Les problèmes nés de la monnaie, l’inflation,
la hausse des prix, et ceux qui en découlent, le chômage,
la paralysie des investissements, la course au plein emploi, sont encore
et probablement pour longtemps, au coeur de l’actualité, surtout
depuis le spectaculaire « coup de Barre ». C’est pourquoi
nous avons essayé dans ce numéro d’apporter à nos
lecteurs le fruit de nos réflexions sur ces questions actuelles,
à la lumière de l’enseignement de Jacques Duboin.
Notre camarade Jacques Le Morvan, dans « les fondements de l’économie
capitaliste », page 2, commence par remonter aux sources pour
mettre en évidence le rôle factice attribué au capital
pour décider de la production.
Les lourdes conséquences des bases sur lesquelles repose le système
qui est encore le nôtre, sont ensuite analysées sous divers
points de vue : avec E. Barreau (« Remember », page 2),
Pierre Buguet (« Ce serait trop simple ? », page 3), J.
Carlesse (« Pourquoi l’austérité ? », page
4) et Paul Philippe (« Des faux problèmes et de leur origine
», page 5), Jean Mermende (« Les yeux ouverts », page
3) rappelle celles qui ont déjà souvent été
dévoilées ici-même, et entreprend l’étude
des plus récentes. Ceci lui permet d’aborder les causes particulières
propres à la crise que nous connaissons depuis les toutes dernières
années. Ce travail nous est d’autant plus précieux qu’il
avait été abandonné depuis que Jacques Duboin n’était
plus en mesure d’appliquer lui-même ses méthodes d’analyse
à l’actualité. A ce propos encore, nous suggérons
à nos lecteurs les sujets de réflexion (page 13) que notre
camarade Marcel Dubois avait voulu leur soumettre en décembre
1973... Sur la politique gouvernementale de l’énergie, voici
une mine inépuisée pour des débats que nous avons
l’intention d’ouvrir et qui devraient particulièrement intéresser
les écologistes et tous ceux qui s’inquiètent de la dégradation
de notre environnement.
Les perles de l’actualité récente sont cultivées
et commentées : Gabriel Lafont s’apitoie sur un pauvre octogénaire
qui vient d’être honteusement volé dans : « de quoi
qu’on se plaint ? » page 9. Jean-Pierre Mon passe le fil des jours
au fil de son esprit critique (page 14), tandis que Georges Steydlé
tire la leçon morale de quelques méfaits divers qui ne
le sont pas (page 6), et que François Legueux s’inquiète
des assurances démagogiques faites par François Mitterrand
au patronat (« Quand M. Mitterrand flatte l’encolure » page
5), que César Desteint explique ce qu’est pour nous la véritable
démocratie (page 6) et que Pierre Simon qui commente sa lecture
de « Time », nous fait le point sur le chômage aux
Etats-Unis, page 7.
Pour garder en haleine nos lecteurs, nous proposons à leur sagacité
une devinette qui, bien entendu, a été préparée
à leur intention et ne les écartera pas du sujet qui les
intéresse.
Ce numéro est plus long qu’habituellement : pour les adhérents
du M.F.A.S.D., nous avons consacré plusieurs pages au Congrès
statutaire de l’association, qui s’est tenu, suivant la convocation
régulière du Comité Directeur sortant, le 7 novembre
dernier. Ce congrès, qui doit être le 38e, aura été
marqué surtout par l’espoir, massivement manifesté (comme
en témoigne par exemple le vaste courrier rapporté partiellement
page 15), que le travail d’analyse et de réflexion instauré
par notre fondateur soit repris et poursuivi avec sérieux. Il
s’est déroulé dans un calme qu’il n’avait pas connu depuis
longtemps, chacun des membres présents ayant eu la possibilité
de s’exprimer. Nous avons tous regretté que Charles Loriant,
venu tenter d’empêcher la tenue du congrès, ait refusé
l’offre qui lui a alors été faite de venir s’y expliquer
et qu’il ait préféré partir en promettant d’écrire...
EN RELISANT J. DUBOIN
Aux étudiants en Droit qui « potassent
», en s’épuisant, les 1 500 pages du traité de M.
Raymond Barre : « Economie Politique », placez donc entre
les mains « Rareté et Abondance », ce manuel d’économie
politique dont Jacques Duboin est l’auteur. S’ils veulent bien faire
l’effort de l’ouvrir ils seront conquis dès les premières
pages par la lucidité de l’auteur et ses irréfutables
commentaires. Les 440 pages lues sans fatigue parce que sans ennui,
ils auront enfin compris ce qu’est l’économie politique et formuleront
un jugement sévère sur le traité du professeur
Raymond Barre.
Dès les premières pages de « Rareté et Abondance
», Jacques Duboin analyse comme suit les fondements du régime
capitaliste :
« ...si la nature et le travail ont pu produire
le capital par leurs seuls moyens, on tient la preuve que le dit capital
n’a pas été nécessaire à un moment donné.
Pourquoi le serait- il devenu plus tard ? C’est qu’un jour vint où
le capital s’identifia juridiquement avec la nature qu’il venait d’accaparer.
Depuis lors, il faut, pour produire, du capital et du travail, mais
c’est parce que le capital fournit l’indispensable nature. On comprend
ainsi que le capital joue un rôle de premier plan car, commandant
la production, il commande encore le travail qui, sans la nature, ne
peut rien produire. On ne s’étonne plus que le libéralisme
économique porte souvent le nom de régime capitaliste.
