DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE
LE gouvernement américain est en face d’un
très grave danger qui menace sa suprématie sur tout le
monde occidental, qu’on pourrait croire, pourtant, solidement établie.
Ce grave danger se place sur le plan monétaire et résulte
de l’obligation où se sont trouvés les U.S.A., ces dernières
années, de payer avec beaucoup plus de dollars que prévu,
les matières premières et le pétrole dont la croissance
de leur production capitaliste avait besoin. Le dollar étant
jusqu’ici considéré comme une monnaie forte, tous ces
fournisseurs n’ont pas trouvé de meilleur placement que de prêter,
d’investir ces dollars... aux Etats-Unis, dont la prépondérance,
dans tous les domaines de l’innovation technologique, leur inspirait
confiance. Pour maintenir leur hégémonie, les Américains
ont utilisé les dollars de leurs créditeurs pour aider
au développement du TiersMonde, dont l’endettement atteint aujourd’hui
près de 300 milliards de dollars (soit 150 000 milliards d’anciens
francs). Il est manifeste que ces pays sont incapables de rembourser
pareille somme.
On comprend dès lors quelle catastrophe ce serait pour toutes
les institutions bancaires rattachées au dollar, si les créanciers
venaient réclamer les dollars qui leur sont dus. Et pourquoi
ne le feraient-ils pas ? On peut même imaginer qu’un vent de panique
financière les amène à se grouper. Ce serait alors
purement et simplement la faillite des Etats-Unis.
Cette crainte, fort bien perçue par le gouvernement américain,
explique toute sa politique actuelle, et en particulier, l’alliance
trilatérale. Le seul moyen de limiter la demande monétaire
n’est-il pas, comme le suggère L. Lammers (*) « d’en limiter
le besoin et, pour cela, limiter la croissance.
Mais il faut et il importe que cette limitation soit mondiale pour qu’elle
puisse avoir quelque chance d’être acceptée, bon gré,
mal gré. Telle apparaît être la conclusion de l’exécutif
américain actuel. »
« L’analyse fondamentale de ce choix », poursuit ce journaliste, « conduit à constater que la limitation de la croissance s’inscrit comme une nécessité monétaire exclusivement, une nécessité absolue pour sauver le dollar et maintenir les U.S.A. en position de prépondérance. Pas du tout fondamentalement par nécessité écologique, scientifiques, d’économies de ressources naturelles... »
Il faut méditer cette hypothèse sur la
stratégie américaine qui pourrait avoir débuté
avec le premier rapport du Club de Rome et des spécialistes du
M.I.T. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
Elle coïncide remarquablement avec le déploiement de la
vaste campagne écologique dont nous sommes témoins.
La croissance pour le profit, la croissance à tout prix, la croissance
anarchique qui n’est pas voulue pour l’homme, pour TOUS les êtres
humains, a été suffisamment dénoncée, sans
cesse, dans ces colonnes, pour qu’il nous soit possible, sans risquer
d’être mai compris, de dire aujourd’hui que la limitation contre
nature de la croissance n’est pas la solution. Et ceci tant que deux
êtres humains sur trois, comme c’est le cas, resteront sous-alimentés.
Cette politique est une nouvelle manifestation de l’incapacité
des dirigeants du monde à adapter leur système monétaire
aux besoins de l’humanité.
(*) Dans « Energies », N° 1087 du 16 septembre 1977.
DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE
ON en aura décidément beaucoup parlé en 1977. Depuis les élections municipales de mars dernier, dans lesquelles ils ont joué un rôle dont l’importance a surpris, les mouvements écologistes n’ont pas chômé, prenant un peu partout des initiatives souvent spectaculaires dont les gouvernements ont dû se préoccuper ; du Canada au Larzac, des bébés phoques aux centrales nucléaires, leurs actions ont été, en France, auscultées avec d’autant plus d’attention que la grande consultation de 1978 approche.
Or chaque fois qu’un mouvement, ou une idée,
accentue son impact sur l’opinion publique, on assiste à l’envol
des suiveurs, désireux de récupérer à leur
avantage le courant ascendant, même au prix d’une altération
profonde des objectifs initiaux. C’est bien ce qui s’est produit cette
année où les partis politiques les plus importants, tout
comme les groupuscules les plus divers, ont allègrement pataugé
dans un vocabulaire dont la publicité commerciale elle-même
n’a pas hésité à s’emparer avec son cynisme habituel
: tout est maintenant biologique, à la mode de grand’mère,
super naturel, etc., etc...
Mais au delà des mots et de la mode, a-t-on vraiment progressé
? A-t-on vraiment défini ce programme d’action cohérente
dont l’urgence apparaît chaque jour plus clairement aux yeux les
moins avertis ?
LE MASSACRE CONTINUE
Je réfléchis à tous ces problèmes
dans mon petit village landais où j’écrivis, en septembre
1973, un article intitulé « L’Oeillet des Dunes »
(GR n° 708 de décembre 1973). Comme prévu, le désastre
s’est accentué au point qu’une émission télévisée
l’a choisi comme modèle de ce qu’il ne faudrait plus faire, mais
tout n’a pas été montré. Personne n’a dénoncé
les agissements des promoteurs qui, en catastrophe, quelques jours avant
l’arrivée des touristes pour les vacances de Pâques, ont
fait boucher et repeindre les fissures de plusieurs centimètres
qui zigzaguaient le long des constructions à peine achevées
; personne n’a parlé de la petite route longeant le chenal marin
qui s’est affaissée à plusieurs reprises tandis que les
« espaces verts » et les « terrasses avec barbecue
individuel » disparaissaient sous les centaines de mètres
cubes de sable que les vents d’hiver ne manquent jamais de projeter.
Et tout cela parce que, à coups de millions, ont été
obtenus des permis de construire dans une zone présentant toutes
les caractéristiques du domaine maritime, travaillée sans
cesse par des marées d’une violence dont les estivants allemands
ou hollandais, principaux acheteurs, n’ont aucune idée.
