A peine venions-nous de publier un dossier « économie et écologie » (1) que le naufrage lamentable de l’« AMOCO-CADIZ » vient nous apporter une preuve magistrale et tristement spectaculaire du bien-fondé de nos analyses. Il suffit, en effet, de reprendre chacune des causes du désastre pour voir apparaître, sous-jacente ou évidente, mais toujours déterminante, la recherche du profit d’une minorité aux détriments de toute une population de travailleurs, marins pêcheurs, ostréiculteurs, agriculteurs, récolteurs d’algues, hôteliers, commerçants, etc... et de toute la faune et la flore d’une merveilleuse partie de la côte bretonne.
LA CONSTRUCTION DES PETROLIERS
AU niveau de la construction de pétroliers
géants, d’abord. Avec ses 230 000 tonnes, l’« AMOCO CADIZ
» n’est pas le plus gros ! On va jusqu’à 550 000 tonnes.
Huit font plus de 400 000 tonnes, trente neuf jaugent entre 200 et 400
000. C’est ainsi une cinquantaine de monstres de ce type qui menacent
les mers, représentant 55% du tonnage mondial des pétroliers
en circulation. Mais pourquoi ces tailles ? Pourquoi ne pas diminuer
les risques en ne faisant circuler que des pétroliers qu’il soit
possible de remorquer vite en cas d’avarie ? Même en cas d’échouage
le désastre, au moins, serait limité.
Seulement voilà : transporter la même cargaison en deux
pétroliers plus petits au lieu d’un seul coûterait deux
fois plus cher... Et ce point de vue prime tout. Par intérêt
financier, on oublie tous les risques, même les plus abominables.
Et les écologistes peuvent bien s’égosiller.
Augmentant la taille, on pourrait au moins investir pour augmenter la
sécurité. Les progrès techniques nous en donnent
la possibilité... Oh là, pas question ! Pas de double
paroi. Une seule hélice. Huit compartiments que la tempête
parvient vite à percer. On compte au plus juste. La sécurité
ne compte pas : « On pousse au maximum le matériel »,
disent les marins, « dans un souci d’économie et de profit.
On prend des risques de plus en plus importants. Cela, tout le monde
le sait. Et rien n’est fait. On attend les catastrophes qui ne peuvent
qu’arriver » (2).
L’EXPLOITATION
IL y a bien des lois. Elles sont faites, en principe,
pour protéger les personnes et les biens contre les initiatives
individuelles dangereuses. Mais il ne faut pas gêner les affaires...
C’est sans doute pourquoi la France a ralenti la fréquence des
révisions imposées : de une fois tous les douze mois il
y a quelques années, on l’a gentiment faite passer à une
tous les 27 mois.
Mais c’est encore trop. Alors les puissants armateurs, ceux qui ont
les moyens, méprisent tout simplement les lois internationales
de la navigation maritime. C’est très facile, il suffit de se
placer sous pavillon de complaisance. De petits pays, tels le Libéria,
le Panama ou la Grèce, font fortune en bradant leur nationalité.
Ainsi de grandes compagnies pétrolières, telle la Shell
qui affrétait l’« AMOCO CADIZ », bénéficient
de conditions fiscales honteusement anormales : on estime à quelque
10 milliards de dollars les recettes qui échappent au fisc des
Etats ainsi « dupés ».
Pour arriver jusqu’à réduire de 20 à 40 % le prix
d’un affrètement, cette soustraction fiscale s’accompagne de
tolérances juridiques scandaleuses : non seulement sur la sécurité
(une convention impose, par exemple, la présence d’un dispositif
en cas d’avarie de gouvernail comme celle qui s’est produite sur l’«
AMOCO CADIZ ») mais aussi sur les conditions de travail des marins.
D’abord, ceux-ci sont embauchés au rabais. Il n’y a pas non plus
de petits profits. On choisit donc un équipage réduit
au strict minimum (44 personnes pour ces 230 000 tonnes) et non qualifié
et en tout cas incapable de réparer une pièce endommagée.
Si bien que ces pétroliers monstres promènent sur les
mers un danger permanent mis entre les mains d’un personnel incompétent.
Il ne faut donc pas s’étonner d’une erreur de navigation comme
celle du « TORREY CANYON ». Et ces malheureux Pakistanais
ou Philippins embarqués par les négriers des temps modernes
vivent dans des conditions infernales, mal logés, dormant sur
des paillasses et travaillant sur des machines souvent bonnes pour la
ferraille. Ils y sont à la merci d’un « pacha » (3)
qui les laissent souvent attendre plusieurs mois leurs salaires... mais
ils n’ont pas le choix. Vive la société de profit qui
stimule l’ardeur au travail et exalte le sens des responsabilités
!
LA PROTECTION DES COTES
CONSEQUENCE directe ou non de la fraude fiscale dénoncée
ci-dessus, nos côtes ne sont pas suffisamment protégées.
Il n’y a pas d’antenne radar à Ouessant, malgré sa position
stratégique, et quand les guetteurs sémaphoriques ont
annoncé à la préfecture maritime le remorquage
du pétrolier, c’était trop tard. Nos côtes sont
bien balisées par des bouées excellentes... mais mal entretenues
: cela coûte cher et après une période de mauvais
temps, qu’elles dérivent ou s’éteignent, il faut attendre
souvent des mois avant qu’elles soient remises en place !
De plus, la route des pétroliers est tracée au plus court,
donc trop prés des côtes... Toujours par économie.
On entend bien dire qu’une loi va augmenter la distance minimale. Mais
il y a longtemps qu’on en parle, et en attendant, c’est toujours ça
de gagné !
Et notre Marine Nationale ? La « Royale » n’est- elle pas
là pour assurer l’intégrité du rivage en protégeant
les côtes ?
Elle n’a pas rempli sa mission. D’abord, bien qu’elle possède
de redoutables et coûteux sous-marins atomiques, elle ne disposait
d’aucun remorqueur de haute mer à Brest le 16 mars.
Et puis... et c’est là sans doute le comble : les remorqueurs
ne sont pas tenus de signaler les demandes qui leur sont adressées.
Vive la sacro-sainte Economie Libérale et que la Marine Nationale
ne vienne pas entraver ces merveilleuses tractations qui se déroulent
entre le capitaine du pétrolier, aux ordres d’un armateur en
sécurité, qui marchande, cinq heures durant, malgré
les
risques, et le commandant du remorqueur qui veut l’argent du remorquage
pour lui tout seul (et pas rien : la moitié de la valeur du bateau
et de sa cargaison !).
Ces écumeurs de mer, que nous a montrés TF1 dans l’«
Evènement », ces pirates modernes nui ne sortent que par
mauvais temps dans l’espoir de mettre le grappin sur un navire en détresse,
sont une remarquable illustration de l’économie de profit. Vive
ces chacals !
BEAUX RESULTATS
D’AILLEURS, il n’y a pas grand mal puisque armateur
et propriétaire de la cargaison seront remboursés par
leur assurance. La Lloyd a les moyens et s’en tirera.