« Mais si l’on observe, plus judicieusement, que le travail, au
sens large du mot, est le véritable agent d’une production qu’on
ne peut isoler de la nature, on fausse compagnie aux orthodoxes pour
qui cette manière de voir est une hérésie. »
Cette remarquable page de philosophie politique ne suffit-elle pas,
à elle seule, pour faire comprendre la puissance d’analyse de
Jacques Duboin ? Pour ceux qui connaissent bien son oeuvre, il ne fait
aucun doute qu’il prend place parmi les plus grands penseurs socialistes.
Il est, à n’en pas douter, LE théoricien du socialisme
moderne.
Novembre n’est-il pas avant tout le mois du souvenir
?
Avec sa Toussaint, lourde de regrets, de souvenirs, de chagrins, ne
représente-t-il pas la détresse humaine dans sa poignante
réalité ? Quelques jours avant cette date, les cimetières
s’animent d’une façon inhabituelle. Ils sont envahis par une
foule silencieuse et recueillie, mais active : qui n’a pas un tertre
à entretenir ? une pierre à rafraîchir ? Le chrysanthème,
le dalhia, l’humble pensée, font d’un champ de repos un merveilleux
champ de fleurs.
L’homme doué de raison peut-il oublier qu’il n’est physiologiquement
que l’égal de ses semblables et cela, de la naissance au trépas
? Si l’égalité existe dans les extrêmes, ne doit-elle
pas exister dans les moyens : ce court espace de temps qu’est la vie
?
Utopie, l’égalité économique ? L’estomac d’un riche
est-il fabriqué différemment de celui d’un pauvre ?
Au lieu de s’acharner à détruire des denrées de
première nécessité, à empêcher d’en
produire, ne serait-il pas préférable de les distribuer
?
En s’accrochant à la monnaie-profit, à la monnaie spéculative,
synonyme d’injustice, de haine, de violence, l’homme tourne le dos à
l’avènement d’une société plus juste, humainement
plus généreuse, plus fraternelle.
La monnaie ne doit être qu’un simple moyen d’échange, sans
plus. Elle doit s’annuler au premier service, comme un ticket de métro,
un timbre qu’on oblitère sur l’enveloppe.
Est-ce donc plus difficile d’attaquer ce problème qui intéresse
chacun de nous, que d’aller explorer l’univers ?
Messieurs les économistes, serait-ce désobligeant de vous
demander de bien vouloir étudier sérieusement ce problème
? Tout le reste a été essayé, sans aucun succès
: la monnaie ne doit pas être un mythe au service d’une classe,
elle doit être au service de l’homme, de tous les hommes, et ceci
sans restriction.
Les coffres-forts sont généralement dans les banques,
en a-t-on vu autour des corbillards ?
N.D.L.R. - Il existe un proverbe anglais : « the last garment is made without pocket », qui se traduit par : « le dernier vêtement est fait sans poche ».
La monnaie s’écoule entre nos doigts, elle
est de plus en plus fluide, elle nous lâche. La capitaliser devient
pour nous un leurre cynique : les 150 anciens francs économisés
il y a trente ans pour l’achat d’une paire de chaussures, ne nous permettraient
plus aujourd’hui que l’acquisition d’une paire de lacets...
Que nous décidions ou non de stabiliser sa « valeur »,
le résultat est là.
Il faut s’adapter à l’évolution et y adapter la monnaie.
La vertu de la monnaie, conçue pour servir la consommation, se
démontre de façon très simple par la parabole du
vigneron que nous a contée notre bon camarade Marcel DIEUDONNE,
dans « La gloire dès banques »
« Un vigneron désargenté fabrique un billet de banque
et l’échange avec un cultivateur contre un sac de pommes de terre
; avec ce faux billet le cultivateur règle les honoraires d’un
médecin, lequel ayant besoin d’un tonnelet de vin se le procure
auprès du vigneron faussaire. - « Tiens, mon billet ! »,
s’exclame ce dernier, et il le détruit. Le billet du vigneron,
quoique faux, a magnifiquement joué son rôle : permettre
à la production de s’écouler et aux services de se manifester.
»
Le service qu’a rendu le faussaire, pour l’accès aux produits,
peut être assuré par l’Etat. Avec l’aide d’organismes de
contrôle de la production, il peut émettre la monnaie en
fonction du volume de celle-ci et nous la distribuer par le truchement
de revenus sociaux, incluant le salaire garanti.
Cette monnaie de consommation devrait s’annuler à l’achat, elle
ne serait pas « fausse » puisqu’elle émanerait de
l’Etat.
Le marché se trouverait « assaini », mais non plus
par le retrait, coûteux et criminel dès produits, mais
par leur consommation.
Et nous ne serions plus condamnés aux travaux forcés,
inutiles ou nuisibles, à seule fin de créer dès
revenus !
Ce serait trop simple ?
Jacques Duboin a démontré :
- que l’économie marchande, fondement du capitalisme, était
née de la rareté, c’est-à-dire qu’elle correspond
aux structures d’une société sous développée
qui n’est pas en mesure de produire en abondance ;
- que le progrès dès sciences et techniques de production
permet, aujourd’hui, de sortir de la rareté et de satisfaire
de mieux en mieux les besoins dès peuples ;
- que les gouvernants dès pays capitalistes combattent l’abondance
car la rareté est la condition du profit ; seuls les produits
rares se vendent cher ;
- qu’ils peuvent détruire dès denrées alimentaires,
arracher des vignes et des arbres fruitiers, stériliser dès
sols, élargir les mailles des filets de pêche, etc... mais
qu’ils ne peuvent s’opposer à l’achat, par les entreprises, de
machines plus perfectionnées qui leur permettent d’accroître
production et marges bénéficiaires en réduisant
les dépenses de main-d’oeuvre ;
- qu’en régime capitaliste la production croît en même
temps que le chômage ;
- que les « crises de surproduction » qui ont secoué
tout le XIXe siècle et qui ont trouvé leur expression
la plus tragique en la crise de 1929, sont la conséquence d’une
évolution économique irréversible ;
- que l’économie capitaliste a atteint ses propres limites et
qu’elle doit maintenant faire place à une économie distributive...
de l’abondance ;
- que cette économie nouvelle est seule capable de supprimer
les crises économiques, le chômage et la sous-consommation
en équilibrant production et pouvoir d’achat des consommateurs,
ce que l’économie capitaliste est incapable de réaliser.