Cas isolé ? hélas non 1 et à quelques kilomètres
au nord voilà que s’installe MERLIN, le massacreur de la côte
normande et de la Vendée, avec ses énormes moyens, sa
publicité fracassante, ses cubes de béton arrangés
à toutes les sauces dont la laideur est l’image de marque essentielle.
Tandis qu’au sud c’est tout le front de mer de BIARRITZ qui est attaqué.
On a ainsi la quasi certitude que, derrière le décor en
trompe l’oeil de la mode écologique, la machine à gros
profit continue imperturbablement son oeuvre de destruction irréversible
et c’est pourquoi, devant la naissance de nouveaux mouvements, aussi
bien intentionnés et parrainés soient-ils, le scepticisme
est inévitable si ces mouvements ne sont pas convaincus de l’absolue
nécessité d’abattre l’obstacle n° 1 : le régime
financier actuel.
LA VERITABLE ECOLOGIE
C’est ce que j’ai essayé de faire admettre
récemment aux dirigeants du nouveau groupe Paul- Emile VICTOR
derrière lequel se sont rangés les pionniers et les vrais
lutteurs de la défense de la Nature. Jacqueline AURIOL, Alain
BOMBARD, Jacques-Yves COUSTEAU, Jacques DEBAT, Louis LEPRINCE-RINGUET,
Haroun TAZIEFF.
Nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs informés des suites
de cette action destinée principalement à oeuvrer d’une
manière réaliste.
Il faut en effet éviter de tomber dans le piège d’un utopique
rousseauisme, bien évidemment incompatible avec les données
démographiques de notre siècle. Les contestataires aux
longs cheveux, armés de leurs guitares et de leurs bonnes volontés,
ont eu le grand mérite de frapper les esprits, mais le grand
tort de donner des arguments à tous ceux qui voudraient remiser
l’écologie au rang du folklore, et d’assimiler ses disciples
à de doux rêveurs plus ou moins farfelus. Oui, il faut
loger, nourrir, donner des loisirs au plus grand nombre ; oui, il faut
trouver de nouvelles formes d’énergie pour prendre le relais
des sources actuelles basées sur des matières premières
dont les réserves ne pourront que s’épuiser à une
cadence sans cesse accrue. Mais il faut faire tout cela avec le seul
souci de satisfaire les vrais BESOINS des hommes et non de réaliser
à court terme d’énormes profits auxquels tout est sacrifié.
La querelle du nucléaire, par exemple, qui a fait tant de bruit
cette année et suscité déjà tant de violences,
est une fausse querelle. En elle- même la technique de l’atome
peut donner des résultats étonnants si, débarrassée
des fausses priorités actuelles (rentabilité - nationalisme
étriqué - répercussions militaires), elle est mise
au service de l’Homme avec toutes les précautions qu’imposent
la sécurité et la qualité de l’environnement.
Mais pour en arriver à cette « ECOLOGIE des BESOINS »,
il faut deux conditions essentielles. D’abord beaucoup de compétence
technique. Et cette première condition est relativement facile
à satisfaire car, en France et ailleurs, existent des chercheurs,
des savants, des techniciens prêts à mettre toutes leurs
connaissances au service d’objectifs nettement définis.
Mais il faut aussi (je n’ose pas écrire surtout) nous débarrasser
totalement de cette économie de marché, de cette gangue
financière dans laquelle s’engluent les efforts les plus méritoires
et les derniers espoirs de sauver ce qui peut l’être encore.
DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE
Sortant en diagonale de chez moi je croise un regard
oblique dans la figure de mon ami Scoly, géomètre les
jours de pluie.
A équidistance, je lui lance : « As-tu entendu la Radio,
bourriquot ? ».
- A quel propos ?
- L’économie de pétrole ! En avançant l’heure de
soixante minutes on a fait une économie de milliers de tonnes
de carburant !
- Et alors ?
- Comment, et alors ? Mais ça prouve que si on a pas de pétrole
on a vraiment des idées. L’ennui c’est qu’on manque de conviction.
Pourquoi nous limiter à ces quelques milliers de tonnes ? On
peut économiser le double en avançant de deux heures,
le triple de trois heures et ainsi de suite. Si on pousse l’aiguille,
ma fille, de 24 heures, on économise 1/365e de la consommation
annuelle et si l’on quitte la pendule pour le calendrier, en proclamant
par arrêté gubernatorial, que le 30 mars sera à
l’avenir le 1" avril et même que 77 sera 78, on a plus besoin
de pétrole du tout.
- Stop ! Je t’arrête, si on continue comme ça... on devient
exportateur et à qui on le vendra notre pétrole... aux
Saoudiens ?
DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE / SCIENCES ET TECHNIQUES
LES pays occidentaux, et plus généralement
les pays industrialisés, sont secoués par une crise économique
dont la durée inhabituelle est sans commune mesure avec celle
des « récessions conjoncturelles » qui frappent périodiquement
le monde capitaliste : inflation, augmentation continue du chômage,
surproduction agricole, ralentissement de la production industrielle
sont devenus le souci majeur des gouvernants en place et de ceux qui
aspirent à leur succéder.
Pour assurer un impossible et illusoire plein emploi, les uns et les
autres, suivant leurs options politiques, préconisent une croissance
forte, une croissance modérée, une nouvelle croissance,
voire même une croissance nulle. Et, avec un manque d’imagination
consternant, les uns et les autres ressortent des oubliettes les vieux
remèdes qui depuis longtemps ont fait la preuve de leur inefficacité.
Cela va de la surtaxation de certains produits agricoles (lait, matières
grasses...) dont la production est jugée excédentaire
(pays membres de la Communauté Economique Européenne),
à l’idée de pénaliser les entreprises qui mettraient
en service des machines éliminant la main d’oeuvre (C.F.D.T.),
en passant par le retour à la terre et à la nature prôné
par certains écologistes (comme Pétain !) ou au développement
du travail manuel cher au sous-ministre STOLERU. Tous feignent d’ignorer
que les mouvement économiques dépendent presque uniquement
du développement scientifique et technique, et non des phénomènes
monétaires.
