouvelle pour
tout le pays ».
Malgré cela le Président Carter a beaucoup de mal à
faire accepter par le Congrès son projet de taxation des superprofits
des compagnies pétrolières. Ce qui montre bien leur puissance.
*
Toujours aux Etats-Unis, selon le « Wall Street Journal », un rapport confidentiel préparé par M. A. Kahn, conseiller de Carter sur les problèmes de l’inflation, conclut à la responsabilité d’une « poignée de compagnies pétrolières » dans la hausse importante des prix intérieurs des produits pétroliers. Selon ce rapport, les « majors » poussent les prix pétroliers vers le haut en exerçant une forte pression sur le marché mondial.
*
Les pays exportateurs de pétrole font d’ailleurs la même, analyse : ils se plaignent des bénéfices abusifs des compagnies pétrolières et y trouvent la justification à de nouvelles hausses des prix du brut. En tournée dans le Golfe Persique, le ministre vénézuélien du pétrole a déclaré que la prochaine réunion de l’O.P.E.P. « fixera le pourcentage de la hausse des prix et étudiera le moyen de mettre un terme aux abus des sociétés intermédiaires qui spéculent sur la vente du pétrole ». il a ajouté : « Ces sociétés réalisent des bénéfices fabuleux en achetant le pétrole à bas prix aux pays, producteurs pour le revendre au double, voire au triple de son prix. »
*
Au fait, ne plaignons pas trop, quand même, le consommateur américain : il ne paie son super qu’environ un franc le litre.
*
Pour payer notre facture pétrolière le Président de la République et ses ministres nous exhortent à développer nos exportations. Ce que nous réussissons assez bien puisque le « Rapport des Comptes de la Nation » pour 1978 montre que la balance commerciale est équilibrée et même en léger excédent (357 milliards de francs à l’ exportation contre 355 milliards à l’importation). Il semble qu’il en sera à peu près de même en 1979. Dans ces conditions, comme le fait remarquer L. Lammers dans « Energies » (23-11-79)) , « Il est faux de continuer à affirmer que la crise ou le stop à la croissance se trouvent dans l’augmentation des prix d’importation puisque la balance commerciale est équilibrée depuis 1975. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les privilèges accordés à l’exportation pour obtenir cet équilibre sont exorbitants du droit commun économique, et surtout représentent probablement aujourd’hui la source principale de l’inflation. Cela pour trois raisons essentielles : en créant de la monnaie de financement, en favorisant la montée des taux d’intérêt, en réduisant l’offre interne (...) Pour toutes ces raisons, l’exportation dont l’obligation ne saurait certes être contestée, ne doit pas pour autant se transformer en mythe national auquel tout est sacrifié. »
Étranger
IL faut le reconnaître, la pollution existe
depuis bien longtemps, sans doute depuis que !a vie organisée
existe. Par ses activités quotidiennes naturelles l’homme rejette
des produits ou sousproduits, déchets alimentaires, ou autres.
Il en est de même des animaux. Mais on peut penser que le système
écologique s’en accommode plus ou moins. Les poissons, par exemple,
vivent dans un milieu qui leur est encore plus ou moins propre (sans
mauvais jeu de mots) et subsistent. Le mal est venu de l’accroissement
fantastique de la population humaine et animale (par l’intermédiaire
de l’élevage) et du danger que des milliards d’individus font
courir à un système qui n’a sans doute pas été
prévu pour résister au choc.
Le deuxième facteur de pollution est, bien sur, la production
industrielle et les quantités fabuleuses de produits toxiques
pour les hommes et pour la nature qu’elle met en circulation, soit pour
être utilisés et engendrer encore davantage de pollution,
soit sous forme de déchets. On a pu croire que le phénomène
avait des effets limités dans l’espace et que les émissions
dangereuses de telle ou telle usine ne faisaient sentir leurs effets
que dans un certain rayon autour de la source. Ainsi, on pouvait se
rassurer égoïstement, en pensant que le pollueur faisait
aussi sans doute son propre malheur si bien que les pays ou les régions
qui prenaient soin de s’entourer de précautions suffisantes pour
restreindre ou limiter la pollution sur leur territoire couraient un
moindre risque et n’en faisaient en tout cas pas courir aux autres.
