La Grande Relève
   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
AED La Grande Relève ArticlesN° 755 - avril 1978

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N° 755 - avril 1978

La rançon de l’industrialisation pour le profit.   (Afficher article seul)

La voie du salut   (Afficher article seul)

Tout solaire, un projet quantitatif   (Afficher article seul)

Pas question d’État centralisateur   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Nucléaire ou pas ?   (Afficher article seul)

Pouvoir d’achat sans travail   (Afficher article seul)

Les Américains ne sont pas tranquilles   (Afficher article seul)

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NOTRE DOSSIER : Economie et écologie

Sous ce titre, un groupe d’écologistes indépendants nous fait part de ses réflexions sur la société industrielle et propose ses solutions à la crise actuelle. Ce sont ces solutions qui ont manqué aux écologistes, d’où leur échec face au public électoral.

La rançon de l’industrialisation pour le profit.

avril 1978

LA mort dans notre assiette, dans ce que nous buvons, dans l’air que nous respirons ; les écosystèmes détruits, la terre devenant invivable, un environnement irrémédiablement dégradé. A dire d’experts, cette perspective, à peine futuriste, exprimerait la rançon de l’expansion, de l’industrialisation dans laquelle nous serions irréversiblement engagés.
Une chose est certaine : en dépit de sa science et de sa technique, l’homme ne sera bientôt plus on mesure de corriger, ni globalement, ni coup par coup, les déséquilibres écologiques engendrés par des pollutions dont op persiste à traiter les effets sans en dénoncer et combattre les causes. A l’origine des pollutions : les exigences du profit, celles do la société de l’argent et de ses gaspillages.
Cette civilisation industrielle qui nous est imposée au nom de l’expansion, du plein emploi et du profit, sans autre finalité que d’alimenter le commerce du crédit, coûte horriblement cher et les nuisances qu’elle engendre lui assignent des limites.
C’est dire que les esprits devraient être mûrs bientôt pour considérer autrement qu’à la manière d’un passe-temps, la recherche d’un modèle économique vraiment novateur. En fait, cette recherche prend place désormais parmi les tâches prioritaires, comme la plus urgente.

QUALITE DE LA VIE

Dressons le bilan de ce que nous apporte aujourd’hui la civilisation du profit.
Bruit, pollutions tous azimuts, nourritures frelatées, fruits sans saveur, endettement perpétuel pour la majorité des ménages, affres des échéances, criminalité croissante, agressions publicitaires, allongement de la durée des transports, cadences de travail, dépeuplement rural, migrations, chômage, béton remplaçant les arbres, circulation démente, 300 000 blessés chaque année sur nos routes, un million d’accidents du travail.
Personne ne connaît plus personne. Commerçants et acheteurs s’épient. Chaque jour s’allonge la liste de nourritures devenues inabordables aux budgets modestes. Des centaines de milliers de jeunes ménages ont besoin d’un logement décent. Des grèves, des mécontents, des révoltés partout.
Tout devient hors de prix : voyages, distractions, livres, réparations. Plus on augmente les salaires et moins il en reste : impôts, taxes, assurances, cotisations, intérêts d’emprunts, contraventions, charges, pourboires, frais de scolarité, parkings, péages et profits enlèvent d’autorité la majeure partie de la paie. Théâtre, cinéma, restaurant sont du luxe.
La forêt est saccagée, les planes sont polluées, les sites et la nature massacrés. Le monde est rempli d’éclopés, de voisins hargneux, de névrosés, de dingues, de malades de toutes sortes. Les jeunes ont perdu le respect de la liberté du prochain le sens de l’honnêteté, celui de la communauté. Ils veulent de l’argent, beaucoup, et tout de suite.
On impose à chacun mille formes d’assurances qu’il est tenu de souscrire, sous peine d’être exposé aux pires calamités. Pourtant, la meilleure des assurances n’est-elle pas l’entraide communautaire, cette entraide que rejette l’économie mercantile où tout doit nécessairement s’acheter et se vendre pour que des parasites ou des coquins tirent profit de vos malheurs ?
La scène politique retentit d’invectives que se lancent à la tête les partis se disputant le Pouvoir. La politique dite de droite encourage et favorise le profit maximum et, à travers lui, ceux qui ont licence d’en tirer pour eux l’essentiel. La politique de gauche vise à étêter cette accumulation, à réduire les inégalités sociales. Elle cherche à compenser les aléas de l’existence, à minorer la part de la chance. Or, qu’est-ce qui est en cause ? C’est l’exploitation, à des fins mercantiles, du besoin, de travail. des malheurs de la multitude, exploitation qui constitue le fondement même de l’économie libérale capitaliste. La gauche se propose bien de changer, mais avec des outils inadaptés ! Elle continue. en effet, à composer avec le profit, admettant qu’il reste indispensable à la formation des revenus dans un système dont elle se garde de mettre en question les structures fondamentales : le système des prix, la nature et le rôle de la monnaie le lien entre les revenus salariaux et la durée de l’emploi, entre les revenus et le niveau des prix, entre les prix et les coûts.
Par le biais du marché, la production s’ordonne ainsi plus pour satisfaire les besoins de luxe et de puissance des nantis que pour satisfaire les besoins élémentaires des défavorisés. Détournée de son rode. la production n’est qu’un simple maillon dans la formation du capital. Tout devient alors prétexte « à faire de l’argent » : gaspillages, productions inutiles et nuisibles. Au nom de l’emploi, alibi combien commode, on foule aux pieds les idéaux que défendent écologistes et pacifistes. Au nom de !a rentabilité, on massacre la nature. Qu’importe la vie ; c’est l’argent qui compte !