Tout montre en fait que l’économie mondiale se trouve à
la fin d’une phase ascendante du cycle de KONDRATIEV. (Kondratiev est
un économiste russe né à la fin du siècle
dernier qui a constaté que le développement de l’économie
se faisait en suivant des oscillations lentes d’une durée de
vingt-cinq à trente-cinq ans correspondant à des phases
de croissance suivies par des phases de décroissance).
L’économiste autrichien SCHUMPETER (mort en 1950) a montré
que les phases ascendantes du cycle de KONDRATIEV correspondaient à
l’apparition et à l’utilisation intensive d’une ou plusieurs
techniques majeures. Il a schématisé ce phénomène
sur le graphique suivant :
Impact des principaux progrès techniques sur l’économie (SCHUMPETER)
Nous voyons que les diverses phases ascendantes correspondent
successivement au développement de la sidérurgie et du
textile, du chemin de fer, de l’électricité et enfin du
pétrole et de l’automobile.
Tout semble donc indiquer que nous nous trouvons à la fin de
la phase ascendante impulsée par le développement de l’automobile
et de l’industrie pétrolière. On peut penser que le «
grippage » du système économique en ce point du
cycle est dû à une augmentation insuffisante du niveau
de la productivité (qui pourtant n’a fait que croître depuis
1947) et qu’une nouvelle phase ascendante ne prendra naissance qu’en
s’appuyant sur de nouveaux progrès techniques.
Il est très vraisemblable, comme le montrent de nombreux indices,
que les techniques qui amorceront le nouveau cycle de croissance seront
essentiellement les télécommunications et l’informatique,
toutes deux dépendant des progrès fulgurants réalisés
par l’électronique et la microélectronique.
Parallèlement aux efforts que nous faisons pour promouvoir une économie correspondant aux besoins des hommes, il nous paraît nécessaire de présenter à nos lecteurs quelques-uns des aspects des nouvelles techniques qui vont rapidement révolutionner notre vie quotidienne. C’est ce que nous allons entreprendre dans nos prochains numéros sous la rubrique « SCIENCES et TECHNIQUES ».
IL vient de m’arriver une aventure qui me servira
de leçon, et je voudrais vous en faire profiter. Hier soir, on
sonne à ma porte. Mon mari m’avait bien recommandé de
ne jamais ouvrir aux gens que je ne connais pas. Mais on ne saurait
passer sa vie à se méfier de son prochain... Bref, j’ai
entrouvert mon huis... Un homme très bien, portant complet, cravate,
cheveux courts et lunettes teintées d’intellectuel, s’est très
correctement présenté, mais en parlant si vite que je
n’ai pas bien saisi et je n’osais pas lui demander de répéter.Comme
j’essayais de comprendre ce qu’il me disait, il a placé, sans
que j’y prenne garde, son pied droit de telle sorte que je ne pouvais
plus refermer ma porte. Malheur ! dès lors, j’ai dû me
farcir tout son boniment, et quel boniment ! Il avait un aspirateur
miraculeux à me vendre. C’est inimaginable ce qu’il a pu me raconter
! J’en ai déjà un ? Aucune importance, il me le rachètera
pour me permettre d’en changer. Le mien marche bien ? Ce n ’est pas
possible. Seul le sien est inusable. Et puis aucun ne peut faire aussi
bien autant de travail. Toutes les marques rivales vendent des appareils
désuets qui ne valent rien, il les connaît tous. Le sien
est tellement meilleur que c’est, en fait, pour me rendre service qu’il
s’efforce de me le vendre. D’ailleurs cela ne lui rapporte rien, au
contraire, il se sacrifie pour m’offrir cette chance de me simplifier
la vie. Il ruine sa santé à faire des démarches,
mais il a une famille à nourrir. Il me conseille de passer commande
tout de suite, car demain les prix vont augmenter et j’aurai gâché
une occasion que je regretterai amèrement, etc...
La force de cet homme résidait dans sa façon de parler,
sans reprendre souffle, sans me laisser placer un mot, dans sa rapidité
pour sauter d’un argument à un autre sans me laisser le temps
de réfléchir, et je compris vite que je n’avais plus qu’une
seule chance de le voir partir avant que mon rôti ne soit brûlé
: lui passer la commande qu’il voulait. C’est par lâcheté
et par lassitude qu’on cède à ce genre de baratineurs,
pour se débarrasser d’eux et de leurs discours. Et c’est ainsi
que des gens qui se disent probablement non violents vous anéantissent
pas leur violence... verbale.
Cette aventure a eu toutefois l’avantage de m’amener à réfléchir.
Combien de faits, me dis-je, se déterminent ainsi, par la force
de persuasion d’un bonimenteur ? Du camelot qui se transforme en clown
dans les couloirs du métro au démarcheur à domicile
qui a une police d’assurance, une voiture ou un appartement à
placer, aussi bien que du porte-parole d’une association qui propose
ses théories comme on vante une marchandise au responsable d’un
parti politique qui se meut en vedette de télévision,
notre monde capitaliste exalte dans tous les domaines le don d’éblouir
ses semblables pour mieux les contraindre. Combien de gens votent sur
l’impression laissée par les camelots de la politique et décident
ainsi de notre destin ?
Au fond il y a un point commun à tous ces gens qui vivent de leur « bluf » : ce qu’ils cherchent à placer, ce n’est pas leur marchandise, contrairement à ce qu’ils prétendent, c’est eux-mêmes ! Soit parce qu’ils trouvent ainsi leur salaire, dans cette triste société de profit. Soit parce qu’ils éprouvent le besoin de se voir toujours placés à l’avant-scène pour mieux s’entendre parler.
Les partis politiques, et même jusqu’aux mouvements d’extrême gauche (qu’on peut croire plus sincères car ils savent n’avoir aucune chance) ont parmi eux de ces arrivistes. Même les groupes écologistes, gui sont à la mode, luttent entre eux à celui gui regroupera les autres !
