LAISSONS M. Barré, notre Premier ministre,
s’occuper du prix des croissants. Il nous semble, pour notre part, que
les problèmes économiques de notre époque ne relèvent
pas de pareilles mesures de détail.
Il faut ouvrir les yeux et non se confiner dans la fascination d’un
indice du prix de certains articles. Le fait important est que les prix
ne cessent de grimper, autrement dit que notre monnaie ne cesse de se
dévaluer. Et ce sont les salariés qui se trouvent lésés.
Leur contrat est bien fixé en ce qui concerne ce qu’ils doivent
: leur travail. Tant d’heures, tant de jours, tant d’années,
dont la durée n’est pas dévaluée par une horloge
aussi souple que lé taux de notre franc. Mais ce qui leur est
dû en échangé, et qu’on devrait traduire en pouvoir
d’achat, est sans cesse déprécié parce qu’il ,
est mesuré avec un « étalon » élastique.
Quand on voit les difficultés que la loi leur créé
pour faire reconnaître cette injustice, on comprend leur manqué
grandissant d’enthousiasme pour fournir leur travail.
C’est probablement pourquoi les syndicalistes ne parviennent pas à
regarder au delà de ces effets. Comme M. Barre les y invité,
ils s’arrêtent à des problèmes apparents et immédiats,
sans voir les raisons profondes pour lesquelles ces problèmes
ne cesseront pas, dans ce régime des « prix-salaires-profits
», de se renouveler.
Le chômage grandissant est un fait inéluctable. Nous n’avons
cessé de le dire en expliquant qu’il résulté de
l’automatisation. D’ailleurs, sinon, pourquoi aurait-on inventé
des machinés ? Ce fait est enfin de plus en plus généralement
reconnu.
Il faut maintenant en comprendre lés conséquences afin
de les maîtriser, sous peine de se laisser submerger de façon
absurde.
ESSAYONS ensemble. Quand un patron achète une
machine qui va lui économiser des heures d’ouvrier pour produire
plus, il investit. C’est dire qu’il va calculer ses prix de vente de
façon à éponger l’avance, à intérêt,
qu’il a faite, ou l’emprunt qu’il a contracté. C’est ce qu’on
appelle rentabiliser une entreprise.
Dans l’affaire, le gagnant le plus sûr, c’est celui qui a fourni
le capital contre une garantie d’intérêt, qui tient compte,
bien entendu, de la dévaluation.
Le patron est probablement gagnant aussi. Il a su faire le calcul au
préalable et n’a pris qu’un risqué prévu dans l’espoir
d’un gain à échéance. Ceci est la logique du capitalisme,
d’autant que sont vite éliminés de la compétition
ceux qui échouent dans leurs calculs de prévision.
Quant aux salariés, il ne leur reste qu’à subir les conséquences
et de préférence sans chercher à en comprendre
les causes, ce qui leur évité de les remettre en question...
Si leur contrat, par chance, se trouvé maintenu, ils n’ont qu’à
fournir leur travail. Ils reçoivent en échange une somme
convenue, mais dont le pouvoir d achat, lui, n’est pas connu à
l’avance. Celui-ci ne dépend pas deux. Il leur reste alors à
passer leur temps a réclamer.
Aux salariés dont lé contrat dé travail se trouvé
rompu, on invoqué dés « causés économiques
». ils se retrouvent sans salaire, et sans comprendre la raison
dé cette criante injustice.
ON rencontre alors deux sortes de réactions. La réaction stupide consiste à s’en prendre aux effets, en disant « c’est la fauté des machines, du progrès, des techniques, du gouvernement, etc., etc... », et de vouloir
revenir en arrière, au bon vieux temps où il fallait beaucoup
se faire suer, beaucoup travailler dans dés conditions pénibles,
pour peu vivre. Nombreux sont les écologistes qui enfourchent
ce cheval de bataille sous la bannière d’un désir fort
louable de moindre pollution matérielle. En oubliant cependant
qu’on n’aurait plus maintenant dé quoi satisfaire tout lé
mondé.
Notre réaction consisté a remonter aux causés pour
en déduire la conduite à tenir. Si l’homme a inventé
les machines pour qu’elles suent à sa place, il faut que ce soit
pour son bien. Il faut qu’il en tiré le meilleur parti au lieu
de s’empoisonner, comme l’y pousse le système capitaliste.
Quand un salarié est ainsi mis au chômage, même partiel,
la logique de nos brillants économistes impliqué que pour
lui conserver son salaire, son patron ou l’Etat, devra augmenter ses
tarifs, pour s’y retrouver. D’où la montée inéluctable
des prix, ou la dévaluation de la monnaie, ce qui revient au
même. Ainsi quand l’action syndicale sera parvenue à imposer
au patronat la semaine de 40, ou de 35 heures, ou l’année de
40 semaines, les prix devront monter encore plus vite pour payer tous
ces salaires. Et alors combien de patrons artisans qui n’auront pas
la production correspondante à vendre devront déclarer
faillite ? C’est la ruine des petites entreprises, du libéralisme
et des artisans.
La nationalisation des entreprises ne change rien à l’affaire
si l’Etat-patron est astreint à la même gestion capitaliste
: lui aussi devra augmenter ses prix ou ses taxes pour payer ses salariés.
C’EST cette gestion capitaliste qui ne colle plus. Puisque les problèmes de production peuvent être résolus sans nous astreindre tous et toujours à des travaux pénibles, il faut inventer un autre système qui permette de distribuer la production nécessaire sans nous obliger à des travaux stupides. C’est une GESTION DISTRIBUTIVE qui doit se substituer au capitalisme (voir nos thèses).
Technologie et économie
DANS « La Grande Relève » d’octobre dernier, nous avons vu qu’un certain nombre d’indices montraient que nous nous trouvions au début d’un nouveau cycle de croissance de l’économie mondiale basé essentiellement sur les télécommunications et l’informatique. Nous décrivons dans ce numéro quelques aspects du développement des télécommunications.
DE NOUVEAUX MOYENS DE COMMUNICATION
Depuis une dizaine d’années dans tous les pays
développés la mutation économique a été
accompagnée d’un accroissement des déplacements professionnels.