IL Y A URGENCE

Nous commençons à payer le prix des inévitables excès et dérèglements de la société libérale.
Ayant détruit, massacré, pollué, semé d’innombrables maladies, souillé la nature, empoisonné nos aliments, la civilisation industrielle périra de ce gigantisme qu’elle a engendré. Elle disparaîtra sous la masse indéfiniment croissante de ses nuisances et de ses propres déchets.
C’est vers un butoir que nous nous précipitons tête baissée pour nous y fracasser ; non pas le butoir de la pénurie annoncée par le Club de Rome, mais le butoir marquant la limite d’adaptation de l’être humain au gigantisme imposé par la société de l’argent.
« L’utopie ou la mort », titrait hier René Dumont. Si, aujourd’hui, une révolution économique apparaît utopique aux yeux des grands-prêtres de l’argent et du profit, le mouvement écologique entend bien en faire, demain, une réalité, grâce au groupe de pression qu’il représente.
Il nous faut rassembler toutes les victimes de la « règle du jeu » : possédants, paysans, cadres âgés, jeunes à la recherche d’un revenu, chômeurs, expropriés, expulsés, accidentés de la route et du travail, armée des assistés sociaux que l’on assassine à petit feu et tous ceux qui s’estiment en proie à l’insécurité permanente, en un groupe de pression unique dont la mission consistera à préparer les voies de cette révolution économique.
La nouvelle société à naître n’est ni la société de l’An 2000 ni même celle de l’horizon 85. Elle devrait pouvoir s’établir, avec cadre institutionnel, économique, au terme d’une période de préparation, d’information et de rodage n’excédant pas six mois, c’est-à-dire dès demain.
Pris au piège des nuisances et des mille problèmes qui, déjà, s’abattent en avalanche sur nos destins, ce n’est ni dans un siècle, ni dans dix ans, qu’il convient de les prendre à bras-le-corps, mais tout de suite.
Cette civilisation va vers son anéantissement, à moins d’un sursaut de conscience qui extirperait l’aiguillon de ce corps gangrené et disciplinerait l’abondance pour la mettre au service d’une politique d’allègement de la tâche de chacun, au profit des activités libres et bénéfiques pour tous.

A LA RECHERCHE DE SOLUTIONS NOVATRICES

« Toutes les conditions sont réunies pour que l’homme, grâce à l’apport de la technique, puisse surmonter les obstacles qui l’ont empêché, pendant des siècles, de vivre autrement que dans la crainte du lendemain. Seuls. des imaginatifs peuvent contribuer à construire les structures souples qui sont aujourd’hui désirables », écrivait Louis ARMAND (1). De tels appels formulés depuis une quinzaine d’années n’ont guère, apparemment du moins, infléchi la pensée conservatrice vers la recherche de solutions vraiment novatrices, c’est-à-dire économiquement révolutionnaires.
On aurait tort d’attendre l’écroulement de notre système économique par un accroissement du chomage, une aggravation des pénuries ou même par des crues de production que les techniques monétaires, l’ouverture de débouchés étatisés dans le domaine de l’armement, du spatial, des grands travaux, de l’aide extérieure, des gaspillages, trouvent encore le moyen de masquer.
Quant aux attaques visant le profit capitaliste sans mettre en cause la règle du jeu elle-même, attaque menée par les syndicats et les partis de gauche elles ne débouchent jamais nue dans les culs-de-sacs du réformisme, dans le bricolage fiscal. Ni les uns ni les autres n’ignorent, en effet, qu’une partie des travailleurs dont ils défendent les intérêts, vit de l’investissement des profits non consommés et des industries de luxe et que toute la fiscalité pesant sur les entreprises se répercute, à travers les prix, sur les consommateurs à revenus fixes.
Sur le plan humain, la règle du jeu des institutions capitalistes est à condamner : elle encourage ou stimule les gaspillages, elle est source d’injustices et de guerres implacables, elle confère un visa de rentabilité à des activités amorales, elle exploite le besoin, la faiblesse, les malheurs, la crédulité et élève tous ces actes au rang d’exploits récompensés par le profit.
Chacun doit être convaincu qu’il n’est à attendre de nos institutions économiques actuelles qu’une dégradation accélérée de notre environnement, l’insécurité pour tous les biens, une constante menace sur la vie en général.
C’est ce réflexe humain de conservation de la vie auquel il faut faire appel, les faits se chargent de témoigner qu’il n’est d’autre issue qu’une révoIution économique pour échapper à des dangers dont la source se situe au niveau d’institutions économiques qui font de l’homme un loup pour l’homme et un destructeur de la nature.

LA NECESSITE D’UNE MONNAIE NON CIRCULANTE

Toutes les fois qu’une crise économique vient frapper d’hébétude des populations laborieuses incapables de discerner la raison pour laquelle elles doivent, en plein effort et en pleine abondance, subir un dur rationnement, la sauvegarde de la monnaie est présentée comme l’argument-clé qu’opposent aux contestataires les hommes du Pouvoir.
Le propre d’une monnaie circulante est bien sûr... de circuler. Les choses se compliquent du fait que cette circulation doit être entretenue par tous les moyens puisque, de cette circulation qui va d’un « support » à un autre, dépend la formation des revenus. Les niveaux de vie, l’écoulement des produits, les offres d’emploi, la production des biens et services, l’entretien et l’expansion des outillages, tout en dépend par conséquent.
Or, cette circulation demeure livrée aux caprices de circonstances assez souvent étrangères aux processus de production (disposition du marché des consommateurs, fréquence des vols, transactions occultes, héritages, jeux, fiscalité, parafiscalité, etc...). Elle est surtout affectée par des crues de production responsables de l’effondrement des prix et des profits.
Les avatars de l’économie sont ainsi les effets du caractère circulant de la monnaie, de cette pratique selon laquelle, pour former son revenu, chacun doit attendre d’un autre qu’il se dessaisisse d’une partie du sien. Autour du flux monétaire gravitent les activités utiles, inutiles ou nuisibles, morales ou immorales, créatrices ou destructrices.

LES SOLUTIONS PROPOSEES

Marx a cru résoudre la question en imaginant un communisme sans prix ni monnaie, relevant de l’infantilisme. E. Bellamy a su faire preuve de plus de discernement en découvrant qu’il fallait simplement ôter à la monnaie son caractère ambulatoire pour en faire un instrument au service exclusif de la consommation, en attribuant à chacun des droits à consommer non transférables d’un individu à l’autre. Les niveaux de vie deviennent, de cette façon, directement dépendants du volume atteint par une production libérée de ses gaspillages, de son malthusianisme, de ses freins financiers, reconverti à des fins utiles, au lieu de dépendre de l’aptitude à circuler d’une certaine masse monétaire.
Analysant les conséquences des progrès techniques foudroyants des dernières décennies, constatant que, pour la première fois dans l’histoire, la production croissait en même temps que le chômage, Jacques Duboin comprit que la seule façon cIc procurer aux hommes libérés par la machine, le pouvoir d’achat qui leur est dû, était de s’engager dans cette même voie.
Nous sommes riches collectivement d’énergie, ri^ terres fécondes, d’outillages, de cerveaux et de bras. Nous parvenons au seuil d’une civilisation exaltante préparée par des générations de techniciens, d’inventeurs, de prospecteurs opiniâtres et de travailleurs obscurs qui, les uns et les autres, se sont associés à travers les continents, par dessus les frontières et les idéologies. De cette civilisation humaine enfantée dans le besoin et dans la peine, nous avons demain, libérés de nos chaînes, à récolter les bienfaits.
C’est pourquoi, un demi-siècle après Bellamy, J. Duboin engageait le combat pour l’Economie Distributive.