On pourrait espérer qu’une association humanitaire soit naturellement à l’abri de ce danger. Ce serait oublier que plus on est idéaliste, plus on fait facilement confiance. Mais si une responsabilité flatteuse s’y présente, elle peut fort bien tenter un ambitieux gui n’a pas pu, jusque là, trouver de meilleur moyen d’assouvir sa soif de mener les foules. Prendre cette responsabilité pour une « situation », se voir enfin celui gui décide au nom des autres, peut être pour lui le meilleur moyen de se défouler d’un complexe de supériorité.
J’ai compris cette fois pourquoi ma grand-mère disait dans sa sagesse qu’il ne faut jamais se fier aux beaux parleurs. Mais peut-on vérifier toujours ce qu’on vous dit avant d’accorder sa confiance ? Et c’est tellement plus généreux de la donner gratuitement !
EN RELISANT J. DUBOIN
Haro sur le progrès ! Ce n’est pas d’hier qu’on accuse le progrès d’être la source de nos maux. Les lignes suivantes ont été écrites par J. Duboin dans « La Grande Relève » du 16 mai 1959. A leur lecture, on constate qu’en vingt ans les mentalités n’ont guère changé et que la peur du progrès est toujours autant exploitée. N’est-ce pas parce que seul le progrès est révolutionnaire ?
ON se plaint avec raison des difficultés que
nous rencontrons à faire admettre le principe de l’Abondance,
celle-ci bouleversant notre économie actuelle construite sur
la rareté. Nous nous heurtons à l’incompréhension
et surtout à l’indifférence du public que toute nouveauté
désoblige. Chacun éprouve une répugnance en effet
à abandonner les idées acquises et les habitudes prises.
Qu’on se souvienne que le Parlement et l’Université de Paris
voulaient poursuivre comme sorciers les premiers imprimeurs qui vinrent
d’Allemagne s’installer à Paris !
C’est bien loin, penserez-vous peut-être. Mais, au siècle
dernier, les chemins de fer ont soulevé l’indignation générale
! A leur sujet, un aimable lecteur m’adresse une documentation dont
voici quelques extraits :
*
Les caricaturistes s’en donnèrent à
coeur joie. Ils montraient l’effet de ventilation produit par le passage
d’un train : Tous les bestiaux dans les champs seraient renversés.
Et comment le mécanicien pourrait-il rester sur sa locomotive
si elle filait à 35 kilomètres à l’heure ? Quant
aux voyageurs, ne seraient- ils pas complètement gelés
en hiver ? Enfin, dans le moment où la locomotive démarrera,
est-ce que tous les voyageurs assis en arrière ne seront pas
jetés sur leurs vis-à-vis ?
Ces observations judicieuses étaient présentées
au nom du plus élémentaire « bon sens ».
*
Il s’agit là du grand public, mais les élites
? Interrogeons-les
Voici Michelet, historien illustre, professeur au Collège de
France : il soutient que le passage trop rapide d’un climat à
un autre produirait un effet mortel sur les voies respiratoires.
Voici Arago, un des plus grands savants du XIXe siècle ; polytechnicien,
membre de l’Académie des Sciences, directeur de l’Observatoire,
membre du gouvernement provisoire de 1848. En 1838, chargé du
rapport à la Chambre sur une proposition de loi tendant à
la construction d’un réseau, il déclare « Non, vous
ne devez pas vous abandonner aux illusions, même en matière
de locomotive à vapeur ; n’allez surtout pas croire que deux
tringles de fer donneront une face nouvelle aux Landes et à la
Gascogne ». (Rires et applaudissements.)
Et, en sa qualité d’homme d’Etat, il démontrait. chiffres
en mains, que les chemins de fer ruineraient la Nation. « Que
deviendront les rouliers, les commissionnaires, les aubergistes, les
charrons, les marchands de chevaux ? »
Il met aussi en garde les voyageurs contre les maladies nerveuses provoquées
par les trépidations, contre les inflammations de la rétine
que déterminerait la rapide succession des images, et contre
la pleurésie au passage des tunnels, et les catastrophes dues
à l’explosion des locomotives...
Voici maintenant un grand économiste, Victor. Considérant,
le philosophe qui prit la suite de Fourier. Il a calculé soigneusement
que le travail des locomotives sera inférieur au travail humain
pour construire les lignes. Il est évident (sic) qu’elles ne
pourront jamais grimper les côtes, ni mettre en communication
des lieux qui sont à des altitudes différentes. Il pose
enfin une question judicieuse : Créer un long ruban horizontal
et niveler le sol, n’est-ce pas estropier la planète ?
*
En Angleterre, opinion unanime : construire des chemins
de fer, c’est détruire les oiseaux, affoler les bestiaux, tarir
le lait des vaches, provoquer des incendies. Quand on ouvre les premiers
chantiers, il faut les faire protéger par la troupe.
Cette tentative décide Thiers, le grand Thiers, le futur Président
de la République, à faire lui-même une enquête
outre-Manche, car on le sollicite d’autoriser ces mêmes travaux
en France. A son retour, il monte à la tribune de la Chambre
et déclare : « Non, la locomotive trop chargée tournerait
sur place : les chemins de fer ne sont qu’un instrument scientifique
pour les enfants, ils sont sans utilité ! C’est à peine
si l’on construirait 20 kilomètres par an ». Et il termine
par ces mots : « Si jamais je vous demandais de concéder
une voie ferrée, vous me jetteriez à bas de la tribune
! ».. (Les députés se lèvent pour lui faire
une longue ovation.)
*
Vous souriez ? Mais lorsque les premières autos
s’aventurèrent sur les routes, les paysans leur jetèrent
des pierres. Aujourd’hui, ils sont assis dedans et trouvent qu’elles
ne vont jamais assez vite.
Quand, il y a une quarantaine d’années, les rues de Paris n’étaient
encore sillonnées que de voitures à chevaux et de quelques
rares automobiles. qui eût cru qu’un jour viendrait où
il faudrait réglementer la circulation, installer des signaux
lumineux, discipliner les chauffeurs, les contraindre à respecter
une certaine allure, à stopper tous ensemble, etc... Jamais les
Français n’accepteront cette odieuse dictature, aurait-on répondu
ils sont trop indépendants : les Français sont des hommes
libres !
Comme on répète aujourd’hui que jamais ils n’accepteront
de planifier leur production, puis de la distribuer...