Qui plus est, certains se frottent peut-être les mains à
la pensée que c’est un pétrolier à reconstruire
: de l’emploi en perspective ?
Quant aux Bretons... il viennent de prouver qu’ils sont en majorité
contents du régime. Et ils vont avoir du travail, pour éponger
!
Ce qui va d’ailleurs permettre encore à certains de faire de
bonnes affaires : justement la B.P. (British Petroleum, par hasard)
venait de mettre au point un dispersant qui ne coûte que 1 000
à 1 200 F la tonne. Comme il en faut 5 000 tonnes pour disperser
250 000 tonnes de pétrole, la B.P. ramassera le manque à
gagner résultant du boycott de la Shell que proposent les Amis
de la Terre.
Quant à certains consommateurs, ils préfèrent boycotter
tout ce qui est Breton, ne connaissant pas bien la géographie...
on ne sait jamais !
Merci à tous pour la Bretagne, et conservons longtemps ce beau
régime du profit.
(1) Dans notre dernier numéro, le 755 d’avril.
(2) Citation du « Monde » du 19-20 mars.
(3) Nom donné par l’équipage au capitaine du navire.
SCIENCES ET TECHNIQUES
Nous donnons ici la suite de l’article sur la Photonique commencé dans le numéro 753 et que des raisons d’actualité nous ont empêches de publier plus tôt.
LES GENERATEURS ET LES RECEPTEURS OPTIQUES
LES fibres optiques ne peuvent être utilisées
telles quelles pour transmettre les divers signaux électriques
que l’on rencontre dans le, domaine des télécommunications.
Il est donc nécessaire de disposer de composants permettant,
à une extrémité de la fibre, de transformer les
signaux électriques en signaux lumineux et inversement, à
l’autre extrémité de la fibre, de transformer des signaux
lumineux en signaux électriques. Ces composants, qui sont des
dispositifs solides, sont :
- pour l’émission de la lumière, les diodes électroluminescentes
(telles que celles qui permettent de visualiser les chiffres des calculatrices
de poche) et les diodes laser à l’arséniure de gallium
et d’aluminium dont la taille n’excède pas celle d’un grain de
sel ;
- pour la réception des impulsions de lumière, les photodétecteurs
à avalanche et les détecteurs P.I.N., qui sont des dispositifs
analogues aux cellules solaires et qui transforment la lumière
en courant électrique.
L’association de ces composants et de fibres optiques permet de constituer
des systèmes de transmission dans lesquels les photons (ou grains
de lumière) remplacent les électrons. Cette toute nouvelle
branche de la physique porte le nom de « photonique ».
LA PHOTONIQUE ET SES APPLICATIONS
LA photonique est appelée à supplanter
l’électronique dans un grand nombre d’applications :
- c’est ainsi qu’une émission de télévision peut
mitre acheminée à l’aide d’une seule fibre optique, ce
qui ouvre des possibilités innombrables tant pour le spectacle
que pour les affaires ;
- on peut envisager d’établir à l’intérieur des
grands ensembles ou des immeubles commerciaux des réseaux pratiquement
invisibles de fibres optiques permettant d’assurer divers services ;
- on peut connecter les diverses parties d’un ordinateur et ses périphériques
par l’intermédiaire de fibres optiques ; ...
C’est cependant dans le domaine du téléphone que l’on
doit s’attendre à trouver les premières applications importantes
de la photonique.
En effet, la plus grande partie du réseau d’inter-connexion par
câbles entre les centraux téléphoniques des grandes
villes est installée dans des canalisations souterraines dont
la construction devient de plus en plus coûteuse et pose de plus
en plus de problèmes à mesure que leur nombre s’accroît.
Le remplacement des câbles métalliques par des câbles
optiques, dont les dimensions sont beaucoup plus faibles et les capacités
de transmission beaucoup plus grandes, permet une utilisation plus efficace
des conduits souterrains déjà existants et retardera de
ce fait le creusement, toujours difficile dans les villes, de nouvelles
canalisations. Qui plus est, comme dans la plupart des villes les centraux
téléphoniques ne sont jamais distants de plus de sept
kilomètres, il ne sera plus nécessaire de construire des
stations intermédiaires d’amplification, ce qui va représenter
une source d’économie considérable.
LES REALISATIONS ACTUELLES
SI les premières expériences de transmissionpar
fibres optiques remontent à 1964, ce n’estque depuis trois ou
quatre ans que sont apparus sur le marché les composants permettantd’envisager
la réalisation et la mise au service dupublic de systèmes
de télécommunication parfibres optiques. Il y a actuellement
en fonctionnement aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, unecentaine
de systèmes utilisant des fibres optiques.
Comme toujours en pareil cas, il est difficile de dire avec certitude
quelle a été la première réalisation commerciale.
Peut-être est-ce la liaison établie, il y a moins d’un
an, par la Compagnie Générale des Téléphones
de Californie entre deux de ses immeubles de Long Beach distants d’environ
9 kilomètres, ou celle mise en service sur une distance de deux
kilomètres et demi par la Compagnie des Téléphones
Bell entre deux centraux téléphoniques et un immeuble
commercial du centre de Chicago ?
Cette dernière réalisation est la concrétisation
des expériences menées l’an dernier conjointement par
les laboratoires de la Compagnie des Téléphones Bell et
de la Western Electric à Atlanta. Ces essais faisaient intervenir
deux câbles optiques de 640 mètres de long, installés
dans le réseau souterrain existant et comportant chacun 144 fibres
optiques assemblées par ruban de douze. chacune des fibres pouvant
transporter 44,7 millions de bits (*) par seconde, une paire de fibres
permet d’acheminer simultanément dans les deux seps de transmission
672 communications téléphoniques. Dans ce même dispositif
expérimental, un certain nombre de fibres avaient été
réunies de Tacon à constituer un réseau de communication
de 70 kilomètres de long comportant seulement onze régénérateurs
ou amplificateurs. On n’a Pratiquement décelé aucune erreur
de transmission pendant toute la durée de l’expérience.
Au mois d’octobre dernier, un câble du même type mais ne
comportant que huit fibres et ayant un diamètre hors tout de
onze millimètres a été mis en service commercial
entre deux centraux téléphoniques de Turin distants d’environ
quatre kilomètres. Toujours en Italie, des essais ont été
entrepris sur un câble de neuf kilomètres de long travaillant
sans régénérateurs et pouvant transmettre 140 millions
de bits par seconde et par fibre, soit l’équivalent avec huit
fibres de 8 000 voies téléphoniques dans les deux sens.
En Angleterre, une série d’essais de transmission de programmes
de télévision en couleur sur une boucle de 18 kilomètres
a été tentée avec succès par la B.B.C. en
collaboration avec la compagnie Standard Telephones and Cables.
Les équipements de la B.B.C., tant dans le domaine des audiofréquences
que dans celui des vidéofréquences, ont travaillé
à la vitesse de 140 mégabits par seconde.