Piètre consolation, sans doute, mais on ne peut résoudre
tous les problèmes au mieux. Des nouvelles plus inquiétantes,
malheureusement, nous parviennent. Elles montrent clairement, en effet,
que, comme tant d’autres produits de notre activité économique
et industrielle, la pollution s’exporte. Mais là, pas de bulletins
officiels triomphants, pas de graphiques flatteurs ni de statistiques
grisantes. Cette exportation se fait sournoisement, et si jamais l’importateur
la constate et se plaint, on se garde bien de revendiquer la paternité
de toutes ces cochonneries.
On sait, depuis longtemps, que les fleuves véhiculent des tonnes
de produits toxiques et de poissons morts. Les villes baignées
par le Rhin en aval de la Rhur en savent quelque chose. Or, voilà
qu’on parle à nouveau de la Rhur, mais cette fois, pas en Hollande.
Les inquiétudes viennent de beaucoup plus loin, très exactement
de l’Alaska. Du moins, ce sont les Américains qui le prétendent.
Ils ont trouvé, dans la brume qui, chaque printemps, recouvre
l’océan Arctique au nord de l’Alaska des particules comme on
en trouve dans un air urbain pollué ainsi que de faibles quantités
de métaux lourds provenant de la combustion de fuels industriels
lourds. Emportées par les vents, ces substances auraient donc
parcouru environ 10 000 kilomètres. On n’est donc en sécurité
nulle part. Qu’elles aient voyagé aussi loin n’est pas si surprenant
que cela puisque l’on a bien recueilli en Floride et au Mexique des
poussières fines de sable saharien soulevées par des tempêtes.
Pour réduire la pollution au sol, on e cru bien faire en construisant
des cheminées d’usine de plus en plus hautes. Certaines mesurent
plus de 250 mètres, ce qui n’est pas rien. Hélas, en agissant
ainsi on ne fait que déplacer le problème et permettre
aux Norvégiens, par exemple, de profiter de la pollution créée
par les industries anglaises. Même les filtres qu’on a installés
au sommet de telles cheminées ne font qu’aggraver le problème.
lis ne retiennent, en effet, que les particules les plus grosses et
laissent passer les plus fines, généralement acides, qui
sont en même temps les plus mobiles du fait de leur taille. C’est
ainsi que, en quelques années, le degré d’acidité
de la pluie dans certaines régions du Canada et de la Scandinavie,
a doublé.
D’autre part, les craintes soulevées par les effets possibles
des gaz qu’on utilise dans les « bombes » à insecticide,
à nettoyer les vitres, etc., sur les couches supérieures
de l’atmosphère font s’attendre à voir augmenter le nombre
des cancers de la peau. Or, si les « bombes » ne se vendent
que dans les pays industrialisés, leurs effets se feront sentir
partout.
Quand les pays industrialisés polluent, tout le monde trinque.
Or, malgré la crise économique qui entraîne un certain
ralentissement de l’activité industrielle ils continuent à
polluer, peut-être de plus en plus, et, tous les jours, de nouvelles
activités dangereuses pour l’humanité démarrent
dans un coin du globe. La course à la production et à
l’exportation, sans doute nécessaire pour survivre, ne peut qu’accélérer
le phénomène. Une seule solution, rationnaliser tout cela
pour réduire la pollution inévitable au strict minimum,
et ne pas nuire à soi-même ni à son voisin. Seule
l’Economie Distributive peut permettre ce progrès décisif.
Soit dit en passant :
La Troisième, vous l’avez connue ? La Troisième
République, je veux dire. Si vous ne l’avez pas connue vous ne
perdez rien, maïs vous en avez peut-être entendu parler.