CONSÉQUENCES D’UNE MONNAIE DISTRIBUTIVE

Le modèle proposé sous ce nom procure (voir p. 16) :
- la sécurité du revenu pour tous, quelle que soit la conjoncture en matière de débouchés et d’emploi  ; y compris pour les agriculteurs ;
- la suppression des impôts, des assurances, des caisses de retraite, de la bureaucratie de la Sécurité Sociale, des services financiers des entreprises, de la publicité obsessionnelle, de l’endettement, de l’usure, des agios, des aléas de la Bourse  ;
- le statut d’individu à part entière pour les femmes au foyer, les étudiants, les chômeurs involontaires et les retraités, qui perçoivent tous leur revenu personnel  ;
- la réduction de la durée du travail, la possibilité de travail « à la carte » grâce à la suppression de millions d’emplois antérieurement consacrés à faire circuler l’argent en poussant la consommation jusqu’à l’absurde ;
- la réduction des délais de stockage, la solution complète du problème des excédents de production, et ainsi la possibilité d’aide réelle au Tiers-Monde ;
- la baisse des prix, et même la gratuité immédiate pour les produits et services non susceptibles de devoir être rationnés par un prix ;
- l’atténuation des gaspillages, l’allongement des durées d’usage, l’essor des inventions, la diffusion large et rapide des découvertes  ;
- la recherche de l’équilibre écologique, d’une production agricole saine, la lutte contre les pollutions, la défense de l’environnement ;
- la fin de la délinquance, des crimes crapuIeux et de la violence, l’humanisation des rapports sociaux débarrassés de la rivalité et de l’appât du gain ;
- l’allègement des fatigues inutiles, la gratuité des soins médicaux, le développement de la médecine préventive ;

- le libre accès de tous à la culture, à l’information, aux sports et aux loisirs.
Un ordre de valeur fondé sur d’autres critères nue la recherche d’un profit monétaire ne peut qu’améliorer le climat social, et familial, moraliser les activités, apprendre les vertus de l’entraide et contribuer ainsi à l’épanouissement de tout être humain.
Modèle pour une société à la fois socialiste, libérale et communautaire, l’utopie d’E. Bellamy, conçue il y a plus d’un siècle, reste la plus attachante et son adaptation à notre époque ne soulève guère de problème. Et, comme l’a montré J. Duboin, elle apporte la solution quasi-immédiate aux crises qui préoccupent les Etats : prix, chômage, désordres monétaires, gaspillages, destruction des équilibres, insécurité et conflits.

(1) L. ARMAND et M. DRANCOURT, dans « Plaidoyer pour l’avenir ».

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Soit dit en passant

La voie du salut

par G. LAFONT
avril 1978

Pendant toute la campagne électorale qui vient de se terminer, alors que les grandes vedettes de la politique tenaient le devant de la scène, que les baratineurs de place publique envahissaient les écrans de télévision, se bousculaient devant les micros, étalaient leur sourire satisfait sur les murs des vespasiennes, que les batteurs d’estrade et les illusionnistes de foire nous proposaient leurs plans de redressement, avec la manière de s’en servir, cinq ans de crédit et service après-vente, les chers-zélecteurs en ont eu pour leur tiers provisionnel de promesses et de lendemains qui chantent.
Tous les exclus de la société d’abondance, les smicards du libéralisme avancé, les handicapés, les demandeurs d’emplois, les petits retraités, les jeunes, les vieux, les entre-deux âges, et même les autres - faut oublier personne - ont reçu leur petit cadeau de Noël au moins en belles paroles. Et c’est l’intention qui compte, non ? C’est drôle - vous ne trouvez pas  ? - comme la mémoire revient vite aux politiciens en période électorale.
Maintenant que les lampions sont éteints et que le rideau est retombé, si on parlait un peu de choses sérieuses ?
Tous les candidats, sans exception, nous ont annoncé - hou ! fais moi peur ! - ce qui nous pendait au nez au cas où leurs adversaires politiques prendraient le pouvoir : le chômage, l’inflation, la misère, et le pain sec, si c’était la majorité. La faillite, la guerre civile et l’hôpital psychiatrique, si c’était la gauche.
Alors, il ne nous reste plus qu’à faire le dos rond et à attendre l’apocalypse ?
Minute. Faut quand même pas s’affoler. Il y a encore de l’espoir.
Tandis que la campagne électorale battait son plein, à grand renfort de « Marseillaise », M. Michel DEBRE prenait la parole a son tour, comme c’était son droit. L’ancien Premier ministre du général de Gaulle n’a pas parlé sur une estrade de Pantin ou à Verdun-sur-le-Doubs, mais à la tribune de l’Assemblée Nationale. C’est sans doute la raison pour laquelle la grande presse n’a pas accordé à ses propos toute l’attention qu’ils méritaient.
M. DEBRE, apôtre de la natalité, et qui ne peut pas s’endormir le soir tant que la France n’aura pas cent millions d’habitants, M.  DEBRE vient d’avoir une idée qui pourrait aider à la réalisation de ce rêve en proposant un nouveau mode de scrutin, le vote familial qui consiste à donner aux géniteurs un nombre de bulletins de vote correspondant au nombre d’enfants mineurs.
Qu’en pensez-vous ? J’ai idée, pour ma part, qu’avec le vote familial, la France sera sauvée, une fois de plus. C’est la voie du salut. Tous les couples de l’hexagone vont, sans plus attendre se mettre au travail, par esprit civique, pour donner au pays des millions d’électeurs supplémentaires qui, on l’espère, voteront bien, au risque de bloquer les urnes en 1982.
Ça serait rare si, avec un pareil électorat, le «  Chant du Départ », la Croix de Lorraine, le clairon de Déroulède, la grosse caisse de M. Ceyrac et - Démocratie Française » en sautoir, la France votait massivement à gauche la prochaine fois.
On ne sera peut-être pas sauvés pour autant. Tous ces petits Français sortis de l’urne depuis 1978 et devenus électeurs à part entière, il faudra leur trouver du boulot quand ils arriveront sur le marché du travail, plutôt que de les payer à rien faire.
Mais il sera toujours temps d’y penser le moment venu quand ils commenceront à faire des barricades.