En Belgique, un système de transmission par fibres optiques est
en cours d’installation le long d’une route sur une distance de 10 kilomètres,
entre Bruxelles et Vilvoorde. C’est la première liaison de ce
type installée en Belgique.
Pour l’instant, le câble optique a une capacité de 480
voies téléphoniques sur deux fibres de 0.1 mm de diamètre
; vers le milieu de 1979, d’autres unités de transmission seront
ajoutées et deux nouvelles fibres parmi les sept que comporte
le câble seront mises en service, ce qui portera la capacité
du câble à 1 920 voies.
ON peut espérer à brève échéance
réaliser quelques progrès dans la fabrication des fibres
optiques permettant de diminuer sensiblement les pertes de lumière
mais cela ne changera pas fondamentalement la technologie des systèmes
dont nous venons de donner un aperçu.
Par contre, les recherches en cours dans un certain nombre de laboratoires
universitaires ou industriels, sur l’optique intégrée
et le traitement des signaux lumineux à l’intérieur de
couches minces (que l’on peut considérer comme l’équivalent
ontique des circuits de la microélectropique) font prévoir
une véritable révolution dans la pourtant très
jeune photonique.
On peut en effet penser que ces nouveaux circuits optiques permettront
un jour de supprimer les conversions courant électrique - lumière
et lumière-courant électrique.
qui plus est, des recherches théoriques et expérimentales
viennent d’être entreprises sur la possibilité de commuter
(c’est-à-dire d’acheminer dans une direction ou une autre) directement
des impulsions de lumière. L’aboutissement de ces recherches
serait le remplacement des centraux téléphoniques (électromécaniques
ou électroniques) actuels par des centraux optiques, ce gui permettrait
de raccorder un plus grand nombre d’abonnés à un même
central et d’acheminer les communications à des vitesses beaucoup
puis grandes que celles que nous connaissons aujourd’hui.
(*) le bit ou digit linaire désigne les nombres 0 ou 1 qui sont les deux seules quantités utilisées pour coder les informations à transmettre ou à traiter.
Commentant l’échec des écologistes (qu’il
représentait au sein du collectif Ecologie 78), Brice LALONDE
a déclaré le 13 mars à Antenne 2 : « Nous
abordons des problèmes généraux, très difficiles,
nous n’avons pas nous-mêmes les réponses. Et un mouvement
qui pose des questions nouvelles sans avoir réponse à
tout, il est normal qu’il ait du mal à se frotter à la
politique ».
Quel aveu d’impuissance ! Si, après avoir dénoncé
les méfaits du profit, Brice LALONDE avait proposé d’instaurer
l’économie distributive, peut-être les écologistes
auraient-ils réalisé de meilleures performances aux législatives
!
*
Selon la F.A.O. (Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture), le nombre des personnes sous-alimentées
dans le monde est passé de 400 millions en 1969 à 455
millions en 1974.
L’enquête fait apparaître que la tendance croissante dans
les zones rurales à nourrir les bébés au biberon
plutôt qu’au sein a des répercussions tragiques sur la
malnutrition infantile dans les groupes à faibles revenus, le
lait utilisé dans ces groupes étant le plus souvent malsain
ou excessivement dilué.
Dans le même temps, dans les pays de la communauté économique
européenne on cherche par tous les moyens à diminuer la
production de lait.
Apparemment cela ne trouble pas les représentants des soixante-huit
pays a la Conférence des Nations Unies sur le blé qui
viennent d’ajourner leurs travaux jusqu’en septembre prochain.
Ils n’arrivent pas à se mettre d’accord bien qu’ils aient accepté
de fournir une aide de 10 millions de tonnes de céréales
par an (objectif fixé en 1974 !). Jusqu’à présent,
seuls deux pays ont présenté une offre, les Etats Unis
pour 4,47 millions de tonnes, et le Canada pour 750 000 tonnes.
En ce qui concerne le blé, l’accord entre les Etats Unis et la
Communauté Européenne paraît difficile car les Européens
estiment que des mécanismes de stockage et de déstockage
doivent être mis en place pour maintenir les cours dans une fourchette
de prix impérative. Les Etats Unis, premiers exportateurs mondiaux,
souhaitent que les cours restent libres.
Comme on le voit une fois de plus, ce qui compte, c’est le profit !
*
Les représentants en armements de tous ordres sont persuadés, ou veulent se persuader, que leur activité est tout aussi normale que la vente des parfums, des automobiles ou des machines-outils. Ils n’agissent, pour la plupart, que sous l’impulsion de leur gouvernement. C’est qu’ils donnent du travail aux ouvriers et qu’ils font rentrer de précieuses devises dans les coffres nationaux !
*
L’idée reste ancrée que, pour se maintenir
armé, il faut armer le monde. Si les gouvernements ont pris la
responsabilité directe de la vente des armements, c’est qu’ils
sont poussés non seulement pas les constructeurs et par la recherche
de devises, mais aussi par la nécessité de maintenir l’emploi.
Il est bien connu que dans certains pays les « lobbys »
syndicaux ne sont pas les moins insistants.
En France, les ventes d’armement à l’étranger font travailler
90 000 personnes et représentent près de la moitié
de nos importations de pétrole. L’exportation d’armements tait
vivre plus de 80% des usines de la S.N.I.A.S.
*
Après toutes ces nouvelles attristantes, quelques
informations qui nous confirment que nous sommes toujours sur la bonne
voie :
- Dans une étude publiée à Genève par le
Bureau International du Travail, Vassily LEONTIEF, professeur à
l’Université de New-York, prix Nobel d’économie en 1973,
après avoir affirmé que le progrès technique supprimait
plus d’emplois qu’il n’en créait, préconise une réduction
du nombre d’heures travaillées par semaine et du nombre de jours
de travail dans l’année.
*
En Allemagne Fédérale, le conflit qui
a secoué l’ensemble de la presse a été essentiellement
provoqué par le problème de l’adaptation des nouvelles
techniques de fabrication des journaux.
Le conflit s’est terminé le 21 mars dernier par la signature
entre représentants syndicaux et patronaux d’un compromis qui
prévoit que les revenus des ouvriers imprimeurs seront garantis
jusqu’à leur retraite.
Cette disposition est sans précédent dans l’histoire sociale
allemande.
*
C’est en fait le début d’une véritable
révolution : la même revendication d’un revenu garanti
est maintenant reprise par les ouvriers de la métallurgie allemande.
Les syndicats veulent obtenir l’assurance que les travailleurs qualifiés
verront maintenir leur niveau de vie, bien que les innovations technologiques
les amènent à n’exercer que des fonctions plus élémentaires
en supervisant des systèmes de production animés par l’électronique
et les ordinateurs.
Les syndicats allemands commencent en effet à s’apercevoir que
la thèse classique, défendue par le patronat, selon laquelle
il est absolument nécessaire d’investir pour créer des
emplois, correspond de moins en moins à la réalité
et que, tout au contraire, les entreprises cherchent avant tout à
investir pour acquérir des équipements qui suppriment
la main-d’oeuvre.
Il n’est que temps que les syndicats français adoptent les mêmes
positions.