Oui, celle de Panama, de l’emprunt Russe, des bons de Bayonne, de Stavisky,
et j’en passe. Celle qui accouchait à la sauvette en 1940 sur
la route de Bordeaux, un peu encombrée à l’époque,
pour donner le jour à l’Etat Français (Travail-Famille-Patrie)
, un prématuré dans un triste état, qui devait
céder la place à la IVe, puis à la Ve dite rénovée.
Vous y êtes ?... La pourrie, quoi ! Eh bien, on va finir par la
regretter, la IIIe.
Parce que, rénovée ou pas, notre Marianne n° V, cette
fille à soldats, qui vient de fêter en famille, mais dans
!a plus stricte intimité, ses 21 carats - oh ! pardon ! - n’est
pas belle à voir en ce moment. Elle file un mauvais coton.
Qu’est-ce qui ne va pas ? Ce n’est pas la ménopause. A 21 ans,
pensez. Ni le surmenage. Ce ne sont pas les mauvaises fréquentations
non plus. Rien que du beau monde dans son entourage. Du général
deux étoiles, du gentilhomme avec particule, de l’académicien
en état de marche, de l’économiste libéral avancé
présenté par parents. Pas de nanas en blue jean, ni de
traîne-basket aux cheveux longs. Alors ? La pilule ? même
pas. On s’y perd.
On voyait bien qu’elle se laissait aller depuis quelque temps, que le
ménage n’était pas fait tous les jours, qu’elle se dévergondait,
mais on fermait les yeux. On avait oublié (les Français
ont la mémoire courte comme disait l’autre - qui donc, au fait ?)
les scandales dont elle restait éclaboussée avec ses petits
amis, ses gros protecteurs ou ses Jules.
Qui se souvenait du scandale de La Villette ? Une centaine de milliards
anciens engloutis, mais pas perdus pour tout le monde, dans la construction
d’abattoirs ultra modernes, si perfectionnés qu’ils n’ont jamais
pu être utilisés, et qui attendent que l’on trouve dans
la poche des contribuables une autre centaine de milliards pour les
démolir.
Et le scandale du téléphone dénoncé par
l’inspecteur général Jannès ? Et celui de la Garantie
Foncière ? Et les autres, les affaires Aranda, Rives Henri, de
Broglie qui dorment dans les tiroirs sous plusieurs tonnes de dossiers
poussiéreux ?
Fallait bien en finir. On n’allait pas en parler toute la vie.
Et voilà qu’une banale, histoire de diamants, offerts par M.
Bokassa (empereur de Centrafrique par la grâce de Dieu et de Giscard
d’Estaing, actuellement en disponibilité) à son «
parent », suivie du dramatique suicide d’un ministre impliqué
dans une non moins banale histoire de transactions immobilières,
éclatant comme deux gros pétards sur le perron de l’Elysée,
vient brusquement réveiller les Français assoupis devant
leur télé.
C’est malin. Juste au moment où, même si le train ne roulait
pas sur les rails, on commençait à voir le bout du tunnel.
Je veux croire, pour leur excuse, que le volatile mal enchainé
qui a lancé le premier pétard et les autres journaux qui
ont fait état de rumeurs qui circulaient déjà dans
les salles de rédaction, n’ont pas mesuré toutes les conséquences
de ce qui ne pouvait être qu’un canular. On y a cru. Même
R. Barre qui en a fait une dépression. Il n’en fallait pas plus
pour que la Bourse dégringole et que trois années de redressement
en soient compromises.
La vérité c’est qu’il n’y a pas eu scandale, mais simple
échange de bons procédés entre gens du monde qui
ont bien le droit de se faire des cadeaux pour entretenir l’amitié
et relancer les affaires.
En attendant, nous revoilà tous dans le beau merdier d’où
l’on essayait avec tant de mal de nous sortir. Allons, messieurs, pas
de vagues. Le moment serait mal choisi. Je sais, en 1934 on a failli
faire une révolution pour moins que çà. Mais ce
n’est pas en faisant tomber, fût-ce symboliquement, quelques têtes
que l’on n’a déjà que trop vues, c’est vrai, ni par une
révolution réalisée dans la confusion et le mensonge,
pas plus qu’en changeant le numéro de la République, que
l’on pourra changer des truands en petits saints et réaliser
la justice sociale que tous les programmes électoraux nous promettent
pour l’an 2 000 ou pour la saint Glin-Glin.