Ces déplacements, dont les trois- quarts ont une réunion
pour objet, engendrent pour les entreprises et les administrations des
charges souvent très lourdes. C’est pourquoi un certain nombre
de pays ont entrepris de réaliser des systèmes susceptibles
d’éviter des dépacements en permettant la mise en contact
visuelle, rapide et simultanée de plusieurs personnes : ce sont
les systèmes de visioconférence.
Les tentatives de mise en oeuvre d’une véritable politique de
décentralisation des administrations et des entreprises ainsi
que ce qu’il est convenu d’appeler la « crise de l’énergie
» contribuent à accélérer la diffusion de
tels systèmes.
Si la visioconférence consiste à mettre en relation deux
salles de réunion et de ce fait intéresse presque exclusivement
les administrations et les grosses entreprises, la visiophonie permet
de mettre face à face sur un petit écran des particuliers
abonnés au téléphone et de visualiser à
distance des documents ou des objets dans les conditions habituelles
d’éclairage d’un bureau.
Dans le même temps, les besoins sans cesse croissants de documents
écrits (devis, factures, commandes, ...) dans les transactions
commerciales ont entraîné la mise en place de systèmes
de transmission de documents plus performants que le système
Télex qui consiste simplement en la mise en communication de
deux machines à écrire et qui, de ce fait, ne permet de
transmettre que des lettres ou des chiffres : ce sont les systèmes
de télécopie (ou fac similé) et de téléécriture,
qui, comme le téléphone, sont des liaisons instantanées
entre deux abonnés et qui permettent de transmettre toutes sortes
de graphiques, de dessins ou de symboles et de les reproduire sur une
feuille de papier.
Parallèlement au développement de ces nouvelles techniques,
le remplacement des centraux téléphoniques électromécaniques
par des centraux électroniques et la généralisation
des postes téléphoniques à clavier vont permettre
la mise en place d’un service de calcul par téléphone,
étendant ainsi aux particuliers les possibilités de la
téléinformatique.
Nous ne rappelerons que pour mémoire les possibilités
offertes par les satellites pour la diffusion de programmes de télévision
entre n’importe quelles parties du monde.
Quant aux distributeurs automatiques de billets de banque, qui, pour
l’instant n’ont d’autres conséquences que d’économiser
de la main-d’oeuvre, mais qui vont rapidement faire place à des
systèmes plus évolués de débit direct, ils
constituent un premier pas vers la réalisation du « courrier
électronique ».
Pour être rentables, au sens capitaliste du terme, ces divers
systèmes exigent des temps de transmission de plus en plus courts.
Il n’est donc pas étonnant que l’on voit apparaître sur
le marché de nouveaux supports de transmission tels que les fibres
optiques qui permettent d’acheminer rapidement un plus grand nombre
d’informations que les câbles classiques.
UNE REVOLUTION SOCIALE
En bref, nous pouvons dire qu’avec la mise en service
des nouvelles générations de satellites et de télécopieurs,
avec la possibilité d’associer un téléphone et
un récepteur de télévision ordinaire pour recevoir
à domicile des copies de factures, des documents divers, des
informations locales, les programmes de cinéma ou de théâtre,
pour effectuer des opérations bancaires, des calculs scientifiques,
... c’est une véritable révolution sociale qui s’amorce.
Tout ceci explique pourquoi depuis 1975 les investissements dans le
domaine des télécommunications ont augmenté en
moyenne de 15 % par an.
Au forum sur les Perpectives des Télécommunications Internationales
qui s’est tenu récemment à Washington, les experts ont
prévu que la demande mondiale annuelle en équipements
de télécommunications passerait des 26,2 milliards de
dollars qu’elle atteignait en 1975 à 58 milliards en 1985.
D’ici là le marché Nord Américain aura doublé
d’importance mais ne représentera plus que 42 du marché
mondial (contre 50 O/ actuellement), l’Europe, avec 30 %, occupera la
seconde place tandis que les pays du Moyen-Orient et les autres pays
en voie de développement pris dans leur ensemble en constitueront
28 % (contre 22 aujourd’hui)..
La croissance du téléphone continuera à s’affirmer
dans les pays disposant déjà de réseaux très
développés, les besoins de ces pays étant encore
loin d’être satisfaits. (Actuellement, près de 80 des téléphones
sont installés dans huit pays, chacun d’eux ayant plus de 10
millions de téléphones).
Bien que dans ce domaine-les Etats-Unis restent le pays le mieux équipé
puisque ses 149 millions de téléphones représentent
trois fois le total des appareils installés au Canada, au Japon,
dans le Royaume Uni, en République Fédérale Allemande,
en France et en Union Soviétique, ils seront dépassés
par l’Europe en 1980.
C’est encore en Amérique du Nord que l’on trouve pour le moment
le plus de stations terrestres équipées pour la transmission
par satellites et ce sont les Etats-Unis qui sont de très loin
les plus gros utilisateurs de systèmes de transmission de données.
On peut cependant prévoir que l’exemple nord- américain
sera rapidement suivi par les autres nations et même par les pays
en voie de développement. Ces derniers ont d’ailleurs l’avantage
de pouvoir mettre tout de suite en oeuvre des technologies évoluées
adaptées à leur besoin sans passer par les étapes
intermédiaires qu’ont connues les Etats-Unis ou les pays européens.
En fait, comme le remarque J.F. MAGEE, président de la compagnie
américaine Arthur D. Little Inc., « le développement
économique et social a pour préalable le développement
des télécommunications et une mesure de l’aptitude des
pays en voie de développement à’ faire progresser leur
économie pourrait bien être reflétée par
leurs plans de développement des télécommunications.
»
Réponses aux objections
POURQUOI, nous demande-t-on souvent, nos thèses
sur une Economie Distributive rendues publiques depuis 40 ans, n’ont-elles
pas percé et semblent ne toucher que quelques poignées
de convaincus ?
Cette question mérite examen car elle nous paraît pertinente.
Pour notre part, nous suggérons ci-après des explications
qui nous paraissent plausibles.
Elles peuvent se ramener à cette constatation personne ne veut
nous croire, mais les faits nous donnent raison.
Tout d’abord, dans une époque comme celle où nous vivons,
l’importance des « mass media » est capitale. Le manque
de moyens pour financer des supports publicitaires constitue un handicap
majeur pour une propagande devant toucher de larges couches populaires.
Ces moyens nous ont toujours manqué et nous manquent encore.