L’APRES 1929
L’application des « recettes » keynésiennes
permit de résorber en quelques années la surproduction
de 1929 et de diminuer le chômage. L’économie marchande
redémarra, les profits réapparurent et une hausse des
prix « rampante » s’établit et dura jusqu’en 1968,
date à laquelle commença la crise actuelle.
En 1961, Jacques Duboin publiait, à la demande d’un groupement
de commerçants, une brochure intitulée : « Pourquoi
manquons-nous de crédits ? ». Il y dénonçait
l’insuffisance des liquidités monétaires par rapport à
la valeur marchande des productions offertes. C’était, en effet,
ce qui caractérisait la situation économique à
cette époque. Mais - et j’attire particulièrement l’attention
de nos lecteurs sur ce point - Jacques Duboin soulignait, à la
page 28 de cette brochure, ce qui résulterait d’une inflation
monétaire, non encore existante
« ... Le danger ne consiste jamais à créer la monnaie
dont les échanges ont besoin dans une économie qui se
développe, mais à en créer bien davantage. Si le
volume monétaire croît de 10% pendant que la production
des biens demeure la même, il est sûr que les clients se
disputent les marchandises qui sont en quantités insuffisantes
: leur prix hausse pour résorber l’argent « excédentaire
»... ».
C’est ce qui se produit actuellement : la production n’a cessé
d’augmenter jusqu’au troisième trimestre de 1974 mais la monnaie
créée par les banques a augmenté encore plus qu’elle...
et elle n’a cessé d’augmenter tout au cours de l’année
1975 bien que la production ait baissé, en volume, de 1,5% selon
les statistiques officielles. Ces statistiques nous apprennent que de
1970 à fin 1974 les liquidités monétaires se sont
accrues de 82% alors que la production nationale ne s’accroissait que
de 67,5%.
Les crédits d’investissements consentis aux grandes entreprises
représentaient 48,2% de la production nationale en 1974, fin
1975 ils en représentaient 53%. Or ce sont ces crédits
qui sont les plus fortement « inflationnistes ». C’est pourquoi
la hausse des prix demeure ainsi que le chômage car ces crédits
permettent aux entreprises d’acquérir des équipements
techniques, des machines, beaucoup plus que d’embaucher des chômeurs.
POUR EXPLIQUER, IL FAUT SAVOIR
Chacun de nos lecteurs doit avoir en tête ces
chiffres et comprendre la nouvelle situation économique qu’ils
révèlent... sous peine de penser, de parler ou d’écrire
selon des réalités économiques d’hier et non pas
de celles d’aujourd’hui. Or, nous sommes porteurs de la pensée
d’un homme qui a su, à tous les instants, analyser avec lucidité
et exactitude les phénomènes économiques de son
temps et qui a tenu à nous mettre en garde contre cette paresse
de l’esprit qui fait les hommes mal informés.
Les thèses de l’Economie Distributive ne finiront par s’imposer
aux hommes de ce temps que dans la mesure où nos analyses, à
nous aussi, seront exactes et incontestables. La responsabilité
de chacun d’entre nous est engagée.
Les uns dénoncent les profits scandaleux, les
autres les salaires trop élevés et les charges trop lourdes,
et, de cette confrontation est sortie l’idée d’un plan d’austérité
que chaque partenaire voudrait voir appliqué aux autres.
Parler d’austérité à l’ère de l’abondance,
ce serait à mourir de rire si ce n’était si triste pour
le plus grand nombre des Français...
Si des producteurs ou leurs distributeurs nous incitent à utiliser
le crédit en exacerbant nos besoins par la publicité,
c’est qu’ils sont en mesure de les satisfaire.
Alors, l’austérité à qui peut-elle servir, ou à
quoi ?
Sûrement à freiner l’abondance de biens mais pas à
rendre les Français plus heureux.
Et cependant tous les partis, de l’extrême droite à l’extrême
gauche (et d’ailleurs tant en France qu’à l’étranger)
sont d’accord sur ce seul point : l’austérité s’impose.-
Ils ne se différencient que sur le choix des moyens de la rendre
plus efficace et sur celui des classes sociales qui doivent, en priorité,
en faire les frais...
Ne nous contentant pas de critiquer, nous proposons la seule vraie solution
: une nouvelle étape vers l’économie distributive. Cette
nouvelle étape prend le contrepied de ce qui est proposé
aujourd’hui ; elle peut se résumer en quelques mots.
Nous allons essayer de le faire.
Pour lutter contre la vie chère : encouragement à la production
non seulement en facilitant les investissements mais aussi en accroissant
le pouvoir d’achat des masses à la mesure de l’accroissement
de la production.
Pour lutter contre le chômage : institution d’un service social
regroupant tous les demandeurs d’emploi, qu’ils soient jeunes en instance
d’entrer dans la vie active ou relevés du travail par la Science.
Réduction du temps de travail dans la semaine, l’année,
la vie, avec conservation des revenus.