Étranger
UN article paru en novembre 1977 du SCIENTIFIC AMERICAN,
sous la plume d’Eli Ginzberg, traite du problème de l’emploi
dans l’économie américaine ou la composition de la population
active a considérablement changé avec l’arrivée
d’un plus grand nombre de femmes et de jeunes sur le marché du
travail et l’incapacité où se trouve l’économie
de la nation à créer suffisamment d’emplois qui soient
« bons », c’est-à-dire des emplois sûrs mais
surtout bien rémunérés.
Désireux d’effectuer une relance, le Président vient de
décider la création d’emplois publics pour une dépense
de 10 milliards de dollars. Cette mesure est une véritable petite
révolution tant elle contraste avec l’attitude de précédents
présidents, dont M. Nixon, qui refusait de ressusciter les «
balayeurs de feuilles mortes » des années 30.
Pour mieux comprendre cette orientation nouvelle, Eli Ginzberg étudie
l’évolution du marché du travail aux Etats-Unis entre
1950 et 1976. Il constate que, au cours de cette période, le
pourcentage d’emplois civils s’est élevé aussi vite que
la population en âge de travailler mais que le taux de chômage
a plus que doublé. A présent, on manque cruellement d’emplois
et surtout de « bons » emplois, principalement dans le secteur
privé où seulement 3 emplois sur 10 nouvellement créés
répondent aux critères du « bon » emploi alors
que dans le secteur public la proportion est de deux tiers.
Entre 1950 et 1976, la population active est passée de 62 à
95 millions d’individus, soit une augmentation de 33 millions dont 13
millions d’hommes et 20 millions de femmes (environ une femme sur deux
travaille maintenant contre une sur trois en 1950). Dans la même
période, le nombre des jeunes de 16 à 24 ans dans la population
active est passé de 11,5 millions à 23 millions, soit
une augmentation de 100 %. Une des conséquences de cette évolution
est l’accroissement du nombre des demandeurs d’emplois à temps
partiel qui sont 3 fois plus nombreux que les demandeurs d’emploi à
temps plein. Une autre est la redéfinition du « taux de
chômage acceptable » qui est passé de 4 à
5 °fo pour tenir compte de l’entrée massive des femmes et
des jeunes sur le marché du travail. Selon que l’on adopte un
chiffre ou l’autre on trouve quand même, sur 27 années,
7 ou 14 années pendant lesquelles le taux réel de chômage
a dépassé ce seuil, malgré l’effort indéniable
de l’économie pour absorber ces nouveaux venus.
Tout en s’essoufflant à cette tâche, le secteur privé
a créé deux fois plus de « mauvais » emplois
que de « bons ». Les écarts sont importants. En 1976,
un « bon » emploi rapportait 176 dollars par semaine, un
« mauvais » 114 seulement. Cette dernière catégorie
se rencontre dans le secteur des services et surtout de la vente au
détail. Voilà qui n’est guère rassurant. Par contre,
les emplois publics, et singulièrement ceux qu’offre le gouvernement
fédéral, sont dans l’ensemble « bons ».
Les perspectives d’avenir sont que le nombre des jeunes arrivant sur
le marché du travail va nettement diminuer d’ici 1990 et que
le nombre des femmes actives va croître en même temps que
leurs ambitions car elles recherchent de plus en plus de « bons
» emplois.
L administration Carter s’est lancée dans la création
d’emplois pour plusieurs raisons. D’abord, elle compte ainsi accroître
les revenus de consommateurs modestes (pour leur faire plaisir ?) ensuite,
elle veut réduire le nombre d’allocataires secourus (mais l’argent
versé en salaires ou en allocations ne vient-il pas de la même
source ?). Elle veut également résorber un chômage
qui atteint à présent 7,3 millions d’individus en donnant
un emploi à 3 millions d’entre eux d’ici 1981, date à
laquelle elle pense avoir « rééquilibré »
le marché du travail. Mais elle ne pourra pas grand chose (et
le secteur privé encore moins !) pour les 17 millions d’Américains
et d’Américaines qui ne font pas encore partie de la population
active mais le voudraient bien. Décidément, l’abondance
est partout.
Le problème de l’emploi ne sera pas facile à résoudre
aux Etats-Unis et, conclut Eli Ginzberg, les secteurs public et privé
s’y emploieront sans succès. Il recommande donc l’innovation
sans dire exactement quoi. Ici, à « la Grande Relève
», nous avons des propositions à faire.
Soit dit en passant
Le peuple souverain a voté... Et la vie continue.
A ce jour, autant que je puisse en juger de visu, rien de ce que nous
ont promis, au cours de la campagne électorale les augures patentés
de chaque parti si nous n’étions passages, je veux dire Si nous
votions pour leurs adversaires, n’est encore arrivé. Mais tous
les espoirs restent permis.
Aujourd’hui, un mois après la grande tombola du 19 mars. alors
que tout le monde s’est remis de ses émottions ou de sa surprise,
je me demande lequel du vainqueur vainqueur du vaincu est le plus heureux
du résultat, ou le plus soulagé.
Parce qu’il va falloir, pour le nouveau gouvernement, ranimer le franc,
relancer les affaires, trouver du boulot pour les chômeurs. porter
le SMIC à 2 300 ou 3 000, francs qui dit mieux ? - Bref. tenir
ses promesses, et même celles des antres.
Il va avoir du patin sur la planche, le nouveau gouvernement. Et je
souhaite beaucoup de plaisir à M. le Premier Ministre. On l’attend
au tournant. Et comme la recette-miracle pour réduire l’inflation
sans augmenter le chômage, et vice-versa, n’existe pas dans les
traités d’économie politique à l’usage des élèves
de Sciences-Po, on ne voit pas comment il réussirait mieux que
ces prédécesseurs.
Alors ? Ça va être dur pour tenir le coup. On pourrait
reprendre à son intention le refrain irrespectueux d’un chansonnier
de l’entre-deux guerres à l’adresse de je ne sais plus quel grand
homme politique de l’époque que le chef de l’Etat venait de charger
- déjà ! - de sauver la France
« - Fais pas le couillon, t’as une bonne place ! ».
Je crois me souvenir, soit dit entre parenthèses, sans vouloir
décourager M. le Premier Ministre, que le grand homme politique
en question n’a pas réussi à tenir le coup plus de deux
mois mais j’ajoute, pour rassurer, s’il en était besoin. nos
lecteurs, qu’il s est trouvé beaucoup d’autres sauveurs pour
lui succéder.
Faut-il pour autant s’abandonner au pessimisme ? D’abord, nous ne sommes
plus soirs la IIIe République, mais, si j’ai bien compris, sous
la Ve, ce qui devrait changer tout.
Ça ne change rien. Quel que soit le numéro dont on l’affuble
et les étiquettes qu’on lui colle, qu’elle se dise libérale
avancée ou socialiste en retard d’une révolution, notre
République, rafistolée tant bien que mal avec des remèdes
de bonne femme par des énarques distingués, est incapable
de sortir de l’économie de marché, et merdoie depuis plus
d’un demi siècle dans la plus affligeante pagaille que l’on puisse
rêver. Et dont elle crève.