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NOTRE DOSSIER : Economie et écologie

Nous publions ci-dessous le résultat du travail de la commission « Energie » des Amis de la Terre. Ce texte nous a été communiqué par leur secrétaire, notre camarade P. Samuel, professeur de mathématiques à l’Université de Paris-Sud (Orsay).
Dans une société dont l’objectif ne serait plus la recherche effrénée du profit, les besoins en énergie pourraient, enfin, être ainsi raisonnablement évalués. Cette étude montre qu’alors ils n’entraîneraient pas les conséquences désastreuses qu’on peut craindre aujourd’hui.

Tout solaire, un projet quantitatif

par P. SAMUEL
avril 1978

L’ANALYSE de ce qu’on appelle le progrès montre qu’il a été jusqu’ici intimement lié à la quantité d’énergie dont dispose chaque être humain. De 3 000 kilocalories par jour au paléolithique, elle s’est élevée à 12 000 au stade agropastoral, à 25 000 au stade artisanal (1750), à 50 0000- à l’ère industrielle charbonnière, pour atteindre 100 000 avec le tout-pétrole contemporain. Renouvelables

jusqu’au 18e siècle (exploitation des plantes et des animaux, moulins à vent et à eau), ces énergies ont, depuis, de plus en plus dépendu des sources non-renouvelables, de ces « trésors cachés » que sont les mines de charbon, les nappes de pétrole ou de gaz, et les gisements d’uranium. Comme l’or du Nouveau Monde pour la monarchie espagnole, cette pléthore d’énergie à vil prix a des effets dévastateurs, bien connus sous le nom de crise écologique.
Mais sommes-nous inéluctablement engagés dans le cycle infernal, dans l’escalade de la consommation d’énergie ? Des limites externes variées, des butoirs, font que l’appel aux sources non renouvelables devra s’arrêter tôt ou tard, probablement plus tôt que tard. Parmi elles, il y a des contraintes de ressources :
- réserves de pétrole et de gaz ne couvrant que quelques décennies de la consommation actuelle ou prévue ;
- réserves de charbon plus abondantes, mais limitées à quelques siècles ;
- juste assez d’uranium pour alimenter les programmes nucléaires jusqu’à 1995-2005 sans surrégénération ; certes, la surrégénération multiplierait par environ 50 le contenu énergétique des réserves d’uranium  ; mais l’importance des « temps de doublement » ferait qu’elle serait très lente à mettre en place ; elle impliquerait un retraitement de combustibles très irradiés dont on ignore s’il est industriellement possible et elle ferait naître une « société du plutonium », pleine de dangers et d’aléas d’un bout à l’autre de la chaîne nucléaire  ;
- enfin, du point de vue de l’indépendance nationale, les 60 000 tonnes d’uranium du sous-sol français n’alimenteraient, pour une génération (25 ans), qu’une douzaine de réacteurs type-Fessenheim ; en supposant la surrégénération possible (hypothèse de science-fiction), ce serait un siècle de « programme Messmer » (200 000 MW).
D’autres limites externes ont la forme d’irréversibilités  :
- (cas charbon-pétrole) accroissement de la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique, effet de serre, réchauffement, fusion de glaces polaires ;
- (cas nucléaire) création de corps radioactifs (déchets, installations déclassées, ...) dont l’humanité devra se protéger pendant des siècles et des millénaires  ;
- (cas nucléaire) pénétration de l’électricité dans des usages où elle n’est pas nécessaire (chauffage par exemple), d’où une très difficile reconversion le jour où l’on voudra passer à des systèmes énergétiques où l’électricité ne tiendrait que sa juste place  ;
- (cas nucléaire) instauration d’une société technocratique et policière dont il sera fort difficile de se débarrasser une fois l’ère nucléaire terminée ; a-t-il jamais été facile de se débarrasser des dictatures et des concentrations de pouvoir ?
Mais il y a des sources d’énergie qui ne présentent aucun de ces inconvénients fondamentaux. Elles sont renouvelables et dureront autant que l’humanité. Outre l’énergie des marées, ce sont l’énergie solaire et tous ses dérivés immédiats hydraulique, végétale, éolienne, marithermique, etc. Les milieux industriels et gouvernementaux ont coutume de dire qu’elles sont insuffisantes. Certes, elles ne sont peut-être pas compatibles avec la poursuite de l’expansion de la « grande bouffe  » énergétique. Or nous n’en voulons nullement. Mais il est aujourd’hui possible de démontrer numériquement que les énergies renouvelables suffiraient amplement pour assurer à tous une existence confortable, plus rationnellement et sereinement confortable qu’aujourd’hui. C’est ce que vient de taire la commission « énergie » des Amis de la Terre, en s’appuyant sur les données d’un remarquable « Projet Alter », dû à un groupe de chercheurs appelé le « groupe de Bellevue » (1). Le calcul des Amis de la Terre s’est placé dans les conditions suivantes :
- aucun appel à des sources non renouvelables (pétrole, uranium, charbon, gaz et même géothermie classique) ;
- aucune percée technologique, uniquement des techniques connues à développer ou à transposer avec soin, intelligence... et volonté politique réelle ;
- indépendance énergétique totale ; on utilise uniquement le « gisement solaire » du pays ;
- population de 60 000 000 d’habitants ;
- fourniture confortable de « fluides énergétiques  » bien adaptés à leurs usages, s’élevant à environ 75 % de la consommation finale actuelle (110 à 116 MTEP au lieu de 150 MTEP (2)).
Quelle vie recouvriraient les estimations de consommation des Amis de la Terre ?
- Chacun des 60 millions de Français disposerait de 33 m2 de logement (plus que la moyenne actuelle), bien chauffé, bien isolé, bien pourvu en eau chaude ; il consommerait directement entre 400 kWh et 600 kWh d’électricité par an.
- Le secteur tertiaire disposerait de locaux 13 plus vastes que maintenant, mieux répartis, correctement chauffés et équipés.