Pour donner à l’Etat les moyens de réaliser ce programme
sans impôts : lui rendre son droit régalien de battre seul
la monnaie, en donnant à sa masse totale la possibilité
d’acheter toute la production. (1)
Quant aux transactions internationales, elles n’ont que faire d’une
monnaie forte. Il faut leur garder la forme du troc, plus ou moins multiple,
qu’elles auraient dû toujours conserver. Et si un plan d’austérité
est alors nécessaire, c’est dans la recherche de produits nationaux
pour remplacer les produits étrangers que nous ne pouvons pas
acquérir.
Ces quelques points n’ayant comme prétention que de permettre
la réflexion et préparer les esprits.
(1) N.D.L.R. - Ce monopole de la création de la monnaie par l’Etat supprimerait l’actuelle création monétaire des banques qui, depuis plusieurs années, gonfle les liquidités monétaires au point que la circulation de la monnaie représente maintenant plus de trois fois la valeur de la production nationale offerte, ce qui provoque inévitablement une hausse des prix.
« Faux problèmes » est une expression
qu’il faut éclairer d’une définition précise.
En matière économique et sociale, j’appelle « faux
problème » tous ceux dont les impératifs n’ont pour
justification que de se conformer aux structures en vigueur, alors que
le « vrai problème » consisterait à adapter
les structures aux besoins réels des hommes.
UN EXEMPLE : L’EMPLOI
Un cas de ce genre défraye actuellement la
chronique : celui de l’emploi.
L’emploi est une contrainte et celle-ci n’existe que par référence
aux mécanismes suscités par les structures du régime
actuel. On ne réclame pas l’emploi pour l’emploi, on ne le recherche
pas en fonction de son utilité ou pour le bien-être de
la communauté, on ne le demande même pas en fonction du
« sel » qu’il peut mettre dans l’existence (ce qui n’est
généralement pas le cas), on ne l’exige qu’à cause
de son pouvoir exclusif de distribuer des revenus.
On ne réclame pas un emploi mais un salaire, même s’il
s’agit du cas extrême d’un salaire pour ne rien faire (ce qui
arrive) ou pour effectuer des travaux indéniablement inutiles,
voire nuisibles aux besoins essentiels des hommes, y compris leur besoin
primordial de sécurité (et malheureusement de tels emplois
sont légion).
LA POMME ET LE POMMIER
Nous sommes assaillis de problèmes de ce genre,
de faux problèmes. La société dans laquelle nous
nous trouvons les fait pousser et murir comme le fait un pommier des
pommes. Il ne faut pas en accuser les pommes, mais le pommier.
Ils nous donnent une fausse idée des valeurs fondamentales comme
celle du travail, qui devrait être l’élément libérateur
de notre activité, mais qui est devenu l’expression du mépris
de l’homme, d’une fausse interprétation de son ouvrage, de ses
motivations, de sa nature et de son but.
Il faut désaliéner l’homme. On ne peut le faire qu’en
s’en prenant aux faux principes et à leur application aveugle.
Cela réhabiliterait le travail.
Ce n’est pas difficile à comprendre. Il suffit d’ouvrir les yeux,
de considérer les choses dans leur ensemble et de remonter aux
sources.
Aux sources d’une société qu’un long usage et un long
mépris de la dignité humaine ont pollué jusqu’à
n’en faire jaillir qu’un poison aux effets destructeurs. Aussi est-il
urgent d’en finir avec la société CONTRE l’homme et de
construire la société POUR l’homme.
Une société dans laquelle on ne « travaillera »
pas moins mais autrement.
Où l’on ne fera pas n’importe quoi, selon le bon plaisir de décideurs
irresponsables et incompétents.
Où la joie de la tâche accomplie sera l’un des composants
de la satisfaction de vivre au sein de la communauté.
Une communauté enfin avide de progrès réels ceux
qui ne se traduisent pas par l’aggravation des inégalités,
des injustices et des cruautés, mais par la conquête de
la sécurité, de la dignité et de la liberté.
Il ne s’agit plus là de vagues besoins mais des premiers de nos
droits.
A l’invitation d’une revue économique et de
la télé, le Premier Secrétaire du Parti socialiste,
entouré de quelques amis, a « planché » devant
400 chefs d’entreprises dont 300, d’après un sondage, prévoient
- en la redoutant - sa montée au pouvoir.
Curieux spectacle que ces auditeurs cravatés, imbus de leur importance
et persuadés que, sans le secours de leur haute direction, les
travailleurs se croiseraient les bras, les machines s’arrêteraient
et la terre cesserait de tourner.
En face, le candidat au diplôme de bon citoyen, tentant de les
rassurer et, peut-être, de les séduire.
Quelques chefs seulement siégaient à la tribune et posaient
des questions. Privilège de la hiérarchie, les gros banquiers
défendaient la banque privée (à laquelle le leader
socialiste eut la courtoisie de rendre hommage), des marchands de canons
vilipendaient le Programme Commun (qui prévoit de les nationaliser).
M. Mitterrand a conforté les porteurs d’actions qui, devenus
porteurs d’obligations, seront assurés de recevoir un profit
sans risque, présage d’une vieillesse heureuse.
Il a rassuré aussi ceux qui considèrent que ce qu’on appelle
« l’économie de marché » reste pour lui et
son Parti la seule formule possible.
C’est que l’on se plaît (et nul apparemment n’y trouve à
redire) à jeter la confusion dans les esprits en mettant dans
le même panier le marché du coin où s’achètent
les carottes et les navets, avec ce « Marché », qui
passe loin par-dessus nos têtes, terrain d’exercice des faiseurs
de gros profits (que l’on a toutes raisons d’appeler des profiteurs),
des dominateurs et des rassembleurs de monopoles internationaux.