Une preuve ? Un parlementaire, si j’en crois mon journal habituel, a
déposé, avant de partir en campagne, au bureau de l’ancienne
Assemblée Nationale, un projet de loi sur la récupération
des déchets.
J’ignore, à l’heure où j’écris, ce qu’il est advenu
de ce beau projet, et même si le député qui en assume
la paternité a récupéré son siège,
ce qui serait justice, après tout. Mais j’espère que,
toutes affaires cessantes, la nouvelle Assemblée adoptera ce
projet à l’unanimité. En pleine marée noire, il
ne peut pas mieux tomber.
Seulement attention. Récupérer les déchets, c’est
un premier pas contre le gaspillage, ce qui peut nous entraîner
loin dans un système économique dont la seule raison d’être
est le profit et où les techniques modernes condamnent à
produire de plus en plus pour la seule satisfaction des besoins solvables,
alors que les besoins réels ne sont pas tous satisfaits, à
créer des besoins nouveaux, grâce à la publicité
envahissante, enfin à détruire les « excédents »
aux frais des contribuables, comme de bien entendu.
Alors, récupérer les déchets...
Je ne suis pas contre, remarquez. Mais à une condition : qu’un
de nos parlementaires, s’il s’en sent le courage, dépose un projet
de loi sur la récupération des coups de pied au cul qui
se perdent.
Lectures
Aujourd’hui : Vodka-Cola, de Charles Levinson, publié par les Editions Stock.
IL fallait y penser. « Produisez dans la région
du monde où l’efficacité du coût est la plus favorable,
c’est-à-dire en Europe de l’EST, et vendez dans celle où
les profits réalises sur les ventes sont, après comparaison,
les meilleurs, donc en Occident industrialisé ». Mise en
pratique par les Multinationales, la formule allait déboucher,
à partir des années 70, sur la plus rocambolesque des
opérations politico-économiques jamais imaginées,
tracassant défi asséné aux idéologues.
De quoi s’agit-il ? D’opérations de troc ultrasophistiquées,
mariant des multinationales américaines, européennes et
japonaises, directement aux gouvernements des pays « communistes
» de l’EST. Le troc consiste, ici, à échanger des
conditions d’implantation favorables et la mise à disposition
d’une main-d’oeuvre à coût et charges réduites,
contre une technologie, l’envoi de machines et de personnels aptes à
assumer la bonne marche de coproductions, de co-entreprises, aptes à
veiller aux normes de qualité exigées pour la vente des
produits sur les marchés occidentaux.
Effectuées par les réseaux commerciaux des grandes firmes
capitalistes, ces ventes de produits made in Hongrie, Pologne, Roumanie,
Tchécoslovaquie, URSS, Yougoslavie sont appelées à
rembourser les crédits à long terme, publics ou bancaires,
dollars et eurodollars accordés aux multinationales pour couvrir
leurs dépenses d’implantation dans les pays de l’EST. Selon Lévinson,
l’endettement cumulé atteindrait quelque 60 milliards de dollars.
Au rythme où se développe ce type d’investissements, le
découvert risque davantage d’augmenter que de diminuer ; il explique,
mieux que les arguties des « experts », l’inflation dont
l’Occident est victime.
Succèdant à 20 années de guerre froide, de violences
verbales contre les communistes de l’EST, la détente exigée
par les étroits rapports industriels et commerciaux entre l’OUEST
et l’EST est- elle du moins garante d’une paix durable ? Ch. Lévinson
l’affirme. L’Occident, explique-t-il, ne saurait faire la guerre à
un débiteur qui s’est engagé à lui rembourser 60
milliards de dollars en marchandises au cours des 10 à 15 prochaines
années, pas plus d’ailleurs qu’il n’est question de détruire
les installations, le co-patrimoine des multinationales implantées
en pays communistes. Craignons, en revanche, que las de l’exploitation
dont il est l’objet, tant de la part de ses gouvernants que des Multinationales,
l’ouvrier ne se rebelle, exigeant de ses gouvernants qu’il soit mis
fin à son servage. Alors la dénonciation des accords négociés
pourrait constituer un casus belli. Il sera tentant, pour l’EST, d’user
de ce biais pour se libérer de sa dette.
Une pareille situation exige donc à la fois détente et
vigilance. En s’implantant à l’Est, les multi-nationales ont
semé un germe de guerre, assez pour procurer au complexe militaro-industriel
occi-dental la justification qui lui faisait defaut face a la constance
des declarations pacifiques (« l’avalanche de paix ») des
dirigeants du Kremlin, de Staline a Brejnev. Ainsi tout va-t-il bien
pour le capitalisme assure de ses débouches d’appoint : armements
à l’Ouest, vodka-colonisation a l’EST. On a « transformé
des consommateurs inintéressants en producteurs peu coûteux
». On « exploite les travailleurs de l’EST pour exploiter
mieux encore ceux de l’OUEST ».
A cette action concertée correspond un Pouvoir économique
supra-national. Ch. Levinson en décrit la composition, les buts,
les rouages, la liturgie et les rites. Commission trilatérale,
groupe de Bildeberg, grandes Fondations et leurs annexes, Gouvernement
de Washington, c’est une sorte de confrérie réunissant
une élite mondiale : banquiers, hommes politiques, chefs des
plus grandes entreprises, universitaires et jusqu’à des syndicalistes
de renom, triés sur le volet, cow-boy chargés d’encadrer
le troupeau, de l’amadouer, d’empêcher qu’il ne rue dans ses brancards,
durant que d’autres ont pour tâche de distraire son attention,
de l’abrutir, de paralyser sa réflexion.
Quant aux gouvernements, leur rôle se borne à suivre le
coche, à entériner les accords de co-production après
que ceux-ci aient été conclus, à camoufler devant
l’opinion, la nature et la portée de ce genre d’opérations
ignorées des parlements eux-mêmes, enfin à pratiquer
une politique d’austérité salariale en vue de combattre
l’inexorable montée du chômage. Témoin le cas de
l’Italie : « Le pays connaît un curieux phénomène
qui réside dans un excès de travailleurs inemployés
à la recherche de patrons volatilisés. Le potentiel industriel
et financier du pays s’est dispersé entre la Pologne, l’URSS,
la Hongrie et les paradis fiscaux, laissant sur le sable de l’Adriatique
les ouvriers qui n’ont pas les mêmes possibilités de voyager.
Pirelli, Montedison ne sont pas K.O. mais OUT et il faudra vraiment
que le P.C. restaure un climat social sûr, pour que les capitalistes
transalpins et internationaux se laissent convaincre de réinvestir
». (p. 321)
Il ne reste plus aux Syndicats qu’à mettre le riez hors de leur
bocal, à présent que le couvercle vient d’en être
soulevé, et s’ils ne craignent pas la lumière crue.
VODKA-COLA ? un livre grinçant, corrosif, décapant, de
nature à déclencher une lame de fond pouvant balayer les
fantoches agités par les grands prêtres de ce veau d’or
que nos démocraties ont placé au pinacle. VODKA-COLA ?