De plus, l’établissement d’une économie distributive présuppose
la disparition de l’économie marchande : celle de l’échange,,
basée uniquement sur des profits. Cela suffit déjà
à dresser contre nos idées tous les tenants, passifs ou
actifs, du régime capitaliste.
Lorsque nous proposons, par surcroît, et comme base de nos thèses,
de dissocier du travail tous les revenus, y compris le salariat, les
travailleurs ne nous suivent pas. Ils ne peuvent concevoir que l’on
puisse obtenir du pouvoir d’achat sans travailler. [*]
C’est que nos thèses sont des idées neuves et malgré
leur simplicité, il faut avoir un esprit déjà bien
évolué pour les admettre.
Si la gauche les avait adoptées, ou seulement soutenues, le peuple
serait préparé à accepter un programme rénovant
complètement cette économie capitaliste moribonde. Il
est encore temps de le faire.
Il faut tout d’abord se convaincre que la « révolution
mécanicienne », créatrice de biens et de services
en abondance, bouleverse toute l’économie capitaliste qui ne
peut organiquement s’y adapter. En effet, ses structures sont logiquement
basées sur une économie de rareté où le
problème majeur était de produire, et non de distribuer.
La machine a résolu le problème.
Ce dont le capitalisme, dont la droite essaye de prolonger la survie,
« sombre ». c’est de ne pas avoir encore trouvé les
méthodes permettant de répartir des richesses produites,
- ou susceptibles d’être produites - en abondance, afin de servir
des besoins qui sont de plus en plus nombreux.
C’est cela qui est la cause de cette « crise » dont nous
ne sortirons plus.
Le grand mérite de Jacques Duboin est d’avoir proposé
une solution aux contradictions économiques résultant
des effets de l’abondance après les avoir prévus.
Ce ne pouvait être, puisque c’est le seul problème actuellement,
qu’une Economie de Distribution. Il l’a assise sur un Revenu Social
de base pour tous les citoyens qui sont tous consommateurs, travailleurs
ou non. Des prestations professionnelles, sorte de service social de
plus en plus réduit, grâce aux machines, seraient exigées
en contre-partie ; un revenu supplémentaire, accordé aux
plus méritants, permettrait de récompenser l’émulation
et les dévouements. C’est simple !
Ces conceptions originales constituent., un socialisme authentique parce
qu’il est humaniste. C’est le Droit à la vie.
Comme toutes les formes de socialisme, il ne pouvait être assuré
que par l’appropriation, par la collectivité, des moyens de production
et. de distribution.
On aurait pu penser que les Partis, les Syndicats et les multiples groupements
se réclamant de la gauche, se seraient emparés de ces
propositions. Ils auraient atteint le but pour lequel ils luttaient
depuis un siècle et que la venue de l’abondance rendait possible.
Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?
Malgré ce qui se passe sous nos yeux : inflation, chômage,
etc... les dirigeants de la gauche pensent encore comme la droite que
le capitalisme est toujours transformable et s’adaptera à la
« révolution mécanicienne » créatrice
d’abondance. Voilà pourquoi elle ne nous écoute pas. Elle.
ne croit pas que l’heure du socialisme a sonné.
La gauche désormais au pied du mur ne veut mas changer les structures
de l’économie capitaliste qui est en train de crouler sous ses
contradictions internes. Elle a peur de faire le grand saut car le peuple
n’en veut pas. Elle n’a voulu nous comprendre.
Mais les faits - qui sont têtus - nous donnent raison. Souhaitons
seulement que, faute de ne pas nous avoir écoutés à
temps, la gauche ne puisse empêcher que l’agonie du capitalisme
se transforme en un cataclysme épouvantable.
En attendant, continuons, envers et contre tous, à propager les
enseignements de Jacques Duboin. Ils sont actuels et irremplaçables.
[*] il existerait, cependant, en France près de 3 000 moyens suivant lesquels, par le truchement de secours, prestations et allocations diverses, du pouvoir d’achat est déjà distribué sans contre-partie de travail.
DANS le contexte économico-social que nous vivons, tracer un plan de réformes et de mesures à prendre est ingrat et hasardeux ses pertinences gênent, sa clairvoyance nous fait qualifier d’utopiste. Les plans de la gauche, dite progressiste, se gardent de ce risque, en se cantonnant avec une curieuse persévérance, aux réformettes de la superstructure. Le problème serait-il encore là ? Depuis 1871, il s’est passé un siècle de progrès décisifs du mode de production, lequel bouscule les infrastructures voisines et fait voler en éclats les institutions socio-politiques qui en découlent.
TENTONS DE TIRER ENSEIGNEMENT DES FAITS ECONOMIQUES.
La grande inquiétude des lendemains se généralise
: les uns sont inquiets pour leurs salaires, les autres pour leurs gains,
d’autres encore pour conserver l’avoir, fruit de leur activité
passée.
Le constat, par notre fondateur Jacques DUBOIN, de la cause initiale
de ce désarroi fondamental, semblait d’abord aisé à
faire admettre. Il s’acharna, jusqu’à sa disparition, à
en instruire, à en convaincre la collectivité. Il n’avait
pas compté et nous de même, avec la passivité des
masses, leur égoïsme aussi ; mais, surtout, avec le décalage
des uns et des autres, par rapport à l’insécurité
de l’existence qui dose l’acuité de la compréhension,
la surdité ou l’aveuglement, si bien qu’avec les artifices de
la cavalerie monétaire, les tribunes « d’information »
et les tribuns politiciens, nous ne devons plus espérer vaincre
par le verbe l’état léthargique généralisé.
Constatons que si les hommes ne sont pas révolutionnaires, les
faits, eux, le sont et le demeurent. Ils nous placent de plus en plus
crucialement devant l’alternative : adapter notre mode de répartition
des biens, à notre mode de production automatisée, ou
disparaître.
Si, présentement, la tête engourdie sur le précaire
oreiller du salariat-profit, il est prématuré de s’attendre
à un sursaut de lucidité sans être devin nous pouvons
penser que la collectivité ne se suicidera pas ; quand les contradictions
se feront critiques, son instinct de conservation la poussera à
exiger, pour sa survivance, le développement des revenus qui
lui permettront de vivre.
Nos politiciens de toutes couleurs- attachés aux structures périmées
qui les justifient, restent étrangement muets sur la nécessité
de la création des revenus que l’automatisation supprime.