Que le même vocable désigne deux choses aussi différentes,
c’est déjà, dans le langage, une troublante incertitude.
Mais qu’on entretienne cette imprécision, même - peut-être
- de bonne foi, c’est une preuve d’ignorance ou de tromperie. Voilà
ce qu’il aurait fallu dire - et que personne n’a dit - aux ventres dorés
venus chercher dans ce forum l’art et la manière de supporter
un gouvernement de « Gauche » et de n’en pas moins dormir
sur ses deux oreilles et sur un confortable matelas bien rembourré...
On classait jadis les hommes selon qu’ils étaient
puissants ou misérables. On range aujourd’hui les régimes
politiques suivant qu’ils sont - ou non - pour la démocratie.
Cela permet aux uns comme aux autres de se proclamer plus démocrates
que leurs adversaires.
Ce qu’on ne se demande jamais, c’est de quel genre de démocratie
il s’agit...
LE PARAVENT DE LA CONFUSION
La nuance peut paraître superflue : la démocratie
ça ne se détaille pas, la liberté non plus. Et
pourtant, aussi surprenant que cela paraisse, le mot « démocratie
» comme le mot « liberté », jouit d’autant
de définitions qu’il a de commentateurs.
Ce sont de ces mots que chacun comprend à sa manière.
Quelle est la bonne ?
L’entretien de cette confusion permet aux gouvernants en place de s’abuser
et surtout d’abuser le peuple sur le sens du mot. La démocratie,
apparemment, c’est simple, cela consiste à pouvoir s’exprimer.
S’exprimer pour quoi ? Pour choisir. Mais choisir quoi ?
LE PIEGE DE L’ELECTORALISME
Si cela se limite à désigner Jules ou
Jacques pour décider à votre place, c’est en effet fort
limité.
Si cela consiste à définir une politique c’est mieux,
le sens du mot démocratie devient plus profond. Pourtant cela
ne suffit pas encore.
Jusqu’où va ce droit de choisir ? On peut le cantonner dans l’application
de règles fixées d’avance et une fois pour toutes.
Mais il peut aussi bien concerner ces règles de base. Force est
d’admettre que cette hypothèse n’a jamais été envisagée.
Même quand on a demandé aux citoyens d’un pays d’approuver
- ou de rejeter - une constitution, ce document ne précisait
que les superstructures, jamais les mécanismes fondamentaux de
la société.
Quelles règles de base ont, sur la vie sociale, les effets les
plus directs et les plus importants ? On ne se pose pas la question.
Supposons que, par exception, on la pose. La réponse ne fait
aucun doute, ce sont les règles économiques. Mais au mot
« économie », qui semble avoir un sens restrictif
- et qui est habituellement mal compris - nous préférons
celui de « société » - car c’est bien de cela
qu’il s’agit, en définitive.
SANS LE PEUPLE AU POUVOIR, PAS D’ESPOIR
Quand on nous parle de démocratie, nous demandons
de quelle démocratie il s’agit. Et nous proposons un plan de
société pour les hommes de ce temps qui ne doivent plus
se nourrir d’illusions.
Nous demandons à nos contemporains d’admettre que la société
doit être conçue pour leur rendre - ou pour leur donner
- la parole qu’aucune « démocratie » ne leur a jusqu’à
présent accordée choisir eux-mêmes leur propre mode
de vie, sans aliénation.
Sans ce véritable pouvoir au peuple, tout n’est que tromperie
et manoeuvres électorales.
Méfaits divers
Dans « le Parisien » du 29 octobre 1976,
sous la signature de Marc Blancpain, on peut lire ceci
« Les gens féroces - le mot n’est pas trop fort - sont
de plus en plus nombreux en France, et bien sûr, dans nos grandes
agglomérations. »
« L’autobus est plein à craquer ; un homme âgé,
titulaire d’une carte qui lui donne droit à une place assise,
présente cette carte à la femme qui occupe la première
banquette. J’ai le coeur fragile, dit la femme, je ne vous céderai
pas ma place ! L’homme insiste, la femme tient bon. Le ton monte et
dégénère en querelle. Devant eux, derrière,
à droite et à gauche, il y a, confortablement assis, des
voyageurs jeunes et robustes... Pas un n’aura l’idée d’offrir
sa place pour mettre fin à cette pénible dispute ! Au
contraire, j’en vois qui se mettent à rire stupidement. »
M. Blancpain cite encore deux autres exemples :
Une femme aveugle et sa vieille amie qui souffre de- la hanche marchent
sur le trottoir en se tenant le bras. Elles sont bousculées par
des gens pressés qui parfois les injurient.
Le dernier exemple est celui d’un vieux banlieusard dont la vue a baissé.
Son voisin, profitant de cette infirmité, brise la clôture
de son jardin pour y déverser ses ordures.
La conclusion de ce « Billet du Parisien » est la suivante :
Il y a bien des choses à réformer chez nous. Mais il serait
bon de commencer par l’éducation et les moeurs de certains de
nos contemporains ; comme le disait un philosophe : « aussi longtemps
qu’on n’aura pas changé les hommes, on n’aura rien changé
du tout ».
Eh bien non, Monsieur Blancpain ; ce philosophe se trompe et vous aussi
! Car les goujateries et mufleries que vous dénoncez avec juste
raison, ne peuvent que s’amplifier dans un régime économique
où tout est basé sur la rentabilité et sur le besoin
impérieux d’appliquer le système D pour gagner sa vie.