Une information exceptionnellement dense. A lire absolument pour qui
recherche un fil conducteur dans l’imbroglio politique et économique
du monde d’aujourd’hui.
LES Français ont la réputation d’être
individualistes, et il y a certainement là un fond de vérité.
Pourtant, il n’est pas très difficile d’unir un groupe quelconque
: il suffit simplement de l’opposer à un autre. Pour critiquer,
pour mépriser, pour haïr, l’union naît spontanément
et, le plus souvent, disparaît avec l’objectif. Ce phénomène
est observable dans les plus petits villages où les clans sociaux,
ou religieux, ou professionnels, s’entre-déchirent allègrement
sauf s’il s’agit de contrer !e village voisin. Et ainsi de suite à
chaque niveau de toutes les liaisons horizontales ou verticales, lesquelles,
comme chacun sait, convergent sur l’Etat. Rien d’étonnant donc
à ce que ce dernier fasse l’unanimité contre lui, quitte
à proclamer et réussir de temps à autre l’Union
sacrée contre le dernier ennemi héréditaire de
service.
Le même empressement, hélas, ne se rencontre que rarement
lorsqu’il s’agit de s’unir non plus CONTRE quelque chose ou quelqu’un,
mais POUR une action constructive. On part à la guerre avec la
fleur au fusil, mais on retrousse ses manches en renâclant et
surtout en lorgnant l’attitude du voisin. Les programmes de reconstruction
n’enflamment jamais les foules, et si d’innombrables films ou récits
font revivre les épopées guerrières, combien rares
sont ceux qui retracent des actes positifs !
LE VOTE « CONTRE »
S’IL est un domaine où le comportement cidessus
est particulièrement évident, c’est bien celui des campagnes
électorales. On a dit et écrit que la France était
coupée en quatre. Faut-il en conclure que chacun des quarts exerce
son choix selon la consistance du programme concret présenté
par les candidats ? Oh certes, tous font des promesses : les unes pour
le court terme en se gardant bien de préciser comment, dans le
cadre de l’économie de marché, elles pourront être
financées ; les autres pour un avenir plus lointain en se gardant
bien de préciser quels seront les faits nouveaux susceptibles
de rendre alors possible ce qui ne l’a pas été jusqu’à
maintenant. Alors on peut être à peu près certain
que, dans leur très grande majorité, les électeurs
votent CONTRE. Contre les tenants actuels du pouvoir par lassitude ou
rancoeur, ou contre l’épouvantail du collectivisme politique
volontairement présenté comme la seule alternative de
progrès économique et social.
Rien d’étonnant, sous cet angle, à ce que depuis prés
d’un demi siècle les adeptes de J. DUBOIN aient l’impression
de prêcher dans le désert. Ne voua-t-il pas en effet des
farfelus qui ne sont contre personne et accueillent les bonnes volontés
venues de tous les horizons politiques pour une oeuvre constructive
de longue haleine nécessitant une très large union ! Face
aux destructeurs épris de chambardements purs, n’osent-ils pas
brandir la possibilité d’améliorer le sort de tous sans
léser quiconque grâce au plein emploi des capacités
de production enfin libérées du carcan financier !
S’UNIR POUR L’ECONOMIE DES BESOINS
CETTE constatation est tellement vraie que notre analyse
critique du système économique actuel, indispensable pour
comprendre les assises de notre synthèse, est généralement
beaucoup mieux admise que cette dernière par notre entourage.
Tant que nous faisons le procès du PROFIT, et proclamons la nécessité
de détruire l’économie de marché, les contradicteurs
sont rares (et pour cause, puisque nous nous appuyons essentiellement
sur des faits absolument indéniables, même par les plus
enragés). Tout commence à se gâter dès que
nous abordons la construction de l’Economie des Besoins, conséquence
pourtant quasi-mathématique de l’analyse précédente.
Pourtant, il ne faudrait surtout pas perdre tout espoir de réussir
un jour notre percée dans l’opinion publique, bien au contraire.
Observons par exemple l’audience grandissante prise ces dernières
années par les mouvements se réclamant de l’Ecologie.
A l’origine de leur succès une constatation analogue à
la nôtre : celle d’une faillite de notre civilisation, incapable
de sauver l’essentiel et même d’assurer la survie de l’espèce.
Et puis ensuite, de-ci, de-là, des actions concrètes pour
régénérer telle rivière, ou sauvegarder
telle grande forêt, ou infléchir l’urbanisation sauvage,
etc... Il est hors de doute qu’un très grand nombre de responsables
des mouvements écologistes connaissent nos thèses et sont
conscients de leur efficacité pour gagner la course de vitesse
engagée en matière de protection de la Nature. Leur percée
peut donc servir à la fois de modèle et de moteur à
la nôtre si nous savons, comme ils l’ont fait, ne jamais manquer
une occasion de communiquer notre foi.
DIALOGUE SUR LE COOPERATISME
PEU informé de la doctrine du coopératisme
(système fondé essentiellement sur le développement
des coopératives de consommation), le public ignore généralement
l’ampleur de son programme, dont l’objectif final est une transformation
complète de l’économie. Comme l’a écrit un de ses
plus illustres théoriciens, Charles Gide,« la coopération,
par sa réalisation intégrale, impliquerait la fin du régime
du profit, en tant que seul moteur de l’activité, économique,
pour lui substituer la seule préoccupation des besoins à
satisfaire ».
Pour bien comprendre en quoi consiste cette « réalisation
intégrale », il faut imaginer une vaste fédération
de coopératives de consommation, que pour la clarté de
l’exposé nous supposerons autarcique ; et qui est approvisionnée
en partie par les usines qu’elle a créées elle-même,
en partie par l’ensemble des entreprises (dont certaines peuvent être
organisées en coopératives de production), des cultivateurs
et des artisans. Toutes les personnes impliquées dans la production
sont membres des coopératives de consommation.
Arrivé à ce stade, qui peut paraître encore un peu
théorique, ce système réalise l’économie
des besoins, avec ses caractéristiques fondamentales : le double
mouvement « vertical. » des produits, qui deviennent la
propriété de la collectivité des consommateurs
avant d’être répartis entre les individus ; la production
mise au service de la consommation, et libérée de la concurrence
; la possibilité d’écouler les produits, dont les prix
sont fixés par les consommateurs associés.
Au lieu de considérer « économie distributive »
et « économie des besoins » comme deux expressions
équivalentes, je crois qu’il serait préférable
de voir dans la première la forme la plus parfaite de la seconde.
En effet, si le coopératisme répond à la définition
que j’ai donnée de l’économie des besoins, il ne réalise
pas nécessairement une répartition équitable. Il
n’a pas aboli le salariat, et il laisse subsister des problèmes
que l’économie distributive, avec sa rigueur plus grande, permettrait
de résoudre. Mais il est clair qu’il lui a préparé
le terrain.