La IIIe République était pourrie. La Ve est en pleine
décomposition. C’est le système économique qu’il
faut changer. Ce système, dont la seule loi est celle du profit,
ne peut qu’engendrer le désordre et la corruption. Nous le voyons
une fois de plus aujourd’hui. C’est lui qu’il faut abattre. Pour lui
substituer le Socialisme de l’Abondance Seule l’Economie Distributive
peut prétendre réaliser ce rêve, ou cette utopie,
qui sera, qu’on le veuille ou pas, la réalité du troisième
millénaire.
Oui, elle a une drôle de tronche notre République.
Mais ce sont les Français qui ont bonne mine.
Alors, vite... du balai !...
Questions agricoles :
M.-L. Duboin me communique l’extrait d’une lettre,
auquel je vais m’efforcer de répondre. Un Lecteur de Champagne-sur-Seine
écrit :
« J’appartiens à un monde agricole, petit producteur de
fruits et légumes, où la lutte avec la nature est constante
(maladies, insectes, pluie, sécheresse, etc...) , ceci nous retirant
parfois le repos dominical. En somme, la lutte continuelle. Je ne pose
pas la question en matière de culture intensive où seul
le mot « rentabilité » intervient, en dépit
de toute qualité, mais d’une culture qu’on pourrait appeler biologique,
où l’on retrouve la qualité d’antan. Et à ce sujet,
j’aimerais avoir l’avis de certains camarades abondancistes : l’agriculture
n’est pas l’industrie - nous l’avons vu en Russie - et je crains que
dans ce domaine à échéance nous nous trouvions
aux prises avec de nombreuses difficultés qui seraient de nature
à modification dans le système abondanciste. Agriculture
et industrie sont, hélas ! très différentes et
exigeront une longue adaptation. J’aimerais qu’à ce sujet un
dialogue s’instaure ».
Oui, vous avez bien raison, cher camarade, et j’attends
d’autres lettres d’agriculteurs pour qu’ils nous fassent connaître
leur métier. J’en attends aussi de lecteurs ouvriers, car je
n’aime pas parler de ces problèmes en l’air.
Vos propos surprendront beaucoup des nôtres, qui pensaient que
le progrès technique avait davantage amélioré la
vie à la campagne. C’est sans doute vrai sur quelques points
: pour les machines à traire par exemple, qui suppriment une
véritable corvée, pour quelques appareils ménagers
qui aident la fermière souvent plus surmenée qu’on ne
l’imagine. Et évidemment, les machines agricoles permettent à
un seul homme de faire beaucoup plus de travail qu’autrefois. En matière
de productivité, il y a incontestablement progrès.
Mais pour l’agriculture ? Là, c’est une autre histoire. Les grands
céréaliers de la région parisienne qui ont abandonné
l’élevage et prennent des vacances ont certainement amélioré
leur sort : leurs grosses machines travaillent des centaines d’hectares
avec un personnel réduit. Le prix garanti du blé, qui
permet tout juste au petit exploitant de survivre, leur assure une rente
de productivité confortable, grâce à un prix de
revient beaucoup plus bas.
Mais pour l’exploitant qui a gardé son bétail, surtout
s’il s’agit d’élevage laitier. il faut être là en
permanence. Signalons toutefois qu’un service de remplacement fonctionne
dans certaines régions, en particulier dans la Loire, service
organisé par les agriculteurs eux-mêmes.
Il n’en reste pas moins que, pour nombre d’exploitants, les horaires
d’autrefois existent toujours : en pleine saison, de 3 heures du matin
à 10 heures du soir, en hiver, de 5 heures à 20 heures.