- Pour se déplacer en ville, on se servirait surtout des jambes, des vélos et des transports collectifs. Pour les longues distances, il y aurait des trains nombreux et rapides (trafic multiplié par 2, 3), qui réduiraient considérablement les parts de la voiture et de l’avion (3). Il y aurait cependant des voitures pour les transports à courte et moyenne distance en zones d’habitat dispersé : 20 millions de voitures, parcourant chacune 8 000 km par an, mais ne consommant que 3 litres aux 100 km (4).
- L’agriculture disposerait d’un peu plus de chaleur et de force motrice qu’actuellement, mais consommerait nettement moins d’engrais chimiques et de pesticides.
- Sauf dans les secteurs déjà saturés, l’industrie mettrait à la disposition de chacun 33 °% de plus de biens de consommation et 54 % de plus de biens d’équipement que maintenant. Mais les processus seraient moins énergivores (économie moyenne de 15 %, les biens d’équipement seraient 1,5 fois plus durables et il n’y aurait plus à alimenter la « croissance  ». Ainsi l’industrie consommerait 20 % de moins d’énergie qu’actuellement.
La consommation totale d’énergie du pays serait d’environ 4,5 x 1018 joules, contre 6 actuellement (l’unité employée désormais est de 1018 joules). Comment seraient-ils produits ? L’analyse des consommations finales a permis de déterminer sous quelles formes et en quelles quantités l’énergie devrait être disponible.
- La chaleur nécessaire serait de 3,4 unités (75 % du Total) (5). Les deux tiers de celle-ci (2,2 unités) seraient fournis par la captation directe de la chaleur solaire, l’injection d’eau chaude pendant la belle saison dans des nappes captives ou des réservoirs souterrains permettant un stockage étéhiver de la chaleur (« hélio-géothermie »). Le reste (1,2 unités) serait fourni par des combustibles d’origine végétale ou par de l’hydrogène électrolytique.
- La force motrice (mobile ou fixe) représenterais 0,8 à 0,9 unités (18 % à 19 % du total, contre 1,9 unités actuellement ; la réduction des consommations routière et aérienne est ici le facteur prépondérant). Elle serait obtenue à raison de 0,3 unités par de l’électricité (trains, métros, industrie) et de 0,5 à 0,6 unités par des carburants liquides ou solides d’origine végétale (voitures, bus, avions, véhicules agricoles).
- Enfin l’électricité spécifique (éclairage, électronique, petits moteurs domestiques ou artisanaux, certains processus industriels...) représenteraient 0,2 à 0,3 unités, un nombre voisin du nombre actuel.
Reste à voir comment les « vecteurs énergétiques nobles », combustibles et électricité, seraient produits.
- Une petite part des combustibles (0,17 unités) serait de l’hydrogène produit par électrolyse (rendement 70 %) dans des centrales solaires et éoliennes fonctionnant « au fil » du soleil et du vent. Mais la plus grande partie des combustibles (1,7 unités) serait d’origine végétale. Le méthane (0,14 unités, couvrant toute la cuisine et quelques véhicules agricoles) serait produit par fermentation anaérobie des déchets humides (surtout ceux de l’élevage) ; le résidu de cette bio-digestion est d’ailleurs un excellent compost. Les autres déchets organiques, ramassés systématiquement, seraient transformés en 0,5 unités de combustibles solides ou liquides. Pour le reste de ces combustibles, soit 1,06 unités, il faudrait taire appel à des cultures et plantations énergétiques ; on ferait pousser là n’importe quelle plante ou combinaison de plantes, adaptée au sol et au climat. Ces cultures et plantations occuperaient environ le dixième du territoire (soit 5 à 6 millions d’hectares) ; mais il est possible de trouver ces hectares, sans réduire les surfaces de cultures alimentaires, grâce à l’utilisation des deux-tiers des terres en friche, à une modeste réduction des prairies (alimentation moins carnée !) et à l’exploitation à but énergétique d’un petit quart des forêts. Ces plantes et les déchets solides seraient amenés dans de petites usines dispersées sur le territoire (« complexes agroénergétiques ») qui les transformeraient, soit en combustibles solides (« granulats » obtenus par broyage, séchage et agglomération, rendement de 90 %), soit en hydrocarbures liquides ou gazeux (par hydrocracking sous pression vers 500°C, rendement de 70 %) .
- L’électricité, environ 0,5 unités, soit 114 à 134 TWh, serait surtout d’origine hydraulique : 90 TWh contre 60 TWh actuellement, les inventaires EDF d’il y a une quinzaine d’années montrant qu’une production de 100 TWh est possible. Le reste serait d’origine éolienne et solaire. Les éoliennes et les centrales électro-solaires (thermodynamiques et photovoltaïques) produiraient aussi de l’hydrogène électrolytique. Dans une variante « haute », des hydrocarbures gazeux d’origine végétale alimenteraient quelques turbines à gaz. Pour l’équilibrage du réseau électrique, le passage des « pointes » en particulier, l’essentiel du travail serait fait par les retenues hydrauliques et le complément par une reconversion d’une petite partie de l’hydrogène en électricité dans des piles à combustible et, dans la variante haute, par les turbines à gaz. Outre un équipement hydraulique poussé, il faudrait installer, par exemple, 17 000 éoliennes de 500 Kw et 15 000 centrales électro-solaires de 3 000 kW.
Les éoliennes et les installations solaires (thermiques et électriques) demanderaient une surface assez importante : 370 000 hectares, soit 3 700 km2, environ. Mais la plus grande partie de cette surface, 300 000 hectares, serait une surface « mixte » (cas des éoliennes et des capteurs solaires placés sur des pylones) où la quasi-totalité du sol est laissée libre pour d’autres usages (pâturages, cultures, routes, aires de jeux...) .
Quand un tel régime énergétique stable et doux pourrait-il être mis en place ? Les scénarios de transition ne sont encore qu’à l’état d’esquisse, mais nous pensons qu’une cinquantaine d’années seraient suffisantes, si la volonté politique ne fait pas défaut. En fous cas, pour le démarrage du processus, les mesures d’urgence que réclament les écologistes en matière d’énergie, de nucléaire, de transports, d’urbanisme et de consommation, vont exactement dans la direction indiquée.