Je prends le contrepied de votre philosophe en disant : aussi longtemps
qu’on n’aura pas transformé la société de PROFIT
dans laquelle nous vivons, on n’aura rien changé au comportement
malsain de beaucoup de nos contemporains.
Prétendre faire le contraire, c’est mettre la charrue avant les
boeufs.
A propos d’autobus, comme dans votre premier exemple, permettez-moi
de vous relater les faits suivants auxquels il me fut donné d’assister :
Dans les cinq premières années d’après guerre,
pour se rendre des Cités hautes du Plessis-Robinson au Pont de
Sèvres, il fallait une heure et demie, compte tenu du temps de
correspondance du métro. Ceci allongeait donc de trois heures
les journées de travail de nombreux banlieusards.
La R.A.T.P. se décida un jour à créer une ligne
pour assurer directement la liaison. Mais comme il s’écoulait
30 minutes entre deux départs successifs, de longues files d’attente
se formaient le soir à la sortie des usines et des bureaux. Chacun
essayant de « resquiller », on en vint aux invectives et
même aux coups de poings.
Enfin la fréquence des autobus fut augmentée. Il y eut
d’abord un départ toutes les 10 minutes, puis toutes les 7 minutes.
A ce moment-là, presque plus de files d’attente ne se formèrent
et les « bagarreurs » du temps de la rareté, devinrent,
devant l’abondance des moyens de transport, les meilleurs amis du monde.
Voilà bien la preuve que pour réformer le comportement
et la mentalité des individus, il faut commencer par transformer
notre société, c’est-àdire nos conditions de vie.
Étranger :
Malgré la reprise économique en cours
depuis le début de l’année aux Etats-Unis, reprise qui
donne actuellement des signes certains d’essoufflement, le taux global
de chômage est encore [1]de 7,8%. Parmi les catégories
les plus touchées il y a les femmes. Comme la part qu’elles occupent
dans la population active croît constamment, il faut que l’économie
crée de nouveaux emplois pour répondre à la demande
de toutes celles qui attendent. Déjà, trois femmes mariées
sur cinq et une mère de famille sur deux travaillent.
Bien sûr, il y a plus de sans emploi chez les femmes que chez
les hommes. D’abord, parce qu’elles sont moins qualifiées, ensuite
parce qu’elles sont toujours les dernières qu’on embauche mais
les premières qu’on licencie.
Il en va de même chez les jeunes pour qui le problème est
encore plus grave. En effet, si le taux de chômage est de 7,5%
parmi les femmes (il est de 6,1% chez les hommes) il atteint le chiffre
exorbitant de 18,6% chez les moins de vingt ans, soit bien plus que
chez les Noirs chez qui il est de 12,7%.
Constatant l’incapacité de l’économie américaine
à absorber toute cette main-d’oeuvre et soucieux de trouver une
solution, les économistes américains ont fait preuve d’imagination.
Ils ont changé les critères du « plein emploi ».
Jusqu’à présent, on considérait que le plein emploi
était atteint lorsque le taux de chômage global ne dépassait
pas 4%. Désormais ce taux sera de 5%. Il suffisait d’y songer.
Ces quelques faits et cette « anecdote » illustrent encore
une fois l’illusion dangereuse que constitue la notion de plein emploi
dans une économie capitaliste. Le droit au travail ne peut être
garanti et un volant de chômeurs, dont il suffira de remonter
le seuil officiel pour se donner bonne conscience, est le phénomène
le plus normal du monde. Qui souhaite faire partie de ce volant ? L’illusion
que constitue le plein emploi a été vigoureusement dénoncée
par Jacques DUBOIN.
[1] Ce chiffre est cité par la revue TIME (1-11-1976). Il est contesté par l’AFL-CIO, la grande centrale américaine, pour qui le taux réel est de 10,3%. Elle y inclut tous ceux qui, las de chercher en vain un emploi, ont renoncé à travailler.
Soit dit en passant
Le Français, on le sait, et du reste il s’en
vante, s’est acquis depuis longtemps une solide réputation de
râleur dans le monde entier. Ce qui rend notre cher et vieux pays
parfaitement ingouvernable. C’est bien triste. Et il faut vraiment que
nos ministres aient un sacré courage et beaucoup de temps à
perdre pour entreprendre de faire le bonheur de ce peuple impossible.
Certes, tout ne va pas pour le mieux chez nous et les occasions de rouspéter
ne manquent pas. Mais il n’y a que les Français que l’on entend
critiquer systématiquement leur gouvernement. On ne voit pas
ça dans les pays de l’Est. Ni au Chili. Et puis, ça avance
à quoi ?
Tout le monde, je sais, et c’est fort heureux, ne râle pas en
France. Je connais même un brave octogénaire qui aurait
eu de bonnes raisons de ne pas être content, lui, après
s’être fait piquer 800 millions par un truand, et qui n’a même
pas porté plainte. En plus, il a fait l’objet d’un redressement
fiscal d’un milliard et demi, et il garde toujours le moral. De quoi
se flinguer, pourtant. Comme ce malheureux épicier, l’autre jour,
en apprenant la visite des contrôleurs du fisc. L’octogénaire
en question, qui n’aura peut-être plus que sa retraite des vieux
pour finir ses jours à Nanterre, a tenu le coup. C’est beau.
Il nous donne ainsi à tous un bel exemple de civisme.