Hilarius, une fois de plus, urbi et orbite (céleste)
prouve ce qu’il peut ! Hilarius vient d’être mis à la retraite
par une Administration consciente de ce qu’il a suffisamment parcouru
ses couloirs, sans buts précis ou avouables ; d’autant qu’il
ne sait pas même faire du tricot derrière sa Japy, comme
ses consoeurs. Bref, retraité, Hilarius a droit à une
carte de « Retraité ».
Une carte qui, certes, ne donne droit à rien du tout, mais lui
permettrait de se faire reconnaître par les nombreux nouveaux
collègues qui l’ont remplacé (cinq gaillards). Son chef
bien aimé aurait pu la lui remettre au cours de l’hilarante cérémonie
des adieux, où chacun a pu librement exprimer le contraire de
ce qu’il pensait.
Ou, encore, ce petit bristol aurait pu être joint automatiquement
à l’envoi du titre de pension. Et que non ! Hilarius a donc rédigé
une demande en triple exemplaire dans laquelle " il sollicite la
délivrance de sa cartoline". La demande, parcourant 25 km
en 5 mois, est parvenue au Préfet départemental, lequel,
15 jours après, a demandé, par le canal de la Direction
Régionale, au Commissariat du lieu, de convoquer l’individu afin
de lui demander s’il gagnait de l’argent... après sa radiation
des cadres. C’est l’élégante formule pour « mise
à la retraite ».
Hilarius, bête mais discipliné, a fait le trajet (8 km),
a répondu " non, des clous " Réponse enregistrée
par P.-V. en 7 exemplaires et retournée au Préfet.
Avec la sagesse socratique qui l’a caractérisé, durant
cette période, Hilarius attend la suite dont il vous fera part.
Il espère apercevoir son petit bout de carton avant que ne se
réalise la vente du premier Concorde à une Compagnie étrangère.
(C’est pas demain la veille !).
Affaire palpitante qui n’apparaît stupide qu’aux primesautiers,
car Hilarius , avec elle, que l’Administration qui, verbalement, ne
cesse de simplifier ses formalités, concrètement fait
lé contraire, en contribuant heureusement à la lutte contre
le chômage. -Suivez la carte et comptez : un fonctionnaire pour
prendre la requête, un autre pour !’enregistrer (2), un chef pour
vérifier (3), un préposé pour acheminer vers le
Préfet (4), un pour enregistrer le courrier à l’arrivée
(5), un pour voir de quoi il retourne (6), un pour prendre l’initiative
d’envoi au Service (7), même mécanisme (10) à ce
stade pour expédier au Commissariat. D’où se déroule,
maintenant en sens inverse, la même marche serpentaire. Total
une vingtaine d’inactifs fonctionnaires utilisés, très
intelligemment pour accoucher, non plus d’une cocotte en papier, mais
d’un rectangle de carton !
Comment oser dire que l’Administration ne serait pas intelligente après
une démonstration aussi magistrale ? D’autant que l’opération
se répète des milliers de fois, multipliant les emplois
ainsi rendus indispensables.
Vive l’Administration française intelligente, purée !
TRIBUNE LIBRE
Réponse à J. Bourdette
JE suppose, cher lecteur, (mais peut-être me
trompé-je ?) que la réponse faite par M.-L. Duboin à
l’encontre de votre exposé, paru dans « La Grande Relève
» n° 771, ne vous aie pas pleinement convaincu, comme ne vous
convaincra pas davantage ma petite intervention. Vous demeureriez dans
la conviction qu’il faut une motivation sous forme d’argent pour faire
agir les hommes et que les responsabilités, ou les travaux nobles,
se monnayent d’autant plus vite qu’ils sont plus méritoires.
L’accomplissement réussi de ses actes n’apporterait pas à
l’homme une satisfaction suffisante en soi l’incitant à continuer
d’agir, et il se laisserait bientôt dépérir.