Cependant, sous la Pression de l’amenuisement des revenus (« Les
millions d’hommes qui ne peuvent plus acheter, ruinent des millions
d’autres hommes qui ne peuvent plus vendre.. »). s’instaure la
retraite garantie, s’amorce le revenu garanti pour le paysan et pour
l’industriel : aides, exonérations, primes à l’exportation,
achats et stocks d’Etat, se pratique le secours de la rente du rentier,
diminutions ou exonérations d’impôts, « nationalisations
» garantissant les dividendes,. Pour le salarié, le salaire
garanti s’amorce sous formes des diverses allocations de chômage
; et plus le chômage croît, plus doit croître sa prestation
pour parvenir à vendre , car, dans notre système d’économie
échangiste, la loi impérative est vendre avec profit ou
disparaître.
OU ALLONS-NOUS ?
La mesure de l’alourdissement croissant de ces créations
de revenus, en économie capitaliste, se traduit en fin de compte
par la dévaluation. Celle- ci est irréversible, elle s’accélère
à la mesure du progrès des techniques de production.
Cette course de la dévaluation pour la survie du profit et des
revenus, nous la voyons à la fois permettre profits et revenus
et les annihiler à terme, en les acheminant peu à peu
à leur point d’instabilité totale.
Au stade présent, pour ne pas être spolié de son
gain, chacun doit matérialiser son avoir : en biens, en produits,
à une cadence croissante ; la monnaie, de précieuse (thésaurisable),
se mue d’elle-même en une monnaie de consommation. Cette mutation
se fait sous nos yeux. sans nous demander la permission ; comme se firent
les adaptations précédentes de la monnaie « sonnante
et trébuchante » en billets de banque, puis en simples
écritures, sous la nécessité impérative
du rôle qui lui incombe : assurer l’écoulement de la production
en croissance.
Dorénavant, la monnaie tend vers le rapport zéro avec
son gage : l’or. Son cheminement la change de nature à notre
insu, elle prend peu à peu le rôle d’une monnaie de consommation,
mais flottante, sans garantie. Quand son degré d’instabilité
interdira toute acquisition différée, ne répondra
plus à la matérialisation des salaires, anéantira
l’existence même du profit, l’unanimité se fera tout naturellement
sur l’indispensable codification d’une monnaie conventionnelle de consommation
simplement parce qu’elle sera la seule issue qui permettra aux hommes
de consommer ce qu’ils produisent.
Cette transformation décisive de la nature de la monnaie à
laquelle nous assistons va. à la fois, permettre et favoriser
le développement des revenus sociaux auquel nous accule le progrès
des techniques. Le volume de ces revenus pourra se déterminer
en fonction du volume des biens et services offerts.
Nous devons à Jacques Duboin ces analyses des mécanismes
de l’économie. Citons les grandes lignes qu’il traça de
l’Economie Distributive qui s’impose :
- 1/ Dissociation entre le travail effectué par un individu et
ses revenus,
- 2/ institution d’une monnaie non circulante remplaçant la monnaie
capitaliste,
- 3/ remise à l’Etat, devenu émanation permanente du peuple
tout entier, du monopole d’émission des moyens de paiements.
La parole des « planistes », pour la législation
de l’économie d’abondance, devra s’exprimer sur ces bases objectives,
ou bien restera du verbiage intéressé ou de la propagande
catégorielle qui nous enfonceront dans le chaos.
Etranger
IL y a dix ans, un ouvrage apparemment sérieux, prédisait la famine dans le monde pour 1975. Pas seulement en Inde ou au Sahel, ce qui ne surprendrait personne, mais même dans les pays riches. L’année 1975 s’est écoulée sans
que le manque de nourriture se remarque plus que d’habitude. Cependant,
de doctes experts, dont le président du Worldwatch Institute,
ont déclaré à nouveau, en 1975, que les réserves
mondiales de céréales se trouvaient à un niveau
dangereusement bas et qu’il n’existait aucun espoir raisonnable de les
reconstituer. En septembre 1977 le blé déborde des silos
!
L’abondance ne touche pas que le blé. La récolte mondiale
de riz, qui constitue l’aliment de base de tant de nations pauvres,
va battre en 1977 un nouveau record, atteignant 350 millions de tonnes.
La récolte de blé, elle, est en léger recul sur
l’année précédente (390 millions de tonnes contre
415) mais le blé est l’aliment des pays riches qui disposent
d’autres sources de nourriture. Quant à l’Inde, l’un des pays
pour lesquels on « nourrissait » les plus vives inquiétudes
dans les années 60, elle déplore l’insuffisance de ses
capacités de stockage devant une récolte massive de céréales.
Bien sûr, cette abondance ne fait pas le bonheur de tout le monde.
Ainsi, les fermiers américains ont vu avec regret leurs prix
baisser de 165 dollars la tonne en 1973 à environ 73 dollars
en 1977. A propos, le prix du pain et autres aliments à base
de blé a-t-il baissé substantiellement aux EtatsUnis ?
On peut gager que non.
Devant cette situation catastrophique on ressuscite les bonnes vieilles
solutions. C’est ainsi que le gouvernement fédéral voudrait
remettre en jachère environ un cinquième des terres cultivées
en céréales et constituer des stocks. Et pourtant, dans
le monde, des millions d’êtres meurent de faim ou sont sous-alimentés,
faute de pouvoir acheter le blé dont ils ont besoin au prix où
il est offert sur le marché mondial. Car le blé est encore
trop cher pour eux. Or, il faut bien que le producteur couvre ses frais
et fasse un bénéfice, s’il veut vivre et si l’on veut
qu’il continue à produire. On ne saurait le lui reprocher.
Alors, les experts des grands pays exportateurs (Russie, Australie,
Canada et Etats-Unis) se sont réunis, conscients qu’ils sont
du problème économique et moral que pose l’abondance de
céréales dans les silos des pays producteurs. Ils envisagent
sérieusement de créer des réserves internationales
de produits alimentaires achetées à prix élevés
aux producteurs et revendus à un prix abordable ( ?) aux utilisateurs
nécessiteux. Ces réserves ne seraient pas constituées
et gérées uniquement par les pays producteurs afin que
le coût, sans doute élevé, d’une telle opération,
soit réparti sur le plus grand nombre de pays. Une sorte d’aide
sociale internationale, en somme, à l’intention des nations défavorisées.
Ce serait là une intéressante extension à l’échelon
mondial des transferts qui s’opèrent déjà communément
à l’intérieur des frontières de certains pays.