*
Maintenant qu’on « assainit » les marchés
sous prétexte qu’ils sont « engorgés » de
produits, que les cultivateurs barrent les routes pour se plaindre de
récoltes « excédentaires », M. Jean Fourastié
enseigne imperturbablement, au Conservatoire des Arts et Métiers,
que ce dont nous avons besoin est encore très rare ; et M. Alfred
Sauvy, au Collège de France, que les défenseurs de l’Abondance
sont des utopistes...
Soyons indulgents, chers utopistes mes frères, car les hommes
sont forcés de s’adapter tôt ou tard aux événements.
A nous d’éveiller leur intelligence !
P.S. - Envoyez cet article à quelque attardé, ce qui évite de lui écrire !
REFLEXIONS
DANS le journal « LE REFRACTAIRE » des
« Amis de Louise LECOIN », nous lisons, sous la signature
de Jeanne Humbert, la présentation du livre de René DUMONT
: « SEULE UNE ECOLOGIE SOCIALISTE » (Laffont - Paris).
Après avoir rendu hommage à R. Dumont sur la continuité
de sa philosophie et de son penchant social, relaté ses dénonciations
du gaspillage de la nature et son émoi à constater la
rapacité et le manque total du sens de responsabilité
des gaspilleurs, Jeanne Humbert conclut que R. Dumont inscrit dans son
livre : - un plan rationnel d’économie équilibrée.
« à la recherche d’un socialisme humain ».
A notre tour nous félicitons R. Dumont pour ce Souci qui est éminemment le nôtre.
Nous ajouterons cependant que : Ce « Socialisme humain » ne pourra s’épanouir que dégagé du profit ; dire qu’il sera précédé par un plan rationnel d’économie équilibrée c’est dire qu’un tel plan est possible avant ; dans notre économie capitaliste, c’est là l’utopie.
Nos amis écologistes peuvent donc encore contester les atteintes à la nature pendant quelques lustres : à supposer que le système du profit ait encore de beaux jours.
Ce qui ne semble pas évident à regarder la chute accélérée de la monnaie et l’accroissement du chômage ; « Celui qui ne peut acheter, ruine celui qui ne peut vendre » disait Jacques Duboin qui préfaça : « MISERE ET PROSPERITE PAYSANNE » de R. Dumont.
Tentons d’écourter ce cheminement « d’ECONOMIE EQUILIBREE ». Rappelons à R. Dumont que naguère il participa à nos travaux pour l’instauration d’une économie qu’impose le progrès des techniques, une économie dégagée du profit l’ECONOMIE DISTRIBUTIVE de l’abondance. Cette voie directe ne serait-elle pas plus courte, et plus rationnelle encore dans la phase critique du profit que nous vivons ?
Devant la montée continue du chômage
(5,8 millions de chômeurs dans la Communauté Economique
Européenne, soit 500 000 de plus qu’au début de l’été)
et constatant que les remèdes classiques de stabilisation et
de relance sont inefficaces, les experts des Neuf pays membres, de la
Communauté sont en plein désarroi :
- les uns affirment que la solution du problème de l’emploi ne
pourra être trouvée que grâce à une croissance
soutenue ;
- les autres pensent que l’obsession du développement industriel
est injustifiée du point de vue de l’emploi car la plupart des
entreprises disposent encore d’une importante marge de productivité
et qu’en fait le secteur industriel est un secteur où l’emploi
plafonne...
Moyennant quoi, suivant on ne sait quelle logique, les uns et les autres
se montrent hostiles aux mesures de réduction hebdomadaire ou
annuelle de la durée du travail, à l’avancement de l’âge
de la retraite, à l’allongement de la scolarité obligatoire,
mesures qui, selon eux, sont coûteuses, généralisables
rapidement et qui entament définitivement le potentiel de production...
Comprenne qui pourra.
Et cependant un point fait l’accord unanime des experts, c’est que le
chômage durera et s’aggravera encore.
Parmi les sans emploi, la part des jeunes de moins de 25 ans ne cesse
d’augmenter. Elle dépasse en moyenne 40 %. Lors du dernier colloque
organisé par le Conseil de l’Europe sur le thème «
Les jeunes et l’emploi », quelques chiffres particulièrement
éloquents ont été avancés : au cours des
dix dernières années (c’est donc bien avant le début
de la « crise du pétrole » qu’on se plaît à
accuser de tous nos maux) le nombre de jeunes au chômage a été
multiplié par 9 en France, par 6 en R.F.A., par 5 en Angleterre,
en Belgique et aux Pays-Bas, par un peu moins de 2 en Italie.
*
Un signe encourageant cependant. Au cours du présent colloque, un des participants, M. Feldheim, professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles, a déclaré que « la plupart des dispositions prises actuellement ne sont que des mesures correctrices superficielles. Ce sont des solutions au coup par coup, souvent improvisées, qui ne touchent pas au fond du problème qui est de trouver un nouveau système économique cohérent où l’emploi et la technologie se marient harmonieusement ». Nous lui envoyons tout de suite « La Grande Relève ».
*
Dans la rubrique « Idées » du «
Monde » des 20 et 21 septembre 1977, le Pr. Friedmann constate
que « le temps disponible pour les loisirs n’a cessé de
croître depuis le début des révolutions industrielles
» mais que « ce temps libéré n’est pas le
temps libre, durée préservée des multiples contraintes
extérieures où, dans une société «
meilleure » la personnalité tenterait de s’exprimer et.
si elle en a l’étoffe, de s’épanouir »...
Mais alors, nos sociétés, qu’elles soient d’abondance
ou de pénurie, la pression des « besoins » et de
la publicité enferme l’individu dans le cycle produire-consommer
et se manifeste sous des formes variées tout aussi contraignantes
».
Parlant ensuite de la nécessité de préparer les
travailleurs à utiliser leur temps « libéré
», Friedmann souhaite que l’Etat consacre des sommes importantes
à l’éducation « véritable » ainsi qu’à
la multiplication et à l’équipement des Maisons de la
Jeunesse et de la Culture. Il pense qu’alors l’homme pourra se «
désaliéner » dans un travail librement choisi.