(1) Le calcul détaillé des Amis de la Terre et les mesures. de démarrage qu’ils demandent font l’objet d’un livre « Tout solaire ; une autre vie, une autre politique, d’autres énergies », en cours de publication dans leur collection chez J.J. Pauvert. Le travail du groupe de Bellevue s’intitule

« Projet Alter : esquisse d’un avenir énergétique pour la France fondé sur le potentiel renouvelable » (version préliminaire, nov. 1977, tirage restreint). Sans ce « Projet Alter », le livre des Amis de la Terre n’aurait pas vu le jour.
(2) MTEP = million de tonnes d’équivalent pétrole.
(3) Parcours ferroviaire moyen de 2000 km par habitant et par an, contre 850 km actuellement.
(4) Un modèle Volkswagen de série consomme 4 litres aux 100 km, et des voitures expérimentales descendent jusqu’à 2 litres.
(5) Chaleur à températures diverses, pour l’habitat, le tertiaire et l’industrie.

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Pas question d’État centralisateur

par G. PUEL
avril 1978

LA nécessité de former des prix avec des revenus préétablis (et non plus l’inverse) revêt un caractère primordial. Elle n’implique en aucune façon, en revanche, un dirigisme touche-àtout ou une étatisation livrant la production aux gouvernements qui se succèdent. Le capitalisme d’Etat serait, au surplus, un contresens, à l’heure où les plus récentes techniques tendent à la déconcentration, aux autonomies de gestion et au fédéralisme, en miniaturisant les outillages, en dépeuplant les usines et en dispersant les moyens de production.
Le vrai problème consiste d’une part, à instituer un régime généralisé de contrats collectifs déterminant la part revenant a chacun, actif ou passif ; d’autre part, à insérer cette répartition contractuelle dans une organisation communautaire, à base professionnelle et interprofessionnelle, prenant en charge les diverses branches et leurs ressortissants producteurs et non-producteurs.
Au sein de cet encadrement syndicalo-coopératif, les entreprises oeuvreraient pour la communauté qui est la leur. Libérées du souci de la vente ainsi que des charges sociales, fiscales et d’investissements, elles rivaliseraient d’émulation sur pied d’égalité, tels des coureurs sur un stade. Cela, sous l’arbitrage du client devenu solvable et dûment informé par d’impartiales notices communautaires des caractéristiques des produits offerts.
Il suffit d’inventorier les possibilités de la production et l’étendue des besoins à pourvoir, pour comprendre que chacun pourrait jouir d’un large pouvoir d’achat et que, parallèlement, il y aurait encore du travail pour fous. L’homme de la rue commence à le percevoir. Malheureusement, ni les debaters de la majorité ni ceux de l’opposition n’ont pris conscience des nouvelles réalités.

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Au fil des jours

par J.-P. MON
avril 1978

M. HERVET, président de l’Office de coordination des banques privées, s’élève contre les projets de nationalisation du crédit que proposent les partis de rauche  : ce serait, selon lui, la fin des libertés individuelles et le commencement de la collectivisation. Elle mettrait en effet l’ensemble du crédit sous la tutelle du Plan, donc au pouvoir discrétionnaire de quelques fonctionnaires.
Quand on sait, comme les lecteurs de « La Grande Relève  », comment les banques fabriquent la monnaie(*) et en vivent - grassement - on comprend que les propriétaires des dites banques se battent vigoureusement pour continuer à bénéficier de leurs privilèges.

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Depuis l’arrivée de R. BARRE à la tête du gouvernement, le franc a perdu 17 % de sa valeur par rapport au deutschmark  !
Mais, comme dit le Premier ministre, ça n’a pas d’importance puisqu’on paie notre pétrole en dollars !

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Autre succès remarquable de la politique libérale avancée du Premier ministre : d’après l’I.N.S.E.E., 13 842 entreprises ont disparu en 1977, soit 11,7 % de plus qu’en 1976. Et les résultats prévus pour 1978 ne s’annoncent guère mieux.

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La productivité (les usines du groupe Rhône-Poulenc situées en France a augmenté de 6 % en 1977. Cela s’est traduit par une baisse de 2 % des frais fixes et... le licenciement de 2 200 personnes.
Pour améliorer ses performances, Rhône-Poulenc envisage, de se doter d’un secteur textile plus moderne, capable de se mesurer avec les autres grands de la chimie européenne.
Cela ne manque pas de sel quand on sait que c’est principalement dans le domaine des fibres textiles que la situation des trusts de la chimie s’est dégradée depuis quelques années. Les spécialistes attribuent ces mauvais résultats à la surcapacité mondiale de production, à la concurrence des pays à bas salaires et à l’efficacité technologique de certains pays du Tiers-Monde équipés de machines modernes... fournies par les pays industrialisés.

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Comme fout le monde le sait, le groupe Rhône-Poulenc fait partie des sociétés nationalisa bles.
Ce que l’on sait moins, c’ est qu’en 1977 l’endettement total du groupe représente 53 % de son chiffre d’affaire, qui s’est élevé à 23,6 milliards nouveaux.
Et si, pour changer un peu, on nationalisait les bénéfices et laissait les dettes au secteur bancaire privé ?

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La société américaine «  Union Carbide » annonce la prochaine mise en service d’unités de production de polyéthylène basse densité, exigeant un investissement moitié moindre qu’auparavant, et permettant d’économiser 75 % de l’énergie absorbée par les procédés utilisés précédemment.

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La société suédoise SAAB-SCANIA vient d’installer au Nord de Stockolm une station éolienne expérimentale. Cette éolienne comporte un rotor de deux pales de neuf- mètres de longueur et est installée au sommet d’une tour de 25 mètres de haut. Un calculateur permet de déterminer le régime optimal de rotation. La puissance délivrée est de 50 à 60 kilowatts.
Ce système est destiné à expérimenter la technique éolienne sur une durée de cinq ans avant de mettre en oeuvre des systèmes plus puissants devant délivré des puissances de 400 à 500 kilowatts.

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Nous ne manquerons pas de chocolat : la Malaisie envisage de développer sur son territoire la culture du cacao. Les surfaces cultivées ont triplé depuis 197l et grâce aux recherches pour sélectionner les plans, et a la culture conjointe de la noix de coco, des rendements de 250 kg à l’hectare seront atteints (ils ne sont que de 100 kg à l’hectare en Afrique).
Mais, vigilant, le gouvernement malais contrôle de près ce développement afin d’éviter une surproduction qui ferait baisser les cours.
Comme quoi les leçons des pays développés ne sont pas perdues pour tout le monde.

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Alors que STOLERU parle de l’accroissement inévitable des inégalités sociales et s’élève contre la « société d’assistance », dans «  Les joueurs de flûte », Albin CHALANDON, autre ardent défenseur de l’économie libérale, critique bien sûr, le programme économique de la gauche, mais parle de la nécessaire réduction des inégalités et propose un minimum garanti de ressources pour tous. (Nous, on n’est pas d’accord ; c’est un maximum de ressources garanti qu’on réclame depuis longtemps !) .
Quant aux libéraux avancés (Chalandon, Stoleru et les autres), il faudrait peut-être qu’ils accordent... leurs violons  !

(*) Voir notre n° de mai 1977.

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NOTRE DOSSIER : Economie et écologie

Nucléaire ou pas ?

par M. DUBOIS
avril 1978

Faut-il ou non, dans le prochain demi-siècle, avoir recours massivement à l’énergie nucléaire  ? Faut-il l’éliminer totalement ? Comment le problème

est-il examiné actuellement et comment le serait-il dans une économie des Besoins ? C’est ce que nous allons essayer d’analyser brièvement.