Va-t-on vers une sorte de redistribution des richesses ? Si oui, pourquoi
ne pas s’inspirer des leçons de l’économie distributive
?
Quant au riz, dont tant de pays pauvres ont un besoin vital, il n’est
pas question pour l’instant de lui appliquer une telle solution car
les pays riches n’en produisent pas en excédent.
Le Président CARTER a été accueilli fraîchement lors de la tournée qu’il a faite dans plusieurs Etats les 21 et 22 octobre dernier : sa popularité aurait baissé de 29 % dans l’Iowa et d’une manière générale dans tous les Etats « agricoles » car les revenus des agriculteurs ont beaucoup diminué par suite d’une baisse importante des cours des produits agricoles alors que la récolte des céréales atteignait un niveau record.
*
A Detroit, capitale de l’automobile, des chômeurs ont rappelé crûment au Président que .les Etats-Unis comptent plusieurs millions de personnes démunies à l’extrême.
*
Le Président CARTER ne manque pourtant pas
de courage en s’attaquant de front aux compagnies pétrolières
qu’il assimile à des « profiteurs de guerre ». Les
compagnies empochent en effet les surplus de ressources dégagées
par la hausse des prix des carburants.
Qui gagnera ?
*
Pendant ce temps le dollar continue à baisser.
Ce qui inquiète fort les responsables des banques centrales européennes
qui, allez savoir pourquoi, qualifient cette baisse de « contre-
production » pour l’économie internationale.
Ils n’ignorent pas en effet que l’énorme déficit du budget
américain et la baisse du dollar résultent d’une politique
délibérée du Président Carter destinée
à favoriser les exportations américaines.
*
Ces mesures ne sont cependant pas du goût du
Président de la Banque Fédérale des EtatsUnis,
M. BURNS, économiste orthodoxe, qui considère que l’augmentation
des dépenses des consommateurs a peu de chance de contribuer
à une quelconque réduction du chômage, et que les
profits des entreprises sont insuffisants.
On croirait entendre M. BARRE dont les plans successifs remportent les
succès que l’on sait 9,7 % de hausse en un an (pratiquement le
même résultat qu’avant le plan) et 15 % pour les produits
alimentaires ; quant au chômage, il ne cesse de progresser malgré
les opérations de propagande du type « 300 000 emplois
nouveaux » qui ne trompent personne.
*
En fait d’emploi, il s’agit le plus souvent de stages en entreprise offerts à des jeunes de moins de 25 ans n’ayant encore jamais travaillé. Ces staries sont rémunérés à 90 % du SMIC par l’Etat et ont une durée de 6 à 9 mois mais ne constituent en aucune façon une préembauche. Tout cela nous mène jusqu’à fin mars 78, c’est-à-dire après les élections législatives : si la gauche l’emporte, c’est elle qui héritera des nouveaux chômeurs. Si la droite gagne, elle disposera d’un nouveau réait de plusieurs années pendant lequel elle pourra continuer à Pratiquer sa politique d’austérité pour les travailleurs. Dans tous les cas le chômage augmentera.
*
Comment pourrait-il en être autrement puisque
l’automatisation et l’informatisation suppriment toujours plus d’emplois
dans l’aéronautique par exemplle, malgré le doublement
des commandes en 1977, qui assure deux à trois ans de travail,
le Président du groupement des Industries Francaises Aéronautiques
et Spatiales ne cache pas que la réduction des effectifs commencée
en 1976 devra se, poursuivre en 1977 et 1978. L’augmentation du parc
de machines-outils automatisées pour la fabrication en série
a amélioré la productivité et permis d’accroître
la fiabilité des matériels, ce qui a rendu leur entretien
plus simple et plus facile.
Dans les assurances, les banques, le crédit, le commerce, dans
les organismes sociaux, « l’investissement dans l’informatique
ne crée plus d’emplois mais provoque à terme des effets
de déqualification et de suppression de postes », à
déclaré M. BLONDEL, secrétaire général
de la Fédération Force Ouvrière.
*
Le remède (bien connu de nos lecteurs) à
ce problème du chômage ne peut être que la réduction
de la durée du travail sans perte de salaire, bien entendu. Cette
idée semble enfin faire son chemin dans les syndicats : la C.F.D.T.
et la C.G.T. commencent à populariser l’idée de la semaine
de 35 heures, F.O. demande une cinquième semaine de congé.
Quoi de plus réconfortant donc pour nous d’entendre M. Blondel
(F.O.) déclarer : « En réduisant la durée
du travail, on .crée des habitudes et des besoins nouveaux, donc
des emplois pour permettre des activités de loisir corporel ou
culturel. Les employés F.O. appellent donc le droit à
la paresse au secours de l’emploi ».
*
Bien entendu, le « meilleur économiste
de France » ne veut pas entendre parler de telles mesures «
qui nuiraient à l’effort individuel et collectif qui s’impose
à notre pays ». Et d’ajouter : « Nous continuons
à vivre comme si la France n’avait pas à investir... Est-ce
que notre économie pourra supporter des superstructures sociales
beaucoup plus généreuses que celles de nos principaux
rivaux ? ».
M. BARRE, dont ’la politique de classe s’affirme chaque jour davantage,
ignorerait-il qu’en République Fédérale Allemande,
par suite d’allègements fiscaux, la masse des ressources laissées
à la disposition des citoyens augmentera de 11 milliards de Deutschmarks
?
Il est vrai que, malgré ces mesures, les experts allemands se
demandent si les entreprises se décideront à reprendre
leurs investissements car, dans le meilleur des cas, leurs capacités
de production continueront encore à être sous-utilisées
pendant de nombreux mois.
*
La productivité des travailleurs américains
a augmenté au troisième trimestre de 1977 à un
rythme annuel de 4,9 %.
Cette hausse reflète une progression de la production de 4 %
et une diminution de 0,8 du nombre d’heures travaillées.
Soit dit en passant
Le meilleur économiste français vient
de rater une belle occasion de décrocher le titre de meilleur
économiste international.
M. de Guiringaud, notre ministre des Affaires étrangères,
lors d’une petite visite en Tanzanie où on l’avait envoyé
parler buiseness, s’est fait quelque peu malmener par les autochtones
à sa descente d’avion sur l’aérodrome de Dar-el-Saalam,
et même saluer aux cris de « go home », ce qui, en
tanzanien, signifie : foutez le camp !