Je ne puis affirmer que j’en ferais autant si j’étais à
sa place. Tout le monde n’est pas un héros. Et j’admets volontiers
que l’on peut avoir parfois des raisons de manifester sa grogne. Je
vous accorde même qu’après deux années de règne
giscardien, et en pleine société libérale avancée,
il y a comme des bavures dans le système. Et si vous insistez,
je dirai que ça va même plutôt mal. Mais ça
pourrait aller plus mal encore, on n’a pas tout vu. Alors ?
Du reste, notre Président fait ce qu’il peut. Que feriez-vous
à sa place, gros malins ? Il a viré son premier ministre,
un bon à rien, ou tout comme, pour le remplacer par le meilleur
économiste français. Les choses ne se sont pas beaucoup
arrangées depuis, le franc continue à fluctuer et à
mergiturer, la Bourse, n’en parlons pas, le fric prend le chemin de
la Suisse, le chômage atteint le million et les prix grimpent
toujours. Mais si les premiers résultats du plan Barre ne sont
pas très encourageants, grâce à l’augmentation de
la vignette-auto tous les espoirs restent permis.
Seulement faut attendre. Ce n’est pas. en gueulant dans la rue : «
Giscard des sous ! » que cela ira plus vite.
Je sais bien que certains utopistes, pour ne pas dire de doux farfelus,
vous expliqueront que toutes ces difficultés que traversent les
pays occidentaux sont sans remède dans notre système économique.
Car, s’il en existait un, de remède, cela se saurait. A les croire
c’est le système économique qu’il faut changer. C’est
la forteresse de l’Argent qu’il faut abattre. Et sur les décombres
du libéralisme et de l’économie de marché devenue
caduque, fonder le socialisme distributif qu’imposent les progrès
des sciences et des techniques du XXe siècle.
Mais allez dire à M. Giscard d’Estaing, patron de notre économie
depuis dix ans, allez lui dire, même gentiment, qu’il n’est pas
plus fortiche que les autres, ça ne lui ferait peut-être
pas plaisir, à cet homme.
SUJETS DE REFLEXION
La crise actuelle du pétrole illustre parfaitement
les différences fondamentales existant entre une économie
de profit et une économie des besoins.
Faut-il rappeler combien de fois nous avons mis en évidence,
dans « La Grande Relève », l’absurdité des
choix déterminés uniquement en fonction de critères
de rentabilité financière, au mépris des impératifs
de la rentabilité économique ?
Quelques exemples liés au pétrole (parmi d’autres) :
- la substitution des véhicules « Diesel » nauséabonds
aux trolleybus électriques dans de nombreuses grandes villes
;
- l’abandon de certains projets d’usines hydroélectriques ou
marémotrices, sous prétexte que le kilowatt obtenu dans
des centrales à fuel revenait moins cher ;
- l’aberrante politique gouvernementale en matière de transports
marchandises à longue distance, aboutissant à confier
à des poids lourds encombrants, pollueurs et meurtriers, un trafic
de masse que le simple bon sens commandait de réserver aux voies
ferrées.
Dans tous ces domaines, il va bien falloir réviser les options
et réorienter la politique énergétique. Malheureusement,
c’est un domaine où la durée du changement de cap se mesure
en dizaines d’années. A tous les inconvénients, déjà
subis du temps du gaspillage des ressources pétrolières,
vont maintenant s’en ajouter inéluctablement beaucoup d’autres,
lourds de répercussions sur notre vie quotidienne.
Ne nous réjouissons donc pas d’avoir eu raison, et demandons-nous
plutôt pourquoi nos thèses, pourtant solidement argumentées,
sont aussi peu prises en considération par les responsables.
Parmi les très nombreuses explications possibles, il en est une
sur laquelle il me paraît opportun de réfléchir
plus particulièrement.
En gros, on peut affirmer qu’actuellement la rigueur de l’analyse critique
du système économique capitaliste par le M.F.A. est unanimement
reconnue. Pourquoi n’en est-il pas de même de la solution constructive
proposée par J. DUBOIN sous le nom d’économie distributive
?
En démontant le mécanisme de cette dernière, on
constate pourtant que deux de ses éléments fondamentaux :
- la réforme monétaire (substitution d’une monnaie de
consommation à la monnaie capitaliste)
- le revenu social (équilibrant les capacités de production
à la demande réelle et non à la demande solvable),
découlent directement, pour ne pas dire mathématiquement,
de l’analyse critique de l’Economie du profit.
SUJETS DE REFLEXION
Mais on s’aperçoit également que l’économie
distributive comporte un troisième élément, fondamental
dans l’esprit de son créateur : l’égalité économique,
à laquelle J. DUBOIN a consacré un ouvrage complet. Or,
si nous relisons ce livre, nous constatons que ce troisième élément
n’est pas la conséquence directe de l’analyse, mais constitue
un choix basé sur des considérations d’ordre éthique,
on pourrait presque dire d’ordre politique au meilleur sens du terme.
Or - et c’est Jacques DUBOIN lui-même qui l’a souvent dit - la
thèse de l’égalité économique, non retenue
par certains mouvements d’inspiration abondanciste, tels les créditistes
canadiens, est très loin de faire l’unanimité des centaines
de milliers de Français qui reconnaissent le bienfondé
de l’analyse critique. En quoi, entend-on souvent objecter (principalement
dans les milieux composés d’hommes ou de femmes assurant actuellement
des responsabilités), le fait d’allouer un complément
hiérarchique de revenu social (en monnaie de consommation bien
entendu) pourrait- il paralyser le fonctionnement d’une économie
des besoins ? N’en constituerait-il pas au contraire la meilleure approche,
étant entendu que les inégalités économiques
subsistant encore seraient fatalement attaquées sur trois fronts :
- suppression des profits du capital,
- suppression des profits liés aux circuits commerciaux traditionnels,
- relèvement par la base grâce au revenu social.