Il restera bien sûr des tâches ingrates, sans intérêt,
et cela quels que soient les progrès techniques et les structures
sociales, mais « on peut raisonnablement prévoir que la
durée hebdomadaire de ces tâches sera, en tous cas, de
plus en plus réduite et constituera une sorte de service social
d’une trentaine d’heures par exemple, réparti sur un maximum
d’individus actifs ».
Bien que ne proposant pas de mesures monétaires propres à
mettre en place une telle société, on voit que le Pr.
Friedmann s’approche à grands pas de nos thèses.
*
Le « Plan Acier » du gouvernement prévoit
une diminution des capacités de production de 33.7 millions de
tonnes à 31,5 millions de tonnes d’ici à 1980. Entre temps,
l’Etat aura investi dans l’affaire 7 à 8 milliards de francs.
Payer pour produire Moins, c’est une bien étrange politique !
Mais qui donc a dit que le premier Ministre était le meilleur
économiste de France ?
*
En huit mois (du 1er janvier au 31 août 1977)
le déficit commercial des Etats-Unis a atteint le niveau record
de 17,6 milliards de dollars (en 1972, pour l’année entière,
il n’avait été que de 6,4 milliards).
Quoi d’étonnant donc, si pour favoriser leurs exportations, les
Américains font volontairement baisser leur dollar !
LES QUESTIONS AGRICOLES
Poursuivant une série d’articles sur l’agriculture biologique, notre camarade Jean Mestrallet explique aujourd’hui comment on peut lutter contre le parasitisme.
« DE 8 à 18 ans, j’ai été
en proie aux rhumatismes ; j’avais des angines toute les années
», nous dit Monsieur R..., cultivateur au Touvet (Isère).
« Après quelques années d’alimentation saine et
d’homéopathie, tout cela a disparu ».
Le cas s’ajoute à une liste déjà bien longue, même
si l’agrobiologie ne suffit pas toujours à empêcher quelques
drames.
« Maintenant les oiseaux reviennent y compris les rapaces : aigles,
hiboux » (1), nous dit encore notre maraîcher.
Cela n’élimine pas toujours les attaques de parasites. Mais nous
allons voir qu’il faut aborder ce problème de façon toute
nouvelle.
L’agrochimie lutte contre les parasites, microbes, virus, champignons
ou insectes de la manière suivante : destruction par le procédé
le plus radical. Le résultat, vous le connaissez déjà
: plus on traite, plus il faut traiter. Et vous le retrouvez dans votre
assiette... On appelle cela du « Progrès ». Nous,
nous l’appelons un échec complet.
L’attitude de l’agrobiologiste est bien différente.
Dans l’agrochimie, le parasite ou l’agent infectieux est la cause ;
dans l’agriculture biologique, c’est une cause secondaire et d’abord
une conséquence : le parasite ou l’agent infectieux peut vivre
longtemps « en bonne intelligence » avec la plante. Lorsqu’il
attaque, c’est qu’elle est affaiblie pour une raison ou pour plusieurs :
- patrimoine génétique déficient (comme pour nous,
les bipèdes) ;
- manque de certaines substances protectrices (cuivre, magnésium,
etc.) ;
- excès de certaines autres substances (azote, notasse) ;
En un mot. déséquilibre minéral oui traduit souvent
un déséquilibre du sol, incapable de nourrir la plante
correctement (2).
Notons qu’il s’agit là des premières découvertes.
II reste encore beaucoup à faire en ce domaine. Mais l’on est
vraiment sur une voie de progrès, comme en témoigne la
baisse générale du parasitisme et des maladies sur les
exploitations biologiques.
« Alors, pourquoi ne parvient-on pas à les supprimer complètement
? », ne manquent pas de répondre nos adversaires. «
Faut-il laisser les limaces dévorer nos légumes ? ».
C’est précisément à partir de ce problème
que nous allons étudier le parasitisme aujourd’hui. Les limaces
demeurent un cauchemar du jardinier. Nous-mêmes avons été
victimes d’invasions massives, comme un agriculteur maraîcher
du voisinage dont nous admirions les légumes l’année dernière
en pleine sécheresse. Nous essayons pourtant les méthodes
biologiques depuis six ans dans ce jardin et notre voisin lui-même
a banni toute chimie sur ses terres depuis dix ans !
Alors, ne suffit-il pas d’incriminer l’équilibre du sol ? L’appétit
des limaces resterait une cause déterminante ?
En réalité, ce n’est qu’une apparence de contradiction,
car sans rejeter la thèse classique de la prolifération
des mollusques, on peut très bien expliquer les dégâts
par une déficience du sol. Quelques notions courantes nous le
feront comprendre aisément : un bon sol n’est pas seulement un
sol riche. C’est un sol où l’air et l’eau circule facilement.
Pour cela, comme pour maintenir les minéraux en équilibre
et surtout pour permettre leur utilisation par les plantes, il faut
de l’humus en abondance ; nous l’avons déjà vu.
Les pluies diluviennes de cette année ont inondé de nombreuses
exploitations, y compris celle de notre maraîcher, asphyxiant
littéralement le sol. Même en l’absence d’eau stagnante,
comme dans notre jardin, le sol, déjà naturellement lourd,
se tasse. Si bon soit-il au départ, un sol tassé ne joue
plus son rôle comme il devrait. Avec des conditions aussi draconiennes,
le meilleur sol peut se trouver momentanément en difficulté.
(Rappelons au passage les caractères physiques d’un bon sol :
un mélange harmonieux de sable, d’argile et de limon. L’humus
corrige fortement les déséquilibres mais il vaut mieux
y remédier quand on le peut).
La suite est facile à comprendre : les plantes mal nourries deviennent
fragiles et la proie des mollusques ou d’autres parasites. Un sol riche
en humus rétablit l’équilibre, mais entre temps l’attaque
a eu lieu. C’est dans de telles conditions qu’Alvin Seifert a observé
de rares attaques de parasites. Les sols sableux se comportent mieux
cette année, mais certains agrobiologistes estiment qu’une invasion
de limaces révèle une insuffisance de calcaire. La même
observation a été faite par des jardiniers amateurs. Nous-mêmes
avons stoppé l’invasion des limaces sur les pommes de terre avec
du lithothamme (algue calcaire) . A vous de renouveler l’expérience.