M. de Guiringaud, qui ne s’attendait pas à un tel accueil, après
quelques minutes de réflexion, le temps de traduire en français
moderne, a repris ses cliques et ses claques et regagné précipitamment
l’hexagone, où il fait quand même meilleur que chez les
sauvages, pour aller raconter sa mésaventure au Premier ministre.
Mais le Premier ministre a bien d’autres soucis en tête en ce
moment avec les élections qui approchent, le plan Barre gui reste
en plan, et tous les enquiquinements que peut avoir un chef de gouvernement,
le chômage, les prix, la relance, l’opposition, Chirac et le reste.
Alors, la Tanzanie, comment qu’il s’en tape !
Bref, la France éternelle vient d’essuyer un affront à
la face du monde, et la France éternelle n’a pas bougé.
Mais de quoi qu’on a l’air ?
Autrefois on aurait pas laissé ça là. On savait
se faire respecter. Pour un simple coup d’éventail, c’était
pas bien méchant du Bey d’Alger à notre ambassadeur, on
envoyait une canonnière en Afrique du Nord, suivie d’un corps
expéditionnaire,’ du père Bugeaud avec sa casquette, et
on allait planter le drapeau tricolore sur la casbah, pour laver notre
honneur national outragé. Et ça se terminait par un défilé
sous l’arc de triomphe et un nouveau chapitre à, l’histoire de
France...
Tandis qu’aujourd’hui...
On avait là, pourtant, une belle, occasion de remonter le moral
des anciens combattants, de réveiller la Bourse, qui reste encore
un peu somnolente malgré la rupture de l’union de la gauche,
et réveiller notre économie déprimée.
Le coup de pied au derrière - soyons poli - encaissé par
M. de Guiringaud c’était tout de même un casus belli, comme
on dit en langage diplomatique. Dans cette période difficile
que nous traversons, et pour une fois qu’on avait un ennemi héréditaire
sous la main, c’était le moment ou jamais d’y aller. Rien de
tel qu’une bonne petite guéguerre fraîche et joyeuse pour
relancer les affaires, et réaliser le plein-emploi.
Comment a-t-on pu hésiter ? La Tanzanie ne nous fait pas peur,
tout de même ?
Une supposition qu’on aurait déclaré la guerre au président
Uyeréré, mobilisé deux ou trois classes, qu’on
serait allé chercher Bigeard dans le maquis et qu’on l’aurait
envoyé avec ses paras remettre un peu d’ordre en Tanzanie et
dans les pays voisins. en récupérant au passage l’Algérie
française, hein ? Ca aurait fait de beaux sujets de conversation
et de beaux thèmes de discours. Au lieu de pleurnicher sur la
hausse des prix, le chômage, les impôts, et tout. Et en
plus, cela nous aurait débarrassés de cette jeunesse contestataire
et aux cheveux longs, dont on ne sait que faire.
Je sais bien que ce serait payer un peu cher la relance espérée
d’un système économique moribond que pas plus le programme
commun que le plan Barre ne peuvent sauver.
Mais il n’y a pas d’autre choix, pour ceux qui nous gouvernent et ceux
qui aspirent à nous gouverner : la crise qui, entre l’inflation
et le chômage peut nous entraîner dans la guerre, ou l’Economie
Distributive.
Nous publions ici des extraits d’un rapport de l’équipe féminine d’action catholique de Bordeaux.
La doctrine chrétienne la plus classique s’est toujours efforcée d’élaborer des règles concrètes pour les sociétés qui se veulent filles de Dieu.
Le principe premier de cette doctrine sociale consiste à considérer que les biens de ce monde ont une finalité et une destination communes. Celui qui dispose en propre d’une chose (le propriétaire) n’en étant que le gérant aux yeux du Créateur qui a donné la terre en partage à tous...
Il est clair, toutefois, que des directives chrétiennes
inspirées de la prescription « Aimez-vous les uns les autres
» ne sauraient être les mêmes dans une société
patriarcale et dans nos démocraties industrielles. Elles ne peuvent
pas, davantage, être identiques là où existe la
disette et là où règne l’abondance. Nos sociétés
de consommation qui fouissent de mille commodités et cultivent
au seul profit de quelques-uns un luxe souvent puéril, sont certainement
plus pécheresses en ignorant les indigents que des sociétés
en proie à toutes sortes de restrictions. D’où la nécessité
pour l’Eglise d’analyser les situations de lieu et de moment, pour en
dégager une doctrine sociale suffisamment précise pour
être efficace...
Les chrétiens n’ont plus le droit, sous prétexte de ne
pas empiéter sur le domaine économique, de se refuser
à constater qu’il y a désormais incompatibilité
entre le bien commun et un régime de profit qui exige une rareté
artificiellement entretenue.
L’Eglise n’a pas hésité à condamner le libéralisme
économique qui fait de l’homme une marchandise, puis le Communisme
qui a abouti à un césarisme cumulant tous les pouvoirs.
Elle se doit pareillement de condamner un système dépassé,
devenu parasite et usurier puisqu’il ne peut plus subsister qu’en anéantissement
ce qu’il a ou pourrait créer...
Dans le régime actuel, on le sait, le bénéfice
diminue avec l’importance des quantités produites et il se transforme
en déficit dès que des surplus se font jour faute d’acheteurs
ayant les moyens d’acheter. La baisse est, alors, beaucoup plus que
proportionnelle aux quantités excédentaires. Au dire des
organisations agricoles. la France pourrait nourrir plus de 100 millions
d’humains, mais comment le ferait-elle dans un système où
cette abondance se traduirait par la disparition des agriculteurs et
de l’agriculture ? C’est le phénomène typique de la misère
des uns malgré l’abondance et de la misère des autres
à cause de l’abondance...
Qu’on le veuille ou non, force est de prendre conscience que notre régime
économique est, par suite de l’évolution technique, devenu
anti-chrétien par nature. Les chrétiens seraient-ils les
derniers à se croire autorisés à en convenir, pour
respecter une théorique neutralité ?...
Mgr RODHAIN l’avait bien compris lorsqu’il écrivait : «
Partager est devenu le maître mot de la spiritualité moderne
».