Le nucléaire inévitable ?

POUR les experts actuellement écoutés, pour le Gouvernement tout entier, et pour une large traction de l’opposition, la réponse à la première question ne fait aucun doute : c’est un oui Massif, et irréductible. L’élimination totale reste le solution d’une minorité réagissant d’ailleurs beaucoup plus à une intuition personnelle qu’à des arguments rationnellement énoncés, notamment en ce qui concerne les solutions de remplacement.
Pour expliquer cette position, il faut se souvenir que la France n’a aucune ressource importante en pétrole, ni en gaz naturel ;
- qu’en tout état de cause l’épuisement mondial de ces ressources énergétiques ne fait aucun doute, de nouvelles techniques ou découvertes ne pouvant, au mieux, que retarder les échéances de quelques décades ;
- que les réserves de charbon français, et surtout leurs caractéristiques, ne permettent pas d’assurer le relais ;
- que la production d’électricité est centralisée entre les mains d’un monopole nationalisé soumis comme toutes les autres entreprises à l’impitoyable loi de la rentabilité financière. C’est en effet cette loi qui, dans un passé récent, nous a valu de donner la préférence aux centrales thermiques brûlant du fuel plutôt que d’accroître la production d’énergie hydroélectrique ou marémotrice, non polluante, non soumise aux aléas des relations extérieures, mais présentant un bilan financier moins favorable, surtout à l’époque des études préparatoires aux décisions. Depuis, la crise du pétrole e certes modifié ces bilans, mais en matière de politique énergétique, il est impossible de changer continuellement et rapidement de cap. Nous avions d’ailleurs dénoncé en son temps, dans notre journal, les dangers d’une telle politique basée uniquement sur des considérations mercantiles au mépris des véritables réalités économiques et humaines.

Des énergies nouvelles sont possibles

NOUS avions, hélas, raison et la seule satisfaction que nous puissions y trouver est d’en tirer argument pour éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets désastreux dans les choix à faire entre l’énergie nucléaire et ce qu’il est convenu d’appeler les énergies nouvelles.
Une récente émission de la deuxième chaîne de television a passé ces dernières en revue en Janvier dernier. Rappelons brièvement qu’il s’agit essentiellement d’utiliser l’énergie solaire :
- soit directement : plaques et fours solaires, réalisables d’ailleurs non seulement dans les pays à fort ensoleillement, mais aussi dans les pays moins favorisés à cet égard, l’émission ayant cité par exemple des réalisations non négligeables au Canada ;
- soit indirectement en exploitant les immenses possibilités de la photo-synthèse naturelle ; les exemples cités (expériences de la NASA sur les jacinthes d’eau, du Brésil sur l’alcool de canne à sucre, études sur les bois à croissance rapide, etc...) étaient spectaculaires, même si les commentateurs ont pris soin de souligner qu’il ne s’agissait pour l’instant que d’expériences et non de réalisations vraiment industrielles ;
- soit indirectement encore par le biais de l’énergie éolienne où, là encore, les expériences anglaises mettaient en valeur des réalisations concrètes.

La géothermie, ou exploitation de la chaleur interne du globe terrestre, n’a pas été évoquée au cours de cette émission, mais nous savons qu’elle peut également fournir un complément appréciable d’énergie.
Quoi qu’il en soit, une des conclusions formelles des présentateurs, partagée d’ailleurs par toutes les autorités scientifiques concernées, est « qu’il n’existe actuellement aucun blocage technologique à la poursuite et au développement massif des possibilités d’utilisation de ces énergies nouvelles  ».

Les vrais critères

UNE fois de plus les choix, dans notre régime économique actuel, seront donc dictés par des critères purement financiers ; les kilowatts produits seront ceux qui coûteront le moins cher à l’EDF, même si les nuisances qui en découleront sont appelées à peser finalement très lourd sur l’ensemble de la collectivité. L’émission n’a d’ailleurs pas manqué de souligner également que les techniques nécessaires à l’exploitation des énergies nouvelles s’inscrivaient dans des conceptions nettement décentralisées de production, faisant largement appel aux initiatives locales.
Si l’on ajoute à cette analyse les facteurs de luttes purement politiques et syndicales qui contribuent à brouiller toutes les cartes en y introduisant les problèmes de plein emploi et de nationalisations, il faut bien reconnaître que notre politique énergétique des prochaines décennies risque fort d’être une fois de plus élaborée et décidée au mépris absolu des véritables BESOINS, alors qu’au contraire, dans une société ayant fait siennes les solutions de Jacques DUBOIN, les seules questions posées seraient les suivantes :
- Quelles sont les meilleures méthodes pour produire le maximum d’énergie avec le minimum de travail humain, de matières premières, et de nuisances ?
- Quels sont les délais nécessaires pour assurer la raccord entre la situation actuelle et le plein rendement des projets décidés  ?
- Quelle doit être, en fonction de ces délais, la fraction d’énergie à produire par le nucléaire et avec quelles précautions pour réduire dans toute la mesure du possible l’impact sur l’environnement ?

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Réponses aux objections :

Pouvoir d’achat sans travail

par R. THUILLIER
avril 1978

Dans un article de La Grande Relève de novembre 1977, j’avais indiqué, en note, qu’il existerait, en France, près de 3 000 moyens suivant lesquels, par le truchement de secours, prestations et allocations diverses, du pouvoir d’achat est d’ores et déjà distribue sans une contre-partie de travail.
Des lecteurs - pour appuyer leurs arguments en faveur de la conception de base de l’Economie Distributive, « les Revenus dissociés du Travail » - nous demandent de leur fournir quelques précisions à ce sujet.
Nous y consacrerons bien volontiers le présent article.

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NOUS rappellerons, tout d’abord, que Jacques Duboin, à plusieurs reprises, avait signalé que, tout comme les faillites sont la « soupape de sûreté » de l’économie marchande échangiste, les distributions gratuites de pouvoir d’achat sous quelque forme qu’elles s’effectuent, constituent une amorce d’Economie Distributive dans le cadre du régime capitaliste.
Disons tout de suite que, pour énumérer le détail de ces moyens - relevés dans d’innombrables documents officiels - plusieurs fascicules de La Grande Relève ne suffiraient pas.
Nous nous contenterons donc de citer les principaux.