Mais, pourquoi donc ? J’ai personnellement eu la chance professionnelle
d’assumer des responsabilités et, aussi, d’effectuer des travaux
de création. Me prendrez-vous pour un hâbleur si je dis
n’avoir jamais ressenti le besoin, ou l’obsession, d’être plus
considéré ou mieux payé que les collègues
assurant des tâches que l’on ose encore qualifier de subalternes
? Au contraire ! Je me suis estimé privilégié du
fait que je me trouvais souvent passionné par ce que je devais
accomplir. Les difficultés à résoudre, les noeuds
à délier, les projets à établir me permettaient
de rendre effectives les possibilités de mon intellect et cela
me donnait entière satisfaction.
Serais-je un cas anormal ?
A ce compte, Pasteur, Pierre et Marie Curie faisaient partie des anormaux,
l’argent restant loin de leurs objectifs premiers. Et on en compte des
milliers d’autres qui sont ainsi fabriqués. Ne voyons-nous pas
autour de nous des personnes s’occupant bénévolement d’oeuvres
ou d’organisations charitables, de comités d’entraide ou de fêtes,
de groupes d’idées... ?
Beaucoup de gens ont une approche des choses semblable à la vôtre,
cela à cause du contexte où évolue le monde du
travail, sans espoir et moralement mort, trimant aveuglément
sans but personne ! si ce n’est pour enrichir le patronat. La seule petite
satisfaction à atteindre pour le salarie reste celle d’obtenir
une augmentation. Que discerne-t-on au bout du travail sinon la crainte
du chômage, de la répression ou de la guerre ? Aucun idéal
ne peut exister. Tout, dans notre monde, est inlassablement monnayé.
On peut dire : « la monnaie ou la vie ». Pas de monnaie,
pas de vie. Pourtant cela n’est pas inscrit dans les lois de la Nature
Ce n’est devenu « vrai » que pour le genre humain, et voilà
une discrimination entre l’animal et l’homme. Est-ce bien là
une supériorité de ce dernier ? Pas sûr. Voyez où
nous mène actuellement la monnaie à travers le monde :
inutile de faire un dessin !
La pensée se nourrit uniquement d’éléments fournis
par le milieu ambiant. Vous êtes né dans la société
de l’argent, vous pensez donc en termes de capitalisme à votre
corps défendant, même si vous le désapprouvez. Il
est indubitable que si vous étiez né aborigène
d’Australie vous penseriez exactement comme un aborigène d’Australie.
Si, par contre, vous étiez né dans une société
distributive où le facteur « intérêt pécuniaire
» n’existait pas, vous n’y penseriez pas et ne pourriez même
pas l’imaginer.
Il est indéniable que l’abondance inouïe appelle à
la mise en place de l’économie distributive. Ce sera elle, ou
la catastrophe mondiale. Cette dernière serait un immense malheur
qui ferait de la France ce que nous voyons du Cambodge à la télévision,
car les deux Grands feraient de l’Europe leur champ de bataille, et
quel champ de bataille !
Il ne faut pas l’oublier, le service social « obligé »
en économie distributive se réduirait à fort peu
de temps, trois à quatre heures par semaine. Et pourquoi ne serait-il
pas équitablement réparti pendant une période raisonnable
? Les troufions n’ont-ils pas aidé au décrassage des plages
polluées de pétrole ? Et pour quel salaire ?
Il se trouve, effectivement, qu’un petit pourcentage d’humains possèdent
une tendance marquée à la perversité : ceux qui,
dans la jungle, ont brutalement entrepris les invasions, les pillages,
mis main basse sur les avoirs des autres, inventé l’esclavage,
les guerres, le code civil, les finances pour leur seul profit... Il
ne faudrait donc pas que l’économie distributive, humaniste à
cent pour cent, exact contraire de la barbarie, verse dans les mêmes
erreurs en laissant subsister des failles dans lesquelles les pervers
ne manqueraient pas de s’infiltrer. Ils installeraient vite de nouveaux
privilèges monétaires qui déséquilibreraient
la société. Ces failles latentes se nomment déjà
, « état transitoire » et « monnayage des responsabilités
».