Il n’est pas, sans doute, du rôle de l’Eglise d’étudier
les modalités de la révolution qui nous fera passer d’une
économie marchande à une économie partageant équitablement
les revenus, le travail et le pouvoir. En revanche, il est de son rôle
de se prononcer en faveur de ce partage en face de l’évident
anachronisme d’un système conçu pour la rareté.
A l’heure où le progrès technique permet de produire de
plus en plus avec de moins en moins de main-d’oeuvre, l’économie
ne peut plus avoir pour souci premier de créer des profits et
des emplois. Il s’agit, plutôt, de créer de plus en plus
de productions utiles, puis de les partager correctement.
Une explication complémentaire s’impose :
Les fondateurs de l’économie politique ont toujours raisonné
dans un contexte de pénurie. Ils l’ont dit eux-mêmes. A
cette époque, la concurrence pouvait engendrer l’exploitation
de certains. Elle l’a fait et l’Eglise s’est insurgée. Du moins
ce régime a-t-il suscité les extraordinaires rendements
que nous connaissons aujourd’hui...
Mais, qu’on le veuille ou non, il faudra en venir à ranger tous
les citoyens dans l’une ou l’autre branche économique, en qualité
de producteurs actifs ou d’avants droit passifs (vieux, enfants, mères
au foyer, handicapés, ou inaptes). A chacun sera attribué,
alors. un revenu minimum, assorti, le cas échéant, d’un
complément économique d’émulation. Ce dernier devra,
d’ailleurs, être de puis en plus modéré au fur et
à mesure que croîtront l’automatisation et les possibilités
d’abondance, sous peine de revoir les produits s’accumuler devant des
clients n’ayant pas les moyens de les acquérir...
Il ne nous appartient pas ici d’entreprendre une étude approfondie.
Ce qui précède a uniquement pour but de montrer la nécessité
pour une économie qui a franchi le seuil de l’abondance, de passer
du marchandage à la répartition, sous peine d’être
conduite à sacrifier l’homme à un système d’échanges
: ce qui est le comble de l’usure...
On connaît l’hermétisme de l’Union Soviétique. Aussi l’information, nécessairement officielle qui nous parvient de l’Agence de presse Novosti, réjouira ceux qui apprendront la place désormais réservée en URSS à l’écologie. En voici quelques extraits, issus de « Actualités Soviétiques » :
LA Sibérie. Une taïga vierge et les plus
grandes centrales électriques du monde. Des villes poussant comme
des champignons et des centres académiques. Tel est son aspect
actuel. Mais demain ? La Sibérie industrielle pourra-t-elle mettre
en valeur des centaines de milliers de kilomètres carrés
d’un territoire jusqu’alors désertique et en même temps
garder l’air et l’eau les plus purs du monde ? Ce trésor inestimable
qu’est la forêt n’aura-t-il pas à en souffrir ? Arrivera-t-on
à créer des ensembles rationnels dans l’utilisation de
la nature ?
Actuellement, le milieu essentiel où réside l’homme, c’est
la ville. Selon les prévisions des spécialistes du futur,
à la fin de notre siècle, les trois-quarts de la population
de l’Union Soviétique vivront dans les villes. Comment concilier
les exigences du progrès technique avec la santé des gens
? Peut-on construire de grands centres industriels sans perturber l’équilibre
écologique dans la nature ? Quelle doit être la ville de
l’avenir ? Bien entendu, une seule réponse à ces questions
est impossible. Mais beaucoup de ce que l’on fait actuellement en Sibérie,
peut constituer une composante du modèle des futures relations
entre l’homme et la nature. Et, peut-être, ce qui est le plus
important, l’évolution se produisant sons nos yeux, de ce que
devrait être le caractère de ces relations.
Les capacités de reproduction des racines des arbres du Nord
sont faibles, le renouvellement de la taïga exige cent ans...
Cela signifie qu’il faut se préoccuper de la pureté de
l’air ambiant. Le splendide Enisséï s’est taillé
son cours, les « piliers de pierre » extrêmement pittoresques,
s’élevant au-dessus de cette mer sans fin que constitue la forêt.
Toute cette beauté oui vous ébranle, l’air, le silence.
on oublie malgré soi où l’on se trouve. Et pourtant. il
s’agit d’une région industrielle. Krasnoïarsk est le coeur
de la puissante industrie de la Sibérie Orientale, tandis qu’à
Divnogorsk on avait construit la plus grande centrale hydroélectrique
du monde. C’est pourquoi le slogan se trouvant à l’entrée
de la ville des académiciens à Krasnoïarsk n’est
pas tellement idéaliste lorsqu’il proclame : « Préserver
la nature non contre l’homme mais pour l’homme ! ».
Ici, dès que l’on quitte l’asphalte, on peut pénétrer
dans un bois de pins exubérant : dans l’enceinte de la ville,
on a conservé des centaines d’hectares de véritable forêt.
Qui plus est, comme s’ils voulaient en remontrer à l’immense
complexe industriel en construction ces dernières années,
sur une surface de trente hectares, les citadins ont planté des
milliers de jeunes plans.
Le bois inclu dans la ville et la zone de verdure constituent les éléments
obligatoires de pratiquement toute grande ville sibérienne. Lorsque
l’on se rend d’Irkoutsk à Angarsk, on peut déjà
voir de loin la masse d’un combinat pétro-chimique. Il en est
de même des cheminées élevées qui exhalent
leur fumée dans le ciel. Tout capteur de gaz ou de fumée
a du, mal à régler le problème. Il faut obtenir
un autre cycle technologique. C’est sur ce problème que se penchent
les spécialistes. Mais il s’agit d’une affaire concernant l’avenir.
En attendant c’est une fois de plus le bois qui nous tire d’affaire.
Le chemin allant du combinat au centre de la ville passe par un important
massif qui constitue une véritable barrière sanitaire
et hygiénique.
C’est la cité des académiciens de Novossibirsk qui gardera
probablement la palme de la primauté parmi des villes sibériennes
encore pendant nombre de décennies. Elle est située sur
le littoral de la Mer d’Obsk (la retenue d’eau de Novossibirsk). La
ville est belle et bien planifiée. L’air est pur et le climat
est sain. Il y a plus de fours ensoleillés que dans les lieux
de cure célèbres de Yalta et de Kislovodsk, ainsi qu’une
immense plage de sable, pouvant recevoir cent mille personnes, qui peut
rivaliser avec les sables dorés et réputés du littoral
de la Mer Noire.