Effectivement, les attaques restent souvent sélectives ; là
aussi, nous avons pu le constater. Des choux attaqués par des
limaces restent indemnes une fois repiqués. Il est vrai que nous
n’avions pas ménagé le fumier (composté en surface)
et l’engrais vert. Et il existe des jardins épargnés par
ces rongeuses.
A ceux que nos mésaventures feraient douter des méthodes
biologiques, nous dirons nue notre agriculteur, déjà cité
au début de cette série d’articles pour ses rendements
en blé, a de nouveau une bonne récolte. Mais tout autour
beaucoup se plaignent.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de tous ces faits ?
Tout d’abord adopter une attitude nouvelle vis-à- vis du parasitisme
: c’est un précieux baromètre. Il nous signale que dans
le sol quelque chose ne va pas et que nous allons manger des légumes
dévitalisés, amoindris par certaines carences. Ce n’est
pas une raison pour les laisser dévorer ou les jeter à
la poubelle, mais cela signifie qu’il est nécessaire de rétablir
l’équilibre du sol lorsque l’invasion des parasites se prolonge.
Dans ce cas, apportons un amendement tel que des algues, de la poudre
de roches ou des phosphates naturels par exemple , mieux encore, augmentons
la teneur en humus.
On peut aussi tirer profit de ces manifestations parasitaires en évitant
de repiquer les légumes atteints lorsqu’on possède des
plants en abondance, ou en les arrachant lorsqu’il faut éclaircir.
Quoi qu’il en soit, le cas des choux mentionné plus haut prouve
que les légumes affaiblis peuvent redevenir sains.
S’il est absolument nécessaire d’utiliser le poison (cela peut
arriver pour juguler une attaque massive), procéder comme indiqué
auparavant en le mettant dans des boîtes. Si l’on en manque, éviter
d’en verser des kilos sur le sol. le plus possible hors des planches.
L’industrie serait bienvenue de fabriquer des « rigoles »
en plastique nue l’on pourrait installer dans des sillons avec des granulés
dedans.
La prochaine fois, nous envisagerons le cas des arbres et de la vigne.
Pour ce dernier, nous aimerions que notre camarade Jean Mateu nous dise
comment les gens du Roussillon voient le problème et pourquoi
ils tiennent à sa culture.
Nous remercions aussi Pierre Guillot pour son article. Pourrait-il nous
apporter quelques témoignages supplémentaires ?
Agriculture biologique, médecine naturelle, écoIogie et
économie distributive peuvent s’épauler mutuellement pour
aboutir à ce changement radical espéré par tous
les gens qui veulent en finir avec un monde de plus en plus invivable.
En attendant, que les consommateurs réclament des produits exempts
de pesticides 1 Ils n’ont que ce qu’ils demandent (ou ne demandent pas...)
.
(1) On voit à quelles ahurissantes conclusions
mène l’économie capitaliste : on dépense des milliards
pour fabriquer des tonnes d’insecticides alors que la protection des
oiseaux résoudrait le problème gratuitement !- Mais c’est
justement
ce qu’il ne faut pas.
(2) Lire à ce sujet les ouvrages du R.P. Favier, d’A. Voisin
et de Delbet, en vente à » Nature et Progrès »
ou dans les magasins diététiques.
Projet de lutte contre le chômage :
- Verser une prime aux jeunes sans emploi qui consentiraient à
travailler à l’étranger.
Langage non formulé : Voici de l’argent, déblayez le terrain
de la statistique et allez vous faire pendre ailleurs...
Aveu tacite : Le chômage est devenu une institution permanente.
Cause : Le travail des jeunes, invités à s’expatrier,
est désormais inutile, car il est remplacé par celui des
machines, de plus en plus automatiques.
Remède : Diminuer la durée de travail imparti à
chacun, afin de permettre à tous d’avoir un emploi utile. Cela
n’est pas possible en économie du gain, où une telle augmentation
des charges entraînerait une énorme augmentation des prix.
C’est seulement possible en dissociant le travail du revenu, c’est-à-dire
en remplaçant le salaire, d’ailleurs menacé avec l’emploi
par le travail des machines, par un revenu social.
Causes mensongères pour cacher la vraie cause, et surtout le
remède : la « conjoncture », la « récession
», la « morosité » et autres pauvretés
qui n’expliquent rien, et n’apportent aucune solution. D’où les
palliatifs les plus saugrenus.
Etranger
C’EST aujourd’hui de deux côtés différents
que nous parvient la confirmation, si besoin était, de la justesse
d’appréciation de J. Duboin à propos de ce qu’il exposait
sur le plus grand état capitaliste de la planète.
Du côté gouvernemental d’abord, avec la politique sociale
du Président Carter, ensuite, du côté de l’opposition
avec la position du Parti Libertarian.
L’évolution de l’Etat fédéral s’accentue de plus
en plus vers un « esprit social ». Parmi les projets qui
couvent, le Sénat doit discuter une sorte de garantie à
vie de l’emploi dans l’industrie métallurgique. L’aide sociale
(Welfare), qui a accordé 60 des 400 milliards de dollars du budget
fédéral 1976 pour le seul recours aux mamans seules et
sans travail, y ajoute son appui à 26 millions d’individus sur
les 220 vivant aux Etats-Unis.
Le Président Carter aurait l’intention de faire beaucoup mieux
avant 1979 en garantissant, par exemple, un salaire minimal mensuel
de 2 250 F à toute personne ne pouvant ou ne voulant plus travailler.
Le Welfare constate que le nombre des individus secourus augmente deux
fois plus vite qu’en 1967. Depuis 1957, la population US a augmenté
d’un tiers, mais le nombre des fonctionnaires a quadruplé. Le
Welfare lui-même paye 300 000 nouveaux fonctionnaires.