Ce raisonnement constitue une donnée de fait qui pose au moins
un problème d’opportunité.
Faut-il se placer résolument dans le camp des partisans du tout
ou rien, adversaires irréductibles d’une caricature de mini économie
distributive, incapable de donner naissance au nouveau type d’homme
libre qu’ils ont conçu et souhaité ?
Faut-il rejoindre ceux qui estiment avoir déjà suffisamment
souffert d’une intransigeance à leurs yeux injustifiée
et se rallieraient volontiers à une formule de réalisation
accélérée de l’économie des besoins, alignée
sur les conclusions de l’analyse critique du système financier,
mais comportant des étapes facilitant l’adaptation progressive
des mentalités et des comportements à la plus importante
révolution de l’histoire humaine ?
A chacun d’en juger en se souvenant que l’intolérance, quel qu’en
soit l’objet ou l’orientation, est toujours mauvaise conseillère.
Plein emploi ? Plutôt plein salaire !
« L’assainissement », ça continue
toujours :
Les ministres de l’Agriculture des Neuf viennent de se réunir
pour examiner le plan d’assainissement laitier. Afin d’enrayer la progression
des excédents, la Commission des Communautés Européennes
propose de verser une prime aux exploitants qui renonceront à
la production laitière et d’assujettir les producteurs à
une taxe de « prélèvement de coresponsabilité
».
M. BONNET, ministre français de l’Agriculture, a donné
les raisons de ce nouveau malheur qui frappe l’agriculture : malgré
la sécheresse, la production de lait dans la Communauté
a augmenté de 3% par rapport à la même époque
de l’an dernier, et les stocks de poudre de lait chez les Neuf sont
toujours très importants (de l’ordre de 1 400 000 tonnes).
Mais l’aberration du système ne s’arrête pas là
: en effet ; pour « maintenir des conditions de concurrence équitables
» entre le beurre et la margarine, la Commission suggère
de taxer aussi les matières grasses végétales produites
ou importées dans la Communauté Européenne Economique.
Excellentes mesures, comme on le voit, pour lutter contre la hausse
des prix, priorité des priorités de l’action des gouvernements
européens. Encore heureux qu’il y ait eu la sécheresse
!
Et pendant ce temps des milliers d’enfants meurent de faim dans les
pays du Tiers-Monde.
*
Une vieille idée de Jacques DUBOIN enfin reconnue
: la gratuité totale sur les réseaux de la S.N.C.F. et
de la R.A.T.P.
C’est ce que propose parla bouche de Georges Sarre le Parti Socialiste.
*
Une enquête publiée par « Le Monde
» sur la condition pénitentiaire nous apprend que la population
carcérale est une population jeune et peu instruite : sur l’ensemble,
91% des détenus ont un niveau d’instruction au plus primaire
et 9 seulement un niveau secondaire ou supérieur. Ce qui montre
que les études, même dans le système actuel, ont
un intérêt social évident.
Moralité : Quand Mme SAUNIER-SEITE, Secrétaire d’Etat
aux Universités et M. HABY, ministre de l’Education, aidés
par la loi ROYER, unissent leurs efforts pour freiner l’accès
à l’enseignement supérieur, ils envoient des clients à
leur collègue ministre de la Justice.
*
M. Michel DEBATISSE, président de la puissante
Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles,
réclame un REVENU SOCIAL pour les agriculteurs.
Après avoir rappelé que 45 des agriculteurs ont un revenu
annuel inférieur à 10 000 francs, et qu’il y a parmi eux
1,2 « actif » pour 1 « inactif », à la
question posée de savoir ce que devait faire un exploitant agricole
dont la ferme n’est pas rentable, M. DEBATISSE a répondu
Il faut regarder la situation réelle. Il s’agit de savoir par
quel moyen la collectivité peut lui assurer une amélioration
de sa situation. L’Etat n’a-t-il pas intérêt à maintenir
des agriculteurs qui n’ont pas d’exploitation rentable au plan économique,
mais qui ne vont pas gonfler le nombre des chômeurs ? »
Si ce n’est pas là de l’économie distributive, qu’est-ce
?
*
La Suisse n’est pas un pays comme les autres : A 4
reprises en 1976 les prix ont baissé si bien que l’inflation
cette année n’atteindra pas 1%. Il y a là de quoi faire
rêver « le plus grand des économistes français
», qui devrait un peu réviser ses théories : n’apprend-on
pas en effet que le déficit budgétaire de la Confédération
Helvétique sera en 1977 en accroissement de 36% sur celui de
1976. Et, circonstance aggravante, le ministre suisse des Finances a
averti ses compatriotes qu’il n’était pas question de poursuivre
plus loin les compressions des dépenses sans risquer une réduction
substantielle des investissements et sans porter atteinte aux prestations
sociales de la Confédération.
En France, on veut à tout prix avoir un budget en équilibre,
on ne craint pas de comprimer les dépenses ni de sacrifier les
investissements, moyennant quoi on a un taux d’inflation supérieur
à 12 % l’an.
Allons, M. BARRE, lisez Jacques DUBOIN.
*
Lors de la dernière réunion, à
Alger, du Club de Rome, la dangereuse organisation révolutionnaire
que l’on sait, son président, M. Aurélio PECCEI, à
déclaré : « L’ordre actuel est désuet, i
l n’offre aucune base solide sur laquelle notre génération
puisse construire un futur pour celles qui la suivront. Au contraire,
c’est le futur même qui est en péril à moins que
le système économique ne soit redressé. »
Alors, M. le Président, à quand l’Economie Distributive
?