Lorsque l’on considère de loin Akademgorok, on n’en voit point
les bâtiments. On ne voit que la forêt. De hauts pins se
mêlant à des bouleaux aux troncs blancs. Lorsque l’on construisit
ce centre académique, on s’était proposé, semble-t-il,
une tâche irréalisable : conserver intégralement
un paysage naturel. Et on le conserva. On limita la zone d’activité
des mécanismes de construction. Pas un seul arbre ne fut enlevé.
Au contraire, on planta 250 000 arbres et buissons, ayant remis en valeur
150 hectares de plantations. Afin que le bois n’ait pas à en
souffrir, on construisit des sentiers et des chemins pour piétons
avec un revêtement en dur d’une longueur de 40 kilomètres.
...La Sibérie construit. La Sibérie procède à
des expériences, devançant dans cette recherche les critères
des villes et des ensembles industriels.
Parallèlement, l’industrialisation se poursuit :
Programme de mise en valeur de la Sibérie occidentale basé
sur les gisements de pétrole et de gaz, programme de développement
de l’agriculture de la zone des terres non noires, programmes de mécanisation
complexe des processus de production, fourniture à la population
de produits alimentaires selon des normes de consommation basées
scientifiquement, etc.
LES écologistes ont-ils le vent en poupe ?
Trouble-fête, leur groupe de pression pose problème aux
Etats-majors de la politique et de la finance. Ainsi que l’écrivait
dernièrement René Pascal, les écologistes lancent
tant au capitalisme qu’au socialisme un tracassant défi : défi
au capitalisme gaspilleur tirant profit de tout. ; défi au socialisme
prisonnier d’une règle du jeu postulant le plein-emploi dans
l’expansion de l’énergie.
En prenant ainsi le leadership d une campagne ante-gaspillage, les écologistes
menacent directement un système économique auquel, justement,
les gaspillages procurent un ballon d’oxygène dans un marché
déjà anémié qui va se contractant. Mais
comment limiter les gaspillages sans nuire à l’emploi et au revenu
de tant de petites gens ?
Dissocier les revenus de la durée du travail ?
Une utopie ? On en reparlera.
Dans leur marche à l’étoile, les écologistes partent
sans bagage, estimant vain de s’encombrer d’instruments économiques
adéquats, comptant sur leur seule foi pour surmonter les obstacles,
pour ramener les pécheurs à résipiscence.
C’est oublier, cependant, que notre système économique
dans lequel ils entendent déployer leur action, s’articule autour
du profit et que le profit est nécessairement gaspilleur, injuste
et amoral, dévoreur d’espace, destructeur de l’environnement,
de la qualité de la vie. Alors, à quoi bon contester pour
réformer, si le ver est dans le fruit ?
Les écologistes veulent changer la vie mais sans rien changer
au fondement d’un système qui, pour subsister, doit la détruire
un peu partout.
Partout, ils trouveront en travers de leur route la finance omnipotente
avec ses lobbies, ses hommes de main, ses mercenaires, ses médias,
sa contré-propagande, soucieuse de ne pas ralentir la croissance,
de vendre n’importe quoi a n’importe qui, quels que soient les gaspillages,
les nuisances. Une oligarchie bancaire dirige lés mouvements
de l’argent, contrôle la circulation de la monnaie, la création
et l’emploi du crédit. Il est irréel d’escompter balancer
sur la touche d’un coup de gueule ou de plumeau, en manifestant ou en
contestant, les grands de l’industrie nucléaire, automobile ou
pétrolière sans déclencher une réaction
de nature à rendre inopérantes les actions entreprises.
Pourtant, existe une recette miracle propre à museler cette réaction
de la manière la plus radicale : elle consiste a changer la nature,
lé rôle de l’outil monétaire pour en faire une «
monnaie de consommation » distribuée en guise de revenu,
s’annulant à l’achat, non transférable. Alors tout, absolument
tout change : la règle du jeu, les rapports entre employeurs
et salariés, les genres de vie, les comportements sociaux, le
rôle de l’emploi. Libérée de ses freins financiers,
des exigences du profit, de ses gaspillages, la production change d’objectif
et d’échelle : réduction de la durée du travail
par individu, sécurité du revenu, plus d’aisance, moins
de soucis pour tous, des loisirs cultivés, approvisionnés
en suffisance.
Il est temps, à présent, pour les écologistes,
de préparer cette révolution economique, indispensable
pour atteindre leurs buts.
LES partisans de l’énergie nucléaire
sont d’autant plus nombreux que l’on s’élève dans la hiérarchie
sociale. La base rechigne. Il est rare que le vulgaire perçoive
la lumière des sommet. Précisément, en haut des
échelons, plane le Très Honorable (comme disent nos ennemis
les Anglais) Président Valéry Giscard.
Advient-il que l’on décide d’implanter un petit Phénix
à Malville ? Aussitôt, il y a du rififi dans l’Isère.
Ça remue, ça saigne. Si la cîme tourne ses regards
implantationnistes vers la Manche, l’Alsace, le Larzac ou la Vallée
du Rhône, illico les Rhodaniens, les Tarnais, les Alsaciens, les
Manchots, etc., poussent des lamentations, à fendre l’âme.
Aussi ai-je voulu en avoir le coeur net. Il y a 36 000 communes en France.
Je me suis faits embaucher par le C.E.A. et j’ai pris mon bourdon. Les
unes après les autres, j’ai visité, à pied, toutes
ces paroisses, mon père. J’ai étudié tous les sites,
propices ou non ; j’ai coupe et recoupé tous les renseignements
et je me suis annoncé auprès des Conseils Municipaux.
Vous me croirez si vous voulez, j’ai reçu, avec une splendide
régularité, 35 999 coups de pied au cul.
Mais il en faut plus pour me décourager, je me suis pointé
dans la 36 000e et dernière. Là j’ai enlevé la
palme.
M. le Maire m’a ouvert les bras. Le Conseil m’a chanté des los.
La population urbi et orbi a entonné « Halleluia »
; on a jeté des pétales d’ortie sous mes pas. L’accord
a été conclu. Cochon qui s’en dédit ! La ville
accepte l’implantation sur son territoire d’un Hyper-Super Phénix.
Que dis-je accepte ? Elle demande, sollicite, requiert, exige, implore
le gigantesque et fabuleux bidule, chez elle.
Cette commune patriote et valétudinaire c’est, vous m’avez compris...
Chamalières.