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NOUS nous limiterons, bien sûr, à ceux qui restent honnêtes et non en marge des lois ; tels les vols, hold-up, prise d’otages et autres bonneteaux ; qui rapportent cependant des fortunes à ceux, de plus en plus nombreux, qui les pratiquent... sans travailler. Glissons sur les souteneurs, les maîtres-chanteurs, les faux-monnayeurs, les abus de biens sociaux, etc...
Nous exclurons aussi les gains excessifs des P.-D.G. et cadres supérieurs, certains honoraires, commissions et pots de vin, cachets d’artistes qui, bien que souvent abusifs, reposent tout de même sur un travail effectif.

ABORDONS, tout d’abord, les moyens légaux.
Personne n’ignore que le plus sûr procédé pour gagner de l’argent est de faire fructifier un capital, si petit soit-il, pour en tirer du profit. Il travaille donc pour vous surtout lorsqu’on profite d’une rente de situation.
Dans cette première catégorie nous rangeons les multiples spéculations de toutes sortes : immobilières surtout, foncières, commerciales, locations excessives.
Ajoutons-y les jeux de hasard divers : loto, tiercé, et même les jeux de cartes valorisés au coup, et ceux qui se pratiquent dans les casinos et les cercles, clandestins ou non.
N’oublions pas les héritages substantiels, les usufruits, les assurance vie à capital, les donations, etc...
Que tout ceci soit légal, nous ne le contestons pas. Il. n’empêche que cela fournit du pouvoir d’achat sans travailler.

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ABORDONS, à présent, les pensions et retraites. Certes, elles sont toutes plus ou moins basées sur des cotisations personnelles, obligatoires ou non. Mais les diverses bonifications qui s’y ajoutent fournissent aux retraités, pour le restant de leur vie, un pouvoir d’achat bien supérieur à la valeur, même indexée, de leurs cotisations. Les taux des nombreuses caisses de retraites sont différents ainsi que leurs coefficients de validations antérieures.
Il existe, d’ailleurs, des prestations gratuites : allocations vieillesse minima, retraite du combattant, pensions de veuves de guerre et descendants, d’invalidité ; aides aux handicapés ; capital décès, etc...
Il est même annoncé - cela se pratique déjà dans certains pays - l’institution d’un Revenu Familial minimum. Jacques Duboin n’aurait pas manqué d’y consacrer un article triomphant lui qui, si nos souvenirs sont exacts, en avait déjà publié un, il y a une vingtaine d’années, sur la mise en disponibilité d’officiers avec solde garantie pendant plusieurs années.
Et ceci nous amène aux allocations de chômage, partiel ou total. Le salaire garanti à 90% pendant un an est, certes, une conquête des travailleurs mais le tout constitue également pour le régime capitaliste une « soupape de sureté  » contre les agitations sociales.
Citons aussi les vacances payées, les congés légaux payés pour événements familiaux, éducation, les stages divers de formation rémunérés, les indemnités de licenciement, les primes diverses d’entrée en classe. de vacances. Pour les paysans et surtout pour les gros agriculteurs, il y a chaque année des allocations pour intempéries ; excédent ou manque de récoltes, arrachage d’arbres fruitiers ; primes diverses viennent compenses un travail effectif mais qui devient dans beaucoup de cas, un Revenu Garanti dissocié du labeur.

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PASSONS maintenant aux aides sociales et aux prestations de la Sécurité Sociale. Cette institution étant perpétuellement en déficit, même s’il est du à des gaspillages et à des imputations abusives. c’est l’Etat qui le comble. Nous sommes donc tous des assistés car ce qui nous est remboursé est hors de proportion avec nos cotisations.
Énumérer ces prestations serait presque impossible. Il faudrait se référer aux codes de la Sécurité Sociale et aux multiples règlements annexes ou circulaires qui les régissent. Si le coeur vous en dit !
Citons quand même en vrac, les prestations familiales, l’aide aux jeunes ménages. allocations de salaire unique de mère au foyer, de maternité, aux vieux travailleurs salariés (ou non), à l’enfance, aux aveugles et infirmes, grands et petits. Allocations militaires, de loyer ; les retraites pour accidents de travail (ou de circulation), les régimes spéciaux agricoles et de professions libérales, artisanaux, l’Assistance publique avec ses aides en nature. ses bons de pain, de soupe, de charbon, etc...
Terminons, car cette liste non exhaustive devient fastidieuse, par les Prix de Vertu, ceux des Académies diverses, et autres prix Cognac !
Précisons, toutefois. que tous ces multiples droits à percevoir du pouvoir d’achat sans fournir un travail, sont affectés de coefficient, d’indices de zones, de majorations et de minorations multiples, de cas d’espèces, de dérogations, etc...
Leur total, ainsi cumulé, atteindra bien les 3 000 moyens auxquels ils sont estimés.

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QUANT à nous, contentons-nous de conclure avec Jacques Duboin, qu’il s’agit bien là d’amorces d’une Economie Distributive. Ne serait-il pas plus simple de fournir à chaque citoyen un Revenu Social de base garanti, et de rendre gratuits tous les services sociaux ?
Et à ceux qui nous objectent que seul le travail peut et doit fournir du pouvoir d’achat - on l’enseigne encore à l’école  ! - que faut-il donc encore pour les convaincre ?

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Les Américains ne sont pas tranquilles

par I. de JOYEUSE
avril 1978

CHAQUE année 128 millions d’ordonnances prescrivant des narcotiques sont délivrées ; soit environ 1 milliard de doses de somnifères pour 1976. Les médecins se gardent bien de s’en octroyer pour leur usage personnel, par crainte de figurer parmi les 5 000 décédés annuels victimes dus somnifères et tranquillisants.
Les principaux consommateurs sont des malades urbains qui échappent

plus ou moins à la surveillance médicale. L’Américain moyen, avant de se mettre au lit, ingurgite un narcotique, sans même chercher à savoir si le sommeil ne viendra pas le saisir aussitôt allongé sur sa couche.
L’Institut national de lutte contre l’abus des produits pharmaceutiques (qui communique ces chiffres) estimant la situation grave a décidé une campagne d’information auprès du public, complétée par une autre auprès des médecins pour qu’ils limitent les durées du traitement.
On peut deviner aisément que l’industrie pharmaceutique est, en ce domaine, en faveur de la « liberté » de consommation pour les citoyens et celle de prescription pour les praticiens. L’application de mesures restrictives, entraînées par laprise de conscience de la nocivité des tranquillisants, amènerait une mévente de ces produits et, corrélativement, des licenciements dans les usines et laboratoires producteurs. Les licenciés ne pourraient faire autrement que réduire leur consommacion, en tous domaines, entraînant encore d’autres Paralysies.
Dormir... à n’importe quel risque ! Un cercle vicieux qui n’est pas onirique.