Comme l’on sait, mondialement, que le fonctionnaire ne risque pas de
produire, on en tirera le douloureux enseignement de J. Duboin : «
Lorsqu’il n’est plus nécessaire de payer un homme pour qu’il
produise, l’Etat doit le payer pour qu’il s’épanouisse ».
L’opposition à J. Carter est, bien sûr, assurée
par le Parti Républicain mais un Parti politique nouveau (fondé
en 1971) « The Libertarian » (200 000 voix aux Présidentielles)
se réclame d’un anti-étatisme absolu : Chacun, capitaliste
et trusts compris, peut faire entièrement ce qu’il veut sauf
l’exercice de la violence physique. Ce Parti qui ressemble au M.F.A.
autant qu’une belette ressemble à un dinosaure, apporte des révélations
qui n’en seront pas pour les abondancistes. Le Liber. tarian est indigné
par toutes les mesures sociales.
C’est dans la Grande Relève que, pour la première fois,
on a pu apprendre que la plus Grande crise économique de tous
les temps, celle du krach financier du fameux « Black Wednesday
» de 1929 n’avait pas connu son terme par application du «
New Deal » de Roosevelt. mais bien grâce à l’intervention
militaire des USA dans le second conflit mondial.
Un livre intitulé « Incroyable machine à pain »
publié en 1975 par un groupe de chercheurs de San Diego (Californie)
se réclamant quelque peu du Libertarian affirme textuellement
dans l’extrait publié par « Le Point » du 11-7-77
(p. 85) :
« Idée reçue et acceptée par tous : c’est
Franklin Roosevelt, avec son « New Deal », après
la crise de 1929, qui a donné le signal d’intervention massive
de l’Etat dans l’économie grâce à ses grands programmes,
ses lois de soutien aux syndicats, le salaire minimum garanti et, surtout,
la fixation du cours du dollar sur l’or, l’interdiction aux citoyens
d’acquérir du métal précieux. C’est ainsi, dit-on,
que Roosevelt a pu gagner la bataille contre la grande dépression
et le chômage.
Tout cela est faux, archi-faux, répliquent les auteurs de «
l’incroyable machine à pain ». Chiffres en main, ils reprennent
et vulgarisent de nombreux travaux « libertarians ». Herbert
Hoover, le prédécesseur de Roosevelt, était déjà
intervenu depuis longtemps. Quant à Roosevelt, il n’a rien gagné
du tout : il a fallu la guerre et la mise en place d’une formidable
machine à produire des armements pour que le chômage soit
résorbé. Cela est tellement vrai, affirment les «
libertarians », que l’Amérique a eu peur de démobiliser
les hommes et les usines en 1945. Elle a inventé - avec la complicité,
il est vrai, de l’Union Soviétique - la guerre froide, la course
aux armements, la conquête spatiale. Bref, l’Etat a dépensé
des milliards pour assurer le plein emploi, clef de voûte des
théories de John Maynard Keynes, l’économiste britannique
maître à penser de Roosevelt et des hommes d’Etat occidentaux
depuis quarante ans.
Aujourd’hui, c’est l’échec partout ».
Tribune libre
SOUS la pression des événements, l’humanité
se trouve devant une alternative : ou une effroyable apocalypse ou une
révolution, véritable mutation de ses structures économiques,
politiques et sociales.
Trois grands fléaux, fruits de l’ignorance, de la volonté
de puissance, de la cupidité, menacent en effet l’existence du
genre humain : l’explosion démographique ; le nationalisme ;
l’économie marchande.
L’explosion démographique.
Chaque heure, la population du globe s’accroît
de 8 000 personnes, soit en un an 75 millions ! Presque la population
de la France et du Bénélux réunis...
« Croissez et multipliez, remplissez la Terre et soumettez-la
(Genèse 1, 28) ». A partir de quel nombre pouvons-nous
considérer la Terre comme remplie par les hommes ? La Bible,
muette à ce sujet, laisse donc aux hommes le soin d’en décider.
Le commandement majeur « Tu aimeras ton prochain comme toi-même
» nous permet de répondre : La Terre doit être considérée
comme remplie à partir du moment où l’accroissement de
la population menace l’épanouissement, le bonheur des humains,
à plus forte raison quand il menace leur environnement et leur
sécurité. Donc planification des naissances.
Le Nationalisme.
Capitaliste ou socialiste, chaque Etat refusera tout
contrôle, d’où l’impossibilité de réduire
les armements, et à plus forte raison leur suppression.
Cette folie furieuse de nos constructeurs aveugles, la multitude d’inconscients
qui laissent faire, sont la cause d’un gaspillage fantastique de richesses
et d’efforts coûteux.
Une seule solution pour sauver l’espèce humaine de l’anéantissement
quasi total : la suppression des armées nationales, prélude
à un Fédéralisme Mondial.
L’intérêt général et les intérêts
individuels, inséparables, exigent la disparition des intérêts
dits ’’ nationaux », antagonistes.
L’économie marchande et capitaliste.
Dans le monde actuel il n’y a que des capitalismes
: celui qu’on appelle libéral et le capitalisme d’Etat «
socialiste ».
Les méfaits de l’économie mercantile ont été
dénoncés depuis longtemps (Jésus - Proudhon - Marx
- Engels - Lénine - Bellamy - Kropotkine - Duboin) : absence
de limites à la propriété, exploitation du bétail
humain, sous-consommation en même temps que lutte acharnée
contre l’abondance.
La recherche effrénée du gain engendre l’expansion constante
d’une production souvent sans utilité réelle ou même
nocive, dont la vente est assurée par une publicité tyrannique,
mensongère et abrutissante. Produire, pour le Profit, n’importe
quoi, n’importe comment avec une inconscience incroyable des conséquences.
Avoir toujours plus, en oubliant d’être. La Révolution
est dans les choses avant d’être dans les esprits.
Une Economie Distributive, axée sur les besoins réels
avec une monnaie gagée sur la production, voilà l’aspect
économique du véritable Socialisme à venir.
S’adapter ou disparaître.
Laisserons-nous tuer nos enfants ou nos petits ?