La réflexion sur les analogies et les différences des
deux systèmes nous ouvre des horizons très intéressants
tant sur le plan de l’action que sur celui de la propagande :
1. On peut concevoir sur le plan local et à titre de mesures
transitoires - j’y reviendrai à l’occasion - des réalisations
de caractère coopératif, susceptibles de devenir ultérieurement,
par des transformations appropriées, des îlots d’économie
distributive.
2. Les structures fédérales adoptées par les organisations
coopératives s’accordent avec une conception fédéraliste
de l’économie distributive, qui s’impose à nous si nous
voulons éviter l’écueil du centralisme. Les expériences
à la fois progressives et diverses que nous pourrions tenter
dans des zones d’étendues restreintes s’inséreraient très
naturellement dans le schéma d’ensemble d’une économie
fédérale.
3. Enfin. pour donner à notre programme un aspect plus réaliste
et plus crédible, il y aurait avantage à le présenter
comme une forme élaborée du système coopératif.
DEBAT SUR LE COOPERATISME
LA mesure transitoire proposée par P. Herdner
pour parvenir à l’Economie Distributive, via le coopératisme,
vient trop tardivement. L’échange plus juste, mais l’échange
quand même, sur lequel repose le coopératisme ne peut plus,
à notre stade productif, assurer le passage des produits à
la consommation.
Nous remercions notre ami P. Herdner de sa collaboration qui nous amène
à préciser les conditions et caractéristiques du
système de répartition distributif. Rendons leur contenu
aux expressions
- Coopération : « Méthode d’action économique
par laquelle des personnes ayant des intérêts communs constituent
une entreprise où les droits de chacun à la gestion sont
égaux et où le profit est réparti entre les associés
au prorata de leur activité. » (« A chacun selon
ses oeuvres », ajouterons- nous).
- Coopérative : « Groupement d’acheteurs, de commerçants
ou de producteurs visant à réduire les prix de revient
».
Ces deux définitions sont du : LEXIS (Larousse 1975).
Nos objections :
Des deux rôles de la production dans le cadre de l’échangisme :
- Création des produits et d’articles de consommation de toute
sorte.
- Création des revenus permettant leur acquisition. seul le premier
est potentiellement existant : le second est en voie d’amenuisement
constant par suite de la mécanisation de l’appareil productif.
Le problème que nous vivons, difficulté,
voire impossibilité d’accès aux produits et services,
du fait du défaut de solvabilisation par la production, ne saurait
être résolu par une plus avantageuse possibilité
d’achat des coopérateurs ayant encore un emploi, ou par une meilleure
rentabilité pour les coopérateurs producteurs.
L’écart entre le volume de la production et les revenus qu’elle
crée est indépendant du mode de gestion, il croît
avec la mécanisation elle-même. Ce processus irréversible
condamne les coopérateurs d’aujourd’hui à être rejetés
de la production de demain, car : « Celui qui ne peut acheter,
ruine ceux qui voudraient vendre » (commerçants ou coopératives).
Nous courons vers le chômage massif qui bloque l’échange.
Il n’est plus temps de tenter, même sous l’appât de l’amélioration
du standing des privilégiés qui touchent encore un salaire,
de mettre en place des unités de vente et de production, en vue
de leur mutation distributive ; alors que la capacité de la consommation
solvable en se restreignant, entraîne faillites et réduction
de l’activité productrice.
Le chômage, la mévente, les artifices de solvabilisation
au détriment de la stabilité de la monnaie sont là.
Ils nous commandent impérativement de développer un mode
de répartition des biens, indé. pendant de la seule solvabilisation
par la production. Autrement dit : le passage radical à l’Economie
Distributive.
Tout en étant reconnaissant à notre ami P. Herdner pour
son active collaboration, nous ne regrettons pas que les faits soient
plus révolutionnaires que les hommes. Et nous rappelons à
ce sujet l’analyse du coopératisme faite par J. Duboin.
En relisant J. Duboin
« Les coopératives sont nées de
l’observation banale que voici : Si le commerçant me vend ses
articles si cher, c’est qu’il prélève un bénéfice
sur moi : quelle en est la raison ? C’est qu’il achète lui-même
en plus grosse quantité que je ne puis le faire. Si donc mes
amis et moi pouvions réunir nos achats, nous nous adresserions
au producteur lui-même, et nous ferions l’économie des
bénéfices que les intermédiaires prélèvent
sur nous. Les coopératives de consommation se sont donc multipliées
et ont fait le commerce en ristournant leurs bénéfices
à leurs adhérents. N’est-ce pas perfectionner l’échange
en le rendant plus équitable, sans sortir du cadre du régime
capitaliste ? Voyons maintenant quelles auraient été les
conséquences du mouvement coopératif, si ses progrès
avaient pu s’étendre aussi bien à la consommation qu’à
la production.
« Faisons une supposition : tous les consommateurs solvables sont
devenus des coopérateurs et achètent en commun. Et les
autres ? Oui, que deviennent ceux à qui la production moderne
ne fournit aucun revenu parce qu’ils n’y prennent aucune part depuis
qu’elle n’a plus besoin d’eux ? Que deviennent les chômeurs, les
jeunes sans emploi, les patrons et les rentiers ruinés ? Qu’importe
que la coopérative permette d’acheter dans les meilleures conditions,
s’ils ne peuvent rien acheter du tout ! Au moment où le progrès
technique fait disparaître les consommateurs solvables, il semble
vain de limiter les réformes à l’amélioration de
la condition de ceux qui le sont encore ; c’est un peu comme si l’on
remplaçait dans un radiateur qui fuit, l’eau ordinaire par de
l’eau distillée. En second lieu, que deviendraient les commerçants
et les intermédiaires de toute nature qui auront été
remplacés par les coopératives ? Et leur personnel ? Il
est évident qu’ils disparaissent, mais le régime n’ayant
pas disparu en même temps, ils iront grossir l’armée des
chômeurs et des patrons ruinés. Ainsi les derniers clients
devenus coopérateurs seront obligés de prendre en charge
le nombre toujours croissant de ceux qui n’ont plus de pouvoir d’achat.
« Plaçons nous maintenant dans l’hypothèse où
tous les producteurs capitalistes auraient été incorporés
dans les coopératives de production. Utilisant évidemment
l’outillage moderne que la science met à notre disposition, la
production coopérative ne créerait pas un client de plus
que ne le fait la production capitaliste, puisqu’il serait inutile d’embaucher
du personnel supplémentaire. Comment les coopératives
réussiraient-elles à vendre toute leur production ? En
plaçant un patron, des administrateurs, un comité de gérance,
un syndicat d’ouvriers, une association de consommateurs à la
tête d’une entreprise, on modifie simplement ses organes de direction,
mais la technique utilisée par la production est obtenue par
les mêmes moyens. Or, comme c’est l’ensemble du processus de production
qui solvabilise les besoins des clients, l’impossibilité de répartir
une production abondante subsiste toute entière ».
Ces lignes sont extraites de « Demain, ou le Socialisme de l’Abondance », édition de 1944, pages 138 et 139.
Un de nos abonnés fait une suggestion à
partir de l’affirmation suivante qui ne parait pas contestable : dans
un pays moderne, aux institutions demo-cratiques comme celles de la
France, qui aurait remplacé l’économie de marché
par l’économie distributive, il est impensable que les travailleurs
des services publics envisagent d’avoir recours a la grève, comme
l’ont fait récemment ceux de l’EDF. On ne peut douter que les
Français aient désapprouvé ces grèves qui
leur étaient imposées par un très petit nombre
de travailleurs au mépris de l’interêt général
dont ils se réclament parfois.
Cet etat d’esprit devrait rendre les français plus réceptifs
aux theses de l’économie distributive exposée par la plume
et par la parole de nos militants. Dans ces conditions ne serait-il
pas nécessaire et urgent de faire prendre conscience aux françaises
et aux Français du fait que le grand developpement dès
services publics au cours des dernières années a eu des
conséquences insoupçonnées et auxquelles la population
n a pas prêté attention, comme le montre Jean-Marie Bressand
sous le titre « Les Otages » dans l’article remarquable
du « Monde » du 17 décembre 1977 où il développe
les points suivants :
« Il y a des syndicalistes qui se sont aperçu que seules
les grèves « payantes » sont celles ou le public
n’est pas seulement témoin, MAIS OTAGE. Et leur tactique consistait
dès lors à faire endurer au plus grand nombre de citoyens
possible et même à l’ensemble de la population un certain
nombre de désagréments, de contraintes, de dommages, de
souffrances et de pousser l’avantage jusqu’aux limites de l’intolérable,
AFIN QUE LA PRESSION PUBLIQUE S’AJOUTE A CELLE DES GREVISTES.
Ce n’est ni très moral ni très démocratique ; mais
c’est un fait que les grèves des services publics sont devenues
de véritables « PRISES EN OTAGE » du peuple français
».
Avec le développement de la technique, la grève
de certains services publics prend l’aspect dune véritable calamité
nationale du fait de quelques uns qui ont entre les mains le pouvoir
de paralyser le pays. Cela pourrait peut-être permettre de faire
obstacle à un danger fasciste, mais aussi de favoriser la prise
du pouvoir par un parti minoritaire, dans l’illégalité.
(Voir ci-dessous la note de la rédaction).
Citons encore cette réflexion pertinente de J.-M. Bressand :
« Quand on pense au luxe de précautions entourant, au niveau
du Président de la République, l’opération qui
provoquera la guerre atomique, on reste confondu que personne ne se
soit avisé que la guerre sociale et économique peut être
déclenchée à tout montent par une toute petite
minorité qui détient dans ses mains, pratiquement sans
contrôle, le sort de la paix civile ».
Ajoutons que l’auteur, ne se bornant pas à critiquer, propose
une juridiction similaire à celle dès conseils de prud’hommes
pour régler les conflits collectifs survenant dans les services
publics.
Un conviendra qu’une telle juridiction cesserait d’avoir une utilité
quelconque dans une societe beneficiant d’une economie distributive,
en raison dé la complète transformation de la mentalité
des travailleurs qui résulterait du changement, de genre de vie
qui aurait mis fin au règne de l’argent et aux privilèges
d’une classe. Les revendications incessantes, en vue d’un pouvoir d’achat
qui est. sans cesse compromis par l’inflation structurelle propre au
systeme capitaliste, ne s’imposeraient plus aux travailleurs puisqu’ils
seraient assures de fa satisfaction de leurs besoins essentiels avec
équité.
Ceci devrait encourager les français à exiger de leurs
nouveaux élus qu’ils prennent position sur l’économie
distributive qui s’impose chaque jour davantage. Elle respecte la dignité
des citoyens par l’attribution à chacun deux d’un revenu social
(de base et d’émulation) qui a sa justification dans le lait
que chacun de nous a droit à sa part d’usufruit dans l’énorme
patrimoine légué par les générations précédentes.
NDLR - Il en serait tout autrement si ces grèves totales étaient remplacées par des GREVES DE GRATUITE. D’abord de telles grèves seraient plus logiques, dans le système capitaliste : nées d’un contrit entre l’Etat-patron et ses employés, elles seraient supportées par celui dont les travailleurs sont mécontents et non pas par les usagers qui ne sont pas responsables du conflit. Mais en plus ces grèves de gratuité mettraient les usagers du côté des travailleurs et montreraient ainsi à tous qu’un service public peut être au service du public, gratuitement, comme en économie distributive. Cette thèse est développée sous l’impulsion de Joseph Pastor, par les Groupes de Salariés pour l’Economie Distributive.
« LE Monde » (1) annonce des mesures,
en substance celles-ci : Prêts de 20 000 F sur vingt-cinq ans,
sans intérêt. L’Etat prend en charge intégralement
les cinq premières annuités de remboursement. A partir
de la sixième année et pendant vingt ans, l’emprunteur
n’a à rembourser, au maximum, que 83 F par mois. Cette somme
ne peut aller qu’en diminuant. La qualité de l’habitat sera améliorée
et supérieure à ce qu’elle aurait dû être.
Voici, résumées, les dispositions prises le 9 décembre
1977 en Conseil des Ministres.
Ainsi pour la première fois en France un gouvernement, que ses
adversaires estime encore gaulliste et même de Droite, a pris
conscience de la misère de l’habitat des Français et a
décidé des mesures financières importantes et intéressantes
quoique sans atteindre encore les 65 années de prêt pratiquées
en Allemagne fédérale. Mais ces dispositions s’opposent
diamétralement aux habituelles libéralités réservées
à la sidérurgie, au patronat hôtelier ou à
M. Marcel Bloch-Dassault.
Simultanément c’est un coup décisif porté aux calomniateurs
prêchant une nouvelle Economie politique. Des mesures de cette
nature, sans bouleverser le système financier, s’inscrivent cependant
en contradiction de ses principes pour obtenir une atténuation
des lésions qu’il engendre.
*
Malheureusement, il reste à dire que cette
mirifique démocratisation de l’aide au logement », les
millions d’intéressés l’attendront encore longtemps d’un
gouvernement Raymond Barre.
Il s’agit, en réalité, très humblement, d’une indemnisation
allouée à 2 000 bénéficiaires. « Bénéficiaire
» est peut-être même excessif, puisque étant
relatif aux malheureux « couillonnés » par Albin
Chalandon, ex-ministre de l’Equipement et du Logement, géniteur
irresponsable de la maison individuelle à bon marché (*)
.
Pour étouffer l’affaire dans l’oeuf et au sein de la cathédrale
de Montpellier, que les souscripteurs occupaient depuis une semaine,
le gouvernement a tout simplement décidé de payer la note
des escroqueries en cascade que cette initiative, mal conduite, avait
suscitées.
(1) « Le Monde » du 11-12-77 communiqué par M.-R. Lepage.
(*) N.D.L.R. - Et allouée est excessif aussi, car il s’agit d’un prêt et les « intéressés » ne sont pas d’accord, ne s’estimant pas responsables des malfaçons.